«Car nous marchons
par la foi et non par la vue» (Lisez 2 Corinthiens 4: 6-18; 5: 1-9).
On peut dire, jusqu'à
un certain point, de tout vrai chrétien qu'il marche par la foi et non par la
vue. Cependant la charité la plus large ne nous permet pas d'admettre que tous
les chrétiens, en tout temps, marchent dans ce monde, pratiquement, par la foi
et non par la vue, selon toute l'étendue du principe énoncé par l'apôtre, et la
portée qu'il reçoit de la place qu'il occupe dans le contexte. Nous-mêmes, si
nous interrogeons nos propres consciences, nous ne serons pas longtemps à nous
demander, si jour après jour, et dans toutes les circonstances si diverses de
la vie, nous ayons toujours donné dans notre âme aux choses invisibles et
éternelles, l'autorité et la puissance qui leur appartiennent pour juger et
dominer les choses qui se voient et qui ne sont que pour un temps, en sorte
que, habituellement et dans le sens qu'y attache l'apôtre, nous ayons marché
par la foi et non par la vue.
Etre sauvé par la foi est une chose;
et marcher par la foi est une autre chose; et l'Ecriture ne nous
présente pas le salut et la conduite pratique comme si inséparablement unis,
que là où l'un se trouve, l'autre, sans soin ni souci de notre part, et sans
que nous ayons à veiller ou à combattre, doive suivre nécessairement. «Vous êtes sauvés par grâce, par la foi, et cela ne vient
pas de vous, c'est le don de Dieu» (Ephésiens 2: 8). Cette déclaration nous
montre Dieu, comme le seul et miséricordieux auteur de notre salut, et le rend
comme tel cher à nos coeurs, en même temps qu'elle
nous donne un sûr et éternel fondement de confiance en sa faveur. Mais
l'Ecriture nous dit aussi: «Au reste donc, frères,
nous vous prions et nous vous exhortons par le Seigneur Jésus, que comme vous
avez reçu de nous de quelle manière il vous faut marcher et plaire à Dieu, vous
y abondiez de plus en plus» (1 Thessaloniciens 4: 1). Cette exhortation fait
faire à l'âme un retour sur elle-même, afin qu'elle examine et qu'elle
juge jusqu'à quel point les habitudes et les principes, la conduite et les
sentiments, ou, comme l'Ecriture dit si bien: «les
sources de la vie» (Proverbes 4: 23) sont en accord avec la volonté de Dieu. «Car vous savez», ajoute l'apôtre, «quels commandements nous
vous avons donnés par le Seigneur Jésus. Car c'est ici la volonté de Dieu,
votre sainteté» (1 Thessaloniciens 4: 2, 3).
L'équilibre de
la Parole est détruit là où l'âme est exclusivement occupée de privilèges et de
grâce, et a peine à supporter la pensée de devoir et d'obligation. Il est fort
à craindre pour ceux qui font profession d'être séparés de la corruption
générale de la chrétienté, mais dont la séparation est une chose de néant, si
elle n'est pas une séparation pour Dieu et pour la sainteté, il est fort
à craindre, dis-je, qu'il ne se produise parmi de
telles personnes une sorte d'antinomianisme nouveau et subtil, par ce fait
qu'elles regardent ainsi constamment à la position et à la perfection
abstraites de l'Eglise, en Christ, comme si la seule admission mentale de cette
vérité assurait à chacun, individuellement, une position et une acceptation
auprès de Dieu qui ne peuvent jamais être perdues, et au
delà desquelles il est impossible de faire des pas en avant. Chacune des
paroles de Dieu est vraie, mais elle n'est vraie dans son application,
qu'autant qu'elle est appliquée selon la vérité. La vérité n'est vérité pour
moi, que lorsqu'elle est devenue vie et action. Chacune des différentes
déclarations de la Parole de Dieu exige pour elle une appréhension positive,
par la foi, «la foi opérante par l'amour» (Galates 5:
6). La fin d'une révélation divine n'est accomplie en nous, que lorsqu'elle a
mis en présence l'un de l'autre l'âme et Dieu, dans l'harmonie de la vérité
communiquée et de la vérité obéie. C'est en cela, et non pas dans une adhésion
insouciante et de seconde main aux termes dans lesquels la vérité est exprimée,
soit dans la Parole, soit par des hommes qui en ont ressenti la puissance, que
consiste l'obéissance de la foi.
