Sur la place que la conscience occupe dans le service de l'évangile

 «Car notre gloire est celle-ci, savoir le témoignage de notre conscience, qu'avec simplicité et sincérité de Dieu, non pas avec une sagesse charnelle,… nous nous sommes conduits dans le monde et particulièrement envers vous» (2 Corinthiens 1: 12).

Il est évident que par conscience, l'apôtre entend ici ce principe ou cette puissance intérieure qui scrute les motifs et les sources de nos actions, et qui les juge dans le secret. Il déclare que, sous ce rapport, il est parfaitement libre et à l'aise pour ce qui regarde le monde en général, comme aussi pour ce qui regarde les saints, auxquels il est plus intimement associé.

Sans doute, la conscience se présente à nous sous un autre point de vue encore, qui est d'une très grande importance dans la question de l'acceptation de l'âme devant Dieu; et c'est de ce point de vue-ci que l'apôtre parle, quand il déclare l'insuffisance des sacrifices et des ordonnances judaïques, «qui ne peuvent pas rendre parfait quant à la conscience celui qui fait le service» (Hébreux 9: 9). En relation avec la connaissance qu'elle prend du péché, la conscience a des besoins qui ne peuvent être satisfaits, que par ce qui, sous ce rapport, satisfait au jugement de Dieu. L'effet de l'oeuvre de Christ, par conséquent, sur la conscience, en donnant à celle-ci la paix devant Dieu, est nécessairement basé sur l'accomplissement de la rédemption. Cette rédemption et l'effet qu'elle produit ainsi sur la conscience sont présentés ensemble au chapitre 9 de l'épître aux Hébreux, versets 12 à 14, la rédemption toutefois étant mentionnée la première: «Christ… avec son propre sang, est entré une fois pour toutes dans les lieux saints ayant obtenu une rédemption éternelle». — C'est là ce qui satisfait aux saints droits de Dieu relativement au péché: et puis l'Ecriture ajoute: «Combien plus le sang de Christ, qui, par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu sans tache, purifiera-t-il votre conscience des oeuvres mortes pour servir le Dieu vivant». Ici la voix de la conscience est apaisée par la valeur du sang de Christ, que nous venons de voir satisfaisant au jugement de Dieu; et l'heureux résultat en est, que l'âme est placée dans une relation reconnue avec Dieu, ayant communion avec Lui.

Quel immense privilège (et sous la loi un bonheur impossible à connaître), que la conscience de l'adorateur et les droits de la sainteté de Dieu puissent se rencontrer dans une harmonie parfaite! C'est cette harmonie entre la conscience en nous, et les droits de la sainteté de Dieu, qui est la gloire de l'Evangile. Le fondement en est simple, et nous est présenté ainsi dans le langage énergique de l'épître que nous avons citée: «Il y a, dans ces sacrifices chaque année, une acte remémoratif des péchés» (Hébreux 10: 3). Sous cette alliance, l'alliance de la loi, il est impossible que la conscience trouve du repos. Mais la loi s'appuie sur autre chose: «Mais maintenant en la consommation des siècles, il a été manifesté une fois pour l'abolition du péché par le sacrifice de Lui-même» (Hébreux 9: 26). Cette oeuvre de l'abolition du péché, Christ l'a accomplie, et sur ce fondement, l'Ecriture conclut, que ceux qui rendent le culte, étant une fois purifiés, ne devraient plus avoir aucune conscience de péchés» (Hébreux 10: 2). Le péché ayant reçu son salaire dans la présence de Dieu, en Christ fait sacrifice pour le péché, — sacrifice dont les offrandes de la loi n'étaient que des ombres, — l'effet sur la conscience en nous, par la foi, de l'oeuvre ainsi accomplie, correspond à l'efficacité de l'oeuvre devant Dieu: l'adorateur est amené à reconnaître, par le témoignage que l'Esprit rend à l'oeuvre de Christ, que le péché a été si complètement jugé dans la présence de Dieu, là où nécessairement il doit être jugé, s'il doit l'être jamais, qu'il ne lui reste pour sa part que l'acceptation complète dont il est l'objet en Christ par grâce de la part de Dieu, qui, dans un amour infini, a donné son Fils unique, dans le but exprès qu'il accomplit cette oeuvre de salut. L'âme passe du sentiment accablant de sa responsabilité sous les saintes exigences de Dieu (sentiment d'autant plus poignant et accablant que la sensibilité de la conscience est plus vive) à la liberté de la grâce, qui porte nos regards vers une justice accomplie et une rédemption éternelle, opérée par la mort du Seigneur Jésus, cet Agneau préconnu de Dieu: «Or grâces à Dieu pour son don inexprimable» (2 Corinthiens 9: 15) !

