Il y a dans
l'Ecriture des chapitres qui contiennent un exposé si complet et si béni de quelque
grande vérité de Dieu, qu'ils acquièrent et conservent une place toute
particulière dans l'esprit du croyant. Et, bien que toute l'Ecriture soit
inspirée de Dieu et ait la même autorité, cet effet exceptionnel de certains
passages ne peut cependant pas être blâmé, parce qu'on trouvera toujours qu'il
est produit par quelque portion qui contient une révélation spéciale de Dieu et
de ses voies, ou de l'amour de Christ envers nous. A peine peut-on dire que le
chapitre qui fait le sujet de cet article ait ce caractère; toutefois je pense
que quelques développements pratiques sur cette portion de l'Ecriture pourront
être de quelque utilité. Il y a là un déploiement très remarquable des
merveilleuses hauteurs auxquelles les saints peuvent s'élever, et des déplorables
profondeurs dans lesquelles ils peuvent descendre; on y trouve les grands
principes, soit du bien soit du mal, principes qui sont à l'oeuvre parmi les
croyants qui participent aux deux natures du bien et du mal, dans lesquelles on
les voit associés, d'un côté, à ce qu'il y a de plus élevé et de plus
excellent; et de l'autre, à la plus vile dégradation; on voit aussi dans ce
chapitre la manière dont la grâce agit pour faire triompher le bien en nous; il
nous donne une vue claire de toute l'oeuvre de cette grâce pour produire le
résultat parfait, en bien et en bénédiction, du combat spirituel dans lequel
nous sommes par la connaissance du bien et du mal que la chute nous fait
acquérir.
Il est très
frappant de voir de quelle manière, dans ce seul chapitre, nous trouvons l'état
le plus glorieux auquel un chrétien puisse être élevé, état exceptionnel sans
doute, comme expérience, et la condition la plus misérable dans laquelle il
puisse tomber, ainsi que tous les principes pratiques, d'après lesquels l'oeuvre
divine agit entre ces deux extrêmes. Au commencement du chapitre, nous voyons
un saint dans le troisième ciel, dans le paradis, où la chair ne pouvait rien
comprendre ni rien recevoir. Paul ne savait pas s'il était là dans le corps ou
hors du corps. Il n'y avait plus pour lui aucune conscience de l'existence
humaine dans la chair; aussi il ne pouvait pas exprimer ce qu'il avait entendu,
lorsqu'il eut de nouveau la conscience de l'existence dans la chair. Tel est le
saint au commencement du chapitre. A la fin, nous en trouvons un, peut-être
plusieurs, qui étaient tombés dans la fornication, l'impureté et l'impudicité
et qui étaient sans repentance au sujet de ces péchés. Quel contraste entre
cette élévation dans le troisième ciel et cette vile dégradation charnelle! Et
le chrétien est capable des deux! Quelle leçon! quel avertissement pour chaque
saint, quand même il ne serait ni à l'un ni à l'autre de ces extrêmes! Et
combien cela n'est-il pas propre à donner la conscience des deux natures qui
sont à l'oeuvre et des éléments qui sont en lutte dans la vie spirituelle du
croyant ici-bas! Une autre partie de ce chapitre nous montrera où se trouve la
seule puissance capable de faire marcher le saint tout le long de sa course,
d'une manière conséquente avec le bien céleste auquel il est appelé.
Lorsque Paul
parle de son ravissement dans le troisième ciel, il emploie une expression
remarquable quant à lui-même: «Je connais, dit-il, un homme en Christ».
Quelques pensées préliminaires au sujet de la loi faciliteront l'intelligence
de cette expression. La loi donnait à l'homme une règle divine et parfaite pour
sa conduite sur la terre; mais elle ne l'a jamais introduit dans le ciel. Les
êtres célestes, comme les anges, par exemple, agissent d'après la perfection abstraite
de la règle divine, que le Seigneur a lui-même donnée: ils aiment Dieu de tout
leur coeur et leur prochain comme eux-mêmes. C'est là la perfection de la
créature; mais c'est leur nature dans laquelle Dieu les a maintenus. Prescrire
des sentiments et une conduite au moyen d'une loi, c'est une tout autre chose;
et c'est ce que les chrétiens oublient bien souvent. Tout ce que la loi
contient est parfait, elle nous dit quel est le bon état d'une créature et elle
défend le mal auquel la chair est portée. Mais pourquoi prescrire cela?
Sans doute que l'obéissance est une partie de la perfection dans la créature.
Pour un être assujetti à Dieu, faire simplement le bien ne suffit pas pour
qu'il marche justement, parce que Dieu a une autorité absolue sur lui. C'est
ainsi que Dieu peut prescrire et qu'il prescrit aux anges certains actes
particuliers de service, et ils obéissent. Mais quand un état d'âme est
prescrit, pourquoi l'est-il? Parce que cela est nécessaire, à cause de l'état
de la personne à laquelle le commandement est adressé. Elle a des dispositions
qui la portent à faire le contraire de ce qui est prescrit. Commander à
quelqu'un de faire une chose, cela suppose qu'il ne la fait pas, ni ne se
propose de la faire sans un commandement. Si à ceci nous ajoutons que neuf
commandements sur dix défendent des péchés positifs et de mauvaises
dispositions, parce que les hommes sont enclins à commettre ces péchés et ont
ces mauvaises dispositions, car autrement il n'y aurait eu aucune nécessité de
les interdire — nous trouverons que la nature même et l'existence d'une loi
qui, par l'autorité de Dieu, prescrit le bien, suppose le mal dans la nature de
l'homme, laquelle est opposée au bien. Examinez le cas sous toutes ses faces,
vous verrez que c'est là une vérité déplorable. Vous ne pouvez pas commander
l'amour, c'est-à-dire le produire, en le commandant; et vous ne pouvez pas non
plus ôter les convoitises en les interdisant à une nature qui les a en
elle-même. C'est cependant ce que la loi fait et ce qu'elle devait faire. Elle
démontre que ce qui est défendu est péché et que ce qui est défendu est en
l'homme; mais elle n'ôte jamais le péché. Elle prescrit le bien dans la
créature, mais elle ne le produit pas. Elle montre ce qui est bien dans la
créature sur la terre; mais combien cela est loin d'élever un homme dans les
lieux célestes! La loi ne peut avoir une telle prétention. L'homme a
maintenant, par la chute, la connaissance du bien et du mal, et la loi
agit d'après cette étonnante faculté, de laquelle Dieu a pu dire: «l'homme est
devenu comme l'un de nous, connaissant le bien et le mal». Mais comment?
