Extrait des
Notes sur le Lévitique, chapitre 2, traduites de l'anglais et sous presse.
Dans l'étude de «l'offrande du gâteau», type de la parfaite humanité de
Christ, l'auteur considère, d'abord, les matières dont elle se composait: la
fleur de farine, l'huile, l'encens et le sel; puis, les ingrédients qui en
étaient exclus: le levain et le miel. Dans la seconde partie que nous donnons
ici à nos lecteurs, il traite des diverses formes sous lesquelles elle était présentée; et enfin des personnes qui y avaient part.
* * *
Le second point
que nous avons à considérer, c'est la manière dont l'offrande du gâteau était
préparée. Cette préparation, comme nous le lisons, avait lieu par l'action du
feu. Le gâteau était «cuit au four — cuit sur la
plaque — ou cuit à la poêle». L'acte de cuire suggère l'idée de souffrance.
Mais, attendu que l'offrande du gâteau est dite «en
bonne odeur» — terme qui n'est jamais employé pour le sacrifice du péché ou
pour le délit — il est évident qu'il ne s'agit nullement ici de l'idée de
souffrir pour le péché — de souffrir sous la colère de Dieu à cause du péché —
de souffrir de la part de la Justice infinie, comme le substitut des pécheurs.
Ces deux idées — «en bonne odeur» et souffrance pour
le péché sont absolument incompatibles, selon l'économie lévitique. Ce serait
détruire complètement le type de l'offrande du gâteau, que d'y introduire
l'idée de souffrance pour le péché.
En méditant sur
la vie du Seigneur Jésus qui, comme nous l'avons déjà dit, est le sujet
spécial préfiguré dans l'offrande du gâteau, nous pouvons y remarquer trois
genres distincts de souffrances, savoir: souffrance
pour la justice, souffrance en vertu de la sympathie, et souffrance par
anticipation.
Comme le
Serviteur Juste de Dieu, il souffrit au milieu d'une scène, où tout lui était contraire; mais c'était là précisément l'opposé de souffrir
pour le péché.,Il importe extrêmement de bien
distinguer ces deux sortes de souffrances; de graves erreurs résultent de leur
confusion. Souffrir comme un Juste, vivant au milieu des hommes, pour l'amour
de Dieu, est une chose, et souffrir à la place des
hommes, de la part de Dieu, est une tout autre chose. Le Seigneur Jésus a
souffert pour la justice, pendant sa vie; il a
souffert pour le péché, à sa mort. Durant sa vie, les hommes et Satan
firent tous leurs efforts contre lui; et, même à la
croix, ils déployèrent toutes leurs forces; mais quand ils eurent fait tout ce
qui était en leur pouvoir — quand, dans leur mortelle inimitié, ils eurent
atteint l'extrême limite de l'opposition humaine et diabolique, — au delà de tout cela, il y avait encore une région
d'impénétrable obscurité et d'horreur, que le Porteur du péché dut traverser,
pour l'accomplissement de son oeuvre. Durant sa vie,
il marcha toujours dans la lumière sans nuage de la face de Dieu;
mais sur le bois maudit, les sombres ténèbres du péché survenant lui cachèrent
cette lumière, et firent sortir de sa bouche ce cri mystérieux: «Mon Dieu, mon
Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?». C'est là un moment, absolument exceptionnel
dans les annales de l'éternité. De temps en temps, pendant la vie du Christ
ici-bas, le ciel s'ouvrit pour donner passage à l'expression du bon plaisir de
Dieu en lui; mais sur la croix Dieu l'abandonna, parce
qu'il avait mis son âme en oblation pour le péché. Si Christ eût porté le péché
toute sa vie durant, alors il n'y eût point eu de différence entre la croix et
son existence précédente sur la terre. Pourquoi ne fut-il
jamais abandonné de Dieu avant la croix? Quelle
différence n'y avait-il pas entre Christ sur la croix, et Christ,sur la sainte montagne de la transfiguration? Etait-il abandonné de Dieu sur la montagne?
