Explications de passages

1ère série - Le jeûne d'après l'Ecriture

Recordon C.F.

Notre frère F.A. à N., nous adresse les questions suivantes:

 «1°  Qu'est le jeûne dans l'esprit de l'Evangile?

«2°  Le jeûne est-il une angoisse d'âme accompagnée de privation de nourriture? Celle-ci est-elle la conséquence naturelle de l'angoisse, ou a-t-elle lieu volontairement et avec réflexion dans le but de plaire à Dieu ou de mortifier la chair?

«3°  Si les apôtres ont conscience de leur position en Christ, comme fils de Dieu et cohéritiers de Christ; s'ils ont conscience de son amour infini, et s'ils ont foi en sa providence et en ses promesses, pourquoi jeûnent-ils en Actes des Apôtres 13: 3 et 14: 23, et pourquoi instituent-ils le jeûne en 1 Corinthiens 7: 5?».

 

Pour répondre à notre frère nous allons, d'abord, rechercher ce qu'était le jeûne dans l'Ancien Testament, ou dans quelles occasions et dans quel but il était observé.

a.     Il accompagnait très convenablement l'humiliation devant Dieu pour la confession de péchés commis et les prières qui en sollicitaient le pardon. Voir 1 Samuel 7: 6; Joël 2: 12, 15. Dieu eut égard au jeûne du méchant Achab, 1 Rois 21: 27-29; et à celui des Ninivites incirconcis, Jonas 3: 5-10.

b.     Il s'alliait de même fort à propos à une grande affliction, à la prévision des jugements de Dieu et aux prières instantes pour les conjurer. Voir les deux derniers passages ci-dessus, puis 2 Samuel 12: 16-23; 2 Chroniques 20: 3; Esdras 8: 21-23; Néhémie 1: 4; 9: 1; Esther 4: 3-16; Psaumes 35: 13; 69: 10; Jérémie 14: 22; Daniel 9: 3; 10: 2, 3; Joël 1: 14.

c.     Il se joignait encore très naturellement à un grand deuil. Voir Juges 20: 26; 1 Samuel 31: 13; 2 Samuel 1: 12; 1 Chroniques 10: 12).

d.     On voit, par ces passages, que le jeûne était, ou bien spécial, individuel et facultatif, ou bien général, national et obligatoire. La loi de Moïse n'instituait qu'un seul jour de jeûne dans l'année, c'était le jour solennel des expiations (conf. Lévitique 16: 29; 23: 27-29, avec Jérémie 36: 6 et Actes des Apôtres 27: 9). Le jeûne le plus sévère était ordonné aux Israélites en ce jour-là; ils devaient s'abstenir non seulement du manger et du boire, mais encore de toutes les autres jouissances qui les auraient éloignés ou distraits du devoir solennel d'affliger leurs âmes devant l'Eternel.

Plus tard, nous voyons souvent les chefs du peuple «publier le jeûne» (Jérémie 36: 9). Après le retour de la captivité, plusieurs jeûnes annuels furent régulièrement établis, en mémoire de calamités nationales. Voir Zacharie 8: 19; Esther 9: 31. Mais ces jeûnes, n'étaient pour la plupart qu'une forme, une cérémonie, que n'accompagnaient plus les sentiments qu'ils étaient censés exprimer: ce qui donne lieu à de graves reproches de la part de Dieu. Voir Esaïe 58: 3-6; Zacharie 7: 5.

Voyons maintenant ce que nous dit le Nouveau Testament sur ce sujet. Au temps où le Seigneur Jésus était sur la terre, le jeûne avait atteint, dans les idées des Juifs, des proportions exagérées. A défaut de vraie piété, on s'attachait d'autant plus aux pratiques religieuses. Les personnes pieuses savaient jeûner et prier, tout en se réjouissant dans l'attente d'un Sauveur (Luc 2: 37); les autres ne savaient que jeûner; les disciples de Jean Baptiste partageaient les préjugés des pharisiens sur les mérites du jeûne (Matthieu 9: 14; Marc 2: 18; Luc 5: 33); quant aux pharisiens, ils se vantaient de jeûner deux fois par semaine (Luc 18: 12).

Le Seigneur Jésus ne prescrivit pas le jeûne à ses disciples; tant qu'il était avec eux, ceux-ci, dit-il, ne pouvaient jeûner, dans le sens de mener deuil (conf. Matthieu 9: 15 avec Marc 2: 19; Luc 5: 34). Cependant chaque fois, c'est-à-dire, dans les trois évangiles synoptiques, il déclare que «des jours viendront, où l'Epoux leur sera ôté et qu'alors ils jeûneront», ce qui peut n'être ici que le parallèle de ce que le Seigneur leur dit plus tard: «Dans peu de temps, vous ne me verrez pas… En vérité, en vérité, je vous dis, que vous pleurerez et que vous vous lamenterez, et le monde se réjouira, et vous serez dans la tristesse» (Jean 16: 19, 20 (*)).

(*) Le Seigneur nous apprend aussi qu'il est une sorte de démons qui ne peuvent être chassés «que par la prière et par le jeûne» (Matthieu 15: 32; Marc 8: 3).