L'apôtre Pierre, également, parle de la conscience au point de vue que nous venons de dire. Il parle de l'engagement envers Dieu d'une bonne conscience, par la résurrection de Jésus Christ» (3: 21), nous montrant que la conscience trouve ce dont elle a besoin pour sa paix, dans l'expiation faite par la mort de Christ, expiation dont sa résurrection a été la grande preuve et le gage. La conscience est apaisée et satisfaite par la vue de Christ mourant sous le poids de nos péchés, et puis étant non seulement ressuscité d'entre tes morts mais monté «à la droite de Dieu, étant allé au ciel, les anges, les autorités et les puissances Lui étant soumis» (1 Pierre 3: 22).

Mais dans le passage de la seconde épître aux Corinthiens, dont nous désirons nous occuper ici, la conscience est envisagée sous un jour tout différent. Il ne s'agit point, dans ce passage, de la conscience aux besoins de laquelle Dieu satisfait une fois pour toutes par la rédemption qui est dans le Christ Jésus, mais de la conscience tenant ses assises quotidiennes pour examiner et juger le degré de conformité qu'il y a entre le témoignage de l'Evangile, tel qu'il a été accepté ou annoncé, et les sentiments intérieurs de celui qui l'a ainsi accepté ou annoncé. A ce point de vue, il est essentiel que notre conscience soit tenue éclairée, et pure de toute souillure par une marche constante dans la lumière comme Dieu est dans la lumière, et par un jugement constant de notre course journalière par la Parole divine et l'exemple vivant du Seigneur Jésus. L'apôtre nous dit que c'était son bonheur et sa gloire de posséder une semblable conscience, et il est de la dernière importance que nous remarquions la puissance de ce principe et combien, par la grâce de Dieu, nous sommes absolument responsables de le maintenir. L'apôtre accorde que d'autres choses, dans le service, pouvaient lui être refusées, et peuvent nous être refusées à nous, telles, par exemple, que la mesure de succès qu'il aurait aimé obtenir dans le ministère de l'Evangile, ou bien la satisfaction, qu'il ne pouvait que désirer ardemment de trouver dans la conduite ou la marche de ceux parmi lesquels sa parole avait été reçue; mais quant à une bonne conscience, par la grâce de Dieu, il pouvait la conserver et trouver ainsi un repos pour son esprit au milieu de toutes ses affections et de tous ses désappointements. Nous voyons, par son discours à Félix, combien ceci était pour lui une chose sérieuse: «Je m'exerce à avoir toujours une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes» (Actes des Apôtres 24: 16). Cette conscience, il ne l'obtenait pas sans qu'il y prit garde, sans de la vigilance et un soin constant, et nous aussi nous ne l'obtiendrons pas autrement; mais Paul s'appliquait à cela avec une sérieuse ardeur. «Il s'exerçait lui-même», comme dans une sorte de gymnase, afin de maintenir chez lui cet état de conscience, dont autrement la subtilité de l'Ennemi aurait pu le priver,en se servant à cet effet des circonstances, des épreuves et des tentations que l'apôtre traversait. Tout ce que nous rencontrons sur notre sentier est, ou peut devenir, une occasion pour que la conscience soit exercée envers Dieu ou envers les hommes.

Dans sa première épître à Timothée, le même apôtre nous montre le danger auquel nous sommes exposés sous d'autres rapports, lorsque nous négligeons de garder une bonne conscience: «Gardant la foi et une bonne conscience, laquelle quelques-uns, ayant rejetée, — ont fait naufrage quant à la foi» (1 Timothée 1: 19).

La puissance pratique de la foi ne peut pas se maintenir dans une âme où l'on n'entretient pas une bonne conscience. «Si notre coeur nous condamne, Dieu est plus grand que notre coeur, et il sait toutes choses. Si notre coeur ne nous condamne pas, nous avons de l'assurance envers Dieu» (1 Jean 3: 20, 21). Ce passage nous découvre la source cachée de toute apostasie, de tout éloignement de Dieu. Celui qui n'apporte pas «tout empressement à joindre à sa foi la vertu, à la vertu la connaissance, et à la connaissance la tempérance, etc…» (2 Pierre 1: 5-11), deviendra bientôt aveugle, et ne verra pas de loin, c'est-à-dire au delà de l'horizon d'un coeur gouverné par sa propre volonté et distrait par ses convoitises; sa foi l'abandonnera, et il «oubliera la purification de ses péchés d'autrefois»: sa confiance en Dieu se perdra, et il fera naufrage quant à la foi.