— Portait-il alors les péchés? Ce sont là de bien
simples questions, auxquelles devraient répondre ceux qui soutiennent que,
pendant toute sa vie, le Christ a été chargé de nos péchés.
Le fait est
simplement ceci, que rien, absolument rien, soit dans l'humanité du Christ,
soit dans ses relations diverses, ne pouvait le mettre en union avec le péché,
ou avec la colère de Dieu, ou avec la mort. Il l'ut fait péché sur la croix, où
il endura la colère de Dieu, en laissant sa vie comme une expiation, pleinement
suffisante, du péché; mais il n'est pas question de
cela dans le type de l'offrande du gâteau. Nous y avons, il est vrai, l'action
de cuire — l'action du feu; mais ce n'est pas ici la
colère de Dieu. L'offrande du gâteau n'était pas une oblation pour le péché,
mais une offrande «de bonne odeur». Ainsi la
signification en est bien déterminée et, en outre, une saine et correcte
interprétation de ce type contribuera à nous faire retenir constamment, avec
une sainte jalousie, la précieuse vérité de l'humanité sans tache du Christ.
Faire de Lui, uniquement à cause de sa naissance, un porteur du péché, toujours
placé, par cela même, sous la malédiction de la loi et sous la colère de Dieu,
c'est se mettre en contradiction avec la vérité divine, tout entière, relative
à l'incarnation — vérité annoncée par l'ange, et fréquemment répétée par
l'apôtre inspiré. En outre, c'est détruire le caractère et le but de la vie du
Christ, c'est dépouiller la croix de sa gloire distinctive;
c'est rabaisser la notion du péché et celle de l'expiation. En un mot, c'est
enlever la clef de voûte à l'arche de la révélation, et laisser tout ce qui
nous entoure dans une ruine et une confusion irrémédiables.
Puis aussi, le
Seigneur Jésus a souffert par sympathie; et ce genre
de souffrances nous fait pénétrer dans l'intimité de son coeur
plein de tendresse. Les douleurs et les misères humaines faisaient
toujours vibrer une corde dans les profondeurs de son amour. Il était
impossible qu'un coeur humain parfait ne compatît pas,
selon sa divine capacité, aux misères que le péché avait léguées à la postérité
d'Adam. Bien que, personnellement exempt et de la cause et de l'effet — bien
que appartenant au ciel, et vivant d'une vie céleste sur la terre, il n'en
descend pas moins, par la puissance d'une vive sympathie, dans les plus
profonds abîmes de la souffrance humaine; oui, il
sentait la souffrance beaucoup plus vivement que ceux qui l'enduraient, et cela
précisément parce que son humanité était parfaite. De plus, il était capable
d'envisager et la souffrance et sa cause, exactement selon leur nature et leur
degré, en la présence de Dieu. Il sentait comme personne autre n'a senti. Ses
sentiments, ses affections, ses sympathies — tout son être moral et mental —
étaient parfaits; aussi, nul homme ne peut dire ni
même concevoir ce qu'un tel Etre doit avoir souffert,
en traversant un monde tel que le nôtre. Il voyait la famille humaine luttant
sous le poids accablant de la culpabilité et de la misère;
il voyait toute la création gémissant sous le joug; le cri des captifs arrivait
à son oreille; les larmes des veuves s'offraient à ses regards; le dénuement et
la pauvreté louchaient son coeur sensible; la maladie
et la mort le faisaient «frémir en son esprit»; ses souffrances par sympathie
dépassaient toute intelligence humaine.
Voici un passage
qui me parait propre à faire ressortir ce caractère de souffrances dont nous parlons: «Et le soir étant venu, on lui apporta beaucoup de
démoniaques; et il chassa les esprits par une parole et guérit tous ceux qui se
portaient mal; en sorte que fut accompli ce qui a été dit par Esaïe le
prophète, disant: Il a pris nos langueurs, et a porté nos maladies»
(Matthieu 8: 16, 17). C'était purement sympathique — c'était la capacité de
compatir, qui en Lui était parfaite. Il n'avait lui-même ni maladies, ni
infirmités. Mais par sympathie — parfaite sympathie, «il a pris nos
langueurs, et il a porté nos maladies».C'est
ce que personne autre qu'un homme parfait n'eût pu faire, Nous pouvons
sympathiser les uns avec les autres; mais Jésus Christ seul a pu s'approprier
les infirmités et les maladies humaines.