Arrêtons-nous un peu sur cet enseignement du Seigneur Jésus en Matthieu 9: 14-17; Marc 2: 18-22; Luc 5: 33-39. Le Seigneur venait d'appeler à l'apostolat le péager Matthieu ou Lévi; et celui-ci, dans sa joie et sa reconnaissance, lui avait fait préparer un grand festin, et Jésus était à table avec une grande foule de publicains. Et, comme à l'ordinaire, les scribes et les pharisiens murmuraient d'une telle condescendance qui eût froissé leur hypocrite orgueil. Jésus répond à leurs murmures, tout en condamnant ceux qui se les permettent. Alors les adversaires se rabattent sur le jeûne; de concert avec les disciples de Jean, ils lui disent: «Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas comme nous?». Le Seigneur leur donne la raison de cette différence: «Les fils de la chambre nuptiale peuvent-ils mener deuil pendant que l'époux est avec eux?». — Il serait absurde pour eux de jeûner alors que Celui qui était la source de toute leur joie était là. C'eût été en contradiction avec leur foi en Lui, le Messie, que de se soumettre à cet acte de douleur et d'humiliation, en présence de celui qui leur apportait l'allégresse et la consolation. Mais il y avait encore ici un enseignement plus profond à apprendre. Ce n'était pas seulement la présence de Celui que les disciples comprenaient, tandis que tous les autres ne le connaissaient pas, mais encore le Seigneur leur fait voir que l'on ne peut mêler les prescriptions qui découlent de la loi, avec les principes et la puissance de la grâce divine: c'est là un principe des plus importants, que la chrétienté a complètement méconnu et annulé en pratique. — Le christianisme est un système de grâce en Christ, maintenu dans la sainteté par le Saint Esprit chez ceux qui croient. La chrétienté est la grande maison de la profession, où il y a des vases impurs mêlés avec ceux qui sont à honneur; où abondent et règnent des principes qui ne procèdent point du Christ, mais qui sont empruntés, les uns au judaïsme, d'autres aux propres pensées des hommes, sans aucun égard à la Bible. Or, ce que le Seigneur nous montre ici, c'est que, même en adoptant ce que Dieu a sanctionné jadis sous la Loi, on peut s'égarer.

Le même Dieu, qui a éprouvé Israël sous la Loi, a plus tard donné l'Evangile; et c'est l'Evangile et non pas la Loi qu'il dispense maintenant, c'est avec la grâce que nous avons affaire. C'est avec Christ ressuscité et monté au ciel que nous sommes en relation, et non pas avec la Loi. Nous sommes morts à la Loi si nous sommes chrétiens. Voilà ce que la chrétienté a oublié, ce dont elle s'est départie. En partant du principe que la Loi est bonne et l'Evangile aussi, on a dit: «N'est-il donc pas beaucoup plus sûr et plus convenable de les admettre et de les garder l'un et l'autre?». Le résultat de ce raisonnement humain a été que les hommes ont mis le plus grand zèle à effectuer une fusion que le Seigneur déclare impossible. Ils ont essayé de mettre le vin nouveau dans de vieilles outres, — c'est-à-dire dans ce qui contenait des principes légaux, avec lesquels Dieu en a fini; ayant produit du vin nouveau, il veut de nouveaux vaisseaux. L'efficace intérieure du Christianisme doit se revêtir de ses propres formes. Les nouveaux vêtements, caractérisant l'Evangile, diffèrent complètement des formes légales. Le légalisme était le vieil habit, et c'était mépriser la bonté de Dieu que de se borner à le rapiécer de drap neuf; après tout, cela ne réussirait jamais: cela ne servirait qu'à rendre le vieux plus mauvais encore, c'est ce qu'a fait la chrétienté: elle a essayé de raccommoder le vieux vêtement avec le drap neuf — d'introduire une certaine mesure de morale chrétienne dans le judaïsme, comme une sorte d'amélioration dans celui-ci. Et quel en a été le résultat? — On a voulu mettre le vin nouveau dans de vieilles outres: on prêche Christ, en quelque mesure, mais toujours en connexion avec les vieux vaisseaux; il s'agit, à la fois, dans cette parabole (Luc 5: 36), du développement extérieur et de la puissance intérieure; elle montre que le christianisme est quelque chose d'entièrement nouveau, et qui ne peut ni ne doit être mélangé avec la loi. Si vous rencontrez un homme qui pense avoir quelque justice propre, vous pouvez combattre et renverser cette opinion au moyen de la loi: c'est là l'usage légitime de la loi; cet homme est un impie, un pécheur, et vous pouvez employer la loi pour le lui prouver. Mais un chrétien est un juste; or, comme Paul le dit expressément, la loi n'est pas donnée pour lui (1 Timothée 1: 8, 9). Je ne dois pas mettre le vin nouveau dans de vieux vaisseaux, ni le vieux dans des vaisseaux neufs. Cela conduit le Seigneur à faire ressortir la totale nouveauté de la conduite et des principes qui découlent de Lui-même et de sa grâce. Tout cela était fortement opposé aux pensées et aux préjugés des scribes et des pharisiens, mettant en avant leur question sur les jeûnes. Cela ne veut pas dire pourtant, que le jeûne ne soit pas un devoir chrétien, puisque Jésus Christ a dit de ces disciples, que le jour viendrait, où ils jeûneraient; mais il doit être basé sur des principes chrétiens et non pas judaïques.

Aussi, dans Matthieu 6: 16-18, le Seigneur recommande encore à ses disciples, quand ils jeûneront, de pas imiter les hypocrites, qui se rendent tout défaits de visage, afin qu'il paraisse aux hommes qu'ils jeûnent. De peur que la chair ne prenne avantage, même de ce qui a en vue la mortification du corps, le Christ veut que l'on fasse en sorte, devant les hommes, de ne pas paraître jeûner, plutôt que d'en faire ostentation. Car quoiqu'un vrai chrétien doive profondément répugner à revêtir de fausses apparences, il pourra bien y être amené par les insinuations de l'adversaire, s'il ne demeure pas dans une sainte vigilance devant Dieu. «Toi, quand tu jeûnes, oins ta tête et lave ton visage, en sorte qu'il ne paraisse pas aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui demeure dans le secret, et ton Père qui te voit dans le secret, te récompensera».