«Nous marchons par la foi et non par la vue», dit
l'apôtre. Nous l'avons déjà dit, cette déclaration, selon la pensée de l'apôtre
ici, est autre chose que cette autre parole du même apôtre:
«Vous êtes sauvés par la foi», quelque vraie qu'elle puisse être d'ailleurs. Le
mot: «marcher» ne parle pas d'un certain point
auquel on est arrivé, mais d'un mouvement qu'on fait en avant; et il est
impossible de réduire l'expression de «marcher par la foi» jusqu'à ne plus être
qu'un vague principe général, qui laisse à l'esprit de chacun en particulier de
remplir le cadre indéterminé de son application. Rien, ce me semble, ne définit
mieux et ne fait ressortir davantage la force de cette parole si simple, mais
de si grande portée: «nous marchons par la foi et non
par la vue», que la manière dont l'apôtre l'introduit dans le passage que nous
avons sous les yeux. Elle nous est présentée en rapport avec le développement
le plus admirable du caractère et des conséquences qui signalent l'acceptation
de l'évangile par l'âme, l'apôtre, poursuivant ce caractère et ces conséquences
à travers toutes les vicissitudes de notre course terrestre, rendant victorieux
de chaque difficulté et de la mort elle-même; rattachant à la gloire éternelle
chacune des douleurs et des souffrances affrontées dans la puissance de la foi;
montrant à l'âme, au milieu de la destruction de toutes ses associations
présentes, «un édifice de la part de Dieu, une maison qui n'est pas faite de
main» (5: 1); donnant en même temps à la mort ce simple caractère de n'être
autre chose que «absent du corps et présent avec le Seigneur» (5: 8); et
finalement amenant l'âme à ce simple propos de vie: «nous efforçant, soit
présents, soit absents de lui être agréables» (5: 9).
L'apôtre
commence par jeter un regard sur la condition du monde, et des hommes qui
demeurent étrangers à l'Evangile, et en quelques paroles expressives, il en
place devant nous le sombre tableau. «Si notre
évangile est voilé, dit il, il est voilé pour ceux
qui périssent, chez lesquels le dieu de ce siècle a aveuglé les pensées des
incrédules, pour que la lumière de l'évangile de la gloire de Christ qui est
l'image de Dieu, ne leur resplendît pas» (4: 3, 4). Quoi que les hommes
puissent penser et dire de contraire, Paul lie ensemble un évangile voilé ou
caché, et les âmes perdues et la puissance de Satan, mais tandis que notre
pitié, notre dévouement et notre activité doivent être ainsi excités et nous
pousser à faire connaître cet évangile, l'apôtre introduit ici cette solennelle
déclaration, afin de rehausser encore cette oeuvre de
Dieu qu'il se propose de mettre en lumière. Il dit:
«Car c'est le Dieu qui a dit à la lumière de resplendir des ténèbres, qui a
relui dans nos murs, pour faire luire la connaissance de la gloire de Dieu dans
la face de Jésus Christ» (4: 6).
On éprouve une
sorte de saisissement quand on réalise l'Evangile sous cet aspect. Dieu est
amené si près de notre âme;— nous le voyons Lui, qui,
dans sa puissance souveraine, en créant les mondes, dit: «que la lumière soit!
et la lumière fut», — apportant dans l'âme, par une puissance et une action
aussi directes et immédiates qu'alors, la lumière de cette révélation, qui le
fait connaître, en grâce, au coeur. C'est Lui
qui a «relui dans nos coeurs»,
non pas pour révéler quelque chose qui, déjà existait en nous, mais pour se
révéler, Lui, là où il n'y avait auparavant que ténèbres et éloignement de
Lui-même.