Or, s'il eût
porté ces douleurs en vertu de sa naissance ou de ses relations avec Israël et
avec les hommes, en général, nous perdrions toute la beauté et la valeur de ses
sympathies volontaires. Il n'y aurait plus lieu à une action volontaire, s'il
était placé sous une nécessité absolue. Mais, d'un autre côté, quand nous le
voyons complètement exempt, soit personnellement, soit relativement, de toute
misère humaine et de ce qui en est la cause, nous pouvons comprendre, en
quelque mesure du moins, cette grâce et cette compassion parfaites, qui
l'amenèrent à prendre nos infirmités et à porter nos maladies, par une vraie et
puissante sympathie. Il y a donc une bien évidente différence entre Christ
souffrant, parce qu'il sympathisait volontairement aux misères humaines, et
Christ souffrant comme le substitut des pécheurs. Les souffrances du premier
genre apparaissent à travers la vie tout entière du Rédempteur;
celles du dernier genre sont limitées à sa mort.
Considérons
enfin les souffrances du Christ par anticipation. Nous voyons la croix
projetant son ombre funèbre sur toute sa carrière et produisant un genre de
bien vives souffrances qui, pourtant, doivent être distinguées de ses
souffrances expiatoires, tout aussi bien que de ses souffrances pour la justice
ou de ses souffrances par sympathie. Citons un passage à l'appui de cette assertion: «Et sortant de là, il s'en alla, selon sa
coutume, à la montagne des Oliviers; et ses disciples aussi le suivirent. Et
quand il fut en ce lieu-là, il leur dit: Priez que
vous n'entriez pas en tentation. Et il s'éloigna d'eux environ d'un jet de
pierre, et s'étant mis à genoux, il priait, disant:
Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe! Toutefois que ce ne soit pas
ma volonté qui soit faite, mais la tienne. Et un ange du ciel lui apparut, le
fortifiant. Et étant dans l'angoisse du combat, il priait plus instamment; et sa sueur devint comme des grumeaux de sang
découlant sur la terre» (Luc 22: 39-44). Ailleurs nous lisons encore: «Et ayant pris Pierre et les deux fils de Zébédée,
il commença à être attristé et fort angoissé. Alors il leur dit:
Mon âme est de toute part saisie de tristesse jusqu'à la mort; demeurez ici et
veillez avec moi… Il s'en alla encore, pour la seconde fois, et il pria, disant: Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe
passe loin de moi, sans que je la boive, que ta volonté soit faite» (Matthieu
26: 37-42).
Il est évident,
d'après ces passages, que le Seigneur avait alors en perspective quelque chose
qu'il n'avait pas rencontré auparavant. Il y avait pour lui une «coupe» toute pleine, dont il n'avait pas encore bu. S'il
eût été, pendant toute sa vie, chargé de nos péchés, d'où pourrait venir cette
affreuse «agonie», produite par la pensée d'être mis
en contact avec le péché et d'avoir à endurer la colère de Dieu à cause du
péché? Quelle différence y avait-il entre Christ en Gethsémané et Christ sur le
Calvaire, s'il fut toute sa vie un porteur du péché?
Il y avait, certes, entre ces deux positions une différence essentielle,
provenant justement de ce que Christ n'a pas porté le péché durant sa vie
entière. Cette différence, la voici: En Gethsémané, il
anticipait la croix; au Calvaire, il souffrait réellement la
croix. En Gethsémané, «un ange du ciel lui apparut,
pour le fortifier»; au Calvaire, il fut abandonné de tous. Là, il n'y avait
point de ministère d'anges. En Gethsémané, il s'adresse à Dieu comme à son «Père», jouissant ainsi en plein de la communion de cette
relation ineffable; mais au Calvaire, il crie: «Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m'as-tu abandonné?» Ici, celui qui portait nos péchés regarde en haut,
et voit le trône de la Justice éternelle enveloppé de profondes ténèbres, et la
face de la Sainteté éternelle détournée de lui, parce qu'il était «fait péché pour nous».