Mais si le jeûne judaïque et le jeûne pharisaïque sont ainsi condamnés par le Seigneur, il n'en résulte pas qu'il ne puisse y avoir un jeûne chrétien: nous avons déjà entrevu le contraire. Je crois qu'il y a dans le jeûne, un avantage réel dont peu de chrétiens se font une juste idée. Si, dans certaines occasions qui réclament tout spécialement de nous, soit comme individus, soit comme familles, soit comme assemblées, des prières ferventes, nous savions les accompagner du jeûne, nous en éprouverions, je n'en doute pas, une grande bénédiction. C'est là aussi un moyen d'exprimer l'humiliation d'esprit. Le jeûne est une des choses par lesquelles le corps montre sa sympathie avec les préoccupations de l'esprit; c'est une manifestation du désir que nous sentons de nous tenir devant Dieu dans l'attitude de l'humiliation.

Appliquons maintenant ces quelques pensées aux exemples de jeûne que nous trouvons dans le Nouveau Testament, depuis la Pentecôte.

Le premier nous est fourni par un capitaine romain, pieux et craignant Dieu, mais qui ne connaissait pas encore la bonne nouvelle du salut par Christ. Voici ce qu'il dit à l'apôtre Pierre (Actes des Apôtres 10: 30) : «Il y a quatre jours que j'étais en jeûne… et que je priais dans ma maison», et un ange lui apparut et lui dit: «Ta prière est exaucée». Elle l'est, en ce que l'apôtre Pierre lui est indiqué comme celui qui devait lui faire connaître le salut de Dieu. Ici donc, comme dans tous les cas qui nous restent à voir, le jeûne accompagne, d'une manière bénie, des prières tout particulièrement instantes.

En effet, c'est là ce qui explique le jeûne dont il est question en Actes des Apôtres 13: 2, 3. Les disciples, prophètes et docteurs, de l'assemblée d'Antioche «servaient le Seigneur et jeûnaient», lorsque l'Esprit saint, en réponse à leurs prières, dit: «Mettez-moi à part Barnabas et Saul…» Le Saint Esprit voulait les envoyer (verset 4) annoncer l'Evangile au loin: les disciples sentent le besoin de les recommander à la grâce de Dieu, pour l'oeuvre à laquelle ils étaient appelés (voir 14: 28); et, dans ce but, «ayant jeûné et prié, et leur ayant imposé les mains, ils les laissèrent aller» — Puis dans Actes des Apôtres 14: 23, les mêmes Paul et Barnabas, en revenant de leur voyage d'évangélisation, et en repassant dans les villes, où ils avaient «fait beaucoup de disciples», «leur ayant choisi des anciens dans chaque assemblée, prièrent avec jeûne, et les recommandèrent au Seigneur, en qui ils avaient cru». C'étaient là des actes d'une grande importance, demandant des supplications ferventes, or le jeûne était là bien à propos. — Qui de nous, en effet, ne sait pas, par expérience, que l'excès des viandes et du vin appesantit le coeur, comme aussi le Seigneur nous le dit (Luc 21: 34)? par conséquent, l'abstention temporaire des aliments est propre, au contraire, à faciliter l'élévation du coeur à Dieu dans des prières prolongées et faites avec ferveur. Nous ne comprendrions pas et nous plaindrions des chrétiens, tant soit peu anciens dans la carrière, qui n'auraient jamais fait l'expérience dont nous parlons, ou qui, dans des circonstances graves, solennelles, soit pour eux individuellement, soit pour leur famille, soit pour l'assemblée, ne se seraient jamais sentis pressés de joindre le jeûne à la prière. Ce que nous ne comprenons pas non plus, c'est la troisième question (3°) de notre frère F.A.: «Si les apôtres ont conscience de leur position en Christ… pourquoi jeûnent-ils? »On pourrait tout aussi bien dire: «S'ils ont foi en la providence de Dieu et en ses promesses», pourquoi prient-ils? A quoi l'on peut répondre: «C'est précisément parce qu'ils ont conscience de leur position en Christ, comme fils de Dieu… et de son amour infini — parce qu'ils ont foi en ses promesses, qu'ils prient» (Voir Ezéchiel 36: 37, comparé avec ce qui précède). Et c'est parce qu'ils sentent le besoin de prier avec instances, sans être entravés par la chair, qu'ils ajoutent le jeûne à leurs prières.

Ainsi, dans ces derniers exemples, il n'est pas question d'angoisse d'âme; je ne crois pas que jamais le jeûne soit, par lui-même, une angoisse d'âme, quoiqu'il puisse accompagner l'angoisse d'âme; ce qui est même tout naturel. Quand le coeur est fort affligé, est-ce que l'on pense à manger? — Aussi, nous comprenons très bien que, dans une grande douleur, dans le deuil, dans une vive conviction du péché et une ardente aspiration au salut, on soit amené, même sans préméditation, à jeûner. De même le chrétien en chute, une assemblée appelée, par ce qui se passe dans son sein ou dans l'Eglise en général, à une profonde humiliation devant Dieu — ne sentiront-ils pas parfois (plût à Dieu que ce fût plus fréquent? (*)) le besoin de joindre le jeûne à la prière, ou de prier en jeûnant, afin de pouvoir le faire avec plus d'instances. Si le désir du relèvement est vraiment senti, il conduira de lui-même au sentiment du besoin du jeûne. Hélas! il nous arrive quelquefois de penser à nous réjouir, quand nous devrions sentir nos misères et pleurer, quand Dieu nous appelle à nous humilier en confessant nos infidélités. Combien de fois le poignant reproche, adressé à Israël, en Esaïe 22: 12, 13, n'a-t-il pas pu s'appliquer aussi à des chrétiens sans intelligence et sans spiritualité?

