Marcher par la foi

 «Car nous marchons par la foi et non par la vue» (Lisez 2 Corinthiens 4: 6-18; 5: 1-9).

On peut dire, jusqu'à un certain point, de tout vrai chrétien qu'il marche par la foi et non par la vue. Cependant la charité la plus large ne nous permet pas d'admettre que tous les chrétiens, en tout temps, marchent dans ce monde, pratiquement, par la foi et non par la vue, selon toute l'étendue du principe énoncé par l'apôtre, et la portée qu'il reçoit de la place qu'il occupe dans le contexte. Nous-mêmes, si nous interrogeons nos propres consciences, nous ne serons pas longtemps à nous demander, si jour après jour, et dans toutes les circonstances si diverses de la vie, nous ayons toujours donné dans notre âme aux choses invisibles et éternelles, l'autorité et la puissance qui leur appartiennent pour juger et dominer les choses qui se voient et qui ne sont que pour un temps, en sorte que, habituellement et dans le sens qu'y attache l'apôtre, nous ayons marché par la foi et non par la vue.

Etre sauvé par la foi est une chose; et marcher par la foi est une autre chose; et l'Ecriture ne nous présente pas le salut et la conduite pratique comme si inséparablement unis, que là où l'un se trouve, l'autre, sans soin ni souci de notre part, et sans que nous ayons à veiller ou à combattre, doive suivre nécessairement. «Vous êtes sauvés par grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu» (Ephésiens 2: 8). Cette déclaration nous montre Dieu, comme le seul et miséricordieux auteur de notre salut, et le rend comme tel cher à nos coeurs, en même temps qu'elle nous donne un sûr et éternel fondement de confiance en sa faveur. Mais l'Ecriture nous dit aussi: «Au reste donc, frères, nous vous prions et nous vous exhortons par le Seigneur Jésus, que comme vous avez reçu de nous de quelle manière il vous faut marcher et plaire à Dieu, vous y abondiez de plus en plus» (1 Thessaloniciens 4: 1). Cette exhortation fait faire à l'âme un retour sur elle-même, afin qu'elle examine et qu'elle juge jusqu'à quel point les habitudes et les principes, la conduite et les sentiments, ou, comme l'Ecriture dit si bien: «les sources de la vie» (Proverbes 4: 23) sont en accord avec la volonté de Dieu. «Car vous savez», ajoute l'apôtre, «quels commandements nous vous avons donnés par le Seigneur Jésus. Car c'est ici la volonté de Dieu, votre sainteté» (1 Thessaloniciens 4: 2, 3).

L'équilibre de la Parole est détruit là où l'âme est exclusivement occupée de privilèges et de grâce, et a peine à supporter la pensée de devoir et d'obligation. Il est fort à craindre pour ceux qui font profession d'être séparés de la corruption générale de la chrétienté, mais dont la séparation est une chose de néant, si elle n'est pas une séparation pour Dieu et pour la sainteté, il est fort à craindre, dis-je, qu'il ne se produise parmi de telles personnes une sorte d'antinomianisme nouveau et subtil, par ce fait qu'elles regardent ainsi constamment à la position et à la perfection abstraites de l'Eglise, en Christ, comme si la seule admission mentale de cette vérité assurait à chacun, individuellement, une position et une acceptation auprès de Dieu qui ne peuvent jamais être perdues, et au delà desquelles il est impossible de faire des pas en avant. Chacune des paroles de Dieu est vraie, mais elle n'est vraie dans son application, qu'autant qu'elle est appliquée selon la vérité. La vérité n'est vérité pour moi, que lorsqu'elle est devenue vie et action. Chacune des différentes déclarations de la Parole de Dieu exige pour elle une appréhension positive, par la foi, «la foi opérante par l'amour» (Galates 5: 6). La fin d'une révélation divine n'est accomplie en nous, que lorsqu'elle a mis en présence l'un de l'autre l'âme et Dieu, dans l'harmonie de la vérité communiquée et de la vérité obéie. C'est en cela, et non pas dans une adhésion insouciante et de seconde main aux termes dans lesquels la vérité est exprimée, soit dans la Parole, soit par des hommes qui en ont ressenti la puissance, que consiste l'obéissance de la foi.