La vie de l'apôtre Paul nous présente un exemple remarquable de ce que nous avançons. Je ne parle pas du zèle ardent de ce fidèle serviteur, de ses travaux patients, de son dévouement complet à la cause qu'il avait embrassée: ces caractères de son service sont manifestes. Mais je voudrais rendre attentif à ceci, c'est que, quel que pût être le fruit de son travail, ou l'appréciation que les hommes faisaient de ce travail ou de sa personne elle-même, Paul gardait toujours soigneusement en lui-même la conscience d'une véritable simplicité et de la plus entière droiture dans toute sa conduite.  «Vous êtes témoins», dit-il aux Thessaloniciens, «et Dieu aussi, combien nous nous sommes conduit saintement et justement et sans reproche envers vous qui croyez» (1 Thessaloniciens 2: 10). Il n'y a pas là seulement le témoignage de sa conscience, mais ce qui est le résultat d'une bonne conscience dans le service, c'est-à-dire, le témoignage qu'on rend ainsi à la vérité elle-même, par la conformité de la vie dont on vit avec la doctrine qu'on professe ou qu'on annonce.

Ce n'est pas que Paul lui-même ne reconnût pas, dans la vérité elle-même, une mesure plus élevée, à laquelle la conscience devait être rendue conforme; ou qu'il n'en référât pas à un jugement de lui-même plus profond que celui auquel la conscience parviendrait. Il s'explique là-dessus clairement, quand il dit: «Je ne me juge point moi-même, car je n'ai rien sur ma conscience (c'est-à-dire, je n'ai conscience d'aucune faute); mais par cela je ne suis pas justifié, mais celui qui me juge c'est le Seigneur» (1 Corinthiens 4: 3, 4). Lui est le juge de ma fidélité ou de mon infidélité, et Christ juge en dernier ressort ses serviteurs; ce jugement n'est pas une affaire de jugement d'homme, mais de jugement final de la part du Seigneur Lui-même. «C'est pourquoi ne jugez rien avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, qui mettra en lumière les choses cachées dans les ténèbres et qui manifestera les conseils des coeurs, et alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu». En ce jour-là, il ne s'agira en aucune manière d'une approbation humaine, ou qui soit donnée par un jugement d'homme, mais chacun de ceux qui auront mérité la louange, «recevra sa louange de la part de Dieu». Cependant Paul reconnaît qu'il ne pourrait pas regarder en avant vers ce jugement, si déjà maintenant sa conscience ne lui rendait pas témoignage, que déjà maintenant il n'avait rien sur sa conscience.

Il faut bien remarquer l'importance que l'apôtre attache à la possession d'une bonne conscience, dans le sens pratique, quand il demande aux Hébreux de se souvenir de lui dans leur prières. «Priez pour nous, dit-il, car nous croyons que nous avons une bonne conscience, désirant de nous conduire honnêtement en toutes choses» (Hébreux 13: 18). La position que l'apôtre prend parait bien humble, — trop humble pour l'esprit de fanatisme, mais non pas trop pour l'esprit paisible et sain de l'Evangile. Si l'Evangile en effet est véritable, si les révélations qu'il apporte viennent directement de Dieu, qu'y a-t-il à faire, pour ceux qui l'annoncent ou qui le professent, sinon de maintenir, en rapport avec lui, cette simplicité d'intention, cette conformité intérieure de sentiment, qui en appelle au jugement de Celui qui est lumière, et qui nous a appelés à marcher dans la lumière? Le succès ne dépend pas de nous. Nous ne pouvons pas diriger les circonstances; Dieu les tient entre ses mains. La sphère de son service n'est pas à notre propre choix, c'est Lui-même qui la marque. Mais dans toutes les circonstances notre grande affaire est de maintenir partout et toujours en nous «une bonne conscience». Un apôtre même ne pouvait faire davantage. C'est pourquoi Pierre exhorte les chrétiens en général, quant à leur conduite dans ce monde, et au milieu des persécutions, des souffrances, des calomnies de ceux qui les entourent, disant: «Sanctifiez le Seigneur Dieu dans vos coeurs, et soyez toujours prêts à répondre avec douceur et crainte, à quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous, ayant une bonne conscience, afin que, quant aux choses dans lesquelles ils médisent de vous comme de gens qui font du mal, ils soient confus en calomniant votre bonne conduite en Christ» (1 Pierre 3: 15, 16).

