La tempérance ou la domination de soi-même - 2 Pierre 1: 6

L'expression de «tempérance» que nous trouvons dans le verset 6 du chapitre 1 de la seconde épître de Pierre, a une bien plus grande portée que celle qu'on lui attribue généralement. On est dans l'usage d'appliquer le mot de «tempérance» à des habitudes de modération dans le boire et dans le manger; ce qui est parfaitement juste: toutefois ce mot a un sens beaucoup plus étendu. L'expression grecque dont se sert l'apôtre signifie proprement «domination de soi-même», et s'applique à quelqu'un qui se domine lui-même habituellement et sait se gouverner.

Savoir se gouverner ainsi soi-même est en effet une grâce rare et magnifique, qui étend son influence bénie sur toute la vie, sur le caractère et sur la conduite tout entière. Cette grâce n'agit pas seulement sur un ou deux, ou sur un certain nombre de penchants égoïstes, mais sur le moi, dans toute l'acception de ce mot si intelligible et si odieux. Que d'hommes, qui regardent avec mépris un gourmand ou un ivrogne, et qui manquent eux-mêmes, à chaque instant, de la grâce de la tempérance. Certainement, les excès dans le manger et dans le boire, méritent d'être rangés parmi les formes les plus viles et les plus dégradantes de l'égoïsme, et ne peuvent être regardés que comme les fruits les plus amers de cet arbre du moi, aux rameaux si étendus. Le moi, en effet, est un arbre, et non pas seulement la branche d'un arbre, ni le fruit d'une branche; et il ne faut pas seulement que nous jugions le moi quand il est en activité, mais il faut que nous sachions le tenir en bride et que nous le dominions, pour qu'il n'agisse pas.

Mais, dira-t-on, comment pouvons-nous dominer le moi et nous posséder nous-mêmes? La réponse, Dieu en soit béni, est simple: «Je puis toute chose en Celui qui me fortifie» (Philippiens 4: 13). N'avons-nous pas reçu le salut en Christ! Et si, nous qui croyons, nous avons réellement reçu ce salut merveilleux, que renferme-t-il pour nous? N'est-il que la délivrance de la colère à venir, le pardon de nos péchés, et l'assurance que nous échapperons aux tourments de l'étang de feu et de soufre? Non! quelque précieux et inappréciables que soient ces privilèges, le salut renferme bien plus que cela. Il implique la purification du coeur par la foi, la possession pleine et entière, de Christ, comme notre «sagesse», notre «sanctification», notre «justice» et notre «rédemption» (1 Corinthiens 1: 30). Christ nous a été fait «sagesse», pour nous conduire hors des sentiers ténébreux et trompeurs du péché, dans les sentiers de la paix et de la lumière du ciel, il nous a été fait «justice», afin que nous soyons justes devant la face d'un Dieu saint; «sanctification», afin de nous mettre à part pour Dieu et de nous rendre pratiquement saints dans toutes nos voies; et «rédemption», pour nous délivrer à jamais de toute la puissance de la mort, et nous donner l'entrée dans les demeures éternelles de la gloire.

