Le commencement du chapitre sur lequel
j'appelle votre attention se lie au chapitre qui précède. Jean avait parlé de la
manifestation de cette vie éternelle qui était auprès du Père, et de la
révélation de la lumière parfaite en Dieu, en Celui dont l'Evangile nous dit
que: «la vie était la lumière des hommes» (Jean 1: 4). Il avait montré que,
marchant dans la puissance de cette vie, nous avons communion avec le Père et
avec le Fils, car cette vie est dans le Fils. Mais Dieu est lumière; et si nous
disons que nous avons communion avec Lui, et que nous marchions dans les
ténèbres, nous mentons et nous ne pratiquons pas la vérité (1 Jean 1: 6); mais
dans la lumière, par la vie que nous avons, le sang de Jésus Christ, le Fils de
Dieu, nous purifie de tout péché.
L'apôtre avait donc exposé ces trois
choses, dans le premier chapitre: d'abord, le chrétien est dans la lumière comme
Dieu est dans la lumière; ensuite, le chrétien a communion avec le Père et avec
son Fils Jésus Christ: et cette communion est possible et se réalise en effet,
parce que, en troisième lieu, le sang de Christ purifie de tout péché. Tous ces
privilèges sont liés à la possession de la vie éternelle, et caractérisent,
dans ses grands traits essentiels, la position du chrétien.
A la suite de cela, les deux premiers
versets du chapitre second nous présentent les ressources du chrétien envisagé
comme placé dans cette lumière, pour le cas où comme ici-bas, nous le faisons
tous, il a péché. Dieu pourvoit en grâce, et d'une manière différente, à ce
qu'exige notre faiblesse pratique ici-bas, en présence de nos glorieux
privilèges: «Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès dit Père!»
Le chrétien n'est pas seulement possesseur d'une nature divine, qui le rend
capable, par le Saint Esprit et par l'efficacité du sang de Christ, d'avoir
communion avec le Père et avec le Fils; mais il est dans sa vie, d'ici-bas, exposé
aussi à pécher: «Si quelqu'un a péché…» Le chrétien a cette nouvelle
nature au moment où il pèche; il est fait une fois pour toutes participant de
la nature divine; mais quand il pèche, il n'a pas marché dans la puissance de
cette nature, et il a besoin d'un «avocat auprès du Père».
La grâce se montre ici sous un autre aspect
que dans la communion: il ne s'agit pas de la joie en Dieu, la véritable
condition du chrétien, mais de l'intervention de Dieu en grâce dans la personne
d'un médiateur, de quelqu'un qui se place entre Dieu et nous. Toutefois il faut
bien remarquer qu'il n'est question ici en aucune manière de notre
justification. Si nous sommes chrétiens, il n'est pas possible que quoi que ce
soit nous soit imputé. Christ a été fait péché pour nous, et son oeuvre nous a
placés dans la présence de Dieu sans qu'aucune question puisse s'élever encore
relativement à la justice; et cette position nous ne la perdons jamais (voyez 2
Corinthiens 5: 21). Le passage qui nous occupe parle d'une chose toute différente,
très importante aussi pour nous, c'est-à-dire, de l'exercice journalier des
affections spirituelles dans la libre communion avec Dieu. Ce n'est pas que
nous faillissions quant à notre position devant Dieu, car Christ est
notre position devant Lui, et Christ ne peut pas changer; mais nous faillissons
ici-bas: «Nous bronchons tous en plusieurs choses» (Jacques 3: 2). Nous péchons
tous, constamment, intérieurement et extérieurement; mais l'exercice de nos
affections, si celles-ci sont réelles, dépend de ce que nous sommes ici-bas,
d'un côté des progrès que nous faisons dans la connaissance de Dieu et de ce
qu'est son amour, et de l'autre de notre vrai état pratique. Il faut à Dieu la
justice; il demande la justice; mais non pas, comme beaucoup de chrétiens le
pensent, comme si l'aspersion du sang devait se renouveler, ou comme si notre
justice avait failli devant Dieu toutes les fois que nous péchons: car, du
moment où je crois, je suis juste «comme Lui est juste» (Romains 5: 7-21; 1
Corinthiens 1: 30, 31; 2 Corinthiens 5: 17-21; Hébreux 10: 14). Cette
justice n'est jamais affaiblie; elle a toujours la même valeur: et la seule
chose dont il s'agisse à l'égard de ma justice, c'est de savoir QUI est Celui
qui est ma justice. L'intercession de Christ comme Avocat est fondée sur
cette justice infaillible, qui est le don de Dieu (Romains 5: 17), et sur le
fait que cette justice nous a placés dans la lumière comme Dieu est dans la
lumière; et elle concilie les circonstances de faiblesse ou de chute de notre
état actuel, avec les privilèges de notre position dans la lumière, par une
justice qui est divine. Elle est établie sur le fait du nouvel exercice de
coeur et de conscience dans lequel je suis amené, en étant ainsi placé, par le
moyen du sang de Christ, dans la lumière et l'amour parfaits de Dieu avec une
nature capable d'en jouir.
