Psaume 27: 1

 «L'Eternel est ma lumière et ma délivrance, de qui aurai-je peur? L'Eternel, est la force de ma vie, de qui aurai-je frayeur?»

En lisant les Psaumes, tout lecteur sérieux peut remarquer que, dans l'admirable variété de sentiments qu'ils expriment, chacun d'eux présente un état d'âme particulier, ou tout au moins des circonstances particulières, bien que relatives au même sujet. De là vient que cette lecture procure à beaucoup de chrétiens de l'édification, parce que, sous plus d'un rapport, ils y trouvent l'expression des sentiments qui les préoccupent. En d'autres cas, lorsque l'absence des sentiments que le coeur désire exprimer est sentie, les Psaumes formulent des sentiments analogues à l'état spirituel de l'âme, et dont l'Esprit de Dieu se sert pour aider le coeur à s'épancher devant le Seigneur. Sans doute que, sous ce rapport, l'état spirituel de l'un n'étant pas celui de l'autre, il s'ensuit fréquemment, que l'un reçoit du bien de tel Psaume, et non pas l'autre. Supposons, par exemple, qu'un des lecteurs soit en chute, il ne trouvera certes pas dans le Psaume qui est devant nous l'édification qu'il puisera au Psaume 51, parce que ce dernier est relatif à l'état de son âme plutôt que le premier, car, dans le cas supposé, le coeur a besoin d'exprimer à Dieu sa douleur intérieure, ses amers regrets; de lui faire, en un mot, l'humble confession de son péché. Cette différence n'a absolument rien de surprenant, car ce qu'une âme fidèle, qui vit près du Seigneur, a à dire à Dieu, diffère, du tout au tout, du langage d'une âme en chute et même repentante.

Le Psaume que nous méditons exprime la confiance absolue du fidèle, au sein même de l'épreuve; sa position est celle de témoignage au milieu des méchants, ses ennemis; mais la foi a saisi ce que Dieu est pour le fidèle, dans cette position, et c'est ce qui est célébré au commencement de ce Psaume. Or, dans les exercices nombreux et variés que l'âme rencontre et à travers lesquels elle est appelée à passer, il peut arriver que, de prime abord, elle éprouve un état de souffrance morale qui, quelquefois, n'est pas dès le début comprise de tous ceux qui en font l'expérience: on ne se rend compte ni de la cause qui la produit, ni du but qu'elle doit avoir. Ces quelques lignes donc sont écrites dans l'intention, d'aider ceux qui en auraient besoin à comprendre à quoi tient cet état de souffrance. Mais comme base à ces observations posons tout d'abord cette vérité: «toutes choses ensemble travaillent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son propos arrêté».

Dans l'expérience de la vie chrétienne ou de la foi, les épreuves, les tentations, tout ce qui exerce l'âme — servent à rendre évident l'état spirituel où l'on se trouve; ainsi, l'état de l'âme est manifesté, d'abord à soi-même, puis aussi quelquefois à d'autres; mais c'est là précisément la cause de la souffrance mentionnée plus haut, souffrance dont l'intensité varie selon le degré de communion dont nous jouissons avec Dieu. Quelquefois, hélas! l'épreuve montre qu'il n'y avait rien de pareil en notre coeur; alors nécessairement la souffrance n'est pas mêlée à un certain degré de jouissance, mais c'est la souffrance avec toute son amertume: nos infidélités, notre insouciance pour ce qui regarde la gloire de Christ, sont les seules pensées qui préoccupent le coeur. Mais de même que l'or, jeté par l'orfèvre dans le creuset, montre d'abord la crasse qui en dérobait l'éclat, de même aussi en est-il de nous, lorsque Dieu nous jette dans le creuset de la souffrance, et c'est ici que son but envers nous se découvre: Il veut produire par la souffrance que nous rencontrons et, fondée sur le jugement de nous-mêmes, cette beauté morale qui ne paraissait pas auparavant, éclipsée qu'elle était par des éléments qui nécessitent la discipline de Dieu.

Dans le Psaume que nous méditons, l'état d'âme du fidèle est décidément heureux; il a devant lui la tentation — Satan et beaucoup d'ennemis, — mais il y entre avec la connaissance de Dieu et le courage que donne la foi. — Il ne s'agit pas pour lui de savoir s'il peut compter sur Dieu, car il sait que Dieu est pour lui, c'est même ce qui fait sa joie et sa confiance. Voici donc dans quel ordre sont placées les bénédictions de ce remarquable cantique. D'abord, c'est la lumière qui est mentionnée: «l'Eternel est ma lumière», la raison peut en être facilement saisie. Dans le combat où l'âme se trouve engagée, il peut arriver qu'elle ait à traverser certaine phase de la lutte, où il semble que toute lumière disparaît; Satan cherche même à ébranler une conviction bien établie, on ne sait que faire, ni de quel côté se tourner: on ne comprend plus rien ni à son état ni à la position où l'on est. C'est donc pour répondre à ce besoin si impérieux de l'âme, dans ces circonstances critiques, que Dieu se révèle comme étant la lumière, car c'est comme tel qu'Il garde l'âme dans le vrai, et qu'Il rend ainsi le fidèle capable de triompher des ténèbres dans lesquelles Satan cherchait à l'envelopper.