Ainsi donc «l'empire sur nous-mêmes» est une conséquence du salut que nous avons en Christ, un résultat de cette participation à la vie du Christ ressuscité, dont la grâce divine nous a fait don. Il faut nous garder soigneusement de considérer le salut sous le point de vue étroit et égoïste, sous lequel il est souvent présenté et auquel nous ne sommes que trop disposés à le restreindre. Il faut, au contraire, chercher à le saisir dans toute sa plénitude. Le salut s'étend d'une éternité à l'autre; il embrasse, dans son cours puissant, tous les détails de la vie journalière. Je n'ai aucun droit de parler de salut pour mon âme dans l'avenir, si je refuse d'en reconnaître et d'en manifester la portée sur ma conduite dans le temps présent. Nous sommes délivrés, non seulement de la coulpe et de la condamnation du péché, mais encore, et tout aussi pleinement, du pouvoir, de la pratique et de l'amour du péché. Non pas que la chair ne soit plus en nous, et que nous ne soyons pas sujets à broncher de mille manières, mais nous sommes morts au péché, vivants à Dieu dans le Christ Jésus: «Celui qui est mort est quitte du péché» (Romains 6). Etant morts et ressuscités avec Christ, nous mortifions nos membres qui sont sur la terre. Nous dépouillons le vieil homme et nous revêtons le nouvel homme, créé selon Dieu en justice et en sainteté. Tel est le «salut», qui est en Christ, et telles en sont les conséquences pratiques. En présentant maintenant quelques observations sur le sujet de «la domination de soi-même», je m'occuperai successivement de ces trois choses: les pensées, la langue et le caractère. Je suppose que mon lecteur est un homme qui a trouvé le salut en Christ; s'il n'en était pas ainsi, je ne puis que lui indiquer le seul chemin véritable et vivant: «Crois au Seigneur Jésus Christ, et tu seras sauvé toi et ta maison» (Actes des Apôtres 16: 31). Mets toute ta confiance en Lui et tu seras, en sûreté comme Il l'est Lui-même.

Nous nous occuperons donc en premier lieu de nos «pensées» et du contrôle que nous devons habituellement exercer sur elles. Je présume qu'il y a peu de chrétiens qui n'aient souffert de mauvaises pensées, ces visiteuses importunes qui viennent troubler, jusque dans nos retraites les plus profondes, le repos de nos esprits qui, si souvent, obscurcissent notre atmosphère, et nous cachent la vue claire et libre de la gloire du ciel. Le Psalmiste pouvait dire: «J'ai eu en haine les pensées vaines»; et cela n'est pas étonnant. Les mauvaises pensées sont réellement haïssables, et doivent être jugées, condamnées et rejetée. Quelqu'un a dit en parlant de ce sujet: «Je ne puis empêcher les oiseaux de voler autour de moi, mais je puis empêcher qu'ils se posent sur moi». Pareillement, je ne puis empêcher les mauvaises pensées de naître dans mon esprit, mais je puis leur refuser un abri, les empêcher de s'y loger.

Mais comment pouvons-nous gouverner nos pensées? — Par nous-mêmes, nous ne le pouvons pas plus que nous ne pouvons effacer nos péchés, ou créer un monde. Qu'avons-nous donc à faire? Regarder à Christ; — c'est là le vrai secret de l'empire sur soi-même. Christ peut non seulement nous préserver d'accueillir les mauvaises pensées, mais il peut empêcher qu'elles ne s'élèvent en nous. Nous ne pouvons rien ni à un égard, ni à l'autre; Lui seul peut tout. Il peut empêcher ces hôtes funestes, non seulement d'entrer, mais même de frapper à la porte. Lorsque la vie divine agit en nous, que le courant de la pensée spirituelle et du sentiment est profond et incessant, que les affections du coeur sont puissamment concentrées sur la personne de Christ, des pensées mauvaises ne viennent pas nous tourmenter. Ce n'est que lorsque nous nous laissons envahir par la paresse spirituelle, que les mauvaises pensées, cette race impure, — arrivent sur nous comme des eaux qui débordent; et alors notre seule ressource est encore de regarder directement à Christ. Nous pourrions aussi bien tenter de lutter contre les armées déchaînées de l'enfer, que d'essayer de combattre contre une horde de mauvaises pensées. Notre unique refuge est Christ. Il nous a été fait «sanctification» par Lui nous pouvons toutes choses. Nous n'avons qu'à invoquer le nom de Jésus contre ces pensées qui nous assiègent, et certainement il nous délivrera entièrement et immédiatement; Il remplira nos âmes de Lui et des choses du ciel.