«Nous marchons par la foi et non par la vue», dit l'apôtre. Nous l'avons déjà dit, cette déclaration, selon la pensée de l'apôtre ici, est autre chose que cette autre parole du même apôtre: «Vous êtes sauvés par la foi», quelque vraie qu'elle puisse être d'ailleurs. Le mot: «marcher» ne parle pas d'un certain point auquel on est arrivé, mais d'un mouvement qu'on fait en avant; et il est impossible de réduire l'expression de «marcher par la foi» jusqu'à ne plus être qu'un vague principe général, qui laisse à l'esprit de chacun en particulier de remplir le cadre indéterminé de son application. Rien, ce me semble, ne définit mieux et ne fait ressortir davantage la force de cette parole si simple, mais de si grande portée: «nous marchons par la foi et non par la vue», que la manière dont l'apôtre l'introduit dans le passage que nous avons sous les yeux. Elle nous est présentée en rapport avec le développement le plus admirable du caractère et des conséquences qui signalent l'acceptation de l'évangile par l'âme, l'apôtre, poursuivant ce caractère et ces conséquences à travers toutes les vicissitudes de notre course terrestre, rendant victorieux de chaque difficulté et de la mort elle-même; rattachant à la gloire éternelle chacune des douleurs et des souffrances affrontées dans la puissance de la foi; montrant à l'âme, au milieu de la destruction de toutes ses associations présentes, «un édifice de la part de Dieu, une maison qui n'est pas faite de main» (5: 1); donnant en même temps à la mort ce simple caractère de n'être autre chose que «absent du corps et présent avec le Seigneur» (5: 8); et finalement amenant l'âme à ce simple propos de vie: «nous efforçant, soit présents, soit absents de lui être agréables» (5: 9).

L'apôtre commence par jeter un regard sur la condition du monde, et des hommes qui demeurent étrangers à l'Evangile, et en quelques paroles expressives, il en place devant nous le sombre tableau. «Si notre évangile est voilé, dit il, il est voilé pour ceux qui périssent, chez lesquels le dieu de ce siècle a aveuglé les pensées des incrédules, pour que la lumière de l'évangile de la gloire de Christ qui est l'image de Dieu, ne leur resplendît pas» (4: 3, 4). Quoi que les hommes puissent penser et dire de contraire, Paul lie ensemble un évangile voilé ou caché, et les âmes perdues et la puissance de Satan, mais tandis que notre pitié, notre dévouement et notre activité doivent être ainsi excités et nous pousser à faire connaître cet évangile, l'apôtre introduit ici cette solennelle déclaration, afin de rehausser encore cette oeuvre de Dieu qu'il se propose de mettre en lumière. Il dit: «Car c'est le Dieu qui a dit à la lumière de resplendir des ténèbres, qui a relui dans nos murs, pour faire luire la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Jésus Christ» (4: 6).

On éprouve une sorte de saisissement quand on réalise l'Evangile sous cet aspect. Dieu est amené si près de notre âme;— nous le voyons Lui, qui, dans sa puissance souveraine, en créant les mondes, dit: «que la lumière soit! et la lumière fut», — apportant dans l'âme, par une puissance et une action aussi directes et immédiates qu'alors, la lumière de cette révélation, qui le fait connaître, en grâce, au coeur. C'est Lui qui a «relui dans nos coeurs», non pas pour révéler quelque chose qui, déjà existait en nous, mais pour se révéler, Lui, là où il n'y avait auparavant que ténèbres et éloignement de Lui-même.