L'intercession de Christ est donc basée sur
ce fait que, en vertu du sacrifice de Christ, ma conscience est exercée comme
elle ne pouvait l'être auparavant, devant la lumière et l'amour de Dieu, dans
lesquels je suis, et auxquels j'appartiens, par ma nouvelle nature. Ma
conscience ne pourrait pas être exercée ainsi si la justice n'était pas
parfaite, et si la justice n'était par parfaite, Dieu ne pourrait pas non plus
agir à l'égard du péché comme il le fait, en discipline et en amour, par la
sacrificature de Christ. Mais selon l'expression de l'Ecriture en relation avec
cette sacrificature, Christ est «Jésus Christ le Juste et la propitiation
pour nos péchés». Il intercède pour le fondement de notre position actuelle
en justice, dans la présence de Dieu, en Lui, et de la propitiation qui a été
faite pour les péchés à propos desquels il intercède. La justice est toujours
dans la présence de Dieu: Dieu n'a pas à la chercher maintenant, dans ses voies
envers nous, car Christ est toujours devant Lui. Dieu a été parfaitement
manifesté en Jésus Christ, et parfaitement glorifié par Lui à l'égard du péché
(Jean 17: 4; Hébreux 9: 26; 10: 10-18; Romains 3: 24-26, etc.) et maintenant je
puis me présenter devant Dieu sans crainte à cause de cette justice. Mais de
quelle manière ma relation avec Dieu sera-t-elle maintenue par une pauvre
faible créature comme je suis, et cela en présence de la lumière, et alors que
je suis appelé à marcher dans la lumière comme Dieu est dans la lumière? Ma
relation avec Dieu subsistera en vertu de ce que je suis en Christ; Christ ma
justice n'a pas besoin d'être maintenu ou renouvelé. Il ne pèche pas et ne
change pas, non plus que ma justice; mais moi j'ai besoin d'être gardé et
soutenu. Supposons que j'aie péché: ma communion avec Dieu est aussitôt
interrompue, car Dieu ne peut avoir communion avec le mal. Alors, l'avocat
intervient; la sacrificature de Christ vient à mon secours; elle ne me donne
pas la justice, mais, elle me relève quand je manque, en vertu de la justice.
L'intercession de la sacrificature m'applique, comme ma position inébranlable
en justice divine, ce que je suis aux yeux de Dieu, pour m'amener à me juger
moi-même, selon la lumière dans laquelle j'ai été introduit par cette justice.
Mon jugement quant au bien et au mal se perfectionne, sans doute, à mesure que
je crois devant Dieu; mais, depuis le commencement de ma carrière de juste,
la mesure de mon jugement est la lumière de la présence de Dieu.
Deux choses nous sont nécessaires dans
notre marche ici-bas: la grâce pour nous garder sur le chemin, et la
miséricorde pour nous rétablir dans la communion lorsque nous avons perdu
celle-ci. Notre Souverain Sacrificateur nous maintient dans la jouissance de
l'une et de l'autre; — il nous assure toute la grâce, dont nous avons besoin le
long du chemin, en même temps qu'il nous maintient dans la ferme assurance de
notre position devant Dieu. Pierre ne perdit pas sa foi et sa confiance en
Dieu, bien qu'il eût renié son Maître. Satan aurait pu venir et lui dire: «C'en
est fait de toi; tu as trop péché, tu es trop méchant; la sentence de
condamnation est prononcée contre toi; il n'y a plus d'espérance!» et lui faire
perdre ainsi la confiance en Dieu, notre seule ressource quand nous avons
failli. Mais avant que Pierre tombât, Christ avait prié pour lui; et de cette
manière Pierre apprit ce qu'il était par lui-même, et il connut la grâce qui le
conservait; et plus tard il en usa pour le bien des autres, selon que le
Seigneur lui avait dit: «Quand tu seras revenu, fortifie tes frères» (Luc 22:
31, 32). Pierre était en état de secourir ceux qui étaient faibles et
chancelants comme lui, parce qu'il connaissait sa propre faiblesse et les
ressources précieuses de la grâce. C'est la même grâce qui est venue au
commencement au-devant de nous, qui nous soutient et nous conserve tout le long
du voyage.
Le gouvernement de Dieu prend place ici:
Dieu gouverne les siens comme un père sa famille. Quelquefois il faut qu'il
dise: «Ephraïm s'est associé aux idoles, abandonne-le» (Osée 4: 17); il faut
qu'il nous abandonne à nous-mêmes pour que nous goûtions le fruit de nos voies,
ce qui est le plus terrible de tous les châtiments. Certainement Dieu
n'abandonne jamais entièrement les siens, mais il peut les abandonner aux
conséquences de leurs voies. C'est un cas extrême. En général, Dieu agit envers
nous en discipline, selon le chemin que nous tenons. Le gouvernement de Dieu,
dans ce sens, son amour, l'exercice actuel des affections manifestées à notre
égard, sont rendus dépendants de nos actions et de nos oeuvres, selon le
principe posé par le Seigneur lui-même quand il dit: «Si quelqu'un m'aime il
gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons
notre demeure chez lui»; et: «Si vous gardez mes commandements vous demeurerez
dans mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et je
demeure dans son amour» (Jean 14: 23; 15: 10). Nous savons parfaitement que
l'amour de Dieu envers nous, comme pécheurs, ne dépend pas et ne peut pas
dépendre de notre amour pour Lui, car c'est comme pécheurs que Dieu nous aime
en grâce; et pareillement, même quant à notre conduite (car après tout, c'est
la grâce qui nous rend capables de bien marcher), Dieu agit envers nous
toujours en grâce, et ne peut être que grâce envers nous; — toutefois nous
voyons qu'en un sens la grâce de Dieu est en rapport avec ses voies de justice.
Il observe notre conduite, l'état de notre coeur, notre marche et tient compte
de tout: il agit envers nous comme envers ses enfants; de même aussi Christ est
fidèle, comme Fils, sur sa propre maison (comp. Hébreux 12: 4 etc.; 3: 5, 6).