J'espère que les
lecteurs comprendront sans peine ce dont nous parlons, en étudiant ce sujet par
eux-mêmes. Ils pourront suivre, en détail, les trois genres de souffrances de
la vie de notre Seigneur, et les distinguer de ses souffrances de mort
— ou de ses souffrances pour le péché. Ils se convaincront que, même après que
les hommes et Satan eurent fait leurs derniers efforts contre le Christ, il
restait encore un genre de souffrance absolument unique, savoir, de souffrir de
la part de Dieu, à cause du péché — de souffrir comme le représentant des
pécheurs. Avant la croix, il put toujours regarder au ciel et jouir de la
clarté de la face du Père. Dans ses heures les plus sombres, il trouvait
toujours des forces et des consolations en haut. Son chemin ici-bas était rude
et pénible. Comment pouvait-il en être autrement, dans un monde où tout était
en opposition à sa pure et sainte nature? Il eut à «endurer la contradiction des pécheurs contre lui-même». Il
dut voir tomber sur lui «les outrages de ceux qui
outrageaient» Dieu. Que n'eut-il pas à souffrir? Il
n'était pas compris, on interprétait mal ses paroles et ses actes, on abusait
de lui, on le trompait, on l'enviait, on l'accusait d'être un insensé, d'avoir
un démon. Il fut trahi, renié, abandonné, raillé, outragé, souffleté, conspué,
couronné d'épines, rejeté, condamné et cloué sur un gibet entre deux
malfaiteurs. Toutes ces choses, il les endura de la part des hommes, conjointement
avec toutes les indicibles terreurs dont Satan cherchait à accabler son âme;
mais disons-le encore une fois avec la plus ferme assurance, quand l'homme et
Satan eurent épuisé tout ce qu'ils avaient de puissance et de haine, notre
Seigneur et Sauveur dut passer par une souffrance, au prix de laquelle tout le
reste n'était rien — souffrance qui consistait en ce que la face de Dieu lui
était cachée — en ce que, durant trois heures de ténèbres et d'affreuse
obscurité, il eut à endurer ce que nul autre que Dieu ne peut connaître.
Or, quand
l'Ecriture parle de notre communion avec les souffrances de Christ, cela se
rapporte uniquement à ses souffrances pour la justice — à ses souffrances de la
part des hommes. Christ a souffert pour le péché, afin que nous n'eussions pas
à souffrir pour le péché. Il a supporté la colère de Dieu, afin que nous
n'eussions pas à la supporter. C'est là le fondement de notre paix. Mais
relativement aux souffrances de la part des hommes, nous éprouverons toujours
que plus nous marcherons fidèlement sur les traces de Christ, plus aussi nous
aurons à souffrir sous ce rapport; mais c'est là, pour
le chrétien, un don, un privilège, une faveur, une dignité (voir Philippiens 1:
29, 30). Suivre les traces de Christ — avoir la même part qu'il a eue — être
placé de manière à sympathiser avec lui, ce sont là des privilèges de l'ordre
le plus élevé. Plût à Dieu que nous y fussions tous plus intimement initiés! Mais, hélas! nous sommes
trop aisément contents de nous en passer — ou, comme Pierre, de «suivre de
loin» le Seigneur — de nous tenir à distance d'un Christ méprisé et souffrant.
Cette tiédeur est incontestablement une grande perte pour nous. Si la communion
des souffrances du Sauveur nous était plus familière,—
la couronne paraîtrait d'un éclat beaucoup plus splendide devant les yeux de
notre âme. Quand nous évitons cette communion de souffrances avec Christ, nous
nous privons de la joie vive et profonde, partage de ceux qui le suivent, en
même temps que de la force morale de l'espérance de sa prochaine gloire.