En ne s'arrêtant qu'aux effets de l'Evangile dans sa puissance salutaire envers les hommes, on perd de vue le caractère intrinsèque et véritable de l'Evangile lui-même. Ce qui demeure caché aux hommes pour qui l'évangile est voilé, et qui les laisse dans leur condition de pécheurs perdus, c'est la bonne nouvelle de la «gloire de Christ, qui est l'image de Dieu»; et ce qui est révélé par la lumière qui reluit dans le coeur, est manifesté pour communiquer la lumière de «la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Jésus Christ», soit pour être saisi par l'âme, soit pour luire au dehors en témoignage au milieu des ténèbres du monde. Combien il est nécessaire ici, comme partout ailleurs, que nous nous souvenions toujours du principe: «nous marchons par la foi et non par la vue!» La foi seule est capable de garder l'âme associée, si je peux m'exprimer ainsi, à cette merveilleuse révélation de ce que Dieu est, et de la proximité de Lui, dans laquelle il nous a placés par cet Evangile dont nous faisons tous profession.

Après ce premier point, l'apôtre nous présente l'effet de cette révélation en nous, et le dessein de Dieu dans les conditions de sa manifestation au milieu des circonstances de cette vie: «Mais nous avons ce trésor dans des vases de terre, afin que l'excellence de la puissance soit de Dieu et non pas de nous» (4: 7). Si la connaissance de Dieu est introduite dans le coeur, elle y produit un effet permanent, selon la parole du Seigneur lui-même: «C'est ici la vie éternelle qu'ils te connaissent, seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ» (Jean 17: 3). Dieu reluit dans le coeur; mais en même temps, il faut que nous nous rappelions que le caractère de la nature de Dieu, c'est que Dieu est lumière. Il est aussi amour, sans doute; mais, il est dit: «Dieu est lumière et il n'y a en Lui nulles ténèbres» (1 Jean 1: 5); et lorsque la vie éternelle est manifestée dans ce monde, dans la personne de Celui de qui il est dit qu'«Il est le resplendissement de sa gloire et l'empreinte de sa puissance» (Hébreux 1: 3), il est dit aussi qu'en Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes» (Jean 1: 4), ou bien réciproquement que: «la lumière des hommes était la vie». De même aussi, l'apôtre Jean, parlant d'un commandement nouveau qu'il annonçait, dit: «ce qui est vrai en Lui et en vous, parce que les ténèbres s'en vont et la vraie lumière luit maintenant» (1 Jean 2: 8). Jean fait ainsi allusion à ce que le Seigneur lui-même a exprimé en disant: «Je vous donne un nouveau commandement, que vous vous aimiez l'un l'autre; COMME, (caqñv) je vous ai aimés, que vous aussi vous vous aimiez l'un l'autre» (Jean 13: 34); il reconnaît, que pour cela il fallait être rendu participant de la nature dont cet amour découle, nature qui est celle de Dieu Lui-même. C'est pourquoi, en répétant ce nouveau commandement, il dit dans le passage cité plus haut: «ce qui est vrai en Lui et en vous, parce que les ténèbres s'en vont et que la vraie lumière luit maintenant», réunissant ainsi en un les deux déclarations de son évangile: «la lumière luit dans les ténèbres etc.», et: «en Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes».

Nous nous sommes arrêtés quelque peu sur ce sujet, afin de garantir l'expression: «Nous avons ce trésor etc.», de toute acception vague et indéterminée. Si Dieu reluit dans nos coeurs, c'est à la fin d'y produire, par la connaissance de sa gloire dans la face de Jésus Christ, un résultat spécifique et durable, c'est à la fin d'y produire sa propre image, de communiquer sa propre nature. Comme doctrine, nous savons que «Dieu nous a donné la vie éternelle et cette vie est dans son Fils» (1 Jean 5: 11); — «la vraie lumière luit maintenant!» Mais si les rayons de cette lumière reluisent dans l'âme, ce n'est pas pour n'y laisser qu'une empreinte photographique, une ombre fixée et morte de l'objet vivant qu'elle représente. Elle y apporte d'abord la vie — «la vie était la lumière des hommes» — et ensuite elle transformera ceux qu'elle éclaire en la gloire qui est la vraie demeure de la vie. «Or nous tous, contemplant à face découverte, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés dans la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en esprit» (chapitre 3: 18). — «Quand le Christ, qui est votre vie, sera manifesté, alors vous aussi, vous serez manifestés avec Lui en gloire» (Colossiens 3: 4). — Et encore: «Nous Lui serons semblables, car nous Le verrons comme Il est», car c'est ici la puissance qui transforme finalement (1 Jean 3: 2).