Si nous nous mettons en colère contre notre frère, si une parole dure nous
échappe, ou si nous allons devant nous sans prendre garde à nous, et qu'une
chose ou l'autre attire nos regards et détourne de Dieu nos pensées, nous en
retrouverons l'effet dans nos âmes à la fin de la journée devant Dieu. Il
vaudrait encore mieux, sans doute, nous juger au moment même où nous avons
manqué. La grâce nous relève. Dieu nous suit et nous ramène. Si nous avions un
enfant désobéissant ou insubordonné, nous ne l'abandonnerions pas, pourtant,
mais nous veillerions sur lui avec amour, et nous le châtierions dans l'espoir
de le corriger. Si je vois un enfant qui se conduit mal, je puis ne pas
m'occuper de lui; mais si c'est de mon propre enfant qu'il s'agit, d'un enfant
qui soit à moi, il faut que j'aille après lui et que je le ramène. Ainsi fait
la patience de la grâce divine. En même temps, Dieu ne peut jamais renier sa
sainteté. — Non; il ne pourrait pas tolérer ou supporter le mal dans son
enfant; ce serait notre malheur éternel s'il le faisait. C'est pourquoi aussi
il a fallu que Christ mourût. De cette manière Dieu devient débiteur de Christ,
si j'ose parler ainsi, à cause de son oeuvre, pour la gloire de son caractère,
la gloire du Père le ressuscita d'entre les morts. «A cause de ceci le Père
m'aime, c'est que je laisse ma vie, afin que je la reprenne» (Jean 10: 17). —
«Je t'ai glorifié sur la terre» (Jean 17: 4). «Maintenant le Fils de l'homme
est glorifié, et Dieu est glorifié en Lui» (Jean 13: 31). Ainsi rien ne passe
inaperçu; mais l'oeuvre de Christ est accomplie une fois pour toutes. La même
chose est vraie quant à l'intervention de Christ en notre faveur. S'il y a des
manquements, Dieu les voit; mais Jésus intervient et intercède pour nous, pour
que la faute devienne une occasion d'enseignement, de correction, pour notre
profit.
On entend dire quelquefois que nous devons
faire usage de la sacrificature de Christ, c'est-à-dire, que nous devons
demander à Christ d'exercer sa sacrificature en notre faveur; mais la vérité
est bien différente: Christ intercède pour nous. Pourquoi est-ce que je
reviens à Dieu quand j'ai péché? Parce que Christ a exercé la sacrificature en
ma faveur, et qu'une nouvelle, grâce m'a été appliquée, qui me fait retourner à
Dieu; une nouvelle grâce a agi dans mon coeur, par l'intercession que ma
faute a rendue nécessaire. Il n'y a rien en nous qui nous ramène à
Dieu; il faut une intervention nouvelle de la grâce dans nos consciences. Voilà
pourquoi il est dit: «Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du
Père» (1 Jean 2: 1). Il n'est pas dit: «Si quelqu'un se repent», nous
avons un Avocat… mais «si quelqu'un a péché, nous avons…» La grâce qui
intervient est aussi gratuite que celle qui est venue à nous au commencement,
quand nous étions dans nos péchés. Dans le cas de Pierre, le Seigneur prédit à
son disciple ce qui arriverait: «Satan vous a demandés pour vous cribler comme
le blé; mais moi j'ai prié pour toi» (Luc 22: 32). Pierre avait besoin d'être
ainsi criblé, et Christ ne demande pas que le criblement lui soit épargné; mais
avant que Pierre commît le péché, avant qu'il se précipitât dans le danger, le
Seigneur avait prié pour lui. «J'ai prié pour toi!» La grâce était en exercice,
et cela au moment même où elle était nécessaire. «Et le Seigneur se tournant regarda
Pierre» (Luc 22: 61) — et la grâce fit son oeuvre. Les larmes de Pierre
étaient le fruit de l'intercession et de la grâce de Christ; elles n'en étaient
pas la cause ou le motif.
La grâce et l'intercession de Jésus sont
actives envers nous en toute grâce et sagesse de Dieu. C'est la grâce qui fait
de nos fautes mêmes l'occasion pour Dieu d'intervenir avec plus de grâce
encore. La justice n'entre pas en question ici, il n'en est pas fait mention.
C'est par l'intercession de Jésus, que j'ai accès auprès de Dieu au sujet de
mes mauvaises pensées. Tout ce que ma conscience me dit de mon péché, tous les
exercices de coeur par lesquels je passe, sont l'occasion pour moi d'aller au
Père, et deviennent ainsi autant de liens qui attachent mon âme à Dieu; nous en
faisons l'expérience dans nos manquements et nos besoins de tous les jours, et
nous sommes entièrement dévoyés si nous ne discernons pas que Dieu a fait
reposer tout ceci sur un fondement saint.
Il ne faut pas conclure de là que nous devions
nécessairement faillir. Dieu est fidèle, qui ne permet pas que nous soyons
tentés au delà de ce que nous pouvons supporter (1 Corinthiens 10: 13). Les
racines et les principes du péché devraient être jugés dans la communion devant
Dieu. Nous ne devrions pas pécher, quoique nous le fassions tous. Notre
misérable confiance en nous-mêmes nous fait broncher, et alors intervient la
sacrificature; la verge d'Aaron en est l'expression. Moïse avait frappé le
rocher avec sa verge, la première fois, afin que le peuple pût avoir de l'eau;
mais cet acte ne devait pas se répéter. Or, ce fut la verge d'Aaron qui bourgeonna
et porta du fruit, et Moïse et Aaron devaient ensuite non pas frapper le rocher
encore une fois, mais parler au rocher, et il donnerait son eau,
manifestant ainsi l'efficacité divine de la sacrificature (comp. Exode 17: 6;
Nombres 17: 8; 20: 8) !
