Genèse 18

Dans ce beau chapitre, ce qui frappe, instruit et édifie, c'est évidemment la vue de l'intimité et de la liberté qui existe entre le Seigneur et Abraham et entre Abraham et le Seigneur. Celui-ci s'assied à la table d'Abraham, Il converse avec lui, Il lui révèle ses pensées et ses projets, soit quant à lui, Abraham, soit quant à Sodome. Abraham de son côté montre ici une entière et joyeuse liberté en présence de «son Seigneur».

Il faut bien remarquer cependant quelle est l'attitude, si je puis ainsi parler, d'Abraham devant l'Eternel. La voici: dès qu'il aperçoit le Seigneur, sa face est contre terre (verset 2). Et lorsqu'Abraham lui parle avec tant de liberté, il le fait dans le profond sentiment que, devant Dieu, «il n'est que poudre et que cendre» (verset 27). Et ainsi du commencement à la fin, Abraham ne perd pas un instant de vue qu'il est devant «son Seigneur». Mais quelles que soient la vivacité et la profondeur du sentiment d'Abraham, de n'être que poudre et que cendre, il ne se méprend pas sur la disposition du coeur de Dieu à son sujet. N'est-Il pas venu le trouver à la porte de sa tente? N'est-Il pas assis à sa table? Ne converse-t-il pas familièrement avec lui et même ne lui révèle-t-il pas ses secrets? Oui. Et si vous voyez Abraham si plein d'un saint respect, vous ne voyez cependant percer chez lui aucune espèce de crainte, de frayeur, de gêne, de malaise! tout en lui, au contraire, respire la paix, la joie, la liberté. Cela est si vrai, si certain que, si Abraham doit aller prévenir Sara, c'est à la hâte qu'il y va; s'il va lui-même au troupeau choisir un veau tendre et bon, c'est encore en courant. Et pendant que ses hôtes sont à table, où le trouve-t-on? Dans la tente? Près de sa chère Sara? Non! Il se tient PRES d'eux sous l'arbre (verset 8). Quand le repas est terminé, que les hôtes se lèvent et se dirigent vers Sodome, que fait Abraham? Va-t-il à ses troupeaux, à ses travaux? Non! — Il marche avec eux! — Abraham, on le sent, respire ici le bonheur; il est joyeux, il est heureux, quoiqu'il soit sérieux, quoiqu'il se connaisse «poudre et cendre». C'est qu'il est avec Dieu! et qu'en Dieu est la joie, en Dieu est le bonheur! Que sont les autres jouissances en comparaison de celles que l'on trouve dans une intime communion avec Dieu? Pures misères. Pour être avec Dieu, Abraham quittait volontiers Sara, sa tente et ses troupeaux. Puissions-nous en cela l'imiter! Quand nous sortons dans ce monde pour vaquer à nos affaires, hâtons-nous; ne perdons pas notre temps; rentrons en courant dans la solitude avec Dieu, là où nous pouvons sans entraves l'écouter et lui parler! Celui qui a déjà «goûté combien le Seigneur est bon» peut dire aux autres: «Goûtez et voyez combien l'Eternel est bon» (Psaumes 34: 8). Car mieux vaut un jour dans tes parvis que mille ailleurs. J'aime mieux me tenir sur le seuil de la maison de mon Dieu que de résider dans les tentes des méchants (Psaumes 84: 10). Voilà ce que peut dire, celui qui, comme Abraham, a été dans une intime communion avec Dieu. Il y a une telle jouissance pour l'âme dans cette communion, qu'aussi longtemps qu'elle demeure emprisonnée dans ce corps vil, elle est comme dévorée de soif: «Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant: oh! quand irai-je et me présenterai-je devant la face de Dieu?» (Psaumes 42: 2). «O Dieu! tu es mon Dieu, je te cherche dès le point du jour; mon âme a soif de toi» (Psaumes 62).

Revenons à notre chapitre. Depuis le verset 9e au verset 22, Dieu parle et Abraham écoute; Il renouvelle au patriarche la promesse déjà faite d'un fils, et Il lui révèle sa pensée au sujet de Sodome. Depuis le verset 22 à la fin, c'est Abraham qui parle et Dieu qui écoute… Etonnant échange de pensées! Non que Dieu ne connaisse pas nos pensées avant que nous les exprimions; «car la parole n'est pas encore sur ma langue, que déjà, ô Eternel! tu la connais tout entière» (Psaumes 139: 4). Mais voilà le terrain sur lequel Dieu consent à être avec nous, vermisseaux! avec nous, poudre et cendre! Et c'est lui-même, le Seigneur, qui est venu nous chercher, nous appeler hors de ce monde souillé, et nous donner une place d'honneur en sa présence! et là, aussi purs au moins que le sont les anges, nous pouvons parler à Dieu, et Dieu, notre Père, peut sans se déshonorer parler avec nous; et il le fait, et même c'est sa joie de le faire, car Il nous aime. «Je ne vous appelle plus esclaves, car l'esclave ne sait pas ce que son maître fait; mais je vous ai appelés amis… parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai ouï de mon Père» (Jean 15: 15). «Cacherai-je à Abraham ce que je m'en vais faire?» (verset 17). Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté (Ephésiens 1: 9); tout son conseil nous, est dévoilé, il ne nous a rien caché des choses qui pouvaient nous être profitables. Sans doute nous ne connaissons encore qu'en partie, mais seuls avec Dieu, l'oreille ouverte à ses paroles, nous apprenons chaque jour mieux quelle est sa volonté, et ce qu'il est lui-même. Etre, comme Marie aux pieds du Seigneur pour écouter sa parole… c'est là notre grand privilège. Mais il faut être là pour bien entendre; si comme Marthe nous sommes trop agités par les soins domestiques, nous profiterons peu, nous jouirons peu, quoique Jésus soit tout près, sous le toit même de Marthe. «Quand tu entres dans la maison de Dieu, approche-toi pour… écouter, plutôt que pour donner ce que donnent les fous…».