En ne s'arrêtant
qu'aux effets de l'Evangile dans sa puissance salutaire envers les hommes, on
perd de vue le caractère intrinsèque et véritable de l'Evangile lui-même. Ce
qui demeure caché aux hommes pour qui l'évangile est voilé, et qui les laisse
dans leur condition de pécheurs perdus, c'est la bonne nouvelle de la «gloire
de Christ, qui est l'image de Dieu»; et ce qui est révélé par la lumière qui
reluit dans le coeur, est manifesté pour communiquer
la lumière de «la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de
Jésus Christ», soit pour être saisi par l'âme, soit pour luire au dehors en
témoignage au milieu des ténèbres du monde. Combien il est nécessaire ici,
comme partout ailleurs, que nous nous souvenions toujours du principe:
«nous marchons par la foi et non par la vue!» La foi seule est capable de
garder l'âme associée, si je peux m'exprimer ainsi, à cette merveilleuse
révélation de ce que Dieu est, et de la proximité de Lui, dans laquelle il nous
a placés par cet Evangile dont nous faisons tous profession.
Après ce premier
point, l'apôtre nous présente l'effet de cette révélation en nous, et le
dessein de Dieu dans les conditions de sa manifestation au milieu des
circonstances de cette vie: «Mais nous avons ce trésor
dans des vases de terre, afin que l'excellence de la puissance soit de Dieu et
non pas de nous» (4: 7). Si la connaissance de Dieu est introduite dans le coeur, elle y produit un effet permanent, selon la parole
du Seigneur lui-même: «C'est ici la vie éternelle
qu'ils te connaissent, seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ»
(Jean 17: 3). Dieu reluit dans le coeur; mais en même temps, il faut que nous nous rappelions que
le caractère de la nature de Dieu, c'est que Dieu est lumière. Il est
aussi amour, sans doute; mais, il est dit: «Dieu est lumière et il n'y a
en Lui nulles ténèbres» (1 Jean 1: 5); et lorsque la vie éternelle est
manifestée dans ce monde, dans la personne de Celui de qui il est dit qu'«Il
est le resplendissement de sa gloire et l'empreinte de sa puissance» (Hébreux
1: 3), il est dit aussi qu'en Lui était la vie, et la vie était la lumière des
hommes» (Jean 1: 4), ou bien réciproquement que: «la lumière des hommes était
la vie». De même aussi, l'apôtre Jean, parlant d'un commandement nouveau qu'il
annonçait, dit: «ce qui est vrai en Lui et en
vous, parce que les ténèbres s'en vont et la vraie lumière luit
maintenant» (1 Jean 2: 8). Jean fait ainsi allusion à ce que le Seigneur
lui-même a exprimé en disant: «Je vous donne un nouveau commandement, que vous
vous aimiez l'un l'autre; COMME, (caqñv) je vous ai
aimés, que vous aussi vous vous aimiez l'un l'autre» (Jean 13: 34); il
reconnaît, que pour cela il fallait être rendu participant de la nature dont
cet amour découle, nature qui est celle de Dieu Lui-même. C'est pourquoi, en
répétant ce nouveau commandement, il dit dans le passage cité plus haut: «ce qui est vrai en Lui et en vous, parce que les
ténèbres s'en vont et que la vraie lumière luit maintenant», réunissant ainsi
en un les deux déclarations de son évangile: «la lumière luit dans les ténèbres
etc.», et: «en Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes».
Nous nous sommes
arrêtés quelque peu sur ce sujet, afin de garantir l'expression:
«Nous avons ce trésor etc.», de toute acception vague et indéterminée.
Si Dieu reluit dans nos coeurs, c'est à la fin d'y
produire, par la connaissance de sa gloire dans la face de Jésus Christ, un
résultat spécifique et durable, c'est à la fin d'y produire sa propre image, de
communiquer sa propre nature. Comme doctrine, nous savons que
«Dieu nous a donné la vie éternelle et cette vie est dans son Fils» (1
Jean 5: 11); — «la vraie lumière luit maintenant!» Mais si les rayons de cette
lumière reluisent dans l'âme, ce n'est pas pour n'y laisser qu'une empreinte
photographique, une ombre fixée et morte de l'objet vivant qu'elle représente.
Elle y apporte d'abord la vie — «la vie était la lumière des hommes» — et ensuite elle transformera ceux qu'elle éclaire
en la gloire qui est la vraie demeure de la vie. «Or
nous tous, contemplant à face découverte, la gloire du Seigneur, nous sommes
transformés dans la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en
esprit» (chapitre 3: 18). — «Quand le Christ, qui est
votre vie, sera manifesté, alors vous aussi, vous serez manifestés avec Lui en
gloire» (Colossiens 3: 4). — Et encore: «Nous Lui
serons semblables, car nous Le verrons comme Il est», car c'est
ici la puissance qui transforme finalement (1 Jean 3: 2).