L'homme est sous l'empire du mal et la loi exige le bien dans celui en qui il
n'est pas, et elle lui montre tout le mal qui est en lui. Elle lui présente
avec force le mal qui est en lui et les conséquences du mal en jugement; et,
quant au bien, elle le requiert en lui et tout cela n'a d'autre effet que de
lui donner la conscience que le bien n'est pas en lui.
La toi, en
outre, ne montre à l'homme aucun bien, comme objet placé devant son âme. Je le
répète, afin de rendre la chose claire: La loi exige le bien dans l'homme:
aimer Dieu et son prochain, par exemple; mais elle ne lui donne aucun bien. La
loi ne révèle aucun objet propre à produire le bien dans l'homme, aucun objet
qui puisse être pour lui le bien suprême, une puissance de vie. Ainsi la loi
produit la colère. Où il n'y a pas de loi, il n'y a pas de transgression. Or la
grâce agit d'une manière complètement différente; elle n'exige pas le bien là
où il n'est pas, quoiqu'elle puisse le produire. Elle ne condamne pas
les coupables, mais elle pardonne et ôte leur péché; elle nous présente un
objet, Dieu lui-même, mais Dieu venu près de nous en amour. Elle fait plus;
elle communique ce qui est bien. Ce n'est pas une loi. Dans le combat que nous
ayons à soutenir entre le bien et le mal, la grâce n'agit pas en nous faisant
sentir le mal comme un fardeau dont nous ne pouvons pas nous débarrasser, en
nous montrant que nous en sommes les esclaves, non; la loi fait cela; elle nous
fait sentir que nous sommes sous la puissance de «ce corps de mort»,
vendus au péché; et si nous sommes régénérés, nous ne sentons que plus
profondément qu'il est impossible que nous répondions aux exigences de la loi
de manière à être justes par elle, lors même que nous aurions au plus haut
degré la volonté de faire le bien. En un mot, dans la connaissance du bien et
du mal avec laquelle elle a affaire, la grâce ne nous conduit pas dans le
combat par le sentiment de la puissance du mal, auquel nous sommes assujettis,
ni par la terreur de ses conséquences, mais par la possession d'un bien parfait
et divin, au moyen duquel nous sommes élevés au-dessus du mal et le jugeons; —
par la possession d'un objet parfaitement bon, qui est nos délices aussi bien
que notre vie; — par la possession de Christ lui-même, en qui nous sommes et
qui est en nous. «Je connais, dit l'apôtre, un homme en Christ».
Cette expression
demande quelques développements, car l'idée d'un homme en Christ est souvent
très vague dans le coeur de bien des chrétiens. Dans le paradis, sans loi, sous
la loi, et quand Christ lui a été présenté: dans toutes ces positions, l'homme
a toujours été responsable de sa conduite, comme homme vivant, pour les choses
faites dans le corps. Il était considéré comme enfant d'Adam, ou «dans la
chair». C'est-à-dire qu'il se trouvait devant Dieu dans la nature, dans
laquelle il avait été créé et que, dans cette nature, il était responsable de
sa conduite, de ce qu'il était dans la chair. Or le résultat a été que l'homme
a failli dans toutes les positions où il a été placé; il a failli dans le
paradis; laissé sans loi, il s'est vautré dans le mal; sous la loi, il a été
transgresseur; et à la fin, ce qui est le pire de tout, c'est que quand Christ
est venu, l'homme l'a haï, lui et le Père, et ainsi le péché de l'homme a été
entièrement mis à découvert; et cette haine est le dernier et principal sujet
du jugement: l'homme était perdu. Mis à l'épreuve pendant quatre mille ans,
l'arbre s'est montré mauvais; plus il a reçu de soins, plus le fruit a été
mauvais. Toute chair était jugée: l'arbre ne devait plus produire aucun fruit
désormais. Et non seulement il a été démontré, de toutes manières, que l'homme
est pécheur, mais encore il a repoussé le remède que la grâce lui présentait,
car Christ vint dans un monde déjà plein de péché et Il fut rejeté et méprisé
des hommes. Ce n'est pas seulement que l'homme tombé et coupable a été chassé
du paradis; mais pour autant que cela tenait à la volonté de l'homme, Dieu venu
en grâce fut chassé du monde qui était plongé dans la misère par le péché, et
que Christ visitait en bonté. L'histoire de l'homme était moralement close.
«Maintenant est le jugement de ce monde» (Jean 12: 31), dit le Seigneur, quand
les Grecs montèrent pour adorer. C'est pourquoi, il est dit: «Maintenant en la consommation
des siècles, Il a été manifesté une fois». Mais alors vient l'oeuvre de
Dieu pour le pécheur: Celui qui n'avait pas connu le péché est fait péché pour
nous. Par la grâce et volontairement Christ a bu la coupe qui lui avait été
donnée à boire. Il a donné sa vie dans laquelle Il a porté le péché et tout est
fini avec elle. Par le sacrifice de Lui-même, Christ a ôté le péché des
croyants et les a rendus parfaits pour toujours. Celui qui est mort est libre
du péché. Or Christ est mort: il est donc libre du péché. Mais de quels péchés?
Des nôtres, à nous qui croyons en Lui. Tout est fini, fini quant à la vie à
laquelle le péché était attaché. La mort de Christ, pour la foi, a mis fin à
l'existence du vieil homme, de la chair, du premier Adam, vie dans laquelle
nous étions responsables devant Dieu, et position que Christ prit en grâce pour
nous. «Ce qui était impossible à la loi en ce qu'elle était faible par la
chair, Dieu ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché et
pour le péché, a condamné le péché en la chair» (Romains 8: 3). «Car en ce
qu'il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché, mais en ce qu'il
vit, il vit à Dieu» (Romains 6: 10).