Je redis encore: «car nous marchons par la foi et non par la vue». S'il n'en était pas ainsi, je demande en quoi la connaissance des doctrines de l'Ecriture, qu'on rencontre parmi nous, diffère d'une froide et banale exégèse de quelque document obscur et suranné. «Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas» (Matthieu 24: 35). — «Si nous sommes incrédules, Lui demeure fidèle; car Il ne peut se renier Lui-même» (2 Timothée 2: 13).

«Mais nous avons ce trésor dans des vases de terre», et cela non pas simplement et nécessairement par suite de la condition de notre nature ici-bas, mais afin de glorifier la puissance divine. Ce fait met en évidence la nécessité qu'il y a pour nous de connaître le conseil de Dieu à notre égard, quant à notre marche journalière de chrétiens dans ce monde, et quant à notre témoignage pour Christ; et comment aussi il faut que nos âmes sachent se placer dans la condition nécessaire pour la manifestation de la puissance divine. Sans aucun doute, l'apôtre fit un grand pas en avant dans son expérience personnelle de ce dont nous parlons ici, lorsque, en réponse à la prière au sujet de «l'écharde dans la chair», il eut entendu le Seigneur Jésus lui dire: «Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans l'infirmité»; et nous pouvons remarquer comment son âme adhéra aussitôt à la condition de la manifestation de la puissance divine dans un vase humain, un «vase de terre», quand il ajoute immédiatement: «je me glorifierai donc très volontiers plutôt dans mes infirmités, afin que la puissance de Christ repose sur moi» (2 Corinthiens 12: 9). Paul manifestait ainsi dans sa personne, individuellement, la vérité dont nous venons de parler: «portant toujours, partout, dans le corps, la mort de Jésus, afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre corps» (4: 10).

Il y a une proportion et un rapport entre la manifestation de la vie de Jésus et le fait de «porter toujours, partout, dans le corps, la mort de Jésus. «Si nous savons comprendre et suivre cette voie dans l'énergie de la grâce divine abondant en renoncement de nous-mêmes et en service pour Christ, comme c'était le cas chez l'apôtre, nous manifesterons, comme du dedans au dehors, la puissance de cette vie. Toutefois le Seigneur ne laisse pas de prendre soin de nous à cet effet et de diriger à cette fin les circonstances extérieures, — «car nous qui vivons, dit encore l'apôtre, nous sommes toujours livrés à la mort pour l'amour de Jésus, afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle» (4: 11). Il y a d'un côté le propos du coeur qui, par une consécration volontaire au service de Christ, cherche à être rendu conforme à sa mort, volontairement «portant dans le corps la mort de Jésus»; mais il y a aussi la faiblesse de la nature, jointe à un défaut de pleine intelligence spirituelle, qui, si Dieu ne la tenait pas en échec, détournerait fréquemment les plus zélés serviteurs du Seigneur de ce chemin dans lequel la pression de la croix se fait incessamment sentir, et neutraliserait ainsi, dans cette mesure, le désir de manifester la vie de Jésus. Pour prévenir ce mal, par conséquent, et afin que le désir de glorifier Christ s'accomplisse selon Dieu chez ses serviteurs, le Seigneur dirige, de diverses manières, les circonstances extérieures de la vie de ceux-ci, de façon à ce que, comme l'apôtre le dit, ils soient livrés à la mort pour l'amour de Jésus, la direction du Seigneur intervenant pour venir au secours de la faiblesse du vase de terre, dans lequel le trésor divin est déposé. C'est pourquoi, pour ce qui concernait le service de l'Evangile en particulier, l'apôtre devait dire: «Ainsi la mort opère en nous, et la vie en vous» (4: 12).

