L'allusion faite à Job dans l'épître de
Jacques, chapitre 5: 11: «Vous avez appris quelle a
été la patience de Job, et vous avez vu la fin du Seigneur, savoir que le
Seigneur est plein de compassion et miséricordieux», suffit pour appeler
l'attention de tout coeur sérieux vers l'étude d'une
histoire qui nous est rapportée avec autant de détails.
Job apparaît d'abord devant nous comme un
homme modèle, heureux dans sa condition, fidèle et vrai dans ses relations avec
Dieu. Nous voyons en lui un homme qui s'était élevé, sous tous les rapports,
au-dessus du mal et des afflictions qui sont la part du genre humain, — nous présentant
ainsi un exemple remarquable de la manière dont Dieu pouvait distinguer, au
milieu de toute sa génération, un homme puissant et supérieur, qui vivait sur
la terre pour Dieu, et était en même temps abondamment béni par Lui. Job était
intègre et droit; il craignait Dieu et se détournait
du mal, et quant à tous les biens de la terre, il en avait en si grande
abondance qu'il était le plus puissant de tous les Orientaux.
Il est important de remarquer, que Job
marchait sur la terre d'une manière agréable à Dieu et reconnue de Dieu comme
telle, lorsque Satan mit en doute pour la première fois sa fidélité et lui
imputa le motif indigne qu'impliquait la question:
«Est-ce en vain que Job craint Dieu» (1: 9) ? — Ce fait nous aide à comprendre
la nature de la discipline à laquelle Job fut soumis, car nous voyons que, dans
le principe, cette discipline ne lui fut pas dispensée parce qu'il était tombé
en faute, mais plutôt pour manifester, en dépit de Satan, combien était juste
l'estimation que Dieu faisait de son serviteur. Nous verrons qu'en réalité Job
montra beaucoup de faiblesse personnelle et faillit à bien des égards,
lorsqu'il se trouva sous la discipline de Dieu; car, bien que les épreuves, par
lesquelles il eut à passer, lui aient été infligées par la main de Satan, qui
voulait constater par elles, la vérité de ses calomnies contre lui, Dieu se
servit de ces mêmes épreuves, pour accomplir en Job ce renoncement à lui-même
et cette foi en Dieu, qui étaient nécessaires à sa pleine bénédiction et pour
la manifestation de la vérité du témoignage que Dieu, dans sa bonté, avait
rendu à son égard. Il y a un très grand intérêt à suivre les voies
merveilleuses, par lesquelles Dieu à la fois confond Satan, justifie son propre
jugement, forme son serviteur et l'élève jusqu'à la position qu'il lui avait
attribuée et, après l'avoir placé là, censure Satan en donnant à Job le double
de ce qu'il possédait auparavant.
Qu'est ce que n'a
pas dû souffrir un homme, placé dans les circonstances où était Job, en se
trouvant tout d'un coup plongé dans une infortune comme celle qui l'enveloppe
en un moment? Nous le voyons, l'instant d'avant,
jouissant de tous les dons de la bonté de Dieu, s'appliquant en même temps à
garder, devant Dieu, une conscience pure et scrupuleuse;
et, plein d'un saint zèle, se levant de bon matin, après les festins de ses
fils, pour offrir des holocaustes selon le nombre de ses enfants, «car Job
disait: Peut-être que mes enfants auront péché, et qu'ils auront blasphémé
contre Dieu dans leurs coeurs. Et Job en usait
toujours ainsi»
(1: 5). Job veillait ainsi soigneusement devant Dieu, sur chacun des points
connus du cercle des gratuités divines, et nous aurions pu penser, et sans
doute Job y comptait, que rien ne viendrait troubler le repos dans lequel la
grâce l'avait placé. Assurément, quelles que fussent d'ailleurs les craintes
qui l'assiégeaient, semblables à des nuages qui viennent obscurcir le ciel
pendant le jour le plus beau, Job n'avait aucune idée de l'esprit malin qui, en
l'accusant devant Dieu, amena le Dieu béni à le livrer entre ses mains pour que
l'intégrité de Job et sa fidélité inébranlable à Dieu fussent manifestées de la
manière la plus évidente. Nous devons, en outre, ne pas oublier que, tandis que
le dessein de Dieu dans ses voies envers Job était de justifier sa propre
estimation de son serviteur, nous apprenons en même temps comment Dieu élève et
discipline ce serviteur, afin de le rendre digne de cette estimation même.
Ce fut au moment où Job ne devait guère s'y
attendre que le coup le frappa. Souvent il avait eu
ses appréhensions, car nous l'entendons disant: «Ce
que je craignais le plus m'est arrivé» (3: 25); et il doit toujours en être
ainsi, quand nous n'avons aucune meilleure garantie de l'amour, que l'évidence
et la présence de ses dons. Les dons de l'amour nous sont aussi en piège, et
dans une certaine mesure, l'accusation de Satan contre nous est souvent juste: trop souvent, le fondement de notre paix et de notre
tranquillité d'esprit devant Dieu gît dans sa bonté et les dons de sa grâce, et
non pas simplement dans la connaissance de son amour. Cela est mis en évidence
bien manifestement par la violente douleur et le désespoir que manifestent
beaucoup de chrétiens, lorsqu'ils sont privés de quelque grâce particulière.
Ils s'étaient reposés sur le don plutôt que sur Dieu, et le don était pour eux
la preuve de l'amour divin: l'amour lui-même n'était
pas le repos de leur coeur. Satan connaît cette
tendance de l'homme; c'est pourquoi il n'hésite pas à
en accuser Job, lui imputant de n'avoir aucun lien avec Dieu, aucune crainte de
Lui, si ce n'est à cause des nombreuses faveurs dont Dieu le comblait. Dieu
dans sa grâce avait déclaré à Satan au sujet de son serviteur, qu'il n'avait
pas d'égal sur la terre. Satan réplique, imputant à Job un motif intéressé pour
son attachement à Dieu, et soutenant que, si Job était dépouillé de tout ce qui
le liait maintenant à Dieu, il blasphémerait Dieu en face. Là-dessus le
Seigneur, pour prouver la vérité du jugement qu'il avait porté sur Job, et pour
rendre Job en lui-même digne de ce jugement, permet à Satan d'enlever à Job
tout ce qu'il possédait.