La foi anticipe
le jugement quant au vieil homme, à la chair et à toutes ses voies. Sur le
principe de la responsabilité, nous sommes complètement perdus. Nous pouvons
apprendre cette triste vérité d'une manière expérimentale, en passant sous la
loi et en perdant ainsi toute espérance de plaire à Dieu, comme étant dans
la chair; ou bien encore nous pouvons l'apprendre en voyant notre
opposition à Christ et notre indifférence pour Christ. Mais, pour le croyant,
c'en est fait de tout cela depuis la croix; il est crucifié avec Christ; néanmoins
il vit, non pas lui, mais Christ vit en lui. Si la croix a démontré que dans la
chair, il n'y a que péché et haine contre Dieu, elle a ôté aussi le péché
qu'elle démontre. Tout est fini; la vie est finie. Si un criminel meurt en
prison, qu'est-ce que la loi peut encore faire contre lui? Pour nous aussi tout
est fini, car Christ est mort, volontairement sans doute; mais il est mort
aussi parce que Dieu a eu affaire d'une manière judiciaire avec le péché que
Christ a porté pour nous. Si nous sommes en vie, c'est maintenant sur un pied
tout nouveau; nous sommes en vie en Christ devant Dieu: les choses vieilles
sont passées; il y a une nouvelle création, nous sommes créés de nouveau en
Jésus Christ.
Notre position
devant Dieu n'est plus dans la chair elle est en Christ. Comme homme, Christ a
pris une position entièrement nouvelle qui n'a rien à faire avec celle dans
laquelle se trouvait Adam innocent, ou Adam pécheur. La «plus belle robe» du
fils prodigue ne faisait pas du tout partie de son premier héritage; elle était
en possession du père et une chose toute nouvelle. Christ a pris cette
position, en conséquence de l'oeuvre par laquelle il a ôté nos péchés, oeuvre
terminée et qui a glorifié Dieu au sujet du péché. Il a pris cette place en
justice, et en lui, l'homme a acquis une nouvelle position en justice aussi
devant Dieu. Quand il est vivifié, il l'est par la vie dans laquelle vit
Christ, le second Adam; et, se soumettant à la justice de Dieu, sachant qu'il
est totalement perdu dans le vieil homme, le premier Adam; s'inclinant devant
cette solennelle vérité que la croix lui enseigne, il est scellé du Saint
Esprit, uni d'une manière vivante au Seigneur, un seul Esprit avec lui: c'est
«un homme en Christ». Il n'est pas dans la chair ou dans le premier Adam. Tout
cela a pris fin pour lui à la croix, où Christ lui-même s'est rendu responsable
pour lui à l'égard du vieil homme; Christ est mort une fois au péché, et
le croyant vit à Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. Il appartient à une
nouvelle création, ayant pour vie la vie de Celui qui en est la Tête. Il a
appris à la croix que ce qu'il était a été entièrement jugé, condamné et mis de
côté pour toujours. La croix est pour le croyant cette mer Rouge et ce
Jourdain, tous les deux infranchissables pour lui; mais qu'il a traversés et,
de cette manière, il est à jamais délivré de l'Egypte, et maintenant il est
appelé à réaliser sa mort au monde et son entrée en Canaan, en Christ.
Si le Jourdain — la puissance de la mort — déborde par-dessus toutes ses rives,
l'arche de l'alliance y est entrée et y a passé, pour lui; elle lui a ouvert
aussi le chemin de Canaan. Ce qui, s'il eût essayé lui-même de traverser les
eaux comme les Egyptiens, eût été sa destruction, a été un mur à droite et à
gauche, et n'a détruit que ce qui était contre lui. C'est exactement ce que la
croix de Christ est pour le croyant. Il était un homme dans la chair: il
est un homme en Christ. C'est un changement merveilleux et complet de
toute la condition et la position, où il était dans le premier Adam, position
dans laquelle il était responsable de ses propres péchés; mais maintenant, il
est en Christ qui a porté, à sa place, toutes les conséquences de cette
responsabilité et qui lui a donné une place en Lui et avec Lui, tel qu'il est
maintenant devant Dieu, et selon la puissance de cette vie nouvelle pour nous,
dans laquelle il est ressuscité d'entre les morts. Telle est la position à
laquelle l'apôtre fait allusion; quant à lui seulement il lui fut donné,
pendant le temps de son séjour sur la terre, et cela d'une manière
extraordinaire, de jouir un moment de tout le fruit et de toute la gloire de
cette position. Son langage à l'égard de la vérité dont nous parlons, est
parfaitement clair et par conséquent très puissant: «Quand nous étions
dans la chair», dit-il. C'est ainsi que nous nous exprimons, lorsque nous
voulons décrire un état de choses évidemment passé et dans lequel nous ne
sommes plus. «Quand nous étions dans la chair», cela veut dire que nous ne
sommes plus du tout dans cette position». Or, dit-il encore, vous n'êtes pas
dans la chair, mais dans l'Esprit, si du moins l'Esprit de Dieu habite en vous»
(Romains 8: 9). Nous sommes maintenant vivants dans le Christ. «Si vous êtes
morts, dit-il ailleurs, avec Christ aux éléments du monde, pourquoi
établissez-vous des ordonnances, comme si vous étiez encore en vie dans le
monde» (Colossiens 2: 20)? «Car vous êtes morts et votre vie est cachée avec
Christ en Dieu. Quand Christ qui est votre vie sera manifesté, alors vous
aussi, vous serez manifestés avec lui en gloire» (Colossiens 3: 3, 4).
Le lecteur me
pardonnera de m'être arrêté si longtemps sur cette première expression de notre
chapitre: je l'ai fait à cause de son extrême importance. C'est le coeur même
de la doctrine de Paul, c'est le seul vrai chemin qui conduise à une entière et
divine liberté et à la puissance de la sainteté; et c'est parce que plusieurs
chrétiens n'ont pas saisi la force de cette vérité, ni compris les expressions
de l'Apôtre, qu'ils considèrent la mort de Christ comme un remède pour le vieil
homme, au lieu d'apprendre que, par cette mort, ils sont sortis du vieil homme,
quant à leur position devant Dieu, et qu'ils sont maintenant dans le nouvel
homme selon la puissance de la vie qui est en Christ. Demandez à plusieurs
croyants sincères ce que signifie: «quand nous étions dans la chair», ils ne
pourront pas vous donner une réponse claire — ils n'ont pas une idée exacte de
ce que cela veut dire. Demandez-leur ce que c'est que d'être en Christ — tout
est également vague. Un homme régénéré petit être dans la chair, quant à l'état
de son âme, quoique, aux yeux de Dieu, il ne soit pas dans cette position;
c'est même un tel cas qui est supposé en Romains 7, parce qu'il regarde à
lui-même comme s'il était devant Dieu sur le pied de sa propre responsabilité,
pied sur lequel, quoique régénéré, il ne peut jamais satisfaire aux exigences
de Dieu, ni atteindre à sa justice. Peut-être que, ayant fait cette découverte,
il a recours au sang de Christ pour tranquilliser sa conscience mal à l'aise;
il répétera ce recours au sang de Christ pour calmer sa conscience troublée, et
il y a recours de nouveau, comme un Juif aurait répété un sacrifice, ou un
homme superstitieux, la demande d'absolution; il n'a pas l'idée qu'il a été
purifié et rendu parfait une fois pour toutes, et qu'il a été tiré hors de sa
position dans la chair, lavé et placé en Christ devant Dieu. Or si nous sommes
en Christ, les droits et les privilèges de Christ sont nos privilèges et nos
droits. Selon les conseils de la sagesse et de l'amour de Dieu, Paul fut rendu
capable de jouir pleinement des merveilleux fruits de tout cela, d'une manière
spéciale et extraordinaire. La chair, la nature mortelle n'a aucune part à cela
et n'en peut point avoir, quoique nous, vivants en Christ, nous y ayons part,
même pendant que nous sommes dans cette nature mortelle, quel que soit le degré
auquel nous réalisions cette part. Il a été donné, à Paul de connaître cela, de
telle manière qu'en en jouissant au plus haut degré dans le nouvel homme, dans
sa vie en Christ, «la vie caché avec Christ en Dieu», le «non pas moi, mais
Christ vit en moi», — il n'avait aucune conscience de cette autre partie
mortelle qui, cependant, par sa nature même (aussi bien que par le péché, si la
volonté est à l'oeuvre), pèse sur l'homme nouveau et céleste qui est en nous.