C'est ainsi que la grâce fait taire les
murmures du coeur. Les enfants d'Israël avaient passé deux ans dans le désert;
et ils y passèrent trente-huit ans de plus, parce qu'ils n'étaient pas montés
pour prendre possession du pays, comme Dieu le leur avait commandé; et si nous,
comme Israël naguère, nous ne montons pas, notre véritable condition morale se
manifeste et nous allongeons la route. Israël n'a pas eu assez de foi pour
aller à la rencontre des enfants de Hanac (Nombres 13; 14); et il n'a pu jouir
alors des richesses de Canaan. Si nous voulions rompre avec le monde, et
charger délibérément notre croix, nous jouirions ainsi aussitôt de la pleine
puissance de communion avec Dieu; mais si, au contraire, nous ne savons pas
rompre avec le monde et prendre notre croix, nous aurons à apprendre ce qu'est
la chair, par sa mortification de tous les jours dans le désert. Si nous
croyons échapper à des dangers en quittant le chemin de la foi, nous tomberons
certainement dans le péché. Quand au bout de quarante ans les enfants d'Israël
entrèrent enfin dans le pays de Canaan, ils y trouvèrent les mêmes géants qui
les avaient épouvantés au commencement, et qui les avaient empêchés de prendre
possession du pays.
Si des chrétiens sont souvent plus heureux
sur leur lit de mort que pendant toute leur vie passée, la raison en est, que,
jusqu'à ce moment, ils n'avaient jamais encore renoncé à tout pour Christ, ils
n'avaient jamais appris, comme Paul, à connaître Christ comme étant tout
pour eux, et tout le reste comme n'étant que des ordures (Philippiens 3).
Cependant le vêtement d'Israël ne s'était pas envieilli sur lui, et son pied
n'avait point été foulé durant les quarante ans de pèlerinage au désert
(Deutéronome 8). Pendant toute cette longue route, il apprit à connaître en détail
la merveilleuse bonté de Dieu. La manne ne cessa pas et la patiente grâce de
Dieu ne faillit pas, jusqu'à la fin. Nos coeurs insensés ne veulent pas se
confier en Dieu, hélas! et alors le Seigneur nous montre la patience de sa
grâce. Il nous accompagne partout où nous allons, même dans nos chutes, comme
il retourna dans le désert avec Israël après Kadès-Barnéa; et si nos coeurs, à
nous, ont passé, par les exercices du désert, nous avons appris la vanité des
choses de la terre, et nous avons trouvé qu'après tout il vaut mieux renoncer à
tout, et nous confier en Dieu, afin qu'Il soit tout pour nous; et si
nous avions commencé par là, nous en aurions joui tout de suite.
Mais revenons directement au sujet de notre
étude. L'exercice constant de la sacrificature de Christ continue dans le ciel
en rapport avec notre position céleste, et porte sur notre état journalier
ici-bas: Nous sommes appelés à être des hommes célestes sur la terre. Christ
était l'homme céleste ici-bas, et nous sommes unis à Christ par un seul Esprit.
«Celui qui est uni au Seigneur est un seul Esprit avec Lui» (1 Corinthiens 6:
17). Remarquez l'effet de ceci. Qu'est-ce qu'était Christ? Il n'était pas
seulement l'homme obéissant, l'homme parfait sous la loi, mais il était la
manifestation parfaite de la nature divine dans un homme. Il y avait là, dans
un homme, tout l'effet de bonté que la divinité pouvait produire dans un homme
(je ne parle pas de miracles), patience, support, amour, pureté, sainteté, et
toute autre grâce. Ce n'est pas que nous puissions être ce que Christ était,
car le péché est en nous: et en Lui, il n'y avait pas de péché. Mais nous sommes
appelés à marcher comme Lui a marché, la puissance de sa grâce nous
faisant marcher par l'Esprit. Nous ne sommes pas toujours disposés à marcher
ainsi: il y a en nous une volonté, et il faut que Dieu brise cette
volonté. Aussi longtemps que notre marche ne découle pas de la parole de Dieu,
la chair est en activité; or il faut des «vases de terre» pour marcher dans les
voies de Dieu. «Mais, je suis un chrétien si jeune, je suis si faible», dira
quelqu'un. — Il ne s'agit pas d'âge dans la grâce. Si votre oeil était simple,
et si vous ne vous appuyiez pas sur vous-mêmes, Dieu ne permettrait pas que
vous fussiez tenté au-delà de ce que vous pouvez supporter, mais avec la
tentation il vous donnerait aussi l'issue. Nous pouvons être faibles, mais
cette faiblesse n'est pas un empêchement à ce que nous marchions comme Christ a
marché, car sa force s'accomplit dans l'infirmité (2 Corinthiens 12: 9, 10);
mais Christ ne peut pas être la force de notre volonté. Un homme né de Dieu
hier peut suivre Christ aussi bien qu'un vieux chrétien, et Christ a le même
prix pour lui; il peut ne pas avoir autant de sagesse, mais chez l'enfant en
Christ, il y a souvent un oeil plus simple, et un coeur moins partagé. La
grande affaire, c'est que la volonté ne soit pas en activité: et à cet égard
encore nous voyons quelle était la perfection de Christ.
Quoi qu'il en soit, je vois que Jésus vient
à nous dès le premier moment de la vie divine dans les pécheurs. Ainsi Jean
Baptiste appelle à la repentance; Ceux qui ont des oreilles pour entendre
viennent, et Christ vient avec eux. Christ n'avait pas besoin de repentance, et
Jean refusait de le baptiser, car il n'y avait pas de péché en Christ; mais
chez ceux qui avaient répondu à l'appel de Jean, leur venue à son baptême était
le premier pas de vie spirituelle, et Christ s'associe à eux. Depuis le premier
mouvement que l'opération de la Parole de Dieu produit en eux, en les amenant à
ce baptême de Jean, ils ne font pas un seul pas où Christ ne soit pas avec eux;
et dans tout le cours de notre vie spirituelle nous ne faisons pas un seul pas
sans que Christ se joigne à nous dans notre chemin. Il est la vie dans laquelle
nous marchons.