En un seul jour, dans une succession
rapide, Job perd ses richesses, ses enfants, les biens de la terre, tout en un
mot. Jamais catastrophe ne fut plus soudaine ni plus complète. «Alors Job se leva, et déchira son manteau, et
rasa sa tête, et se jetant par terre, se prosterna» (1: 20). Job supporte
ces premiers gros flots de l'adversité de la manière la plus exemplaire. Il dit: «Je suis sorti nu du ventre de ma mère, et nu je
retournerai là. L'Eternel l'avait donné, l'Eternel l'a ôté:
le nom de l'Eternel soit béni» (1: 21).
On peut remarquer qu'une grande
accumulation de revers ou d'afflictions se supporte mieux dans le premier
moment que plus tard. La force qui est dans le coeur,
la confiance en Dieu, sont la ressource de l'âme quand le coup est soudain et foudroyant; et il me semble que Satan se trompa lui-même, en
usant de son pouvoir d'une manière aussi précipitée, car certainement les
souffrances séparées par des intervalles sont beaucoup plus pénibles. Quoi
qu'il en soit, Satan espérait que l'épreuve serait tellement écrasante, que Job
ne pourrait s'empêcher d'accuser Dieu de sa calamité. Mais la grandeur même du
mal fait appel à toute la force latente d'un homme et la met en activité comme
chez celui qui se noie; une difficulté moindre
n'aurait pas le même effet. Quelquefois l'épreuve n'est pas assez forte pour
amener l'homme à faire cet effort suprême; mais
lorsqu'une difficulté excessive a provoqué l'effort, et que celui-ci s'est
trouvé inefficace, alors on sent son entière impuissance et les ténèbres du
désespoir viennent envelopper l'âme.
Job supporte si bien son affliction, que le
Dieu de toute grâce peut de nouveau défier Satan et rendre témoignage à Son serviteur: «N'as-tu point considéré mon serviteur Job qui
n'a point d'égal sur la terre…» Satan répond: «Chacun donnera
peau pour peau, et tout ce qu'il a pour sa vie. Mais étends maintenant ta main,
et frappe ses os et sa chair, et tu verras s'il ne te blasphème point en face» (2: 3, 5). Sans doute, quand nous avons été
dépouillés de tout ce que nous aimons, et que toute la scène qui nous entoure,
jadis si douce et si pleine de charmes, n'est plus qu'un désert, où les
tombeaux seulement de nos joies passées subsistent encore, — alors, si, à côté
de cela, un mal corporel nous fait être un fardeau pour nous-mêmes, on peut
dire que la coupe de l'épreuve est comble; la souffrance corporelle et la
maladie nous rappellent de la manière la plus cruelle toute l'étendue de notre
malheur et de notre isolement, sans nous laisser ni force, ni pouvoir, pour
améliorer notre condition.
Dieu permet à Satan de frapper Job du mal
physique le plus pénible et le plus douloureux; il
fait venir sur lui, «un ulcère malin depuis la plante de son pied jusque au
sommet de la tête» (2: 7). La misère de Job est complète. Sa femme est
accablée et, dans son angoisse, elle tombe dans le piège de Satan, et conseille
à son mari de maudire Dieu et de mourir. Ainsi tout est contre Job. Quel exercice
pour son âme! quel travail intérieur pour qu'il ne
cesse pas d'espérer en Dieu! Mais chaque exercice fortifie le coeur en Dieu, quoique dans le moment même, celui qui
souffre ne le sache guère. Plus l'angoisse est profonde, plus aussi est profond
le sentiment de la grâce qui nous délivre; l'une ne
fait que préparer le terrain pour que l'autre s'y enracine davantage.
Ici, encore, au début, Job supporte
merveilleusement l'épreuve. Il reprend sa femme, disant:
«Quoi! nous recevrions de Dieu les biens, et nous n'en recevrions pas
les maux» (2: 10) ? Mais l'épreuve doit devenir plus douloureuse encore.
Ses amis viennent pour pleurer avec lui et le consoler. — Lorsque Dieu me fait
passer par une discipline que mes amis les plus intimes ou mes parents ne
comprennent pas, leur présence et leurs offres de secours et de sympathie me
troublent, et me font du mal plutôt que de m'apporter du soulagement. Job eut à
en faire l'expérience, par sa femme et les affections naturelles, d'un côté,
par ses amis et l'intelligence d'hommes supérieurs, de l'autre. Quelle scène
que celle devant laquelle nous nous trouvons ici! «Et levant leurs yeux de loin, ils ne le
reconnurent point, et élevant leur voix, ils pleurèrent; et ils déchirèrent
chacun leur manteau, et répandirent de la poudre sur leurs têtes, en la jetant
vers les cieux: Et ils s'assirent à terre avec lui pendant sept jours et sept
nuits; et nul d'eux ne lui dit rien, parce qu'ils voyaient que sa douleur était
fort grande» (2: 12, 13).