(*) L'apôtre Paul usait souvent de ce grand moyen de soutenir et d'entretenir la spiritualité, comme nous le voyons dans 2 Corinthiens 6: 5 et 11: 27. Cependant, les jeûnes, dans ces passages, pourraient signifier des «jeûnes forcés» faisant partie des afflictions de l'apôtre. Ils sont pourtant distingués de la faim et de la soif dans le dernier passage.

Notre frère demande enfin: «Pourquoi les apôtres instituent-ils le jeûne en 1 Corinthiens 7: 5 ?». J'avoue que je ne saurais pas voir là «l'institution du jeûne». Il ne s'agit, dans ce passage, que d'un mari et d'une femme que des circonstances à eux particulières: une épreuve, la conduite de leurs enfants, le désir de leur conversion, par exemple, invitent à des prières spéciales, auxquelles, d'un consentement mutuel, ils unissent le jeûne, pris ici dans un sens très général. Au reste, le mot «jeûne» ne se trouve pas ici dans les meilleures éditions critiques du Nouveau Testament, et il faut simplement lire, comme l'indique la Version nouvelle: «afin que vous vaquiez à la prière».

En résumé, si l'on nous demandait: comment devons-nous comprendre le jeûne d'après le Nouveau Testament, relativement aux chrétiens de nos jours? nous dirions: Nous croyons que l'exercice du jeûne est positivement affirmé dans des passages, tels que Matthieu 9: 15; 17: 21, et Actes des Apôtres 13: 2. Il est présenté en connexion immédiate avec la prière, et nous pensons que cette connexion est fort instructive. Le jeûne implique l'oubli, l'éloignement des choses naturelles et terrestres; la prière implique un coeur occupé des choses spirituelles et célestes. Le premier est un moyen d'obstruer le canal de communication entre notre être naturel et le monde qui nous entoure; la dernière est un moyen d'ouvrir le canal entre l'homme spirituel et le ciel. Celui-là renferme l'idée d'une saine abnégation du vieil homme; celle-ci, l'idée de l'état de complète dépendance du nouvel homme. Toutefois, nous devons nous garder soigneusement de tout ce qui, dans le jeûne, ressemblerait à l'esprit monastique, ascétique ou légal, lequel ne tendrait qu'à élever ce qui doit être tenu dans l'abaissement. En un mot, l'effet moral du jeûne nous semble réalisé, par l'habitude constante de la «tempérance», dans le sens que donne à ce mot le premier article de ce numéro.

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2ème série - Matthieu 11: 11

Notre frère C. B., aux B., désirerait une explication de ce passage. En 1860, un autre frère C. B., du Gard, nous avait déjà demandé notre pensée sur le verset suivant, et nous avons publié alors (voir Messager Evangélique 1860 au titre « Explications de passage, 2ème série ou dans l’original page 257) une réponse d'un de nos frères qui embrasse tout l'ensemble ou le contexte de ce passage. Le lecteur fera donc bien de commencer par relire l'article que nous venons d'indiquer, qui lui donnera une idée générale sur tout le sujet, et nous n'aurons que quelques mots à y ajouter.

Après avoir repris, en parlant aux disciples de Jean, la faiblesse de foi qu'avait montrée leur maître, le Seigneur, lorsque ces messagers sont partis, élève bien haut le Précurseur, en parlant aux troupes. Jean n'est point «un roseau agité du vent», malgré la question indiscrète qu'il venait de faire adresser à Jésus. Ce n'est point un grand de ce monde, un homme de cour: c'est «un prophète… et plus qu'un prophète», parce que Jean occupait une place toute particulière qui n'avait été assignée à aucun autre, prophète: celle d'être, à la fois, le héraut et le précurseur immédiat du Messie, le contemporain de l'Agneau de Dieu, qu'il pouvait non seulement annoncer, mais encore montrer du doigt. Jean était un prophète, dont les prophètes avaient parlé d'avance; aussi le Seigneur dit de lui: «En vérité, je vous dis qu'entre ceux qui sont nés de femme, il n'en a été suscité aucun plus grand que Jean le Baptiseur»; puis il ajoute ces paroles, des plus remarquables dans ce chapitre de transition: «Toutefois le moindre dans le royaume des cieux est plus grand que lui». Quel en est le sens? — Ici, le Seigneur parle de Jean, en le comparant non avec Lui-même, mais avec d'autres hommes. Jean était le plus grand parmi ceux qui étaient nés de femme, Jésus Christ évidemment excepté; «toutefois le moindre dans le royaume des cieux est plus grand que lui». Cela indique, je pense, qu'un nouvel ordre de choses commençait, dans lequel les privilèges que conférerait la grâce souveraine de Dieu seraient si grands, que le dernier, dans la dispensation qui allait s'ouvrir, serait supérieur au plus grand dans toutes les dispensations passées. Et cela ne tiendrait pas à la foi ni à quoi que soit qui fût dans ces héritiers dit royaume des cieux, car ces mots ne veulent pas dire qu'un faible croyant maintenant est plus grand qu'un homme d'une foi puissante dans les temps passés, ni qu'une âme anxieuse, troublée, doutant encore de son salut soit dans un meilleur état que ceux qui, comme Siméon, pouvaient se réjouir en Dieu, leur Sauveur. Cependant le Seigneur déclare que le plus grand dans les économies passées est moindre que le plus petit maintenant: «Celui qui est le moindre dans le royaume des cieux est plus grand que lui», c'est-à-dire que Jean Baptiste.

