Psaume 130

 «O Eternel! je t'invoque des lieux profonds. Seigneur, écoute ma voix! que tes oreilles soient attentives à la voix de mes supplications».

Quand on lit attentivement les Psaumes, qu'on les médite sous le regard de Dieu, on ne trouve pas qu'ils soient, en général, l'expression de l'état d'une âme affranchie, d'une âme qui jouit, en plein, de la délivrance de Dieu: tout y est en espérance. Mais voici ce qu'on y trouve, et c'est bien là, à mon avis, ce qui édifie nos âmes, quand nous les lisons. On y trouve l'expression de la foi et de la confiance que l'Esprit de Dieu produit dans le croyant, au milieu des circonstances où il se trouve. En outre, on peut aussi remarquer le fait que, plus les circonstances, où l'âme doit passer, sont difficiles, plus aussi elles donnent du vif, dirai-je, à l'expression de sa confiance devant Dieu; le verset 1er de ce Psaume, en est un exemple parmi beaucoup d'autres.

Ce Psaume ne commence pas par la louange, mais par la supplication; ce fait découvre l'état de l'âme ici: le sentiment profond des péchés d'Israël, de son état d'éloignement de Dieu. Toutefois, l'expression de la foi y est positive et l'âme se repose entièrement sur l'immanquable fidélité de Dieu envers son peuple. La position humiliante où l'on voit ici le peuple de Dieu, est caractérisée par ces paroles: «lieux profonds». Ce n'est pas être élevé en gloire à la vue des nations, comme c'était le cas, lorsqu'Israël marchait avec Dieu; ici, le peuple est humilié, étant mis à la queue et non à la tête des nations (Deutéronome 28: 43-44). C'est donc de là, des lieux profonds, c'est-à-dire, du sein d'une humiliation sentie, que l'âme crie à Dieu, qu'elle lui présente ses supplications avec une si grande énergie de foi; en présence même des fruits produits par une volonté non soumise à Dieu: «O Eternel! si tu prends garde aux iniquités, Seigneur, qui est-ce qui subsistera?». Souvent il arrive que la vue de nos infidélités tend à affaiblir en nos coeurs la confiance que nous pouvons et que nous devons toujours avoir dans les compassions infinies de Dieu; ici, ce n'est pas le cas. L'âme jugeant l'état de misère du peuple de Dieu, ne peut chercher, dans ce peuple, un moyen quelconque de salut: de ce côté-là, tout est perdu. Si Dieu tient compte à l'homme de ses iniquités, impossible à lui de subsister en jugement devant le juste Juge. La justice ne tolère aucune trace de péché devant Dieu. Voici donc ce qui ouvre à l'âme une porte de salut pour s'approcher de Dieu (verset 4): «il y a, dit-elle, pardon par devers toi»; et ainsi par la foi, l'âme s'élève au-dessus du péché et de son jugement. C'est vers Dieu que l'âme cherche sa délivrance, c'est le pardon qu'il lui faut, et ce n'est qu'en Dieu qu'il se trouve. Ainsi, quoique l'état de péché d'Israël pèse de tout son poids sur l'âme du résidu, elle retrouve toute son énergie, en élevant sa pensée vers Dieu, car là est Christ! celui qui par sa mort a expié le péché, au sujet duquel le coeur souffre. Il y a en lui rédemption abondante et parfaite; Il est «par-devers» Dieu la réponse bénie à tous les besoins, à toutes les souffrances de l'âme. Du moment que la foi voit Christ, toute son énergie se déploie, car si la justice de Dieu a pu être satisfaite en Lui, le pécheur qui regarde à Lui ne sera-t-il pas satisfait aussi? La vue du péché n'arrête pas la foi, car ce n'est ni au peuple, ni à son péché qu'elle regarde, mais à Christ; quant au péché, il est la cause de la ruine du peuple et du jugement de Dieu; mais la foi porte l'âme à regarder «vers celui qu'ils ont percé», et ainsi qu'il est écrit dans un autre endroit: «Tu t'es perdu, ô Israël! mais en MOI est ton salut» (Osée 13: 9).

Quand l'Esprit de Dieu agit dans le coeur, l'effet immanquable est de rendre le coeur sensible à ce qui a déshonoré Dieu, il est affligé du mal et en mène deuil; l'Esprit alors agit comme esprit de grâce et de supplications; l'âme alors compte sur Dieu et elle est affermie dans sa confiance, et attend. Or, le pardon du péché n'est pas le seul effet produit par la grâce; car outre la certitude du pardon, elle rétablit moralement dans le coeur la crainte de Dieu, laquelle avait été délaissée, tout le temps qu'on s'était livré au péché; c'est pourquoi après avoir dit: «il y a pardon par devers toi», il ajoute: «afin que tu sois craint». Le pardon de Dieu est ainsi la source de toute vraie sanctification, car il devient la source des motifs qui forment le coeur pour une marche qui glorifie Dieu au milieu des hommes. C'est à la grâce souveraine de Dieu que la foi regarde; c'est avec elle que le pauvre pécheur est mis en rapport, et non avec la loi qui ne peut absoudre le coupable. Dans la grâce on sert Dieu dans un esprit de liberté et, en même temps, de véritable dépendance, car la grâce n'est pas donnée pour accomplir une loi violée, elle est donnée pour servir Dieu et le suivre dans l'heureuse voie où l'âme a été replacée.

Tel sera bien le cas d'Israël, lorsqu'il jouira de l'abondante rédemption mentionnée à la fin du Psaume, alors que, rétabli sous une nouvelle alliance, «chacun n'enseignera pas son concitoyen, ni chacun son frère, en disant: connais le Seigneur; car ils me connaîtront tous depuis le plus petit jusqu'au plus grand» (Jérémie 31: 31 et suivants).