Paul ne pouvait pas dire s'il était dans le corps ou hors du corps: en rentrant
dans son état ordinaire, il eut de nouveau la conscience qu'il avait ce corps;
mais quand il était dans le troisième ciel, il ne pouvait pas dire s'il était
dans le corps ou hors du corps: il n'en avait pas la conscience. Le lecteur
remarquera aussi avec quel soin l'Apôtre distingue entre «un homme en Christ»
et «lui-même», tel qu'il se connaissait par l'expérience pratique de lui-même
ici-bas; ayant vraiment la vie de Christ et l'Esprit qui l'unissait à la Tête,
mais ayant aussi la chair en lui, quoiqu'il ne fût pas dans la chair. Paul ne
voulait pas se glorifier de ce qu'il était et qu'il avait la conscience d'être
ici-bas; mais il lui avait été donné de jouir de sa position comme homme en
Christ, sans aucune conscience de ce qu'il était sur la terre, ni de rien autre
— c'est de quoi l'Apôtre voulait se glorifier. Or, quoique nous n'ayons jamais
été dans le troisième ciel pour réaliser pleinement la gloire et les privilèges
de notre position, cependant nous sommes aussi des hommes en Christ, et nous
connaissons — le plus faible des saints connaît — assez combien cette position
est bénie — pour que nous puissions nous réjouir d'une «joie ineffable et
pleine de gloire». Paul se glorifie dans la position de l'homme en Christ,
position qui est très sûrement et parfaitement sienne et qu'il peut réaliser
aussi de manière à ne pas éprouver alors sensiblement le travail du péché en
lui, quoiqu'il sache bien que le péché est toujours là. Nous pouvons être
remplis de l'Esprit, de telle sorte que l'Esprit soit la seule source actuelle
de nos pensées. Et, en vérité, c'est là l'état qui nous convient comme
chrétiens, non pas, il est vrai, que l'activité de l'Esprit, procurant une
perception sensible de la gloire et des choses de Christ, et élevant l'âme à ce
qui est en haut, soit toujours la même; mais il n'y a dans l'intelligence et
dans la conscience rien d'inconséquent avec un tel état (*). Il est vrai que,
même lorsqu'il n'y a aucune conscience de mal, il peut y avoir l'effet d'une
intelligence peu éclairée, même au point d'impliquer faute, négligence, manque
d'un oeil simple et paresse spirituelle, choses qui nous éloignent du chemin
dans lequel un oeil simple nous conduit (et cela produit naturellement du
malaise dans l'âme, parce que nous avons l'Esprit qui est contristé): cependant
il peut n'y avoir aucun élément actuel de trouble dans la conscience (**).
Etre dans le troisième ciel, comme disent les hommes, n'est pas toujours notre
place et notre portion. C'est une erreur de croire que cela nous enflerait.
Quand une créature est en présence de Dieu, quand elle a Dieu devant sa pensée,
elle n'est jamais enflée. C'est quand l'oeil s'est détourné de Lui, c'est quand
on se souvient d'avoir été dans le troisième ciel et qu'on n'y est plus, que le
danger commence. Nous sommes en danger de nous élever d'avoir été au troisième
ciel, quand nous avons perdu le sentiment de l'excellence de ce qui y est, mais
quand l'excellence des choses du ciel remplit notre âme, nous perdons le
sentiment du moi. C'est ce que nous voyons dans le cas de Paul. L'homme en
Christ a Christ pour sa part et ainsi il a droit à tout ce dont Christ jouit,
il a droit aux joies et aux gloires que l'intelligence humaine ne peut
concevoir, que le langage humain ne peut exprimer, et qui ne sont pas destinées
à être communiquées dans la scène des capacités de l'homme. Elles appartiennent
à un autre ordre de choses.
(*) C'est l'état
décrit dans l'Epître aux Philippiens — le véritable état du chrétien.
(**) Il est
important de remarquer que le fait que le péché est dans la chair ne rend pas
la conscience mauvaise. Quand le péché devient la source de pensée ou d'action,
alors la conscience est mauvaise et la communion par le Saint Esprit est
interrompue. Mais à cet égard notre chapitre nous conduit encore plus loin.