La volonté de Dieu était la source de toute
la conduite de Christ. Il était veau pour faire la volonté de Dieu. «Voici, je
viens pour faire, ô Dieu! ta volonté» — «Tu m'as percé les oreilles» ou:
«creusé les oreilles» (Psaumes 40: 6-8; Hébreux 10: 8). Il prend la position
d'obéissance. C'est pourquoi le Saint Esprit accepte la version des Septante
qui rend ce passage du Psaume 40 par: «Tu m'as préparé un corps». Le Fils
devient un homme: il se fit serviteur, pour marcher d'après ce qu'il entendait.
Il avait la volonté de faire la volonté de Dieu, tout ce que Dieu pourrait
vouloir: «Voici, je viens pour faire, ô Dieu! ta volonté». «Non pas comme moi,
je le veux, mais comme toi, tu le veux» (Matthieu 26: 39). La volonté de Dieu
était la source de toute sa conduite. Il n'était pas seulement l'homme
obéissant, selon l'idée que nous nous faisons ordinairement de l'obéissance,
c'est-à-dire ayant une volonté à Lui et la retenant devant une défense, car
c'est ce que nous appellerions, et, dans un sens, justement, de l'obéissance
chez un enfant; — non, il y avait autre chose chez le Christ: la volonté de son
Père était son seul motif pour agir. Là où le Père ne disait rien,
Christ demeurait tranquille. Il pouvait avoir faim, mais il ne voulait pas
faire usage de sa puissance par sa volonté propre. «L'homme ne vivra pas de
pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu» (Matthieu
4: 4). Il pouvait aimer Marthe et Marie, mais il attend le moment de la volonté
de Dieu pour aller vers elles (Jean 11: 6, 7): «Le Père qui est vivant, m'a envoyé»,
dit-il, «et moi je vis à cause du Père», c'est-à-dire en vertu de ma relation
avec Lui (Jean 6: 57). Nous n'avons pas seulement à marcher, quant à nos actes,
comme Lui a marché, mais nous devons marcher dans le chemin où il
marcha, pour ce qui est du principe et des mobiles de notre conduite. Il ne
suffit pas que nous marchions droitement, il faut encore que notre
conduite soit obéissante. Le principe de la conduite du Christ ne fut
jamais sa volonté propre; non pas que celle-ci, en Lui, eût besoin
d'être corrigée, mais Christ vint pour faire la volonté de son Père. Satan et
les hommes cherchèrent à y mettre obstacle, mais Christ passa à travers tout.
Il se place en avant, parce qu'il doit, en effet le premier traverser les
difficultés. «Quand il a mis ses propres brebis dehors, il va devant elles»
(Jean 10: 4). Il fut conduit par l'Esprit pour être tenté; tout ce qui pouvait
mettre son obéissance à l'épreuve, devait être essayé sur Lui. Il apprit
l'obéissance par les choses qu'il a souffertes (Hébreux 5: 8). Cependant nous
voyons même ici quelle différence il y a entre la gloire de la personne de
Christ et un autre homme. Moïse a dû jeûner pendant 40 jours, pour être avec
Dieu sur la montagne. Christ, comme homme, vivant sur la terre, était toujours
avec Dieu. Il jeûna pendant 40 jours pour être avec Satan, tenté par lui dans
le désert; et on ne peut le contempler dans cette circonstance sans reconnaître
quel était Celui qui était là. Si toute la gloire du monde a été alors offerte
à Christ, elle nous est présentée à nous, en détail tous les jours, et nous
voyons, dans un temps comme celui dans lequel nous vivons, que les hommes
courent après la gloire, de tout leur coeur.
Christ rencontre Satan disant: Dis à ces
pierres qu'elles deviennent du pain» (Matthieu 4: 3), satisfais ta faim par ta
volonté propre; mais Christ n'avait pas de commandement de Dieu pour le faire.
La volonté de Christ ne se manifeste jamais, si ce n'est pour obéir; son
obéissance était parfaite; c'était la vie humble, sainte, patiente, qui n'agit
pas sans Dieu. Si vous désirez ne rien faire sans une parole de Dieu, vous
pouvez compter sur la force de Dieu dans ce que vous faites.
Mais le diable ne s'arrête pas là:
«Jette-toi en bas», dit-il (Matthieu 4: 5-7). Non; Christ ne met pas Dieu à
l'épreuve, il ne veut pas tenter Dieu, en le mettant à l'épreuve pour savoir
s'il voudra le préserver. Il se confie en Dieu. Les enfants d'Israël avaient
tenté l'Eternel, en disant: «l'Eternel est-il au milieu de nous ou non» (Exode
17: 9) ? Ils avaient voulu s'assurer si Dieu était ou non au milieu d'eux, et
c'est là ce que l'Ecriture entend par tenter Dieu. Christ était sûr de
trouver Dieu dans le chemin de l'obéissance. Quand Marie et Marthe envoient
vers lui disant: «Lazare est malade» (Jean 11), il demeure tranquille, nous
l'avons déjà fait remarquer; Dieu ne Lui avait rien dit; et Lazare meurt. Il
dut paraître cruel à Marthe et à Marie, que Jésus demeurât encore deux jours où
il était, et qu'il ne vînt pas immédiatement pour guérir leur frère. Si Christ
avait été là, il eût pu faire un miracle ordinaire, tandis que la résurrection
de Lazare est à la gloire de Dieu. Satan met Christ à l'épreuve; mais il n'y
avait pas en Christ de volonté, qui eût le moi pour centre et pour objet.