De toutes manières, le meilleur moyen d'être garanti du mal, c'est d'être préoccupé de ce qui est bien. Quand le courant de la pensée tend positivement vers le ciel, quand il est profond et bien établi, sans détours et sans lacunes, l'imagination et le sentiment, surgissant par l'Esprit des sources profondes de l'âme, suivront ce lit naturellement (comparez Philippiens 2 et 3). Voilà la meilleure voie, je le répète. Notre propre expérience nous le montrera. «Au reste, frères, toutes les choses qui sont vraies, toutes les choses qui sont vénérables, toutes les choses qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les choses qui sont aimables, toutes les choses qui sont de bonne renommée; s'il y a quelque vertu et quelque louange, — que ces choses occupent vos pensées: ce que vous avez et appris, et reçu, et entendu, et vu en moi: — faites ces choses, et le Dieu de paix sera avec vous» (Philippiens 4: 8, 9). Quand notre coeur n'est occupé que de Christ, en qui est le corps de toutes ces choses, énumérées au verset 8, nous jouissons d'une paix profonde, que les mauvaises pensées ne troublent pas, et c'est là la vraie possession de soi-même.

2° Si nous passons maintenant à ce qui concerne la langue, ce membre si petit, mais si important, qui produit tant de bien et aussi tant de mal: — cet instrument dont nous savons tirer des accents pleins de tendre et douce sympathie, et des paroles d'amer sarcasme et de brûlante haine — qu'elle est précieuse la grâce de la domination de soi-même, lorsqu'elle est appliquée à un pareil membre! Un instant suffit à la langue pour faire un mal que des années ne peuvent réparer. Que ne donnerait-on pas souvent pour effacer des paroles qu'on a proférées légèrement! Ecoutez ce que dit l'apôtre: «Si quelqu'un ne bronche pas en paroles, celui-là est un homme parfait; il est capable aussi de tenir tout le corps en bride. Voici, nous mettons les mors des chevaux dans leurs bouches, pour qu'ils nous obéissent, et nous dirigeons çà et là tout leur corps. Voici, les navires aussi, qui sont si grands, et qui sont poussés par des vents violents, sont dirigés çà et là avec un très petit gouvernail, où que ce soit que le veuille l'impulsion donnée par celui qui gouverne. Ainsi aussi la langue est un petit membre et se vante de grandes choses. Voici, un petit feu aussi, combien de bois allume-t-il? Et la langue est un feu, le monde d'iniquité: ainsi la langue est établie parmi nos membres, et elle souille tout le corps, et enflamme tout le cours de la nature et est enflammée de l'enfer. Car toute espèce de bêtes sauvages, d'oiseaux, de reptiles et d'animaux marins se dompte et a été domptée par l'espèce humaine, mais pour la langue, aucun des hommes ne peut la dompter; c'est un mal qu'on ne peut contenir, plein d'un venin mortel» (Jacques 3: 2-8).

Qui peut gouverner la langue? Nul homme n'en est capable, mais Christ peut le faire; et nous n'avons qu'à regarder à Lui, dans la foi, avec le sentiment aussi bien de notre incapacité que de sa toute puissance, et sa force s'accomplira dans notre faiblesse.

Nous pourrions aussi bien chercher à arrêter les eaux de la mer, ou le torrent de la montagne que de vouloir nous-mêmes gouverner notre langue. Que de fois, quand nous souffrions des suites d'une parole inconsidérée, n'avons-nous pas pris la résolution de mieux tenir en bride désormais «ce membre» ingouvernable! — Mais, hélas! nos résolutions s'évanouissaient comme la nuée du matin, et il ne nous restait qu'à rentrer en nous-mêmes et à pleurer sur notre déplorable faiblesse. Et d'où vient qu'il en était ainsi? Uniquement parce que nous entreprenions cette oeuvre avec notre propre force, ou du moins sans le sentiment assez profond et assez réel de notre entière faiblesse. C'est de là que viennent toutes les chutes. Il faut que nous nous tenions près de Christ, comme l'enfant se tient près de sa mère; non pas qu'en faisant ainsi, nous en ayons quelque mérite, — mais c'est en nous tenant près de Christ et en nous attendant à Lui, et ainsi seulement, que nous parviendrons à tenir en bride notre langue. Souvenons-nous toujours de ces paroles solennelles du même apôtre que nous avons déjà cité: «Si quelqu'un pense être religieux et ne tient pas en bride sa langue, mais séduit son coeur, la religion de cet homme est vaine» (1: 26). Cette déclaration convient singulièrement au temps présent, où il se dit tant de choses vaines et où tant de langues sont sans frein. Que Dieu nous donne d'y prêter l'oreille pour que notre conduite tout entière porte l'empreinte de son influence.