Mais quelque
merveilleuse que soit la position où nous sommes introduits en Christ,
l'importante question du bien et du mal, dont nous avons acquis la connaissance
par la chute, est une question, dont nous ne pouvons dès lors nous débarrasser;
et certes, il n'est nullement désirable que nous cherchions à le faire, mais il
faut qu'elle soit complètement et expérimentalement résolue par nous. Quant à
la grâce, cette question est définitivement et pour jamais résolue pour nous
devant Dieu, par la mort et la résurrection de Christ. Mais il faut que nous
apprenions à juger le mal et à nous réjouir dans le bien. Comme nous l'avons
vu, la loi nous fait connaître le mal et elle le juge. Mais la grâce nous place
d'abord dans une position de parfaite bénédiction en Christ, et alors nous
jugeons ce qui est contraire à cette position. C'est la différence entre
l'esclavage et la liberté. Cependant nous avons à juger le mal et à croître
dans la connaissance du bien. L'Apôtre, appelé à enseigner constamment les
autres, a appris cela pleinement et promptement par le contraste le plus
complet des extrêmes. Si, de fait, le troisième ciel n'a pas mis de côté la
chair pour toujours, cela doit assez nous faire voir qu'elle est désespérément
incorrigible. Et c'est ce qui a été démontré. Paul était entré dans le ciel
sans aucune conscience de l'empêchement du corps, bien moins encore d'aucun travail
quelconque de la chair. Mais il dut reprendre l'état pratique de l'existence,
dans laquelle il avait à servir Christ, avec, la conscience de ce qu'il était
comme Paul. Et ici, si la chair eût été écoutée, la seule manière dont elle
aurait pris connaissance du fait que Paul avait été dans le troisième ciel, le
seul parti qu'elle aurait cherché à en tirer, c'eût été d'enorgueillir Paul à
cause de l'excellence des révélations qu'il avait reçues. Ainsi la chair
n'était pas changée, pas corrigée. Paul dut l'apprendre d'une manière pratique,
même par une élévation au troisième ciel, au lieu de voir, comme résultat de ce
merveilleux privilège, la chair mise de côté ou annulée. La chair n'était pas
autorisée à agir, mais Paul dut vraiment apprendre à la juger en lui-même.
Remarquez la différence. Il n'est pas nécessaire, quand nous sommes en Christ,
que la chair agisse pour que nous apprenions à la juger en nous-mêmes. Hélas!
c'est le plus souvent de cette manière que nous l'apprenons, mais je répète
qu'il n'est pas nécessaire qu'elle agisse même en pensée pour que nous
apprenions à la juger. Par les voies de Dieu et par la communion avec Lui, nous
pouvons apprendre à juger le mal en nous jusque dans sa racine, sans qu'il
porte du fruit. Si nous n'apprenons pas à le juger dans la communion avec Dieu,
où l'on peut trouver une force réelle contre le mal, au lieu d'un grand conflit
de la volonté contre Dieu, lorsque le mal a atteint un degré important, — nous
l'apprendrons par les fruits amers du mal, et en cédant aux tentations de
Satan. Quand le mal n'est pas jugé, nous apprenons, sans doute, à connaître le
mal dans sa racine; mais alors Christ est déshonoré, le Saint Esprit contristé,
et si la grâce n'intervenait pas en pareil cas, le péché prendrait sur nous un
funeste pouvoir de séduction.
Dans ce qui
précède, nous avons trouvé, en 2 Corinthiens 12, trois points importants: 1°
l'homme en Christ; 2° le mal grossier de la chair, si nos membres ne sont pas
mortifiés; 3° que cette même chair n'est jamais corrigée dans ses tendances,
même par le ravissement d'un homme dans le troisième ciel, ni par quoi que ce
soit d'autre. Paul eut besoin d'un messager de Satan pour le souffleter, de
peur qu'il ne s'élevât. Il y a un autre point accessoire, il est vrai, et que
je ferai remarquer ici en passant, savoir: la différence entre notre position
abstraite comme hommes en Christ (et nous avons le droit de nous considérer
comme tels; c'est notre vraie position comme chrétiens selon la grâce), et
notre condition actuelle avec la conscience de l'existence de la chair et de
toutes nos circonstances et nos infirmités corporelles ici-bas. C'est dans
cette condition actuelle que nous avons maintenant à suivre Paul dans notre
chapitre, afin d'apprendre où se trouve la puissance pour marcher droitement
dans cette position.
D'abord, il faut
remarquer que l'étendue de la connaissance, même quand elle est donnée de Dieu,
n'est pas en elle-même la puissance spirituelle de nos âmes. Les merveilleuses
révélations que Paul avait reçues dans le troisième ciel ont, sans aucun doute,
fortifié sa foi, et lui ont fait comprendre qu'il valait la peine de sacrifier
une misérable vie, telle qu'est celle de ce monde, pour des gloires qui lui
donnaient une telle conscience de ce pour quoi il combattait, un tel sentiment
des choses divines avec lesquelles il avait affaire, que cela a dû
nécessairement exercer une immense influence sur sa carrière dans ce monde.
Mais là n'était pas la puissance immédiate pour le combat dans l'état mixte,
dans lequel il se trouvait quand il avait à parler de «moi-même Paul». Il
devait, comme nous, marcher par la foi et non par la vue. L'homme le plus
méchant ne voudrait pas pécher tant qu'il aurait devant les yeux la gloire de
Dieu lui-même; mais cela ne montrerait nullement quel est le véritable état de
son coeur et de ses affections, quand il n'aurait plus cette gloire devant les
yeux: comme Balaam, il retournerait à ce qu'il avait vomi. Ainsi, de fait, le
chrétien, quoique fortifié et rafraîchi parfois sur la route par ce qui est
presque la vue pour lui et par les communications à son âme de l'amour divin,
est appelé cependant à marcher par la foi, et non toujours dans ces perceptions
sensibles des divins résultats en gloire. Ce n'est pas qu'il doive marcher
selon la chair ou perdre la communion, mais il n'est pas toujours sous la
puissance des communications spéciales de la gloire qui lui est acquise et de
l'amour divin pour son âme. Paul connaissait un homme, il y a quatorze ans
— non pas chaque jour dans cet état. Il pouvait toujours se réjouir dans le
Seigneur. Quelques chrétiens confondent ces deux choses: une joie spéciale
et une communion permanente; ils supposent que, parce que la première n'existe
pas toujours, il doit s'ensuivre que la dernière cesse. C'est une grande erreur.
Une joie spéciale peut être accordée au chrétien; mais une constante communion
avec Dieu et avec le Seigneur Jésus est le seul bon état du croyant, le seul
état reconnu dans l'Ecriture. Nous sommes appelés à nous réjouir toujours dans
le Seigneur, mais la chair, et Satan, par la chair, cherchent toujours à nous
en empêcher. Ici, nous trouvons, d'abord, le privilège d'avoir le droit de nous
tenir pour morts. Nous ne sommes pas redevables à la chair; elle n'a
aucun droit sur nous. Nous ne sommes pas dans la chair. Nous pouvons faire
notre compte que nous sommes morts et vivants à Dieu, et le péché n'aura pas
domination sur nous. Il est de toute importance de retenir fermement ces
vérités. La chair n'est pas changée, mais il n'y a aucune nécessité de marcher
selon la chair, pas plus quant à nos pensées que quant à notre conduite
extérieure. La loi de l'Esprit de vie qui est en Jésus Christ m'a affranchi de
la loi du péché et de la mort; le péché en la chair est condamné par la mort de
Christ; la puissance qu'il avait sur nous, quand nous étions sous la loi (sinon
sans loi), le péché ne l'a plus. Quand nous étions dans la chair, les
passions des péchés, lesquelles sont par la loi, agissaient dans nos membres
pour porter du fruit pour la mort. Or, nous ne sommes pas dans la chair, mais
dans l'Esprit, si toutefois l'Esprit de Dieu habite en nous. Nous sommes
délivrés de la loi, étant morts en ce en quoi nous étions retenus. Toute notre
condition est changée. Ce qui était impossible à la loi, en ce qu'elle était faible
par la chair, Dieu ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de
péché, et pour le péché, a condamné le péché en la chair.