«Après
cela, Job ouvrit la bouche et maudit son jour» (3:
1). Sous le poids d'un coup terrible, en se sent tellement séparé de tout ce
qui nous entoure, que l'on ne cherche ni à se plaindre, ni même à parler; et s'il y a de la confiance en Dieu, on s'y renferme
davantage; celui qui souffre est incapable de regarder à lui-même en rapport
avec les choses de la terre et avec la position qu'il occupait au milieu
d'elles. Mais du moment que l'on est ramené à la réalité de ses relations avec
toutes les choses d'ici-bas, on est nécessairement occupé de soi-même, à moins
que l'on n'en ait fini avec le moi. La discipline est dispensée afin de
mettre de côté le moi et d'introduire le coeur
dans sa véritable relation avec Dieu, à part du moi. C'est
pourquoi l'effet de la discipline est de manifester les mouvements secrets et
les sentiments les plus profonds du moi, qui autrement n'auraient pas été
découverts ou connus et qui, n'étant pas connus, n'auraient pas été jugés et
abandonnés. — Job sent maintenant tout son malheur; ne
voyant que désolation autour de lui, et ayant survécu à toute joie sur la
terre, il maudit son jour. Pourquoi avait-il vécu, et pourquoi vivrait-il encore? — Il ne connaissait guère la place qu'il occupait
devant Dieu, et savait bien peu comment Dieu le préparait, par le moyen de terribles
souffrances, à justifier le témoignage que Lui-même avait rendu de lui devant
Satan.
Nous avons à voir maintenant de quelle
manière Dieu met à exécution le dessein de son amour, observant en même temps
le chemin que suit nécessairement une âme qui est sous la discipline du
Seigneur, pour arriver à une simple dépendance de Dieu et à se reposer en Lui
seul. La première pensée d'un homme, et la plus amère, quand il arrive à une
pleine conscience de sa misère, est de maudire son jour. Le sentiment est terrible: — il conduit au suicide lorsque Dieu n'est pas
connu; mais si Dieu est connu, comme dans le cas de Job, ce sentiment
devient le commencement d'un travail salutaire, non pas dans le mécontentement
et le désespoir qu'il révèle, mais parce que l'âme sent et comprend ce qu'est
la mort, la complète destruction et la séparation d'avec toute chose. On peut
se laisser aller à la révolte et au murmure, en apprenant à connaître l'état de
complète misère de l'homme sur la terre; mais il faut
nécessairement que nous passions par là pour arriver à un entier renoncement à
nous-mêmes. Nous ne devons pas en faire une accusation contre Dieu, mais
réaliser que c'est là la vraie place de l'homme. Mais on préfère la mort à un
pareil état de souffrance: vivre ainsi n'a aucun
attrait pour le coeur. Job l'éprouve. Il ne sait pas
que Dieu cherche à faire de lui un témoin de la dépendance de Lui-même contre
Satan. Mais telle est la voie de Dieu. La discipline peut avoir pour effet de
nous faire sentir que la mort vaut mieux que la vie, mais elle accomplit le
propos de Dieu.
La réponse d'Eliphaz
le Thémanite pousse Job en avant dans ce chemin. Je
pense qu'il faut considérer les trois amis de Job, comme représentant les
différents raisonnements avec lesquels la conscience se débat, lorsqu'elle se
trouve sous ce genre de discipline. Eliphaz donne à
entendre à Job, qu'il méritait les afflictions que Dieu avait fait venir sur lui: «J'ai vu que ceux qui labourent l'iniquité, et qui
sèment l'outrage, les moissonnent» (4: 8), il avance même qu'il ne s'agit
pis de discipline seulement, car s'il en était ainsi, «celui qui fait la
plaie, la bande» (5: 17): puisque Dieu ne bandait pas la plaie, il y avait
donc plus que de la discipline. L'effet de ce raisonnement sur Job, c'est qu'il
n'est plus autant occupé de son malheur, que du droit qu'il a de se plaindre,
et de l'effort qu'il fait pour rétorquer les suggestions de son ami (6, 7). Il
nous fait le récit de ses infortunes, rendues encore plus douloureuses par la
manière dont il se trouve déçu dans ses amis; il
cherche à se justifier lui-même, tout en étant d'autant plus convaincu que ses
jours ne sont que vanité: «C'est pourquoi je choisirais d'être étranglé et
de mourir, plutôt que de conserver mes os» (7: 15). Que de leçons
douloureuses nous avons à apprendre, avant que nous discernions la sagesse du
renoncement à soi-même! Par quels exercices l'âme ne
doit-elle pas passer, sous la discipline, afin qu'elle soit amenée là! Combien elle est tourmentée, tantôt par une pensée,
tantôt par une autre, par toutes sortes de raisonnements qui ne doivent leur
existence et leur puissance qu'à la mesure du moi qui se trouve encore dans l'âme! C'est la possibilité de la vérité d'une accusation
qui la rend pénible et irritante. Bildad répond.
C'est un nouvel exercice pour Job. — Il est d'une grande utilité pour nous que
nous trouvions dans la Parole de Dieu un récit de ces exercices si souvent
inexplicables, par lesquels nous apprenons à comprendre le néant de l'homme et
des raisonnements qui se disent nos amis et qui nous éprouvent d'autant
plus péniblement. Bildad blâme Job sévèrement. Il lui
dit que les paroles de sa bouche sont comme un vent impétueux, et que, s'il
était pur et droit, Dieu se réveillerait pour lui (8:
1, 6), le rejetant toujours davantage sur lui-même, en présentant les épreuves
que Dieu lui dispense comme des rétributions judiciaires du péché, et non pas,
ainsi qu'elles l'étaient véritablement, comme la discipline de Dieu qui devait
le dépouiller entièrement de lui-même. Job n'est plus maintenant autant accablé
par son malheur qu'il n'est occupé de sa justification vis-à-vis de ses amis; et c'est un travail fatigant et pénible pour l'esprit,
que de repousser des accusations portées par des amis, qui prétendent que nous
souffrons justement une irréparable misère. Job savait qu'il n'avait rien fait
pour mériter ses afflictions; mais il avait à
apprendre, qu'il n'avait droit à rien; et cela, ses amis l'ignoraient
comme lui: ils ne voyaient pas au delà de la justice.
Job reconnaît maintenant la grandeur de Dieu: il est tourné vers Dieu; — mais il n'use de la
grandeur et de la puissance divines qu'il reconnaît que pour montrer davantage
la distance qui le sépare de Dieu; il sent bien qu'il ne peut se rencontrer
avec Dieu sur un pied d'égalité; mais s'il le pouvait, il ne craindrait point.