Je redis encore: «car nous marchons par la foi et non par la vue».
S'il n'en était pas ainsi, je demande en quoi la connaissance des doctrines de
l'Ecriture, qu'on rencontre parmi nous, diffère d'une froide et banale exégèse
de quelque document obscur et suranné. «Le ciel et la
terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas» (Matthieu 24: 35). — «Si nous sommes incrédules, Lui demeure fidèle; car Il ne
peut se renier Lui-même» (2 Timothée 2: 13).
«Mais nous avons ce trésor dans des vases de terre», et
cela non pas simplement et nécessairement par suite de la condition de notre
nature ici-bas, mais afin de glorifier la puissance divine. Ce fait met en
évidence la nécessité qu'il y a pour nous de connaître le conseil de Dieu à
notre égard, quant à notre marche journalière de chrétiens dans ce monde, et
quant à notre témoignage pour Christ; et comment aussi
il faut que nos âmes sachent se placer dans la condition nécessaire pour la
manifestation de la puissance divine. Sans aucun doute, l'apôtre fit un grand
pas en avant dans son expérience personnelle de ce dont nous parlons ici,
lorsque, en réponse à la prière au sujet de «l'écharde dans la chair», il eut
entendu le Seigneur Jésus lui dire: «Ma grâce te suffit, car ma puissance
s'accomplit dans l'infirmité»; et nous pouvons remarquer comment son âme adhéra
aussitôt à la condition de la manifestation de la puissance divine dans un vase
humain, un «vase de terre», quand il ajoute immédiatement: «je me glorifierai
donc très volontiers plutôt dans mes infirmités, afin que la puissance de
Christ repose sur moi» (2 Corinthiens 12: 9). Paul manifestait ainsi dans sa
personne, individuellement, la vérité dont nous venons de parler:
«portant toujours, partout, dans le corps, la mort de Jésus, afin que la vie
aussi de Jésus soit manifestée dans notre corps» (4: 10).
Il y a une
proportion et un rapport entre la manifestation de la vie de Jésus et le fait
de «porter toujours, partout, dans le corps, la mort
de Jésus. «Si nous savons comprendre et suivre cette
voie dans l'énergie de la grâce divine abondant en renoncement de nous-mêmes et
en service pour Christ, comme c'était le cas chez l'apôtre, nous manifesterons,
comme du dedans au dehors, la puissance de cette vie. Toutefois le Seigneur ne
laisse pas de prendre soin de nous à cet effet et de diriger à cette fin les
circonstances extérieures, — «car nous qui vivons, dit
encore l'apôtre, nous sommes toujours livrés à la mort pour l'amour de Jésus,
afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle» (4:
11). Il y a d'un côté le propos du coeur qui, par une
consécration volontaire au service de Christ, cherche à être rendu conforme à
sa mort, volontairement «portant dans le corps la mort de Jésus»; mais il y a
aussi la faiblesse de la nature, jointe à un défaut de pleine intelligence
spirituelle, qui, si Dieu ne la tenait pas en échec, détournerait fréquemment
les plus zélés serviteurs du Seigneur de ce chemin dans lequel la pression de
la croix se fait incessamment sentir, et neutraliserait ainsi, dans cette
mesure, le désir de manifester la vie de Jésus. Pour prévenir ce mal, par conséquent,
et afin que le désir de glorifier Christ s'accomplisse selon Dieu chez ses
serviteurs, le Seigneur dirige, de diverses manières, les circonstances
extérieures de la vie de ceux-ci, de façon à ce que,
comme l'apôtre le dit, ils soient livrés à la mort pour l'amour de Jésus, la
direction du Seigneur intervenant pour venir au secours de la faiblesse du vase
de terre, dans lequel le trésor divin est déposé. C'est pourquoi, pour ce qui
concernait le service de l'Evangile en particulier, l'apôtre devait dire: «Ainsi la mort opère en nous, et la vie en vous» (4:
12).
Mais le secret
de cette acceptation volontaire à rencontrer la mort, non seulement
extérieurement, mais dans toutes les intentions du coeur,
dans tous les principes et les objets d'un homme dans la chair, où gît-il?