A cet égard il convient de remarquer que la grâce, cause divine du rétablissement d'Israël, est, par-devers Dieu, cachée en Christ: c'est le secret de la foi? La nation juive a rejeté Jésus, mais il est à la droite de la Majesté dans les lieux très hauts; c'est à cette connaissance que sont dues et la confiance et l'espérance du fidèle. Il n'y a pas là d'illusions possibles, l'Eternel a parlé, l'âme «met son attente en sa parole». Et si l'on demande: de quoi Dieu a-t-il parlé concernant l'avenir d'Israël? la réponse est: «Comme Dieu a veillé sur eux pour détruire…, ainsi veillera-t-il sur eux pour bâtir et pour planter, a dit l'Eternel». — La restauration du peuple est donc assurée, la parole de l'Eternel en est le témoignage certain; c'est pourquoi, quand l'Esprit de Dieu rend témoignage que «le peuple est comme l'herbe», la foi se hâte d'ajouter: «mais, la parole de notre Dieu demeure éternellement». La Parole est donc pour l'âme, pendant que le peuple est dans «les lieux profonds», privé de la face de l'Eternel, une source de lumière, de joie et de force.

Cependant, ce n'est pas pour Israël seulement, que ces choses ont été écrites; l'expression de foi et de confiance que ce Psaume nous présente, est un véritable encouragement pour toute âme chrétienne. La foi en la Parole, la confiance en la miséricorde divine, sont les seuls vrais soutiens de l'âme en sa détresse. Dans l'expérience de la vie chrétienne, il arrive parfois, que tel chrétien se trouve moralement dans une position analogue à celle décrite dans le Psaume qui nous occupe; c'est-à-dire qu'il est en «des lieux profonds», bien bas spirituellement. Du moment que la volonté propre du coeur n'est pas mortifiée, c'est à un tel état que l'on descend. Si notre volonté n'est pas brisée, elle devient, hélas! la source de convoitises auxquelles on n'a pas toujours la force de résister, et par lesquelles aussi l'énergie de l'âme et l'intelligence du coeur sont entièrement paralysées; c'est ce qui explique en partie pourquoi, bien qu'on ait le sentiment qu'en telle chose on fait ce qui est mal, on se sente entraîné comme par la force d'un courant irrésistible; le péché alors est le maître du coeur… et c'est dans les lieux profonds qu'on en voit et qu'on en sent l'humiliante réalité.

Il peut sans doute arriver à un chrétien, trop confiant en lui-même, de tomber; tel fut le cas de l'apôtre Pierre; il se peut aussi qu'il manque de vigilance et de prières; mais ce qui dans le plus grand nombre de cas est cause des plus lourdes chutes, c'est l'absence du renoncement pratique à soi-même, à sa volonté propre: on n'écoute pas, la voix de Dieu, qui enseigne «la sagesse dans le secret du coeur»; on suit son propre penchant.

Or, loué soit Dieu, le Dieu de miséricorde et de bonté! c'est dans les lieux profonds que la grâce attend le désobéissant enfant, comme un fils prodigue auprès de ses pourceaux! — c'est là que le coeur se réveille de l'ivresse de son péché, c'est là que le péché se juge — que le coeur gémit; mais là aussi l'oeuvre de la grâce et de l'Esprit triomphe. On se connaît mieux soi-même, telle chose dont on ne se serait pas cru capable, est maintenant ce qui nous humilie et nous rend honteux; c'est alors que les témoignages de l'Ecriture sont indispensables pour le relèvement moral de l'âme, aussi nos chutes en font-elles ressortir la valeur et sentir le besoin.

Placés ainsi sous l'effet de la grâce et de la sacrificature de Jésus, la confiance renaît dans le coeur; on pleure peut-être, mais ces larmes sont les larmes du repentir, ce signe heureux et certain que Christ s'occupe de nous auprès du Père et que l'effet de son intercession est produit dans le coeur: on se sent les pieds lavés, on a de nouveau part, avec Jésus, à la joie actuelle de son coeur auprès de Dieu: cette joie, hélas! si souvent troublée! Tout cela nous montre avec quel intérêt, notre Sauveur béni s'occupe des siens et qu'il ne saurait être indifférent aux souffrances, aux humiliations dans lesquelles les plongent leurs propres fautes;  «ses entrailles sont émues à cause de nous», et il ne se donne aucun relâche jusqu'à ce qu'Il nous ait sortis de ces «lieux profonds», où nous sommes loin d'être le reflet de sa gloire.

En Zacharie, chapitre 1, verset 8 et suivants, une vision remarquable résume les rapports de Jésus avec les siens «dans les lieux profonds…». Ils sont symbolisés par «des myrtes en un lieu profond»; Jérusalem et les villes de Juda sont en scène, mais dans l'humiliation (verset 12) à Babylone. Cependant Christ est en sympathie avec son peuple, car ce peuple infidèle est toujours son peuple; aussi l'ange de la face de l'Eternel ne saurait l'abandonner. Il en est aussi de même pour ce qui nous concerne: nous sommes ses myrtes, à lui rien ne peut nous priver du caractère dont Il nous a lui-même revêtus; aussi est-il toujours en sympathie avec nous; et quand il s'agit de nous, de nos circonstances dans ce monde, sa sollicitude et ses compassions n'ont aucune borne. Tel est Jésus, celui duquel le plus faible chrétien peut dire: Il est mien! Que notre Dieu soit béni de ce que, dans l'expérience de sa grâce, quoique meurtri on est vainqueur!