Il est évident qu'il y a un lieu entre son âme et Dieu;
mais ses amis lui ont représenté Dieu comme un juge, cherchant à le persuader
que la privation de bénédictions temporelles est une punition pour les péchés,
ce qui implique naturellement que la présence de ces bénédictions est le
contraire. Dans ce nouvel exercice, Job, je le répète, voit la grandeur de
Dieu, mais il ne voit pas le soin que Dieu prend de lui:
sous sa main (ainsi raisonne-t-il) de quoi me prévaudrai-je? Il ne comprend pas
pourquoi Dieu appesantit sa main sur lui; il considère
sa manière d'agir comme arbitraire, il fait entendre que, s'il y avait
quelqu'un qui prît connaissance de la cause qui est entre eux, et qui les
plaçât à un même niveau, il pourrait se justifier; mais dans l'état de choses
actuel, il n'y a pas d'espérance pour lui. «Ah!»
s'écrie-t-il, «que ne suis-je expiré, afin qu'aucun oeil
ne m'eût vu» (10: 18) !
Tsophar
réplique, cherchant à convaincre Job de péché, en lui faisant comprendre que
Dieu «exige de lui beaucoup moins que son
iniquité ne mérite» (11: 4), et que, s'il n'y avait pas d'iniquité, il
jouirait de gratuités actuelles: «Alors certainement tu pourras élever ton
visage comme étant sans tache; tu seras ferme et tu ne craindras rien» (11:
15). Tsophar fait de la conduite de l'homme la mesure
des voies de Dieu. Il ne voit pas le mal qui est dans l'homme, et son
éloignement de Dieu qui en est la conséquence, il ne sait pas que l'homme n'a
aucun droit à la moindre faveur.
Job répond — l'âme fait peu de chemin
lorsqu'elle est occupée à se justifier elle-même. — Les amis de Job l'accablent
de reproches, soutenant que ses afflictions doivent avoir leur motif dans le péché; Job, n'ayant conscience d'aucun mal qui pût justifier
de pareilles souffrances, rejette le raisonnement de ses amis. A ces mêmes
outrages que le Seigneur Jésus supporta sans ouvrir sa bouche, quelque injustes
qu'ils fussent (1 Pierre 2: 22, 23), Job répond, parce
qu'il ne s'est pas vu tel qu'il est devant Dieu. Il juge de lui-même comme un
homme le ferait, et comme ses amis, qui, en vérité, ne se trouvaient pas sur un
fondement plus élevé que le sien, ne pouvaient que le faire. Il explique tout
par la souveraineté de Dieu, et ne discerne aucun dessein de grâce dans les
dispensations de Dieu à son égard. Cependant il est évident que son âme gagne,
du terrain, car il s'écrie: «Voilà, qu'il me tue,
je ne laisserai pas d'espérer en Lui» (13: 15); et un rayon d'espoir vient
éclairer son sentier, car il ajoute: «Appelle-moi, et je te répondrai. Ne
dédaigne point l'ouvrage de tes mains» (14: 15).
Quels moments que ceux où l'âme est ainsi exercée pour être délivrée enfin de
toute satisfaction propre; et ne se reposer plus qu'en
Dieu seul! Cependant les voies de Dieu sont parfaites, comme la fin le démontre
toujours.
Eliphaz
reprend la parole (15). Il devient plus sévère et moins mesuré dans ses efforts
pour convaincre Job que lui-même et ses compagnons ont de la sagesse, et que
par conséquent ils sont dans le vrai quand ils affirment que Dieu agit
maintenant envers les hommes selon leurs mérites, et que le méchant travaille
avec douleur tous les jours de sa vie, car, dit-il: «un
cri de frayeur est dans ses oreilles: au milieu de la paix il croit que le
destructeur se jette sur lui» (15: 21).
A moins d'étudier les exercices par
lesquels nous passons nous-mêmes, nous nous ferons difficilement une idée du
brisement de coeur que tous ces reproches ont dû
produire en Job. Ils le poussaient dans la mauvaise direction;
ils l'occupaient de lui-même. Il ne pouvait pas nier qu'il ne fût éprouvé; seulement, en se mesurant à la mesure des hommes,
il ne voyait pas qu'il eût commis une action, qui eût pu attirer sur lui une si
grande infortune. Ses amis le harassaient, dirigeant sa pensée vers ce seul
point et le renfermant dans ce seul principe: que les
actes de Dieu sont toujours en rapport avec la conduite de l'homme, et que par
conséquent, puisque lui, Job, souffrait autant, il fallait qu'il eût été
coupable à un degré extraordinaire.
Job résiste (16), et déclare que ses amis
sont «des consolateurs fâcheux», ce
qu'ils étaient en effet. «Si je parle»,
s'écrie-t-il, «ma douleur ne sera pas soulagée; et si je me tais qu'en
aurai-je moins» (verset 6)? La pensée la plus amère remplit maintenant son
âme, c'est que Dieu l'a livré entre les mains des méchants (verset 12). Il fait
plus ou moins l'expérience des souffrances de notre Seigneur comme homme — et
qui peut comprendre l'amertume du chagrin de Job, dans ce moment-là! «Mes amis sont des
moqueurs», s'écrie-t-il, «mais mon oeil fond
en larmes devant Dieu» (verset 20).
Cependant au milieu du sentiment même de la
grandeur de son épreuve et de sa souffrance, le lien qui existe entre lui,
comme homme régénéré, et Dieu, se fait jour de temps en temps. Job ne s'est pas
vu encore dans la présence de Dieu; c'est pourquoi il
dit «quoiqu'il n'y ait point d'iniquité en mes mains, et que ma prière soit
pure» (verset 17); et il raisonne avec Dieu, comme un homme plaide en
faveur de son prochain. Il a une certaine intelligence de la grandeur de Dieu,
mais il ne connaît pas sa sainteté, parce qu'il ne s'est jamais trouvé assez
près de Dieu; car c'est la présence de Dieu qui
produit la conscience de sa sainteté. C'est pourquoi Job en conclut que s'il
pouvait plaider avec Dieu, il serait acquitté. Nous voyons ici par quelles
profondes angoisses on passe, quand on juge au point de vue de l'homme les
souffrances que Dieu nous dispense. Combien le «moi»
de Job se montre encore partout! Il sent qu'il est «mis
pour être la fable des peuples. Les hommes droits seront étonnés de
ceci, et l'innocence se réveillera contre l'hypocrite»
(17: 6-8); et de telles pensées la mort seule peut délivrer: «Certes je n'ai
plus à attendre que le sépulcre qui va dire ma maison; j'ai dressé mon lit dans
les ténèbres» (verset 13).
