Le secret du bonheur

 «J'ai appris à être content dans les circonstances ou je me trouve» (Philippiens 4: 11).

Il y a un secret du bonheur que le chrétien seul possède, et qu'il ne possède dans toute sa plénitude qu'autant qu'il vit en communion avec Dieu dans la région de la foi. «Je sais, dit l'apôtre, être abaissé, je sais aussi être dans l'abondance; en toutes choses et à tous égards je suis enseigné tant à être rassasié qu'à avoir faim, tant à être dans l'abondance qu'à être dans les privations». Ce principe trouve sa force dans la certitude que la volonté de Dieu ne peut être annulée et que cette volonté ordonne tout pour le plus grand bien de ceux qui lui remettent leur voie. Il dépend aussi de l'assurance que les sources de notre bonheur sont toutes en Christ, indépendamment de toutes les circonstances qui peuvent affecter le chrétien dans ce monde. Les choses de ce monde peuvent être dans la plus grande confusion, et celles de l'Eglise peuvent paraître en un état qui ne vaut guère mieux, mais cela ne suffira pas pour détruire, ou même pour amoindrir la puissance de ce principe de bonheur, dont parle l'apôtre. Les conseils de Dieu ne peuvent être anéantis, — les conséquences de la mort de Christ ne peuvent être frustrées et les sources du bonheur d'un homme ressuscité en Christ n'ont pas de flux et de reflux au gré des circonstances variables, dont sa carrière terrestre peut être bigarrée. Si la prospérité extérieure me rend heureux, il est clair que mon bonheur ne découle pas entièrement de la volonté de Dieu; si, d'un autre côté, je perds la jouissance de mon bonheur dans l'adversité, il est clair que tout mon bonheur n'a pas eu pour base la volonté de Dieu, qui est toujours parfaite. L'amour de Christ ne change jamais; ses relations avec son Eglise sont toujours les mêmes: l'espérance de son avènement demeure jusqu'à ce que sa venue n'en fasse plus une espérance; et en outre, et surtout, les soins actuels qu'il prend de moi et de tout ce qui concerne le bien éternel de son Eglise, s'exercent journellement.

Alors pourquoi suis-je malheureux? Pourquoi suis-je abattu? n'est-ce pas parce que je désire, par pur égoïsme, soit dans le monde, soit dans l'Eglise, des choses différentes de ce que Christ veut qu'elles soient? Car si Christ est l'objet de mon coeur, j'ai la certitude des conseils éternels de Dieu, concernant la gloire de Christ, comme fondement de mon assurance que je ne saurais jamais manquer le but que je poursuis.

Des coeurs tels que les nôtres peuvent apprendre difficilement à être satisfaits de ce «secret du bonheur»; mais comme il n'y en a pas d'autre pour le serviteur de Christ, de même il est infaillible quand le coeur s'y confie entièrement.

Beaucoup de gens ne se doutent guère que tout le secret de leur malheur est dans leur propres coeurs, et non pas dans les circonstances par lesquelles ils sont appelés à passer. Si le monde ou le moi occupe, dans le coeur, une place qui appartient à Christ, ce principe du bonheur en sera toujours amoindri, puisque aucune théorie de la vérité ne peut jamais conserver le coeur heureux, sans la puissance du Saint Esprit. Or c'est Christ, et non pas le monde, ni les aspirations naturelles, ni l'orgueil de la vie, qui est la grande cause, par laquelle est produite dans l'âme la joie du Saint Esprit.

Il faut que j'apprenne pratiquement ce que c'est qu'être mort au monde, si je veux vivre pratiquement de la vie de Christ. Ce n'est pas là le bonheur de l'indifférence, ce n'est que laisser à Dieu la place qu'il doit avoir selon sa sagesse, sa bonté et l'immutabilité de ses conseils de grâce en Christ Jésus. Il peut y avoir des exercices de l'âme relativement au service de Christ dans son Eglise ou dans le monde; mais ces exercices, bien loin de détruire mon bonheur, ne font que me pousser vers Celui qui me donne le repos, en me faisant connaître que c'est sa sollicitude et sa puissance qui accomplissent tout, et que je n'ai rien à faire qu'à suivre sa volonté qui ne peut jamais faillir. Au milieu des dangers, des difficultés, des travaux épuisants et des mécomptes apparents de l'Apôtre, Christ était tellement suffisant pour son âme qu'il n'avait besoin de rien autre; or Il est de même suffisant pour vous et pour moi. Et si nous ne pouvons, tout d'un coup, nous élever, en pratique, à cette position, parce que nous avons vécu trop longtemps loin de Dieu, et parce que Christ n'a guère été l'objet de nos âmes et la puissance de notre marche, il n'en reste pas moins vrai que c'est une grande chose que de voir clairement où est «le secret de notre bonheur», et où gît le secret de notre infirmité et de nos peines.