«Le royaume des cieux» ne signifie jamais le ciel: ce sont deux idées aussi bien que deux expressions différentes. «Le royaume des cieux» indique toujours un état de choses qui, tout en ayant sa source dans le ciel, a son développement sur la terre. Ces mots peuvent s'appliquer, comme c'est souvent le cas, à ce qui a lieu maintenant ici-bas; ou, comme c'est aussi quelquefois le cas, à ce qui aura lieu quand le Seigneur viendra en gloire et établira, d'une manière visible son gouvernement sur la terre. Mais le royaume des cieux suppose toujours la terre, comme la scène où se manifestent les privilèges des cieux. Le Seigneur Jésus se voit rejeté, mais Dieu, dans sa grâce, tire le bien du mal et fait sortir, du rejet même de Jésus, une beaucoup plus grande bénédiction que n'eût été celle qui aurait accompagné sa réception. En supposant que le Seigneur eût été accueilli par les hommes lors de sa première venue, Il aurait béni les hommes et les aurait conservés vivants sur la terre. Il aurait lié Satan et comblé les créatures, en général, d'innombrables bienfaits. Néanmoins qu'eût été tout cela sans la satisfaction de Dieu au sujet du péché? Ni sa gloire morale, ni son amour suprême n'eussent été révélés comme ils le sont maintenant. Or, la mort du Christ est, à la fois, l'apogée de la méchanceté de l'homme et de la bonté de Dieu, car, à la croix, l'un a montré sa haine mortelle et sa totale perversité, et l'autre son amour parfait et saint. C'est l'iniquité de l'homme qui mit Jésus Christ en croix — c'est la grâce de Dieu qui l'y amena; et Christ, ressuscité d'entre les morts, prend sa place comme le commencement, le Chef d'une nouvelle création, dès lors accomplie en sa personne et révélée à la foi de tous les croyants, lesquels, tout en ayant encore à lutter dans ce monde avec les malices spirituelles, sont mis par Lui dans cette position de bénédiction. Christ répand dans leurs coeurs la joie du salut, son Esprit leur rend témoignage qu'ils sont enfants de Dieu — que tous leurs péchés sont pardonnés — et qu'ils n'ont plus qu'à attendre son avènement qui couronnera l'oeuvre de son amour, alors qu'ils seront ressuscités d'entre les morts ou transmués, pour être rendus conformes à leur Chef glorifié. Tout cela est, dès maintenant, vrai pour la foi, et sera vrai pour la vue prochainement, mais toujours vrai dès le moment de l'introduction de cet état de choses, qui date de l'ascension du Christ au ciel, et qui se terminera par la descente du Christ du ciel pour prendre en mains la puissance du royaume sur la terre.

Qu'est-ce donc que le moindre des croyants possède maintenant? Pour le comprendre, rappelons ce qu'étaient les saints avant la mort de Jésus Christ. Le dernier d'entre eux, Jean Baptiste, se reposait sur des promesses. Quelque béni qu'il fût, il ne pouvait pas même dire: Mes péchés sont ôtés, mes iniquités sont toutes effacées. Avant la mort et la résurrection de Christ, les saints pouvaient seulement, avec joie sans doute, regarder en avant vers le jour qui amènerait cette assurance et dire: Oh! quel bonheur ce sera alors! Ils pouvaient être assurés que c'était bien là l'intention de Dieu, mais elle dépendait d'une promesse; ce n'était, pas encore un fait accompli. Après tout, si vous étiez en prison, vous comprendriez aisément la différence qu'il y a entre une promesse d'être élargi et le fait même de votre élargissement, lorsque vous en seriez sorti. Eh! bien, c'est une différence analogue dont il est question ici. Avant la mort du Christ, le plus avancé des saints, même Jean le Baptiseur, ne pouvait pas dire: Tous mes péchés sont abolis, quoiqu'il pût et dût dire: Je suis parfaitement sûr que quand le Messie viendra, il amènera la justice éternelle et mettra fin aux péchés. Mais ici intervient ce fait prodigieux, que le Messie est venu et qu'il a accompli son oeuvre. L'oeuvre de l'expiation est faite; et la conséquence en est que tous ceux qui croient ont le droit de dire: Je n'ai plus de péché sur moi en la présence de Dieu. Les doutes du Précurseur ne sont plus permis à ceux qui savent que le Christ est mort et qu'il est ressuscité.

Cela est vrai, non pas de quelques chrétiens en particulier, mais de tout chrétien, et il est à désirer que chacun d'eux sache le dire, c'est-à-dire que chacun d'eux sache prendre la place que Dieu lui donne en Christ. Il en résulterait que les chrétiens ne pourraient plus marcher avec le monde, comme ils ne le font encore que trop.