A la fin Satan est obligé de se trahir. «Je
te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et me rends hommage»
(Matthieu 4: 9). Mais pour le serviteur obéissant de Dieu, un Satan manifesté
est un Satan vaincu. — «Va arrière de moi, Satan!» Cependant Christ, comme
l'homme obéissant, se sert de la parole: «il est écrit»; mais c'est là la
puissance. Satan a de la puissance contre les prétentions, contre la science;
mais il n'a aucune puissance contre l'obéissance et lorsque nous agissons
d'après la Parole, sans aucune volonté propre. Christ agit d'après la Parole,
elle était le mobile de sa conduite. «Celui qui dit qu'il demeure en Lui, doit
lui-même marcher comme Lui a marché» (1 Jean 2: 6).
Satan fut ainsi confondu; l'homme fort fut
lié et, nous le voyons ici, lié par la simple obéissance. Ensuite Jésus exerce
librement, en faveur des hommes, cette puissance qui avait vaincu l'Ennemi: —
ceci est un sujet spécial; — il guérit les malades, nourrit ceux qui avaient
faim, chasse les démons, ressuscite les morts. Il eût pu, en détruisant les
oeuvres du diable, amener le bonheur ici-bas, si les hommes avaient été
capables d'être heureux, et s'ils avaient été préparés à jouir de Dieu. Mais le
coeur de l'homme est par lui-même inimitié contre Dieu. La volonté et la
convoitise étaient dans les coeurs des hommes, et une autre oeuvre était
nécessaire encore, savoir la rédemption et une nouvelle création; mais Christ
passe à travers tout ce qui pouvait être mis devant lui pour l'arrêter dans le chemin
de la piété ou l'en détourner, à travers tout ce qui pouvait mettre la vie
divine à l'épreuve. Dans ce sens, Christ a su ce que c'était que d'être
tenté comme nous le sommes, à part le péché (Hébreux 4: 15). Ce furent tous ces
exercices par lesquels il passa, qui le préparèrent pour être notre souverain
sacrificateur (Hébreux 5: 7-10; 2: 17, 18). On dira et on l'a dit: Christ n'a
pas pu ressentir ce que moi je ressens, en fait de lutte intérieure. Je
réponds: nous avons besoin de sympathie dans l'exercice de la vie divine en
nous, non pas de sympathie dans nos convoitises; nous devons faire mourir
celles-ci pratiquement, puisque nous avons le droit de nous tenir nous-mêmes
pour morts (Romains 6: 11). Mais Christ passa à travers tout ce qui peut éprouver
un homme vivant, et il y passa, parfait en toutes choses; et il apprit
l'application de l'amour de son Père à son coeur dans tout cela, dans la paix
dont il jouissait, de manière que maintenant il peut nous dire: «Je vous donne ma
paix» (Jean 14: 27); et: «afin qu'ils aient ma joie accomplie en eux-mêmes»
(Jean 17: 13). Si le monde m'a haï, il vous haïra. «Mais ayez bon courage, j'ai
vaincu le monde» (Jean 15: 18-21; 16: 33).
Christ connut et comprit par expérience et
pratiquement comme homme, en passant à travers ce monde, comment la faveur
divine découlait d'en haut en consolation pour une âme éprouvée, et venait
s'appliquer à chaque exercice par lequel cet âme passait ici-bas, au milieu de
la ruine de toutes choses et dans la présence des ennemis; il apprit comment il
suffisait aux besoins de chaque âme de vivre dans la sainteté, et de jouir de
Dieu en dépit de tout ce qui l'assiégeait dans cette vie de sainteté.
Celui qui vécut de cette vie est devenu
notre vie; et il fortifie nos coeurs dans les souffrances et les épreuves que
rencontre celui qui vit de cette vie, et que Lui-même rencontra. Faut-il que
nous soyons consolés, quand le péché agit en nous? — Non; nous avons besoin
alors de ce qui est plus pénétrant qu'aucune épée à deux tranchants, de ce qui
juge les intentions du coeur, là où gît le péché. Mais pour nos infirmités,
nous avons notre souverain sacrificateur qui sympathise à ces infirmités. Il a souffert
étant tenté (Hébreux 2: 18). Il fortifiera le nouvel homme contre les
convoitises du vieil homme. L'imputation, et l'angoisse qui en découle, sont
passées pour le croyant; la domination du péché est anéantie; le péché ne l'a
pas sur nous, si nous sommes sous la grâce. Si nous sommes sous la loi le péché
est le maître (Romains 6: 14; comp. 1 Corinthiens 15: 56). Les coeurs
angoissés, qui cherchent la sympathie de Christ dans leur difficultés, ont
besoin la plupart d'être affranchis: ils sont sous la loi. Nous avons besoin de
force contre le péché, et Christ nous donnera de la force certainement; mais si
nous sommes sous la grâce, le péché n'a pas d'empire sur nous. Nous pouvons
être tombés en faute par notre insouciance, mais je parle ici d'une autre
détresse, car pour celle-là il faudrait plutôt une verge, quoique Dieu, dans sa
grâce, puisse nous délivrer aussi, de la verge. Mais dans nos douleurs et nos
épreuves, nous avons la sympathie de Christ.
Le Seigneur connut l'angoisse; son âme fut
abattue et troublée, mais sa première parole est: «Père!» Dès que nous
sommes dans l'affliction, au lieu de chercher autour de nous des consolations
et de la sympathie, ou de regarder aux actes de la chair, à ce que nous avons fait,
ou à ce que nous n'avons pas fait, répandant notre douleur en murmures
charnels, allons à Dieu immédiatement, et alors notre coeur souffrira et sera
abattu peut-être, — le coeur de Christ l'a été, — mais nous souffrirons en
parfaite soumission à la volonté de Dieu, et ainsi l'aiguillon de la douleur
sera ôté. Du moment qu'il y a soumission parfaite, il y a paix parfaite.