Bildad
répond à Job (18) en termes irrités: il lui trace pas
à pas le chemin du méchant, d'abord «pris dans son piège, parce que son
conseil est renversé, jusqu'à ce qu'il n'ait plus ni fils, ni petit-fils parmi
son peuple. Certainement telles seront les demeures du pervers, et tel sera le
lieu de celui qui n'aura pas reconnu le Dieu fort»
(versets 7, 10, 19, 21). Poussé à bout par l'assertion qu'il ne reconnaît pas
Dieu, «Job réplique avec raison: «Jusqu'à quand
affligerez-vous mon âme, et m'accablerez-vous de paroles» (19: 2) ? Quels
moments étranges pour l'âme, lorsqu'elle cherche, en conscience et dans la foi
en Dieu, à établir sa propre justice, au milieu des épreuves et des afflictions
qui sont ici-bas, judiciairement et justement, la commune part de tous les hommes; — et quand ces épreuves et ces afflictions sont
envoyées comme discipline, elles pèsent encore plus lourdement sur l'âme! — Job
repousse l'accusation d'avoir été pris dans ses propres filets, disant: «Sachez donc que c'est Dieu qui m'a renversé, et
qui a tendu son filet autour de moi» (verset 6). Il attribue son épreuve à
Dieu, mais il ne sait en découvrir aucune raison. Cependant tout en sondant
ainsi sa plaie, avec le sentiment toujours plus vif qu'il est injustement
frappé de Dieu, Job est fortifié dans l'espérance, comme ses paroles nous le montrent: «Car je sais que mon Rédempteur est vivant, et
qu'il demeurera le dernier sur la terre, et lorsque après ma peau ceci aura été
rongé, je verrai Dieu de ma chair» (versets 25, 26).
Alors Tsophar
décrit à Job, de la manière la plus saisissante, l'entière et affreuse
perdition du méchant. (20). Il dénonce Job sans pitié. «Les
cieux découvriront son iniquité, et la terre s'élèvera contre lui» (verset
27). Job réplique (21), dépeignant la prospérité du méchant pour montrer que Tsophar doit être dans l'erreur;
cependant, bien qu'il sache que les reproches de ses amis ne sont pas fondés,
il n'a pas une vue claire de la volonté de Dieu, ni d'une direction ou d'un
dessein de la part de Dieu dans ses voies. Il ne sait pas autre chose si ce
n'est que Dieu est Souverain tout-puissant, et qu'il peut agir comme il lui plaît: il n'est pas en état de discerner que Dieu a toujours
devant Lui un but positif, dans chacune de ses dispensations. «De tout temps Dieu connaît toutes ses oeuvres» (Actes des Apôtres 15: 18). «Comment
donc», s'écrie Job, «me donnez-vous des consolations vaines, puisqu'il y
a toujours de la prévarication dans vos réponses» (verset 34)?
Eliphaz
parle maintenant à Job pour la dernière fois, s'efforçant de produire une
impression sur son esprit par l'énormité de ses accusations. «Ta
méchanceté n'est-elle pas grande? et tes injustices ne sont-elles pas sans fin»
(22: 5) ? Il affirme encore une fois ce principe faux, mais qui plaît au coeur charnel, relativement aux voies de Dieu, savoir que
Dieu donne l'or et l'argent à ceux qui retournent à lui. «Si
tu retournes au Tout-Puissant, tu seras rétabli. Chasse l'iniquité loin de ta
tente et tu mettras l'or sur la poussière et l'or d'Ophir sur les rochers des torrents» (versets 23, 24).
Dans les chapitres 23 et 24 deux choses
sont mises en évidence. La première, c'est que Job se rend compte de la
distance où il est de Dieu, et désire, en conséquence, d'être rapproché de Lui.
C'est le véritable exercice d'une âme vivifiée, qui s'en va tâtonnant, pour
ainsi dire, dans les ténèbres, à la recherche de ce après quoi elle languit. «Voilà, si je vais en avant, il n'y est pas; si je
vais en arrière, je ne l'y apercevrai point» (23: 8). En même temps, il y a
chez Job le sentiment de l'immutabilité des desseins de Dieu,
«S'il a fait un dessein, qui l'en détournera» (verset 13)?
Et cependant la vraie crainte, cet effet solennel de la présence de Dieu, n'est
pas inconnue à Job, car il dit: «C'est pourquoi je
suis troublé à cause de sa présence, et quand je le considère, je suis effrayé
à cause de Lui» (verset 15). — Le second point qui ressort de ces
chapitres, c'est que Job tourne ses regards vers l'homme. Il n'a trouvé ni le
repos ni la faveur pour lui-même auprès de Dieu, et il se tourne vers les hommes: il voit que les méchants prospèrent dans le monde,
mais que cependant ils ont leurs peines secrètes, et que la mort les arrête
dans leur carrière.
A ce moment de ses expériences, Job ne
s'élève pas autant lui-même; il cherche à s'approcher
de Dieu, mais il craint sa présence, par la raison qu'il n'a ni la paix, ni
conscience de son acceptation auprès de Dieu. Les exercices, par lesquels on
est appelé à passer, tant qu'on refuse de reconnaître son état de complète
misère et de ruine devant Dieu, sont divers en effet.