Voici donc ce que je trouve dans l'Evangile: une nouvelle dispensation allait commencer, dans laquelle le tout dernier est investi de privilèges que le plus grand ne pouvait et ne devait pas posséder auparavant. Et cela parce que Dieu attache une valeur infinie à la mort de son Fils, une gloire particulière à cette oeuvre du Christ, par laquelle la rédemption a été accomplie. Maintenant tout est fait — tout est donné, et Dieu peut inviter les âmes, non pas à oublier leurs péchés ou à ne plus y prendre garde, mais à les considérer, à les confesser et à les juger devant la croix du Christ; maintenant Dieu peut engager les croyants à dire: «Le sang de Jésus Christ son Fils nous purifie de tout péché». C'est là la base du christianisme. Cela étant, nous devons comprendre combien c'est une chose mauvaise et antichrétienne que la prétention d'un homme quelconque à prendre la position de sacrificateur ou prêtre, c'est-à-dire celle d'un individu ou d'une caste s'attribuant le privilège de s'approcher de Dieu pour les autres. Tout chrétien — homme, femme ou enfant, peu importe — est sacrificateur. Tous les chrétiens ne sont pas ministres — ou serviteurs ayant reçu du Seigneur des dons divers pour exercer divers ministères. Ceci est tout autre chose. Le ministère et la sacrificature, quoique si souvent confondus, n'ont pas une seule idée commune entre eux. C'est un privilège spécial conféré de Dieu dans l'économie actuelle, que tout croyant est un sacrificateur ou prêtre; c'est-à-dire qu'il est rendu capable de s'approcher du trône de la grâce ou du vrai propitiatoire, d'entrer jusque dans le lieu très saint, tous ses péchés étant ôtés, toutes ses iniquités purifiées, en sorte qu'il peut être parfaitement heureux en la présence de Dieu, tout en étant encore sur la terre. Je n'indique qu'une faible partie des privilèges du plus petit dans le royaume des cieux. Et souvenons-nous bien que toutes les grandes prérogatives du christianisme sont des prérogatives communes à tous les croyants. Un homme peut prêcher, un autre ne le peut pas, mais cela n'a point de rapport avec les privilèges du royaume. Tout homme doué pour cela, soit par le Seigneur, soit aussi par l'étude ou des capacités naturelles, peut faire une prédication — et cela sans même avoir la vie éternelle. Ainsi Caïphe et Balaam ont pu rendre témoignage selon la vérité. Mais cela n'a rien à faire avec les bénédictions dont je parle, comme étant actuellement le partage des fidèles.

Les privilèges spirituels du royaume (*) sont, dès à présent, l'héritage universel de la famille de la foi, dont le dernier des membres est plus grand même que Jean le Baptiseur. On a fait de grands efforts pour ébranler le sens simple de ce verset. On a enseigné que le moindre dans le royaume des cieux est Jésus lui-même — Jésus, il est vrai, dans son abaissement, Jésus «crucifié en infirmité». Mais une pareille assertion trahit une ignorance complète de la pensée de Dieu. Car le royaume des cieux n'était pas encore venu tant que Jésus était sur la terre. Il était alors prêché comme étant proche, mais il n'était pas encore établi de fait. Et Jésus Christ, bien loin d'être le «moindre» dans ce royaume, en était le roi; en sorte qu'on ne pourrait pas même, sans manque de respect, l'appeler le plus grand, bien moins encore «le plus petit» dans le royaume. Ce serait de plus un manque d'intelligence que de dire qu'il était dans le royaume: il serait plus vrai de dire que le royaume était en lui moralement et en tant qu'il exerçait la puissance divine. Aussi disait-il aux Juifs: «Si je chasse les démons par l'Esprit de Dieu, alors le royaume de Dieu est venu jusqu'à vous» (Matthieu 12: 28); et ailleurs, aux pharisiens: «Voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous» (Luc 17: 21). Le royaume était là en la personne du Seigneur, qui en est le roi et qui en possédait la puissance. Mais s'il est question du «royaume des cieux», comme d'un état de choses introduit dans ce monde, alors, avant cela, Christ devait monter au ciel: roi rejeté, sans doute (Luc 19: 14), mais néanmoins, comme roi, il est allé s'asseoir à la droite de Dieu — et ainsi le royaume des cieux commença. Tant que Jésus n'était pas monté au ciel, le royaume n'était pas établi de fait. Alors il commença, d'abord spirituellement et en mystère, comme bientôt il apparaîtra en puissance et en gloire. Ainsi il est évident que dans ce chapitre 11 de Matthieu, nous sommes sur les confins de l'économie passée et de celle qui allait s'ouvrir. Jean le Baptiseur est là comme le dernier et le plus grand témoin de ce qui allait prendre fin. Elie devait venir, et Elie était déjà venu dans la personne de Jean Baptiste. Jean avait fait l'oeuvre morale qui se rattachait à la mission d'Elie: préparer le jour du Seigneur, et dresser le chemin devant Lui. Je ne dis pas qu'Elie ne doive pas venir une autre fois, mais Jean était alors le témoin du service d'Elie. Il était venu dans «l'esprit et la puissance d'Elie» (Luc 1: 17); et comme le Seigneur le dit peu après le passage que nous étudions: «Si vous voulez recevoir ce que je vous dis, celui-ci est Elie qui doit venir». Voilà ce que Jean était pour la foi. Comme le royaume des cieux maintenant, qui est un témoignage au royaume futur, quand il se manifestera en puissance et en gloire. Jean était pour la foi ce qu'Elie sera prochainement pour la vue. Le royaume des cieux est pour la foi actuellement ce que le royaume des cieux sera pour la vue prochainement.

(*)1 Je dis «privilèges spirituels», car il y a aussi des bénédictions temporelles ou terrestres qui se rattachent au royaume et ne concernent pas l'Eglise du tout. C'est pourquoi il est dit, que, pour nous chrétiens, «le royaume de Dieu est justice, et paix, et joie dans l'Esprit saint» (Romains 14: 17).

Mais précisément comme Jean Baptiste jeté en prison était une terrible épreuve de foi pour un Juif qui attendait un grand prophète, annonçant et introduisant le Messie qui viendrait avec une éclatante majesté, le Seigneur dit ici: «Qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende». Cela devait être reçu par l'ouïe intelligente de la foi. Quelle chose extraordinaire pour Israël, que le précurseur du Messie fût en prison, et que le Messie lui-même fût bientôt après cloué à la croix! Mais avant que la gloire extérieure resplendisse, il doit y avoir la souffrance — et la rédemption accomplie. C'est pourquoi «le moindre» maintenant d'entre ceux qui possèdent cette bénédiction de la foi, qui jouissent de ces merveilleux privilèges que le Saint Esprit révèle aujourd'hui comme des dons de la souveraine, grâce de Dieu, — est plus grand que Jean le Baptiseur, car c'est là l'oeuvre, le don et l'ordonnance de Dieu. Le jugement est son oeuvre étrange, mais la grâce est les délices de son coeur, c'est sa joie de bénir, par Christ, celui qui n'a aucun titre quelconque à sa bénédiction. Et c'est là ce qu'il fait sous l'économie actuelle.