Il est dans la possession, et la possession consciente d'une vie que la mort ne
peut atteindre, d'une vie dont les triomphes se manifestent dans la mort morale
à tout ce que la nature, en dehors de Dieu, aime et prise le plus, d'une vie
entretenue par sa liaison avec Dieu au milieu de ce: «dans les morts souvent»
qu'elle rencontre dans sa route à travers le monde; d'une vie enfin dont la
résurrection sera le triomphe, alors que le vase de terre qui la contenait sera
lui-même brisé, et gisant dans le tombeau comme un vil débris. Voilà ce qui,
selon sa propre expression, poussait l'apôtre en avant dans sa course ardente:
«Or ayant ce même esprit de foi, dit-il, selon qu'il est écrit: «J'ai cru,
c'est pourquoi j'ai parlé», nous aussi nous croyons, c'est pourquoi aussi nous
parlons, sachant que celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus, nous
ressuscitera aussi par Jésus, et nous présentera avec vous» (4: 13, 14); et
puis il ajoute: «C'est pourquoi nous ne nous relâchons pas; mais si notre homme
extérieur se détruit, toutefois l'homme intérieur est renouvelé de jour en
jour» (4: 16).
Mais pour que
ces choses ne soient pas pour nous des paroles vides de sens, des paroles de l'Ecriture,
il est vrai, mais pour nous sans aucune signification, combien il est urgent
encore ici de nous rappeler cette déclaration de l'apôtre:
«Car nous marchons par la foi et non par la vue». Comment autrement, le résumé
que fait l'apôtre, de sa carrière de souffrances, d'épreuves, d'afflictions
dans ce monde, nous apparaîtrait-il, non pas comme un écrit confus et ampoulé,
mais comme la parole d'un homme qui pèse avec calme les résultats du temps avec
ses scènes changeantes et passagères, et la fin qu'apporte l'éternité avec la
gloire à venir? «Car notre
légère affliction qui ne fait que passer, opère pour nous un poids de gloire
éternel et souverainement excellent; nos regards n'étant pas fixés sur les
choses qui se voient, mais sur celles qui ne se voient pas; car celles qui se
voient sont pour un temps, mais celles qui ne se voient pas sont éternelles»
(5: 17, 18).
Si nos regards
demeurent fermement fixés sur le monde qui ne se voit pas et qui est éternel,
notre âme jouira des avant-goûts de la gloire à venir et de la bonté attractive
de notre Dieu, qui demeureront inconnus du chrétien même qui est indûment
occupé des choses de la terre. L'aspect des cieux étoilés et toute la gloire
des sphères célestes peuvent être, à la fois, un objet de contemplation pour
l'astronome qui veille et étudie dans son observatoire et pour le voyageur qui
chemine dans la nuit, et qui, de temps à autre, élève un regard passager vers
la voûte étoilée. Mais tandis que le premier, plongeant ses regards dans les
champs sans bornes de l'espace, a l'âme remplie de la splendeur des soleils et
des sphères dont son télescope lui dévoile un à un les orbites sans nombre
étincelant au travers des profondeurs de l'immensité, — l'autre n'aperçoit
guère qu'un dôme d'azur, émaillé d'étoiles, qui viennent diriger de leurs
faibles rayons sa marche incertaine. L'objet de contemplation est le même pour
ces deux hommes; et pourtant, qu'elles sont
différentes les émotions éveillées dans le coeur de
chacun! Il en est ainsi aussi du chrétien dont le regard de foi s'arrête
fixement sur ce qui est révélé de ce monde que la foi seule peut saisir, et du
chrétien qui, sans doute, ne refuse pas de croire à la révélation de ces
choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment, mais qui pratiquement, du
moins selon l'application que l'apôtre fait de cette parole, ne peut pas recevoir
le témoignage, qu'il «marche par la foi et non par la
vue».
Nous savons que
Dieu, dans sa grâce infinie, veille sur le plus faible et le plus misérable de
ses enfants, de manière à faire travailler toutes choses ensemble pour son
bien. Mais la vérité qui se présentait ici à l'esprit de l'apôtre va bien plus
loin. Il nous montre le chrétien dans ses intentions, ses motifs, et toute la
vie de son âme, — dans l'activité du travail comme dans la souffrance patiente,
— le regard tourné vers les choses qui ne se voient pas, mais qui sont
éternelles, à l'exclusion de celles qui se voient et qui sont pour un temps,
pour tout ce qui concerne la domination et le gouvernement de l'âme.