Ce qui caractérise donc un homme devant Dieu, ayant la conscience de l'amour de Dieu pour lui, c'est d'abord un saint et profond respect et un sentiment puissant de son propre néant, sachant qu'il n'est que poudre et cendre; mais aussi, c'est une sainte et joyeuse liberté, une joie intérieure, douce, inexprimable, glorieuse, et un grand besoin de recevoir plutôt que de donner, d'écouter plutôt que de parler. Dès que notre langue se déchaîne, dès que nous nous précipitons à parler, même en priant, le regard de notre coeur n'est plus fixé sur Dieu, quelque chose nous a distrait; Dieu est près de nous, mais nous ne nous en apercevons pas.

Bien des chrétiens ont horreur d'une réunion religieuse qui n'a pas un président. Quel désordre! disent-ils, quelle confusion! Oui, certainement, oui, si Jésus Christ n'y est pas. Mais s'il y est, et si chacun est devant lui, le regarde, l'écoute, se tait, ou parle, ou prie, ou chante en sa présence, croyez-le, il y aura là un sérieux, une gravité, une liberté, une joie, que vous chercheriez en vain dans une assemblée où il y aurait dix présidents pour un, et d'où Jésus serait exclu. Ah! la présence de Jésus, voilà ce qui a de la vertu sur nos âmes, voilà ce qui a de la puissance dans une assemblée! Un prédicateur peut être éloquent, pressant, puissant, il peut émouvoir son auditoire jusqu'aux larmes; ta présence, Jésus, est bien plus agréable et plus profitable, que tous les discours du monde. Sont-ce des paroles humaines qui peuvent réchauffer nos coeurs? Non! Qui a été avec toi, qui a goûté combien tu es bon, ne cherche que toi, ne veut que toi, n'est satisfait que de toi! Un chant harmonieux, une prière onctueuse, une riche méditation, ce n'est pas encore ta présence. Heureux sont ceux qui se réunissent au nom de Jésus et qui le trouvent! Ils peuvent ne pas savoir grand chose et ne pas être grand chose, n'être que poudre et cendre, et bien, ceux-là, oui, ceux-là éprouveront une puissance, une joie, une paix inconnues à tous ceux qui cherchent autre chose que Jésus simplement. Ah! que de bons frères s'efforcent de ranimer, de vivifier les assemblées dont ils font partie; le moyen pour cela est tout trouvé: que Jésus soit là! Oh! Seigneur:

Que de ta présence

Au milieu de nous

L'heureuse influence

Nous pénètre tous!

Quand, comme Abraham, nous avons été avec le Seigneur, quand il nous a parlé et que nous l'avons écouté, quand nous nous tenons près de lui et marchons avec lui, comme Abraham aussi, nous prenons la hardiesse de parler à notre Seigneur. Il nous autorise à lui présenter nos demandes par des prières, des supplications, avec des actions de grâces. Il nous dit: «Rejette ton souci sur moi, fais-moi connaître tes besoins, j'y pourvoirai, ouvre ta bouche, je la remplirai». Et c'est ici la confiance que nous avons en lui que, si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute… et si nous savons qu'il nous écoute, quoi que nous lui demandions, nous savons que nous avons les choses que nous lui avons demandées (1 Jean 5: 14, 15).

On dit: les besoins sont grands, — et cela est vrai mais Dieu est plus grand que tous nos besoins, exposons-lui tous ces besoins, puis restons tranquilles, car à lui seul appartient l'action; c'est auprès de Dieu qu'il nous faut agir pour les Lots d'aujourd'hui. N'aurions-nous pas encore entendu ceci: «c'est que la force appartient à Dieu» (Psaumes 62: 11)? Que pouvons-nous sans son intervention? Rien; et nous en avons assez fait l'expérience. La force appartient à Dieu, et pour nous la force n'est ni dans notre savoir, ni dans nos dons, ni dans notre piété, ni dans notre nombre, elle est en Christ seul: «Je puis tout en Christ qui me fortifie» — et qui dit: «Hors de moi, vous ne pouvez rien faire». Je le sais, rien n'est mieux connu, mieux reçu parmi les croyants, que cette vérité; rien n'est plus généralement oublié dans la pratique. Et c'est pour cela que nos intercessions pour les Lots et pour toutes les misères des saints ont si peu de ferveur; voilà pourquoi elles sont peu fréquentes. L'état de l'Eglise nous afflige, c'est très bien; parlons-en à Celui qui seul peut y porter remède. Ne devons-nous donc pas agir? Oui, certainement, si nous agissons avec Dieu. Nous ne devons pas agir sans Dieu. Le faire, c'est travailler pour le feu. Dieu veuille nous faire sentir le besoin que nous avons de rechercher sa communion, sa présence; nous en raisonnons, nous en parlons, peut-être même que nous en discutons; dorénavant vivons dans cette communion, et là nous apprendrons ce que ni homme, ni livre, ni discours ne peuvent nous apprendre.