* * *

3ème série

Un de nos frères, C.K. à R., nous a demandé une explication des passages suivants:

Matthieu 11: 12. Nous le renvoyons au premier volume du Messager évangélique, où ce passage a déjà été l'objet d'un article.

Matthieu 16: 19. Le Seigneur dit à Pierre: «Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux etc.». — Il s'agit ici du royaume que Christ allait établir. Dans les desseins de Dieu, ce royaume devait avoir la forme du royaume des cieux; mais le Roi ayant été rejeté sur la terre, le royaume allait s'établir d'une manière spéciale. Tout rejeté d'ailleurs qu'il fût, le Seigneur tenait les clefs de ce royaume: l'autorité lui en appartenait. Il devait les confier à Pierre, afin que lorsque lui, Christ, s'en serait allé, Pierre ouvrit les portes du royaume, premièrement aux Juifs, et puis aux Gentils. Pierre devait avoir aussi de l'autorité dans ce royaume de la part du Seigneur, de sorte que ce qu'il établirait sur la terre de la part du Seigneur, vrai Roi, quoique monté au ciel, serait confirmé dans le ciel. En un mot, Pierre avait l'autorité d'ordonner dans le royaume de Dieu sur la terre, ce royaume ayant maintenant le caractère de royaume des cieux, car son Roi était dans le ciel. Les clefs représentent l'autorité dans le royaume, donnée à Pierre, comme administrant ce royaume de la part de Christ, et y ordonnant ce qui était conforme à la volonté du Seigneur et qui serait ratifié dans le ciel. Tout ceci se rattache personnellement à Simon, en vertu de l'élection du Père qui l'avait choisi dans sa sagesse pour recevoir cette révélation, et en vertu de l'autorité de Christ qui lui avait conféré le nom qui le signalait comme jouissant personnellement de cette faveur.

En Matthieu 18: 18, les mêmes privilèges concernent l'Eglise qui devait occuper la place de Christ sur la terre. Des chrétiens assemblés au nom «et avec la puissance de notre Seigneur Jésus Christ» (1 Corinthiens 5: 4), pour prendre des décisions dans des cas de discipline, peuvent compter sur la présence et la direction du Seigneur. Le ciel ratifiera ce que l'assemblée liera ou déliera sur la terre (voir les Etudes sur la Parole, sur ces passages).

Matthieu 19: 30 ou Marc 10: 31: «Plusieurs des premiers seront les derniers etc…». Les Apôtres auront la première place dans l'administration du royaume terrestre; au reste chacun aura la sienne; quelque avantage ou bien, que l'on ait quitté pour l'amour de Jésus Christ, on en recevra le centuple et la vie éternelle (versets 28, 29). La décision d'ailleurs n'en sera pas établie sur les apparences: «plusieurs des premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers».

En Matthieu 20: 16, les mêmes paroles sont bien faciles à comprendre: c'est la morale de la parabole. Les ouvriers qui ont travaillé à la vigne dès le matin sont les premiers; ceux qui n'ont travaillé qu'une heure sont les derniers (voir versets 8, 10, 12). Ceux-ci jouissent aussi de la grâce de leur Maître. Un Paul pouvait entrer tard dans l'oeuvre, Dieu l'ayant appelé alors, et servir néanmoins de témoignage plus puissant à la grâce que ceux qui travaillaient depuis l'aube du jour de l'Evangile.

Enfin la même déclaration se trouve encore en Luc 13: 30. Ici, une lecture attentive de ce qui précède en fait aussitôt comprendre la portée. Les premiers, ceux qui paraissaient être les premiers et qui, de fait, l'étaient (Romains 3: 1, 2; 9: 4, 5), ce sont les Juifs; l'on n'entrait dans le royaume que par la conversion, et par conséquent, la masse d'Israël n'entrerait pas, parce qu'ils refusaient de se convertir. Jetés dehors dans les pleurs et dans l'angoisse, ils verraient les Gentils, qui certes étaient bien alors les derniers (Ephésiens 2: 11, 12), assis dans le royaume de Dieu avec les dépositaires des promesses, tandis qu'eux-mêmes, fils du royaume selon la chair, ils en seraient exclus, et d'autant plus misérables qu'ils en étaient plus rapprochés.

Enfin notre frère C. K. indique encore Luc 16: 9. Nous pensons que c'est plutôt le verset 8 qui l'achoppe, vu ces mots qu'il ajoute: «ce passage est inexplicable par les versets suivants, Dieu ayant en horreur le mal et l'Ecriture ne pouvant se contredire». — Oh! plus de simplicité et tout deviendrait plus clair. Le seigneur qui loue l'économe injuste, c'est son maître qui était mondain comme lui, qui n'avait égard qu'aux intérêts terrestres et qui admirait la prudence avec laquelle son intendant, en vue de ces intérêts, avait agi. Puis le Seigneur, notre Seigneur, nous donne cette prudence en vue de l'avenir, comme exemple pour nous, en vue du ciel, des tabernacles éternels. «Par rapport à leur propre génération (remarquez donc ces paroles), les fils de ce siècle sont plus prudents que les fils de la lumière».