Le dernier sujet que nous ayons encore à considérer, c'est le «caractère»; il est étroitement lié à «la langue» et «aux pensées». Quand la source de la pensée est l'Esprit, et que le courant est céleste, la langue n'est qu'un agent actif pour le bien, et «la disposition de l'âme» sera paisible et tranquille. Christ, habitant dans le coeur par la foi, domine toutes choses. Sans lui rien n'a de valeur. Quand même je posséderais et je manifesterais le calme d'un Franklin ou d'un Socrate, je pourrais cependant ignorer complètement ce qu'est «la tempérance» ou «l'empire sur soi-même», dont parle l'apôtre Pierre. Cette «tempérance» est fondée sur la «foi», tandis que le calme stoïque des sages selon le monde est basé sur le principe tout à fait opposé de la philosophie. Il ne faut pas que nous oubliions qu'il est dit: «Joignez à votre foi la vertu etc.…»; la foi va avant tout; elle est le seul lien qui unisse le coeur à Christ, la source vivante de toute puissance. Possédant Christ, et demeurant en Lui, nous sommes rendus capables de «joindre à la foi, la vertu, la connaissance, la tempérance, la patience, la piété, l'affection fraternelle, l'amour». Tous ces fruits précieux sont l'effet de notre association à Christ et de notre demeure en Lui. — Mais par moi-même je ne puis pas davantage gouverner la disposition de mon âme, mon caractère, que ma langue ou mes pensées, et si je le tente, je suis sûr de faillir à chaque instant. Un philosophe, sans Christ, manifestera peut-être plus d'empire sur lui-même, sur sa langue et son caractère, qu'un chrétien, si celui-ci ne demeure pas en Christ. Mais il n'en serait pas ainsi, si le chrétien regardait simplement à Jésus. Si l'ennemi prend le dessus, c'est qu'on manque en ce point essentiel. Le philosophe qui n'a pas Christ réussit en apparence dans l'oeuvre si importante du gouvernement de soi-même, mais il n'en est que plus aveugle quant à la réalité de sa condition devant Dieu et entraîné plus sûrement vers la perdition. Satan jouit quand il peut faire trébucher et tomber un chrétien, afin qu'il trouve ainsi une occasion de blasphémer le saint nom de Christ.

Lecteur chrétien, souvenons-nous de ces choses! Regardons à Christ, afin d'apprendre à posséder nos âmes, à gouverner nos pensées, notre langue, notre caractère. «Apportons-y tout empressement», et pesons l'importance de la chose à tous égards. «Si ces choses sont en vous et y abondent, elles ne vous laisseront pas oisifs, ni stériles, relativement à la connaissance de notre Seigneur Jésus Christ. Mais celui en qui ces choses ne se trouvent pas, est aveugle, et ne voit pas de loin, ayant oublié la purification de ses péchés d'autrefois» (2 Pierre 1: 8, 9). Cette déclaration de l'apôtre est bien sérieuse! Il est si facile de tomber dans un état d'aveuglement et de sommeil spirituel, et aucun degré de connaissance, soit de la doctrine, soit de la lettre de l'Ecriture, ne peut préserver l'âme de cette affreuse condition! Il n'y a que la connaissance de notre Seigneur Jésus Christ qui nous profite; et cette connaissance doit croître en nous, en ce que y «apportant tout empressement», nous «joignions à notre foi» les dons divers de la grâce, que l'apôtre rappelle dans le passage si éminemment pratique qui nous occupe. «C'est pourquoi, mes frères, étudiez-vous d'autant plus à affermir votre vocation et votre élection, car en faisant ces choses vous ne broncherez jamais; car ainsi l'entrée au royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ vous sera richement donnée» (versets 10, 11).