Certainement, là où Christ et son service, sa croix et son retour, ne sont pas
ce qui gouverne le coeur, le langage de ces versets
n'est pas à sa place. Toutefois, n'oublions pas que s'il s'agit du jugement de
l'homme, il est certain aussi que «plusieurs des
premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers».
Rien n'est plus
admirable que la manière tranquille et puissante, selon laquelle chaque point
est exposé et mis à sa place dans l'enseignement qui fait l'objet des neuf
premiers versets du chapitre 5. Si nous réfléchissons à ce qu'est la mort, à la
domination qu'elle a acquise, à ce qu'implique le brisement de ces liens qui
nous lient à la scène actuelle de notre existence; si nous considérons
l'impuissance complète de la nature devant la mort; l'incertitude et les
ténèbres qui caractérisent tous les raisonnements des philosophes au sujet de
l'avenir qu'elle nous cache,- nous ne pouvons que reconnaître et admirer
l'amour qui ouvre devant nous une perspective de gloire et de triomphe, comme
celle que nous trouvons ici, au travers des régions de la mort et de la destruction
de toute grandeur et espérance humaines. Le corps que nous avons maintenant, et
qui doit dépérir et se dissoudre, n'est qu'une tente terrestre que la mort
abat, pour la remplacer par un «édifice de la part de
Dieu», une habitation éternelle dans les cieux, où Jésus a sa demeure et où la
gloire de Dieu règne éternellement. Nous gémissons peut-être maintenant, il est
vrai, à cause de l'infirmité de notre nature, et parce que nous sommes liés à
une création qui, par suite du péché, gémit elle-même;
mais notre regard est porté ainsi d'autant plus sérieusement en avant, et nous
désirons avec plus d'ardeur «de revêtir notre domicile qui est du ciel» (verset
2).
Mais à ceux dont
les désirs du coeur sont ailleurs, et à ceux qui
n'ont aucun droit à ces choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment,
qu'est-il réservé, sinon la confusion la plus terrible en face de cette
éternité, où ils sont forcés d'entrer? Car quelle
poignante douleur renferme cette expression: «si
toutefois nous sommes trouvés vêtus, non pas nus!» Cette
«maison éternelle», sur laquelle sont arrêtés les regards de l'apôtre,
doit nous appartenir, l'âme doit être ainsi revêtue, sinon nous serons «trouvés
nus!» — Mais ceci n'est qu'une parenthèse dans l'ordre des pensées de l'apôtre,
et il en revient de nouveau aux gémissements qui caractérisent notre habitation
dans cette tente, nous montrant que le fardeau même que nous portons maintenant
par suite de la mortalité qui règne par le péché, n'éveille pas seulement le
désir de la délivrance que la mort peut apporter, mais de ce qui va bien au delà:
«Afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie» (5: 4)! C'est la vie
et non pas la mort, que la Parole place toujours, devant le croyant,
comme le véritable objet de son espérance. C'est pour la vie et la gloire, que
Christ nous a rachetés, non pas pour la mort et la corruption:
Dieu nous a créés à cette même fin, et les arrhes de l'Esprit sont le témoin et
les arrhes de l'héritage et de la gloire (5: 5).
Mais, que vienne
la vie ou la mort, il y a toujours un fondement de confiance. La mort peut
venir! Qu'il en soit ainsi!
Si nous sommes présents dans le corps, nous sommes, pour autant, nécessairement
absents du Seigneur; si nous sommes absents du corps,
nous sommes amenés à Lui qui est l'objet de nos désirs. « Nous avons de la
confiance, et nous aimons mieux être absents du corps et être présents avec le Seigneur» (5: 8). Et la fin de tout, pour ceux de qui l'on
peut dire en vérité, qu'ils «marchent par la foi et
non par la vue», — est résumée dans cette parole: «C'est pourquoi aussi soit
présents, soit absents, nous nous efforçons de Lui être agréables» (5: 9).
Ainsi soit-il!