Mais le secret de cette acceptation volontaire à rencontrer la mort, non seulement extérieurement, mais dans toutes les intentions du coeur, dans tous les principes et les objets d'un homme dans la chair, où gît-il? Il est dans la possession, et la possession consciente d'une vie que la mort ne peut atteindre, d'une vie dont les triomphes se manifestent dans la mort morale à tout ce que la nature, en dehors de Dieu, aime et prise le plus, d'une vie entretenue par sa liaison avec Dieu au milieu de ce: «dans les morts souvent» qu'elle rencontre dans sa route à travers le monde; d'une vie enfin dont la résurrection sera le triomphe, alors que le vase de terre qui la contenait sera lui-même brisé, et gisant dans le tombeau comme un vil débris. Voilà ce qui, selon sa propre expression, poussait l'apôtre en avant dans sa course ardente: «Or ayant ce même esprit de foi, dit-il, selon qu'il est écrit: «J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé», nous aussi nous croyons, c'est pourquoi aussi nous parlons, sachant que celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus, nous ressuscitera aussi par Jésus, et nous présentera avec vous» (4: 13, 14); et puis il ajoute: «C'est pourquoi nous ne nous relâchons pas; mais si notre homme extérieur se détruit, toutefois l'homme intérieur est renouvelé de jour en jour» (4: 16).

Mais pour que ces choses ne soient pas pour nous des paroles vides de sens, des paroles de l'Ecriture, il est vrai, mais pour nous sans aucune signification, combien il est urgent encore ici de nous rappeler cette déclaration de l'apôtre: «Car nous marchons par la foi et non par la vue». Comment autrement, le résumé que fait l'apôtre, de sa carrière de souffrances, d'épreuves, d'afflictions dans ce monde, nous apparaîtrait-il, non pas comme un écrit confus et ampoulé, mais comme la parole d'un homme qui pèse avec calme les résultats du temps avec ses scènes changeantes et passagères, et la fin qu'apporte l'éternité avec la gloire à venir? «Car notre légère affliction qui ne fait que passer, opère pour nous un poids de gloire éternel et souverainement excellent; nos regards n'étant pas fixés sur les choses qui se voient, mais sur celles qui ne se voient pas; car celles qui se voient sont pour un temps, mais celles qui ne se voient pas sont éternelles» (5: 17, 18).

Si nos regards demeurent fermement fixés sur le monde qui ne se voit pas et qui est éternel, notre âme jouira des avant-goûts de la gloire à venir et de la bonté attractive de notre Dieu, qui demeureront inconnus du chrétien même qui est indûment occupé des choses de la terre. L'aspect des cieux étoilés et toute la gloire des sphères célestes peuvent être, à la fois, un objet de contemplation pour l'astronome qui veille et étudie dans son observatoire et pour le voyageur qui chemine dans la nuit, et qui, de temps à autre, élève un regard passager vers la voûte étoilée. Mais tandis que le premier, plongeant ses regards dans les champs sans bornes de l'espace, a l'âme remplie de la splendeur des soleils et des sphères dont son télescope lui dévoile un à un les orbites sans nombre étincelant au travers des profondeurs de l'immensité, — l'autre n'aperçoit guère qu'un dôme d'azur, émaillé d'étoiles, qui viennent diriger de leurs faibles rayons sa marche incertaine. L'objet de contemplation est le même pour ces deux hommes; et pourtant, qu'elles sont différentes les émotions éveillées dans le coeur de chacun! Il en est ainsi aussi du chrétien dont le regard de foi s'arrête fixement sur ce qui est révélé de ce monde que la foi seule peut saisir, et du chrétien qui, sans doute, ne refuse pas de croire à la révélation de ces choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment, mais qui pratiquement, du moins selon l'application que l'apôtre fait de cette parole, ne peut pas recevoir le témoignage, qu'il «marche par la foi et non par la vue».