Bildad
termine ses critiques (25), en rappelant de nouveau quelle est la grandeur de
Dieu et quelle est la souillure de l'homme, comme s'il était impossible qu'il y eût jamais entre eux un fondement de réconciliation.
Paroles cruelles pour un coeur travaillé et fatigué,
qui cherche un point d'appui devant Dieu que dans son esprit il connaît et en
qui il croit. Job lui répond en exposant sommairement son état (27-31), quant à
ce qu'il est par lui-même et quant à ce qu'il comprend de Dieu. La grandeur de
Dieu dans la création se présente à lui; mais cette
connaissance ne donne jamais à l'âme la conscience du caractère de son
éloignement de Dieu; aussi Job fait-il valoir son intégrité dans le chapitre
29. Lorsqu'un homme n'est pas dans la lumière, il faut qu'il revendique son
intégrité, à moins qu'il n'ait enfreint une loi, — commis quelque crime
flagrant. C'est pourquoi Job cherche à se justifier de l'accusation d'être
frappé par Dieu. Il est cependant intéressant de voir, dans le chapitre 28, où
il fait une si belle description de la sagesse, comment son âme, au milieu de
son accablement même, croît en vraie lumière et en connaissance, la discipline
produisant ainsi son effet. Plus on discerne la sagesse de Dieu et ses voies
(comme cela est le cas quelquefois quand on est dans l'épreuve), plus on est
abattu, si l'on ne peut pas se rattacher à Lui avec la conscience qu'on est
accepté de Lui; et il en résulte, que l'on revient en
arrière à sa propre histoire passée, et que l'on est occupé de soi-même. Job,
ainsi, s'arrête au passé (29), ce qui est toujours un signe que l'âme n'est pis en règle avec Dieu, car si elle marchait avec Lui elle
aurait de plus grandes choses à rappeler que ce passé, en particulier quand
elle y revient pour gratifier le moi, son amabilité, les dons et la bonté dont
Dieu l'avait comblé, toutes ces choses qui constituaient la somme des avantages
du «jeune chef du peuple» (Luc 28; Marc 10). Si j'ai
la conscience de mon péché comme ayant été transgresseur, le retour en arrière
perd de ses charmes; mais si, au milieu de l'adversité,
je puis me reporter à un temps d'irréprochabilité ininterrompue de vie et de
conduite, éclairé de la lumière de la faveur de Dieu dans ses dons, — ce
souvenir a de l'attrait pour le coeur et l'absorbe
aisément. Job vivait avant que la loi fût donnée, c'est pourquoi, comme un
gentil, il apprend à connaître le mal qui est en lui, non par le moyen de la
loi, mais dans la présence de Dieu; et ayant vécu avec
une conscience vraiment bonne, il n'était pas facile pour lui d'estimer toutes
choses «comme des ordures». Dieu le laisse s'étendre sur son passé pour nous
montrer à quel degré la propre justice peut nous occuper et nous être un obstacle; et combien d'un autre côté, cependant, est vaine
la manière dont les amis de Job tâchent de l'amener à une appréciation vraie de
lui-même devant Dieu, et selon Dieu Lui-même.
Job, au chapitre 29, s'arrête donc sur sa
prospérité passée, tandis que, au chapitre 31, il énumère l'excellence de toute
sa conduite, et de toutes ses voies, se jugeant d'un jugement d'homme, et se
résumant en ces mots: «Tout mon désir est que le
Tout-Puissant me réponde» (verset 35)! — Tels sont les exercices par
lesquels passe une homme qui, n'ayant rien fait qui
offense la conscience naturelle, ne s'est pas vu lui-même dans la lumière de la
présence de Dieu, et ne connaît pas, par conséquent, la corruption de sa
nature. Si la conscience naturelle avait pu saisir, quelque chose pour être
ainsi convaincue de péché, son action aurait pu être facile et sommaire; mais là où le sens moral n'a pas été blessé,
il faut une action prolongée avant que l'on puisse arriver à un sens spirituel,
c'est-à-dire, à une appréciation de soi-même dans la lumière de la présence de
Dieu.
Nous arrivons maintenant à un autre partie de ce récit si plein d'enseignements. Nous
avons tracé, brièvement et d'une manière sans doute bien insuffisante,
l'opération patiente et scrutatrice par laquelle Dieu amène une âme à découvrir
son entière corruption devant Lui. Personne ne pouvait porter d'accusation
contre Job. Pour autant qu'il s'agit des oeuvres,
Dieu Lui-même pouvait défier Satan et affirmer que Job n'avait pas son égal sur
la terre, «un homme intègre et qui se détournait du mal».Toutefois, lors même qu'aux
yeux de l'homme ou de Satan, il n'y avait en Job rien à blâmer ou à reprendre,
Dieu voulait que Job sût qu'à Ses yeux, il était souillé et perdu. Pour
la nature il n'y a pas d'apprentissage plus pénible à faire et plus amer; il faut que la nature meure. Job commence par
sentir que la mort serait préférable à la vie, tout ici-bas n'étant que misère.
Ensuite, d'après sa propre conscience de ce qui est juste, et par la
connaissance qu'il a des voies de Dieu, harassé qu'il est par les reproches et
les injustes soupçons de ses amis, il repousse la doctrine qu'ils proclament,
et selon laquelle Dieu dirigerait et déterminerait toutes choses à l'égard de
l'homme, d'après les oeuvres de celui-ci sur la
terre, n'ayant pas d'autre principe dans ses voies envers lui, les actes de
l'homme étant ce qui suggère à Dieu sa ligne de conduite, Dieu n'ayant ainsi
aucun propos arrêté, et décrétant des lois, comme un souverain ordinaire, selon
le cours des circonstances. Tout ce travail intérieur ne fait qu'augmenter la
perplexité de Job: il est toujours plus profondément
convaincu de la souveraineté de Dieu, et que toute puissance Lui appartient; et
en second lieu, ses amis n'ayant pas réussi à toucher sa conscience, il se
justifie avec toujours plus de hardiesse.