Remarquons aussi, que de tels assauts, l'ennemi les livre indifféremment à tous les saints, qu'ils soient fidèles ou infidèles à la profession qu'ils font de la vérité. Dans le premier cas (et tel est celui du fidèle de ce Psaume), l'âme est dans une heureuse communion avec Dieu, à l'extérieur même: elle n'a pas à rougir devant ses ennemis: il lève la tête (verset 6) sans craindre aucun reproche. Satan cherche bien à plonger son âme dans les ténèbres, mais il ne réussit pas à l'accabler. Même en traversant la vallée de l'ombre de la mort, le croyant s'écrie: «Je ne craindrai aucun mal, car Tu es avec moi». Ainsi s'avance le fidèle vers le tabernacle de son Dieu, où de nombreux motifs l'appellent à offrir «des sacrifices de cris de réjouissance» etc.

Dans le second cas, l'état de l'âme étant l'opposé du premier, on comprend qu'ici l'ennemi paraisse remporter quelque avantage; observons donc, avant d'aller plus loin, que, dans le premier cas, la lutte a le caractère d'épreuve de foi, c'est une conséquence de l'état de fidélité dans lequel on se trouve; tandis que, dans le second, c'est la discipline, employée de Dieu, pour rendre son enfant, «participant de sa sainteté». Toutefois, il ne faut pas s'étonner si, dans ce cas, l'exercice par où passe le coeur n'amène pas tout d'abord la jouissance qu'il aimerait à trouver, car notre état, comme aussi nos circonstances, peut avoir, aux yeux de Dieu, un tel caractère mauvais, que l'ennemi s'en sert pour garrotter l'âme sous le poids de la souffrance. Ici évidemment, il n'est pas question de jouissance, car elle est momentanément bannie, l'âme alors est comme dans la fournaise, l'amertume de sa position est tout ce qui la remplit; on pense que Dieu cache sa face, tout est obscurité, on n'entrevoit plus la possibilité de la délivrance que l'on désire si ardemment. Or grâces à Dieu qui est au-dessus de tous les raisonnements de l'incrédulité, car quelle que soit l'extrémité où l'on se trouve, on peut avoir une telle confiance en Dieu, que (bien qu'on n'en jouisse pas) Dieu n'en est pas moins notre lumière — notre délivrance — et la force de notre vie. Seulement notons bien, que si Dieu trouve nécessaire de nous faire passer par là, c'est afin que nous sentions toute la valeur des choses dont l'âme est privée — des choses dont la culture a été négligée dans notre vie journalière: la confiance en Dieu, — la certitude de son amour, — une entière dépendance de Lui: enfin tout ce qui a rapport à nos relations avec Dieu et à nos privilèges en Christ. Toutefois, l'ardeur de la fournaise ne produira autre chose qu'une délivrance plus complète et mieux sentie: nous y aurons fait l'expérience que Dieu est pour nous, et non pas contre nous, bien que les apparences aient semblé montrer le contraire.

Quant à ceux qui rencontrent un exercice d'âme ou un combat quelconque, et qui y entrent avec la certitude qu'exprime le verset 1er de notre Psaume, ils n'ont pas, on le comprend, une pareille expérience à faire, bien que la fournaise soit toujours la fournaise; mais il y a pour eux moins d'agitation, moins de souffrance, car ils savent que, quoi qu'il advienne, Dieu est leur lumière, leur délivrance et leur force! Tel a été le cas de notre adorable Sauveur, envisagé dans son témoignage et sa position au milieu des Juifs; sous ce rapport on voit dans ce Psaume, d'une manière prophétique, l'expression de sa ferme confiance et de son espérance en l'Eternel. Dans ce cas, on peut y voir, avec assez de probabilité, Jésus, lui le fidèle par excellence, se rendant à Gethsémané en chantant en esprit ce psaume. Effectivement, Il savait ce qu'il allait rencontrer dans ce lieu d'oraison, où d'ordinaire il se rendait avec ses disciples (Luc 22: 39). Cette fois-ci, l'ennemi le plus redoutable qui se puisse être, Satan, le prince de la mort, l'y attendait, cherchant à l'effrayer par les terreurs de la mort dont il entourait son âme; au dehors, des ennemis cruels s'avançaient pour se jeter sur lui «afin de manger sa chair»;mais «ils bronchent et ils tombent», à la voix de Celui qui ne cherchait pas à garantir sa vie et qui pourtant demeura ferme, son coeur étant bien appuyé sur l'Eternel. Aussi goûta-t-il alors la douceur de la bénédiction qui ressort de la certitude de la foi, exprimée au commencement du Psaume: c'était aussi pour Lui du miel découlant sur son chemin (1 Samuel 14: 27).