«Maintenant mon âme est troublée; et que dirai-je? Père, délivre-moi de cette
heure; mais c'est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton
nom» (Jean 12: 27). Les abîmes les plus profonds sont pour Christ une occasion
de manifester la soumission la plus entière; et tout est lumière. «Non pas
comme moi je le veux, mais comme toi tu le veux», telle est l'expression de sa
pensée lorsque à la fin il dut passer par cette épreuve, à l'égard de laquelle
il ne pouvait pas, — parce qu'il ne le devait pas, — ne pas désirer qu'elle lui
fût épargnée, cette épreuve devant laquelle il craignait justement, savoir la
sainte colère de Dieu!
Mais, je m'arrête un moment ici, pour faire
ressortir le véritable caractère de cette dernière épreuve, quant à nous, de
cette épreuve à la suite de laquelle Christ, selon la portée de sa victoire sur
la puissance de Satan, aurait pu, comme nous l'avons vu, introduire
immédiatement toute la bénédiction promise. Il eût pu ressusciter Abraham,
Isaac et Jacob, comme il ressuscita Lazare. Mais, hélas! une autre effrayante
vérité est mise en évidence. Il n'y avait pas seulement la puissance de Satan
et ses tristes effets, mais les hommes n'aimaient pas que Christ fût là,
même quand il leur apportait la délivrance. L'homme ne voulait pas de Dieu,
même quand Dieu venait pour bénir. L'homme montra que son coeur était loin de
Dieu, et qu'il était incapable de jouir du bonheur, dès que Dieu était la
source de ce bonheur. L'homme charnel est inimitié contre Dieu, et c'est là une
pensée terrible! «Maintenant ils ont et vu et haï et moi et mon Père» (Jean 15:
24). Christ ne pouvait rien avoir à faire avec le monde dans la condition
morale où celui-ci se trouvait. Toutefois, la grâce et l'amour divin
cessèrent-ils de travailler? Non; Dieu savait tout, et le rejet même de Christ
amena la manifestation de tout le conseil de Dieu et de toute l'oeuvre de sa
grâce, ainsi que des souffrances de Christ, qui se rattachaient à leur
accomplissement. Christ dut se trouver en face des conséquences du péché lui-même
dans la puissance de Satan, qui tenait les hommes captifs sous la mort, sous le
poids du jugement et de la colère de Dieu contre le péché, car je parle encore
de l'épreuve et non pas de l'oeuvre de l'expiation elle-même. Mais il fallait
que Christ rachetât l'homme; et si à Gethsémané, comme il le dit, il
rencontra la puissance de l'Ennemi (Jean 14: 30, 31), à la croix, il trouva le
jugement, des terreurs duquel l'Ennemi avait cherché à faire usage contre Lui.
Et maintenant il prend sa place dans la résurrection, afin de faire
l'application de la rédemption; la justice est accomplie, pour que nous
prenions notre place dans le ciel; il faut que nous soyons séparés du monde.
Christ nous donne tout ce qu'il faut le
long du chemin, mais jamais il ne présente le chemin comme étant le but. Le
monde n'est ni Canaan, ni l'Egypte: c'est le désert. Si nous nous y arrêtons,
nous ne sommes plus dans le désert, mais nous retournons du coeur en Egypte; et
c'est pourquoi tant de chrétiens ont besoin d'être châtiés, car si nous voulons
faire du monde une Canaan, il deviendra pour nous l'Egypte. Du moment que nous
en faisons notre chez nous, et que nous nous y établissons, il devient notre
Egypte, et il faut que le Seigneur brise notre volonté, nous tenant ainsi là
sous la main de Pharaon. Jésus dit: «Encore un peu de temps, et le monde ne me
verra plus» (Jean 14: 19), car pour Lui, il en a entièrement fini avec le
monde. Il établit une distinction entre Lui-même et le monde, de sorte que, si
nous faisons choix de Lui, nous ne pouvons pas avoir le monde, et si nous
choisissons le monde, nous ne pouvons pas le posséder Lui; nous ne pouvons pas
avoir Christ et le monde à la fois. «Si quelqu'un aime le monde, l'amour du
Père n'est pas en lui» (1 Jean 2: 15). «Démas m'a abandonné, ayant aimé le
présent siècle» (2 Timothée 4: 10). Les hommes partout travaillent en faveur de
l'ennemi, en voulant améliorer le monde par leur fraternité, leurs arts et
leurs sciences, leurs relations de société, cherchant à se rendre heureux sans
Dieu; car tout en faisant étalage de leur intelligence et en parlant beaucoup
du don de Dieu, qui a accordé à l'homme cette intelligence et tant de belles
facultés, leur but est d'élever celui-ci, et ils continuent à rejeter à la fois
Dieu et ses dons. Ils ne veulent pas d'un Dieu en Christ. Les hommes
croient que l'ordre et le bonheur peuvent être amenés dans le monde par la
civilisation et la science, par les arts et autres choses pareilles. Mais
Christ n'a pas pu établir l'ordre dans le monde et le rendre heureux: les
incrédules s'en prévalent pour démontrer que le christianisme n'est qu'une
utopie, on se sert des paroles de Christ pour engager les hommes à s'aimer les
uns les autres comme des frères, et pour établir entre tous les peuples des
rapports d'amitié et de bon vouloir; quand on veut donner le bonheur au monde,
on ne sait rien trouver de mieux que les paroles du Sauveur, et en même temps,
l'on fait de ces mêmes paroles un argument contre l'évangile. Mais Christ
savait qu'il n'était pas possible de donner le bonheur à ce monde, et il
déclare ouvertement que tel ne serait pas l'effet de sa venue.
Non; quant au monde, son jour est passé.