Mais si la chair
n'est pas changée, comment ceci est-il réalisé dans la pratique? C'est ce que
nous apprenons ici. D'abord la conscience de la faiblesse et du néant de la
chair nous est donnée. Ce n'est sans doute pas la puissance; mais c'est le
moyen pratique d'y atteindre. Nous avons le droit, quant à notre position
devant Dieu, de nous tenir pour morts au péché et vivants à Dieu par Jésus
Christ notre Seigneur; et étant dans cette condition, nous avons aussi le
droit, dans la pratique, de nous considérer comme n'étant pas redevables à la
chair pour vivre selon la chair; et le péché n'aura pas domination sur nous, parce
que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce. Mais notre chapitre va
plus loin que cela: il nous fait connaître où se trouve la puissance pour
marcher ainsi. La chair est donc pratiquement abaissée. La mesure, telle
qu'elle est exposée par l'Apôtre, en est celle-ci: «portant toujours, partout,
dans le corps, la mort de Jésus, afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée
dans notre corps». Il n'avait pas pour but d'obtenir la vie; il l'avait en
Christ; mais il tenait tout mouvement, toute pensée et toute volonté de la
chair sous le jugement de la croix et ainsi la vie de Jésus était en liberté.
Telle est notre marche. Admis en la présence même de Dieu dans le lieu
très-saint par le sang de Jésus; en communion avec Lui selon sa grâce infinie,
nous jugeons jusqu'à la racine tout ce qui n'est pas de Christ en nous, et la
grâce que nous rencontrons, et qui nous fait participer à cette communion, nous
conduit tout le long de la route dans l'humilité et dans l'amour. Nos tendances
charnelles ne sont ainsi qu'une occasion de recevoir la grâce, qui nous
préserve de leur pouvoir. Je puis être plus humble que les hommes ordinaires,
si j'ai affaire avec Dieu au sujet de mon orgueil, et ainsi de même pour chaque
mauvais penchant. La puissance actuelle de Christ éloigne le mal de nos
pensées. Dieu a été introduit dans notre vie à cet égard. Ce n'est pas
seulement l'absence, comparativement parlant, d'un caractère particulier du
mal. La chair — le mal — est jugée selon Dieu, et je suis humble d'esprit et je
marche paisiblement et sûrement. Et quand il y a des dangers réels, Dieu est là
pour nous secourir. Non seulement je porte partout la mort du Seigneur, mais
nous qui vivons nous sommes toujours livrés à la mort pour l'amour de Jésus.
Dieu agit; quelque messager de Satan est envoyé; non pas le péché, loin de là,
Dieu ne peut pas l'envoyer; mais il envoie quelque épreuve humiliante, qui empêche
le péché et l'orgueil d'agir, quelque chose de désagréable au coeur humain,
mais qui lui est nécessaire. Toute activité propre de la chair est péché; le
corps est mort à cause du péché, si Christ est en moi; c'est-à-dire que si
c'est seulement moi qui vis, cette vie n'est que le péché; et si Christ est ma
vie, «l'Esprit est vie». Mon corps n'est pas compté comme vivant et ne doit pas
l'être dans sa volonté. Qu'est-ce qui en est de ma volonté et de ma nature — de
moi comme homme vivant, comme enfant d'Adam dans ce monde? Ce moi est annulé ou
il est un empêchement; il n'a aucun rapport avec Dieu; un homme dans la chair
ne peut plaire à Dieu: «Je suis crucifié avec Christ; néanmoins je vis; non pas
moi toutefois, mais Christ vit en moi».
Nous trouvons
dans les Philippiens, la confiance dans la chair (non pas les convoitises
corrompues) jugée par l'Apôtre: il rejetait tout ce qu'il avait fait, soit pour
lui même soit pour les autres, pendant qu'il était dans la chair. S'il ne l'eût
pas fait, il aurait eu confiance en la chair. Notre part est d'être en la
présence de Dieu, afin que tout ce qui est du moi soit jugé. Mais Dieu, comme
je l'ai dit, nous aide. L'abondance et l'importance des révélations que Paul
avait reçues de Dieu était une occasion dont la chair pouvait profiter. Mais
Dieu, dans sa grâce, pourvoit à ce danger pour Paul, danger auquel il n'aurait
sûrement pas pu ou pas voulu pourvoir lui-même convenablement: car Dieu
n'afflige pas volontiers. Il lâche sur Paul ce messager de Satan, mais pour
faire sa propre oeuvre, comme dans le cas de Job. Paul avait quelque infirmité
qui tendait à le rendre méprisable quand il prêchait. «Vous n'avez point
méprisé, ni rejeté avec dégoût ma tentation qui était en ma chair», dit-il aux
Galates. C'était un contrepoids naturel à l'abondance des révélations qui lui
avaient été données. Qu'est-ce que la chair pouvait donc faire en ceci? Eh bien!