Paul pareillement, en écrivant à Timothée, et faisant allusion au mandat qu'il lui avait confié, «afin de commander à certaines personnes de ne pas enseigner des doctrines étrangères», lui dit: «Or la fin du commandement, c'est l'amour qui procède d'un coeur pur, et d'une bonne conscience et d'une foi sincère». L'amour devait être la source et le but de tout son service (comp. 1 Corinthiens 13). Mais les paroles de l'apôtre nous apprennent en même temps comment cet amour se conserve, et par quels saints préservatifs son intégrité est maintenue. C'est véritablement de l'amour, mais «l'amour qui procède d'un coeur pur», d'un coeur qui, dans l'exercice de l'amour, s'attache à la vérité, et se souvient de cette parole, que «Dieu est lumière», aussi bien qu'Il est amour. C'est aussi l'amour qui procède «d'une bonne conscience», un amour qui doit être contrôlé, non par la douceur d'un sentiment naturel, mais par la droiture d'un coeur, toujours et en tout, assujetti à la volonté de Dieu (comp. Romains 6: 16-22). C'est un amour encore qui procède «d'une foi sincère», c'est-à-dire, d'une foi qui recherche honnêtement l'appui et la direction de la Parole de Dieu et de l'Esprit de Dieu. Ensuite l'apôtre ajoute: «desquels quelques-uns s'étant écartés, se sont détournés à un vain babil etc., «montrant, en un mot, de toutes manières, que si l'intégrité du sentiment moral fait défaut dans notre marche et notre service, aucune mesure de connaissance ou de zèle n'empêchera que nous abandonnions le chemin de la vérité. Telle est la place de la conscience et le caractère que le chrétien doit lui conserver. Mais à quoi doit servir le maintien scrupuleux de ce témoignage intérieur? Paul nous le dit: c'est afin que, comme il l'avait fait, «avec simplicité et sincérité de Dieu, non pas avec une sagesse charnelle, mais par la grâce de Dieu, nous nous conduisions dans le monde» et particulièrement envers ceux qui croient. La vie tout entière de Paul, dans le monde, en rapport avec l'Evangile, avait manifesté ces caractères de simplicité et de pureté de motifs. Il avait été sincère comme persécuteur; mais ce n'est pas de cela que nous, nous occupons maintenant, mais de sa vie et de son service comme chrétien. Examiné à la lumière de Dieu, le propos de son coeur était pur et sans mélange, et il n'y avait en lui rien de caché ou de tortueux. Une sagesse, une sagesse pratique caractérisait fortement sa conduite en maintes circonstances: mais cette sagesse n'était pas la sagesse calculée des hommes, qui cherche à faire fléchir les âmes des autres sous sa volonté, en agissant sur leurs sentiments naturels, et qui est prête à profiter de leurs faiblesses et de leurs préjugés mêmes, pour réaliser ses desseins. La sagesse de l'apôtre était tout le contraire. C'était la grâce de Dieu, et non pas une sagesse charnelle, qui distinguait et qui contrôlait sa marche; et si une fois, la seule que je connaisse, cette sagesse lui fit défaut, lorsqu'il dit devant le conseil: «Je suis pharisien, fils de pharisien» (Actes des Apôtres 23: 6), il est facile de voir que les conséquences n'en furent pas heureuses. Paul ne cherchait pas de place pour lui-même dans l'estime des autres; non pas même chez ceux-là qui lui devaient le plus dans l'Evangile. Dans toute cette laborieuse carrière qu'il poursuivit avec tout le zèle et toute la ferveur de l'amour, il ne désira qu'une chose, savoir une place pour Christ, et pour la puissance de la vérité qui lui était confiée. Nous en avons une preuve, entre tant d'autres, dans ce qu'il dit aux Corinthiens: «Or quant à moi, très volontiers je me dépenserai et je serai entièrement dépensé pour vos âmes, bien que, vous aimant beaucoup plus, je sois moins aimé» (2 Corinthiens 12: 15).

La conscience de l'apôtre n'était pas occupée des puériles subtilités qui ont envahi et agité l'Eglise des temps postérieurs; elle tirait son caractère de la plénitude de grâce qu'il annonçait, et était le reflet de son association avec Christ et avec Dieu: elle était une conscience céleste, quoiqu'elle eût affaire avec son chemin sur la terre. Tel aussi est, en effet, le genre de conscience qu'exige la révélation parfaite de la position et de la part du chrétien en Christ. Rien n'est donc plus important que de réaliser cette position, dans laquelle la grâce de Dieu nous a placés, car notre conduite dans le monde et notre conscience dans tous ses exercices doivent s'accorder avec notre relation avec Dieu et avec la pleine et parfaite révélation qu'Il nous a faite de ses conseils et de sa volonté. Puissions-nous apprendre de plus en plus ce que c'est que d'être «sans reproches et purs, des enfants de Dieu, irréprochables au milieu d'une génération tortue et perverse, parmi laquelle vous reluisez comme des luminaires dans le monde, présentant la parole de vie» (Philippiens 2: 15), nous attachant à ce bienheureux chemin que Jésus nous a tracé par son obéissance jusqu'à la mort.