Christ fut rejeté par le monde, et le jour de celui-ci est fini. La grâce de
Dieu rassemble des pécheurs hors du monde; mais quant au monde lui-même,
le Seigneur dit: «il ne me verra plus». Il faut ou bien que ce monde s'améliore
sans Christ, ou qu'il ne s'améliore pas du tout. «Ils ont haï et moi et mon
Père», et le jour du monde n'est plus. «J'ai un fils», lisons-nous là où le
Seigneur décrit les voies de son Père, «ils auront du respect pour mon Fils»
(Marc 12: 6). Mais ils le prirent et le tuèrent disant: «Celui-ci est
l'héritier, venez, tuons-le, afin que l'héritage soit à nous!» Voilà ce que les
hommes ont fait; et maintenant ils s'occupent à embellir le monde, comme
l'héritage qui leur appartient.
Que Dieu nous préserve de toute la
déception que nous apercevons de si bonne heure aux côtés mêmes de Christ et si
près de Lui. Christ a pris une place dans le ciel. «Un tel souverain
Sacrificateur nous convenait, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs,
et élevé plus haut que les cieux» (Hébreux 7: 26). Il exerce son ministère au
ciel, auquel nous appartenons. Nous n'appartenons pas à la terre; nous avons
une vocation céleste, et nous avons besoin d'un sacrificateur céleste qui est
monté en haut pour élever nos coeurs avec Lui là où il est. Nos corps n'y sont
pas encore, mais nous avons notre place avec Lui, là-haut. Christ lui-même, qui
était un homme sur la terre, manifesta sur la terre un caractère céleste.
Mais il y a plus: Christ nous ayant donné
notre place dans le ciel, après avoir effacé tous nos péchés, nous a envoyé le
Consolateur, afin que nous le manifestions Lui-même dans notre marche ici-bas,
étant des épîtres vivantes de Christ, «connues et lues de tous les hommes» (2
Corinthiens 3: 2); un peuple céleste sur la terre. Dieu nous a aimés quand nous
le haïssions. Nous devons aimer ceux qui ne nous aiment pas, et manifester
ainsi le caractère de Dieu ici-bas: Christ en était l'expression vivante dans
un homme. «Celui qui dit qu'il demeure en lui, doit lui-même aussi marcher
comme Lui a marché» (1 Jean 2: 6). Or Christ, comme Souverain Sacrificateur,
obtient pour nous tout ce dont nous avons besoin, et il nous relève quand nous
sommes tombés; il nous soutient pour que nous marchions comme lui a marché,
ayant la parole de Dieu pour source de nos actions, comme Dieu lui-même était
la source de toutes les pensées de Christ; et si nous bronchons, il y a une
grâce pour nous relever (2: 1). L'apôtre dit: «Je vous écris ces choses, afin
que vous ne péchiez pas»; il veut nous révéler nos privilèges, et la grâce
qui nous a placés dans la communion du Dieu de lumière: «mais si quelqu'un a
péché nous avons un avocat etc.». La chair ne devrait jamais agir; notre
vie ne devrait jamais être une expression de ce que la chair est, mais elle
devrait être l'expression de l'obéissance d'un enfant. Le plus jeune enfant en
Christ ne peut pas marcher comme un père en Christ, mais il peut marcher dans
l'obéissance d'un enfant avec Christ. La chair est en nous; mais si nous sommes
pratiquement dans la lumière avec Dieu, nous savons ce que la chair est; mais
alors tout ce que nous sommes quant à la chair, est jugé. Un enfant de deux
ans peut être aussi obéissant qu'un enfant de douze ans. Ce n'est pas
une question d'âge, ou de force, mais une question d'obéissance. Nous avons
l'exemple de Christ à l'âge de douze ans: il obéissait à Joseph et à sa mère;
il s'en retourna avec eux de Jérusalem, et leur était soumis» (Luc 2). «Celui
qui dit qu'il demeure en Lui, doit lui-même aussi marcher comme lui a marché»
— Votre âme trouve-t-elle son bonheur à marcher ainsi comme Lui a marché, dans
le renoncement à vous-même comme étant séparé du monde, avec autant d'amour que
Lui? Ou bien, voudriez-vous vous réserver quelque chose? un peu du monde? — un
peu de son bien-être? Christ ne le fit jamais; s'il l'eut fait vous n'auriez
pas pu être sauvé. Pierre lui dit, quand il parlait de sa réjection et de sa
mort: «Seigneur! Dieu t'en préserve! épargne-toi!» Mais Christ lui répondit:
«Va arrière de moi, Satan» (Matthieu 16: 25). Que de fois notre misérable coeur
nous dit: aie pitié de toi-même! — Ce n'est pas là marcher comme Christ a
marché, ni faire ce qu'il nous commande comme notre Maître. Vos coeurs ont-ils
été attirés par la beauté de Christ? C'est là la vraie liberté. Le monde n'est
qu'un piège pour nous prendre; non pas que je voulusse mépriser le monde; —
Christ ne l'a pas méprisé; mais le monde, c'est au fond toutes les sortes de
choses dont Satan se sert pour séduire la chair; c'est là le monde. Satan nous
attire par ses ruses, et tient l'âme captive; mais la liberté dans laquelle le
Fils nous a placés, c'est d'être délivrés de la chair, du monde, du péché, de
Satan; non-seulement pour que nous marchons comme Christ a marché, mais pour
que nous marchions avec Lui dans une parfaite liberté, et dans la conscience et
avec la consolation que nous marchons avec Lui. Puissions-nous trouver notre
joie en Lui, ne poursuivant pas une vie de nos propres coeurs, mais une vie qui
procède de sa grâce et de sa bonté et qui est nourrie et qui subsiste par
elles. Qu'il tienne nos coeurs attachés à Lui-même, nos regards fixés sur Lui;
et une couronne avec Lui terminera l'histoire de sa grâce dans une bénédiction
éternelle.