elle aurait épargné ce qui semblait être un obstacle pour Paul. Il fallait que
Paul fût tenu dans l'humilité — vérité effrayante pour nous! Pour être employés
et bénis, il faut que nous soyons faibles en nous-mêmes. Il le faut, parce que,
misérables vermisseaux que nous sommes, nous sommes en danger de nous appuyer
sur la force et l'efficacité de la chair. Dieu lui-même fait les oeuvres sur la
terre, et surtout l'oeuvre spirituelle. Il donne l'accroissement. Si, en un
certain sens, il met en danger le pauvre vase, si, en bien des cas, le vase s'y
place lui-même, Dieu pourvoit au danger en frappant à la racine même du moi,
qu'il réduit à néant. Il rend l'incapacité totale de la nature non-seulement
évidente, mais évidente pour nous-mêmes, et c'est ce dont nous avons
besoin. C'est vraiment une oeuvre divine quand nous sentons que nous ne sommes
rien et que le moi n'est qu'un obstacle. C'est une honte pour un homme,
qui a été dans le troisième ciel, de se croire quelque chose pour cela: mais la
chair est incorrigible. Quant à l'instrumentabilité dont Dieu se sert pour
réduire la chair à néant, ce petit être une chose misérable. Si la mort est
notre délivrance de tout péché, il faut que nous la goûtions d'une
manière pratique pour notre délivrance. Quand les eaux salées de la mer Rouge
nous ont délivrés pour jamais de l'Egypte, nous devons goûter les eaux, amères
de Mara. Mettez dans ces eaux le bois, la croix de Christ, notre croix, et
elles sont douces. «Etre crucifié» est une chose terrible; être crucifié avec
Christ, c'est la joie et la délivrance; l'opprobre est cruel; l'opprobre de
Christ est un plus grand trésor que les richesses de l'Egypte.
Mais ce sont des
cas, où la volonté et la répugnance naturelle de la chair à souffrir sont en
question; il y a aussi les cas qui sont caractérisés par le danger d'un mal
positif à l'oeuvre, comme l'orgueil et la vanité dans celui de Paul. Dans tous
les cas, il faut qu'on goûte la mort. Il faut que nous sentions le néant et
l'incapacité de la chair, pour tout ce en quoi elle serait disposée à se
trouver compétente. Quand la chair a, ou voudrait avoir des prétentions, il
faut qu'elles soient mises de côté et arrêtées, et qu'elle ait la conscience de
sa faiblesse et de son impuissance pour ce en quoi elle pourrait espérer être
forte ou capable de quelque chose. Quant à tout ce sur quoi le moi voudrait
s'appuyer, ce en quoi il prétendrait être une aide doit être considéré comme un
obstacle de la chair elle-même. Elle n'est réellement rien dans l'oeuvre et le
chemin de Dieu; mais quand elle veut absolument être quelque chose, il faut
qu'elle en vienne à reconnaître qu'elle n'est qu'un empêchement positif. Ceci
n'est pas la fin, le but, mais le moyen.
Quand nous ne
sommes pas humbles ou même quand nous sommes en danger à ce sujet, il faut que
nous soyons humiliés; cette oeuvre peut se faire pour prévenir le mal. Mais il
faut que la chair soit réduite à néant, pour qu'il y ait bénédiction et pour
que le nouvel homme, qui est content que Dieu soit tout et qui sait que sa
seule force est en Christ, puisse être libre, heureux, et que, selon son désir,
Dieu soit glorifié. La puissance de Satan et la puissance de la mort concourent
à contribuer à notre avantage et à nous rendre utiles en Christ, parce que
Satan manie ce pouvoir pour tuer pratiquement la chair, et que nous avons une
autre vie en Christ, et qui vit pour Christ. Comme nous l'avons vu, cette
question est d'abord résolue quant à la justice. Nous sommes morts et
ressuscités, mais elle doit aussi être résolue, d'une manière pratique, quant à
la vie et à la puissance de la marche. Et ainsi nous pouvons dire dans notre
petite mesure: «Pour moi, vivre c'est Christ». Mais le fait que la chair est
ainsi pratiquement mortifiée n'est pas en lui-même de la puissance; nous devons
être positivement dépendants d'un autre, et heureux de l'être, si notre coeur
est au service de Christ et si nous apprenons que son secours seul peut nous
rendre capables de le servir. Posséder Christ est une joie de toute manière.
Aussi est-il dit ensuite: «Je me glorifierai dans mes infirmités»; non pas dans
le péché, mais dans ce qui brise la volonté de la chair et arrête le péché,
«afin que la puissance de Christ repose sur moi». Ici est la puissance positive
qui nous rend capables de tout dans le chemin de l'obéissance; je dis: dans
l'obéissance, parce que ce pouvoir ne s'exerce pas, ne se trouve pas en dehors
de ce chemin-là, mais il nous rend capables d'accomplir toute l'énergie de
l'amour dans l'obéissance. Car la marche chrétienne n'est pas une simple obéissance
légale, se soumettant à une volonté qui arrête et bride la nôtre; mais c'est
une obéissance qui sert avec joie dans l'amour, obéissance dans laquelle
l'amour est positivement et énergiquement actif en faisant le bien. Cette
marche est réglée par la volonté du Seigneur, et s'accomplit par sa puissance,
mais cette puissance peut n'avoir aucun secours accessoire. Il faut qu'elle
soit en nous la force d'une nature dépendante. En ceci consiste la vraie
condition de la créature: obéissance et dépendance consciente, choses dans
lesquelles on prend plaisir en Celui qui seul a droit à toutes louanges, qui
nous aime et dont l'amour nous soutient.
L'énergie de
l'amour de Christ nous pousse dans le chemin du service; sa puissance nous y
soutient et nous rend capables de servir. La chair, qui n'est qu'un obstacle à
ce service, doit être mortifiée et pratiquement annulée, afin que Christ puisse
agir librement en nous selon la bénédiction de cet amour. Ensuite nous disons
que l'amour de Christ nous presse. Je puis tout en Christ qui me fortifie;
c'est là le véritable état du Chrétien, qu'il soit petit enfant ou père en
Christ; seulement, selon qu'on est père ou enfant, on peut avoir des choses
différentes à faire, et des tentations différentes aussi. Dans tous les cas,
Dieu est fidèle et il ne permettra pas que nous soyons tentés au delà de nos
forces. Quand donc un homme est en Christ, racheté, vivifié, uni à la Tète et
accepté dans le Bien-aimé, alors l'oeuvre de la puissance de Dieu est
d'humilier la chair et de nous donner la conscience de son néant; non pas en
l'amendant, en l'améliorant, en l'employant; mais, si elle veut être quelque
chose, en brisant sa volonté, et même en en faisant un obstacle sensible chez
l'homme qui a des capacités pour agir. Voilà tout ce que Dieu fait de l'homme
quant à la chair et à la compétence de la chair; mais, outre que c'est le
chemin de la puissance dans sa source, il y a là une leçon profonde et bénie.
Nous sommes débarrassés du moi; et Christ, c'est-à-dire, la pureté, l'amour, la
bénédiction — Dieu connu en grâce, devient tout pour nous, la joie simple et
sans entrave de notre âme en pratique, nous devenons semblables à Jésus.