Nous résumons et complétons notre explication par cette citation des Etudes sur la Parole sur ce passage:

«L'homme est l'économe de Dieu, c'est-à-dire que Dieu lui a confié des biens: Israël se trouvait particulièrement dans cette position. Mais l'homme a été infidèle: Israël l'avait été beaucoup; — aussi Dieu lui a ôté sa charge. Néanmoins, l'homme est encore en possession des biens, les administre au moins de fait, ainsi qu'Israël le faisait dans le moment où le Seigneur parlait. Il est question ici des choses d'ici-bas, de ce que l'homme peut posséder selon la chair. Ayant perdu sa charge par son infidélité et étant encore en possession des biens qui lui ont été confiés, l'homme se sert de ce qu'il a pour payer les débiteur de son maître en leur faisant du bien: c'est ce que le chrétien devrait faire des biens, de cette terre, c'est-à-dire en user pour les autres en vue de l'avenir. L'économe aurait pu emporter l'argent dû à son maître, mais il aime mieux se faire des amis avec cet argent et sacrifier un avantage présent à un meilleur avenir. Nous pouvons convertir les misérables richesses de ce monde en moyen d'accomplir la charité: l'esprit de grâce qui nous remplit le coeur, en tant que les objets de la grâce, s'exerce à l'égard des choses temporelles; on se sert de ces biens pour les autres; quant à nous, c'est en vue des tabernacles éternels. Cette expression: «Afin qu'ils vous reçoivent» équivaut à: «afin que l'on vous reçoive»; c'est une expression employée dans Luc pour désigner un fait, sans parler de ceux qui l'accomplissent, quoiqu'il soit dit: «ils vous reçoivent».

«Remarquez que les richesses de cette terre ne sont pas celles qui sont nôtres; tandis que les richesses célestes le sont pour le vrai chrétien. Celles-là sont «iniques» en ce qu'elles se rattachent à l'homme en chute et non à l'homme céleste».

Notre frère, M. à G., nous écrivait, il y a longtemps déjà, qu'il trouvait difficile de concilier Matthieu 18: 15-17, avec 2 Thessaloniciens 3: 12-15 (pour ce dernier passage, il faudrait commencer au verset 6). La difficulté pour notre frère vient de ceci, qu'en Matthieu il est dit: «qu'il te soit comme un homme des nations et comme un publicain», et dans l'épître de Paul: «toutefois ne le tenez pas comme un ennemi, mais avertissez-le comme un frère». Il nous semble qu'il s'agit là de cas de discipline tellement différents que la solution de chacun d'eux peut et doit être différente. En Matthieu, il est question de torts faits par un frère à un autre frère. Il n'est pas écrit: «Si ton frère pèche ou a péché», d'une manière générale; mais: «Si ton frère pèche contre toi». Dans un tel cas, c'est l'esprit de douceur et de support dont Christ a donné l'exemple, qui convient aux disciples; c'est le moyen par lequel ils doivent gagner leur frère: «Va et reprends-le entre toi et lui seul; s'il t'écoute, tu as gagné ton frère»: alors la chose est ensevelie dans le coeur du frère offensé. Mais si les moyens prescrits n'aboutissent pas, celui-ci doit placer le fait devant l'assemblée, et si le coupable ne se soumet pas, il sera regardé comme un étranger, comme le serait un Gentil pour Israël. Au reste il est dit proprement: «Qu'il TE soit comme un païen etc.». Puis vient le passage (verset 18), dont il a été question ci-dessus.

Chez les Thessaloniciens, il ne s'agit pas de torts individuels, ni de rébellion obstinée contre les décisions de l'assemblée; mais de frères qui marchaient dans le désordre. L'attente constante du retour de Christ, qui doit lier nos coeurs aux choses du ciel et les détacher de celles d'en bas, peut parfois (et nous en avons vu des exemples), lorsqu'elle est mal comprise ou exploitée par l'ennemi, détourner des chrétiens du travail, ordonné de Dieu à tout enfant d'Adam. Le Seigneur va venir, se dit-on, à quoi bon travailler? C'est là un désordre, auquel quelques-uns des saints de Thessalonique s'étaient laissés entraîner, surtout probablement, par l'excitation qu'avaient produite les fausses vues qui leur avaient été suggérées par ceux qui leur affirmaient que le jour du Seigneur était là, était présent, était arrivé (chapitre 2: 2). Ce désordre consistait en ce qu'ils négligeaient le travail, ne faisaient rien et se mêlaient de tout. L'apôtre leur avait donné un tout autre exemple; et il voulait que les Thessaloniciens eussent de la fermeté, et se retirassent de ceux qui n'écouteraient pas ses admonitions, et qui continueraient à marcher dans le désordre sans vouloir travailler. Se retirer d'eux suffirait dans ce cas: il ne fallait pas les traiter comme des ennemis, mais les avertir comme des frères égarés que l'on espère ramener.

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4ème série

Notre frère G. de Paris nous demande si nous pensons que Matthieu 5: 13, s'applique aux chrétiens. — Nous savons que, dans son sens premier (ainsi que tout le discours sur la montagne) ce passage s'adressait aux disciples juifs, enfants du royaume, résidu d'Israël. Mais le roi ayant été rejeté, l'établissement du royaume ajourné, ces mêmes disciples, devenus membres de l'Eglise, n'ont rien perdu des privilèges spirituels qui étaient leur partage. A plus forte raison — selon nous — ils sont encore «le sel de la terre», ou la seule chose conservatrice de la terre, et comme «lumière», en témoignage au monde. Que Dieu nous donne de nous en souvenir et de réaliser davantage cette position bénie!