Deux choses résument cet excellent Psaume: 1° la pleine confiance du fidèle en l'Eternel, en face de ses ennemis; 2° la détresse qui le porte à crier à l'Eternel. Les six premiers versets sont relatifs à la confiance du fidèle, et les suivants à sa détresse. Néanmoins tout est bien pour son âme, car Dieu est sa lumière et quelles que soient l'étroitesse et la difficulté du chemin que foule la plante de son pied, l'Eternel est sa délivrance! Porte-t-il ses regards en avant, c'est-à-dire, au delà de ses circonstances, il a la perspective d'habiter la maison de l'Eternel, de visiter soigneusement son palais, et par-dessus tout, l'inestimable privilège de contempler la face ravissante de l'Eternel. Tout ce qui révèle à l'âme Dieu et les richesses de gloire que le fidèle a en perspective, fait sa joie, sa force et son repos, dans le présent comme dans l'avenir, alors que tout combat aura cessé; car il n'y a rien de plus vrai, ni par conséquent de plus sûr pour l'âme, que ce qu'embrasse la foi, avec une ferme assurance que jamais Dieu ne fera défaut à ses promesses.

Sans doute, Dieu permettra peut-être que, d'un bout à l'autre, le chemin soit parsemé de difficultés, — qu'en certains cas l'on soit même chargé au delà de ses forces, ainsi que l'exprime Paul (2 Corinthiens 1: 8, 9); mais malgré tout on est délivré, comme l'apôtre en fit l'heureuse expérience, selon cette fidélité de laquelle Dieu ne peut se départir.

Remarquons encore, dans ce qui a rapport à l'expérience de l'âme sur le chemin de la foi, qu'à part la joie anticipée d'habiter la maison de l'Eternel à toujours (Psaumes 23: 6), il y a encore ceci d'actuel et de profondément précieux quant à l'effet que produisent les difficultés — la détresse même, c'est d'avoir Dieu près de soi: — «Je serai avec lui dans la détresse». Il va sans dire que, pour en jouir, il faut y croire; mais il ressort de ce fait cette consolation que, déjà dans ce monde de misères et de luttes, le Dieu avec lequel nous nous réjouissons, d'habiter, est avec nous, toujours plein d'amour, de bonté, et de compassions, et sachant bien de quoi nous sommes faits. Ainsi, si la perspective de la possession de la gloire a la puissance d'attirer le coeur en haut, il est, d'un autre côté, important de ne pas méconnaître ce qu'il y a de particulièrement précieux dans les afflictions et tous les autres genres de difficultés que nous traversons durant notre pèlerinage: Avoir Dieu avec soi! Moïse n'appréciait-il pas à sa juste valeur cette présence divine, lorsqu'il dit à Dieu: «Si tu ne viens avec nous, ne nous fais point monter d'ici» (Exode 30: 15, 16)? Au reste, les exemples que nous fournit l'Ecriture, relativement à la manière dont Dieu s'identifie avec les siens dans leurs épreuves, sont assez nombreux. On se rappelle ceux d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et comment, dans toutes leurs angoisses, Dieu était non seulement pour eux, mais encore avec eux; et de la même manière pour et avec tous ceux qui les ont suivis dans la même voie. On se souvient pareillement de ces paroles de Jésus: «Vous me laisserez seul, mais je ne suis pas seul, car le Père est avec moi» (Jean 16: 32). Et ailleurs nous lisons: «Et la nuit suivante, le Seigneur se tint près de lui (Paul), et dit: Aie bon courage, car comme tu as rendu témoignage à Jérusalem des choses qui me regardent, ainsi il faut aussi que tu me rendes témoignage à Rome» (Actes des Apôtres 23: 11).

Telle est donc la manière dont Dieu se plaît à agir envers ses bien-aimés et à les fortifier dans leurs épreuves; aussi, les paroles qui terminent ce Psaume sont-elles tout particulièrement en rapport avec le sujet qui nous occupe: «Attends-toi à l'Eternel, demeure ferme, et il fortifiera ton coeur. Attends-toi, dis-je, à l'Eternel». Loué soit notre Dieu, de ce qu'en tout temps et en toutes circonstances ses sympathies nous sont acquises et son secours puissant, assuré.