Nous savons que Dieu, dans sa grâce infinie, veille sur le plus faible et le plus misérable de ses enfants, de manière à faire travailler toutes choses ensemble pour son bien. Mais la vérité qui se présentait ici à l'esprit de l'apôtre va bien plus loin. Il nous montre le chrétien dans ses intentions, ses motifs, et toute la vie de son âme, — dans l'activité du travail comme dans la souffrance patiente, — le regard tourné vers les choses qui ne se voient pas, mais qui sont éternelles, à l'exclusion de celles qui se voient et qui sont pour un temps, pour tout ce qui concerne la domination et le gouvernement de l'âme. Certainement, là où Christ et son service, sa croix et son retour, ne sont pas ce qui gouverne le coeur, le langage de ces versets n'est pas à sa place. Toutefois, n'oublions pas que s'il s'agit du jugement de l'homme, il est certain aussi que «plusieurs des premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers».

Rien n'est plus admirable que la manière tranquille et puissante, selon laquelle chaque point est exposé et mis à sa place dans l'enseignement qui fait l'objet des neuf premiers versets du chapitre 5. Si nous réfléchissons à ce qu'est la mort, à la domination qu'elle a acquise, à ce qu'implique le brisement de ces liens qui nous lient à la scène actuelle de notre existence; si nous considérons l'impuissance complète de la nature devant la mort; l'incertitude et les ténèbres qui caractérisent tous les raisonnements des philosophes au sujet de l'avenir qu'elle nous cache,- nous ne pouvons que reconnaître et admirer l'amour qui ouvre devant nous une perspective de gloire et de triomphe, comme celle que nous trouvons ici, au travers des régions de la mort et de la destruction de toute grandeur et espérance humaines. Le corps que nous avons maintenant, et qui doit dépérir et se dissoudre, n'est qu'une tente terrestre que la mort abat, pour la remplacer par un «édifice de la part de Dieu», une habitation éternelle dans les cieux, où Jésus a sa demeure et où la gloire de Dieu règne éternellement. Nous gémissons peut-être maintenant, il est vrai, à cause de l'infirmité de notre nature, et parce que nous sommes liés à une création qui, par suite du péché, gémit elle-même; mais notre regard est porté ainsi d'autant plus sérieusement en avant, et nous désirons avec plus d'ardeur «de revêtir notre domicile qui est du ciel» (verset 2).

Mais à ceux dont les désirs du coeur sont ailleurs, et à ceux qui n'ont aucun droit à ces choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment, qu'est-il réservé, sinon la confusion la plus terrible en face de cette éternité, où ils sont forcés d'entrer? Car quelle poignante douleur renferme cette expression: «si toutefois nous sommes trouvés vêtus, non pas nus!» Cette «maison éternelle», sur laquelle sont arrêtés les regards de l'apôtre, doit nous appartenir, l'âme doit être ainsi revêtue, sinon nous serons «trouvés nus!» — Mais ceci n'est qu'une parenthèse dans l'ordre des pensées de l'apôtre, et il en revient de nouveau aux gémissements qui caractérisent notre habitation dans cette tente, nous montrant que le fardeau même que nous portons maintenant par suite de la mortalité qui règne par le péché, n'éveille pas seulement le désir de la délivrance que la mort peut apporter, mais de ce qui va bien au delà: «Afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie» (5: 4)! C'est la vie et non pas la mort, que la Parole place toujours, devant le croyant, comme le véritable objet de son espérance. C'est pour la vie et la gloire, que Christ nous a rachetés, non pas pour la mort et la corruption: Dieu nous a créés à cette même fin, et les arrhes de l'Esprit sont le témoin et les arrhes de l'héritage et de la gloire (5: 5).

Mais, que vienne la vie ou la mort, il y a toujours un fondement de confiance. La mort peut venir! Qu'il en soit ainsi! Si nous sommes présents dans le corps, nous sommes, pour autant, nécessairement absents du Seigneur; si nous sommes absents du corps, nous sommes amenés à Lui qui est l'objet de nos désirs. « Nous avons de la confiance, et nous aimons mieux être absents du corps et être présents avec le Seigneur» (5: 8). Et la fin de tout, pour ceux de qui l'on peut dire en vérité, qu'ils «marchent par la foi et non par la vue», — est résumée dans cette parole: «C'est pourquoi aussi soit présents, soit absents, nous nous efforçons de Lui être agréables» (5: 9). Ainsi soit-il!