Mais alors nous
devenons aussi sensiblement dépendants, et Christ est notre force, je ne dis
pas sensiblement notre force; car quoiqu'il puisse y avoir conscience de la
force de Christ, le service et l'oeuvre se font, il est vrai, mais ils se font
sans une force dont on ait conscience. L'oeuvre peut être faite avec joie dans
la communion avec Christ, et ainsi nous sommes heureux dans le service
lui-même. Elle peut se faire avec crainte et tremblement et par conséquent sans
joie, bien qu'avec confiance. Cela dépend beaucoup de ceci, savoir, jusqu'à
quel point nous avons affaire avec la puissance de l'ennemi; toujours dans la
faiblesse quant à nous-mêmes, toujours dans la confiance quant à Christ, c'est
son oeuvre, c'est lui qui la fait, quoiqu'il puisse nous employer comme
instruments; et cette opération n'est pas simplement un effet en nous,
quoiqu'il y en ait un, mais c'est la puissance positive de Christ, une action
réelle de cette puissance, dont l'humiliation de la chair n'est que le travail
préparatoire, afin qu'il soit manifeste que ce n'est pas l'oeuvre de la chair,
et que, dans notre intelligence, il n'y ait pas confusion entre la puissance de
Christ et l'énergie de la chair. Par l'action de la puissance de Christ, la
chair s'affaiblit. Et cette puissance repose sur nous, de sorte que c'est une
joie pour notre âme de savoir qu'il nous emploie, nous lie à Lui-même, pour
ainsi dire, et daigne faire de nous les serviteurs et les instruments joyeux et
volontaires de cette puissance. C'est Sa puissance, mais elle repose sur
nous. Ceci n'est pas l'homme en Christ, mais Christ avec l'homme; sa
puissance repose sur lui, et il est délivré du moi.
Ainsi le chemin
de la force, c'est de connaître et de sentir notre propre faiblesse, afin que
la force divine (qui ne sera jamais un supplément à celle de la chair) puisse
se produire; il y a ainsi une dépendance entière et l'entrée positive de la
puissance de Christ pour agir par nous. Si la présence corporelle de Paul et sa
parole étaient faibles (et il y avait en lui quelque chose qui tendait à le
rendre méprisable), par quelle puissance est-ce que tant de bénédictions ont
été répandues de tous côtés dans le monde entier, depuis Jérusalem et les lieux
d'alentour jusqu'en Illyrie?
Une ou deux
remarques encore, et je termine mes imparfaites réflexions sur ce chapitre.
D'abord, remarquez, que l'humiliation envoyée à Paul n'avait pas pour but de le
priver de l'abondance des révélations, ni d'affaiblir la conscience qu'il avait
d'être un homme en Christ. C'eût été une perte positive. Il maintenait
pleinement ces choses et s'en glorifiait. L'usage que la chair aurait voulu faire
de ces révélations, lorsque Paul eut, de nouveau, la conscience d'être ici-bas
dans le corps et dans le monde, fut contrebalancé par l'humiliante écharde dans
la chair elle-même. Ensuite, remarquez que ce n'est pas seulement la puissance
qu'on trouve dans ce chemin: le discernement du bien et du mal, dans ses
caractères les plus subtils, est considérablement augmenté. Le jugement et la
connaissance de ce qu'est la chair sont plus fermes et plus profond. De là la
liberté du nouvel homme avec Dieu, la confiance en Lui, le sentiment du tendre
intérêt qu'il nous porte, et les relations fondées sur cette intimité sont
considérablement développés. Remarquez, en outre, qu'ayant affaire avec le moi,
notre propre condition spirituelle est le secret de la puissance. Car
Paul avait affaire avec sa propre âme, ses propres dangers et son propre état,
et alors la puissance de Christ reposait sur lui. Enfin, il est bien que nous
nous glorifiions de notre position en Christ. «Je me glorifierai d'un tel
homme, mais je ne me glorifierai pas de moi-même, sinon dans mes infirmités».
Quand je pense à ma position en Christ, à «l'homme en Christ», d'un tel homme
je dois me glorifier. Ce n'est pas de la présomption. Il ne peut en être
autrement, si nous savons que nous sommes en Christ. Pensez-vous que je puisse
faire autre chose que me glorifier d'être en Christ, et comme Christ dans la
gloire? Je me glorifierai d'un tel homme! Qu'une prétendue humilité n'empêche
aucun croyant de se glorifier ainsi! Cette humilité serait du légalisme. De
moi-même, de ce dont j'ai la conscience comme homme vivant ici-bas, je ne puis
pas me glorifier, si ce n'est dans les souffrances et les infirmités pour
Christ, quelles qu'elles soient, et qui ont pour but d'humilier la chair, afin
que la puissance de Christ repose sur moi. J'ajouterai que le Seigneur peut
unir la discipline aux souffrances pour Christ, quoique les deux choses soient
bien distinctes. Quand Paul était exposé au mépris dans sa prédication, il le
souffrait pour l'amour de Christ; cependant, comme nous l'avons vu, cette
souffrance avait le caractère d'une discipline pour l'empêcher de s'élever. On
peut voir cette doctrine exposée en Hébreux 12: 2-11. Dans les versets 2-4,
nous souffrons avec Christ, combattant contre le péché, même jusqu'au martyre
et à la mort. Dans les versets 5-11, nous trouvons la discipline du Seigneur,
afin de nous rendre participants de sa sainteté. Que les voies du Seigneur sont
sages et pleines de grâce! Il convertit la discipline dont nous avons besoin en
un privilège, celui de souffrir pour l'amour de Christ, en sorte que nous
pouvons nous glorifier dans nos infirmités. Il y a encore le châtiment qui n'a
pas ce caractère et qui est infligé pour un mal positif. En tout cela, nous
avons, sans doute, à rendre grâces à Dieu, mais c'est une autre chose.
Enfin, devant
Dieu, nous avons «l'homme en Christ» — position bénie — qui est la perfection
dont nous avons besoin; et quant à notre position devant les hommes, outre
Christ en nous comme vie, nous avons la puissance de Christ qui nous est
nécessaire pour la pratique, reposant, pour la marche et le service, sur nous
qui ne sommes par nous-mêmes que faiblesse et imperfection. L'homme en Christ
est la base de toute notre marche, mais cela ne suffit pas pour la puissance. Celle-ci
ne se trouve que dans la dépendance constante dans laquelle nous marchons,
humiliés en nous-mêmes, afin que Christ soit glorifié et la chair pratiquement
annulée.