A ce moment, Elihu apparaît sur la scène (32).
Ce serviteur de Dieu se présente de la part de Dieu, et apporte à Job
l'enseignement dont il avait un si grand besoin. Nous ne nous doutons pas
toujours du profond travail d'âme par lequel nous avons à passer, pour être
préparés à entendre parler de Dieu de la part de Dieu. Nous pouvons avoir à
nous épuiser en efforts au milieu des plus noires ténèbres, avant que d'être
prêts pour recevoir la parole de la lumière, car la lumière vient de Dieu seul; c'est Lui (Christ) qui est «la vraie lumière — qui,
venant au monde, éclaire tout homme» (Jean 1: 9; comp.
Ephésiens 5: 13, 14). Tous les raisonnements de l'homme ne font que nous
occuper toujours plus de nous-mêmes, comme firent pour Job les discours de ses
amis, qui n'ont eu pour effet que de le pousser à se justifier, en même temps
qu'ils lui faisaient sentir davantage la distance, à laquelle il était de Dieu,
augmentant dans son âme le besoin qu'il avait de Lui.
Elihu démontre que ce que Job avait soutenu
n'était pas la vérité, en disant que Dieu agit d'une manière arbitraire;
«Il a cherché à rompre avec moi» (33: 10). Son premier argument est, que
Dieu est plus grand que l'homme. «Pourquoi
donc as-tu plaidé contre lui, car il ne rend pas compte de toutes ses actions»
(verset 13). La première chose importante pour une âme, c'est de s'humilier
sous la puissante main de Dieu (1 Pierre 5: 6); et
voilà ce que Job n'avait pas fait jusqu'alors. Elihu ajoute que, de plus, Dieu
parle à l'homme dans des songes et des visions de nuit, «afin
de détourner l'homme d'une mauvaise action» (verset 17). Quelle grâce que
celle par laquelle, quand tout est enseveli dans le silence du sommeil, Dieu
montre ainsi à l'homme qu'il veille sur lui et l'avertit par des songes! Dieu est plein de miséricorde, comme nous le voyons
(versets 23-28). Lorsque l'homme confesse son péché sur le fondement de la
justice de Dieu, il y a miséricorde et salut de la part de Dieu pour lui. Dieu
fait ces choses bien des fois pour l'homme (versets
29, 30). L'histoire d'Isaac nous offre un exemple du bouleversement intérieur
qui a lieu, quand la vérité de Dieu reprend son empire et son autorité sur l'âme: «Isaac fut saisi d'une fort grande émotion»
(Genèse 27: 33). Job avait à l'apprendre: il avait osé
juger Dieu, au lieu de se soumettre à Dieu et d'attendre qu'il l'enseignât.
Le second point qui occupe Elihu (34),
c'est que Dieu doit être juste nécessairement. Job avait dit que lui était
juste, et que «Dieu avait mis son droit à l'écart»
(verset 5). Si Dieu n'était pis juste; s'il n'était
pas la source même de la justice, comment pourrait-il gouverner? «Comment celui qui n'aimerait pas à faire justice
jugerait-il le monde» (verset 17)? «Certainement
le Dieu fort ne déclare point méchant l'homme de bien, et le Tout-Puissant ne
renverse point le droit. Qui est-ce qui lui a donné la terre en charge» (versets 12, 13)? Elihu exhorte Job à comprendre
que Dieu est juste et que, dans sa justice, il peut agir comme il lui plaît. «Il n'impute rien à l'homme contre la justice,
lorsque l'homme vient à plaider contre le Dieu fort» (verset 23); s'il en
était ainsi, ce qui convenait pour Job, c'était la confession: «Certes tu
devrais avoir dit au Dieu Fort: j'ai souffert, mais je ne pécherai plus»
(verset 31). — Quoique ces divers enseignements, cette marche progressive dans
l'histoire d'une âme, nous soient présentés sous la forme d'un seul récit
ininterrompu, il faut nous rappeler qu'il y a souvent de longs et pénibles
intervalles entre chaque pas que nous avons à apprendre. C'est l'ordre dans
lequel ils se succèdent qui est placé ici devant nous, plutôt que les
souffrances par lesquelles l'âme passe à mesure qu'elle est ainsi enseignée.
Elihu touche un autre point encore (35),
c'est que Dieu est infiniment élevé au-dessus de l'homme, et que les oeuvres de l'homme ne peuvent l'affecter en aucune manière.
Job doit apprendre que: «Si tu es juste, que Lui
donnes-tu? Et qu'est ce qu'il reçoit de la main» (verset 7)?
«Si Abraham a été justifié sur le principe
des oeuvres, il a de quoi se glorifier, mais NON
PAS ENVERS DIEU» (Romains 4; 2). Il faut que l'âme discerne la bonté qui vient
de Dieu; mais «on ne dit point: où est le Dieu qui
m'a fait, et qui donne de quoi chanter pendant la nuit» (verset 10)? —
lorsque tout est ténèbres tout alentour. Job, était arrêté sur ce qu'il était
pour Dieu, et non pas sur ce que Dieu était pour lui;
et alors assurément «le Dieu fort n'écoute point la vanité et le Tout-Puissant
n'y a nul égard».
Au chapitre 36, une autre vérité est placée
sur la conscience de Job, c'est que s'il considère les choses du côté de Dieu,
il doit discerner Sa justice. Il doit comprendre qu'«Il
ne retire pas Ses yeux de dessus le juste» (verset 7). — «Il
leur ouvre l'oreille pour les rendre sages» (verset 10). — «Mais il tire l'affligé hors de son affliction»
(verset 15). C'est en ceci que Job avait manqué: il
avait été occupé à se justifier lui-même au lieu d'avoir l'oreille ouverte à la
discipline. «Voici, le Dieu Fort est grand»
(verset 26). — L'âme a fait un immense progrès lorsqu'elle en vient là, et
qu'elle envisage les choses réellement, comme du côté de Dieu. Quand on a un
sentiment vrai de ce que Dieu est, on s'humilie sous sa puissante main et l'on
s'attend à Lui.
Au chapitre 37, Elihu conduit Job plus
avant dans la contemplation de ce que Dieu est dans sa grandeur et dans ses oeuvres;
comme le Seigneur Jésus aussi disait: «Croyez-moi à cause des oeuvres elles-mêmes» (Jean 14: 11). Et ce chapitre sert
comme d'introduction à ce qui remplit les chapitres suivants, où Dieu Lui-même
parle à Job, en dehors de toute instrumentalité reconnue, et l'instruit dans sa
grandeur et sa puissance. Job a écouté Elihu qui lui parlait de la part de Dieu; et maintenant qu'il a été ainsi préparé pour entendre
la voix de Dieu, Dieu, dans sa grâce, s'adresse directement à lui. Quel exercice
solennel et profond pour l'âme, lorsque, seule avec Dieu, elle apprend de Dieu
lui-même, selon sa merveilleuse grâce, quelles sont sa majesté et sa bonté!
«Alors
l'Eternel répondit à Job du milieu d'un tourbillon»
(38: 1). Il appelle Job à méditer et à considérer. «Où
étais-tu quand je fondais la terre» (verset 4)? «Par
la foi nous comprenons que les mondes ont été formés par la Parole de Dieu»
(Hébreux 11: 3). C'est ici le commencement de la foi, comme aussi «il faut
que celui qui s'approche de Dieu, croie que DIEU EST»
(Hébreux 11: 6). Job croyait que Dieu existait, mais sa foi en sa puissance et
sa grandeur n'était pas simple et ferme. Connaissait-il donc et pouvait-il
expliquer l'origine d'une seule des oeuvres de Dieu? Pouvait-il les embrasser ou les comprendre?
Dieu l'interroge: «Qui est-ce qui a mis la sagesse
dans le coeur, ou qui a donné à l'âme l'intelligence»
(verset 36)? Il prouve à Job que, dans le monde matériel, il ne connaît
pas l'origine d'une seule de ses oeuvres; et ensuite, au chapitre 39, il appelle Job à considérer
combien il est incapable de gouverner le monde animal. Que ce soit la
licorne, ou le cheval, ou l'aigle, chacun d'eux et tous, ils sont supérieurs en
force à Job; et combien plus Celui qui les créa et qui
les doua de leurs qualités, ne devait-il pas être
l'objet souverain de la crainte de Job et de son adoration! «Celui
qui conteste avec le Tout-puissant Lui apprendra-t-il quelque chose»
(verset 35)?
Alors Job éprouve la puissance de la parole
divine; «il répondit à l'Eternel et dit: Voici, je
suis un homme vil; que te répondrai-je? Je mettrai ma main sur ma bouche. J'ai
parlé une fois, mais je ne répondrai plus; j'ai même
parlé deux fois, mais je n'y retournerai plus» (versets 37, 38). Il est
amené au sentiment qu'il est un homme vil, mais seulement jusqu'à ce point,
qu'il se taise, car il ne sait comment répondre. Il se sent condamné, toutefois
il n'est pas arrivé au simple renoncement à lui-même. On peut avoir la
conscience de son indignité et avoir la bouche fermée, tout en conservant
l'espoir de devenir meilleur. L'état, dans lequel on se trouve ainsi n'est
quelquefois qu'un temps d'arrêt, où l'âme cherche à se remettre de la
conviction que la parole de Dieu a produite dans le coeur,
qui est étonné, mais non soumis. Si le sentiment que l'on a de son état de
chute et de misère était réel et profond, il n'y aurait pas d'espérance
d'amélioration, rien qui pût faire croire qu'il y aura jamais
un mieux qui n'existait pas autrefois. C'est pourquoi, la voix de Dieu
s'adresse encore à Job, dans sa majesté (40, 41). Dieu lui fait entendre que
Béhémoth, le Léviathan, est un être beaucoup plus puissant que lui: Il n'y a rien sur la terre qui lui puisse être
comparé, ayant été fait pour ne rien craindre» (41: 24); et les merveilles
de cette créature étrange et terrible sont placées devant l'âme de Job, qui se
sent maintenant dans la présence de Dieu et est confondu.
Alors Job
est arrivé au but, auquel Dieu, pendant tout le cours de la discipline qu'il
lui avait imposée, a voulu l'amener. Job voit Dieu et, ainsi, il se voit
lui-même tel qu'il est et «il se repent sur la poudre et sur la cendre». L'homme irréprochable et bon, par caractère,
intègre comme homme, une fois qu'il est amené dans la présence de Dieu, s'abhorre
lui-même. Comme homme il a de quoi se glorifier;
il peut se justifier devant ses compagnons, mais non pas devant Dieu.
Devant Dieu et dans sa présence, il n'a que sa misère et il est amené au
sentiment qu'il n'a droit à rien, si ce n'est à la colère de Dieu et à la mort.
Sous le saint regard de Dieu, le seul sentiment qu'il ait de lui-même, c'est
qu'il s'abhorre lui-même et qu'il se repent sur la poudre et sur la cendre.
Job en a maintenant fini avec lui-même. En
avoir fini avec soi-même est la fin et le fruit de toute discipline!
Job est si complètement affranchi sous ce
rapport, qu'avant même qu'il y ait quelque changement dans les circonstances et
dans l'épreuve qui avaient été la cause immédiate de toute son infortune et des
exercices de son âme, et que Satan avait fait venir sur lui pour démontrer son
hypocrisie, il peut intercéder pour ses amis. Dominant ses propres
souffrances, il pense à eux devant Dieu; et alors Dieu
fait cesser la captivité de Job, montrant ainsi (et combien nous avons à
prendre ceci à coeur!) quelle est «la FIN du
Seigneur», savoir, «QUE LE SEIGNEUR EST PLEIN DE COMPASSION ET
MISERICORDIEUX» (Jacques 5: 11) !