Je me souviens encore de l'effet que produisit
sur moi, il y a plus de vingt ans, la lecture attentive d'un article sur «les
caractères distinctifs de divers écrits du Nouveau Testament». Si cet article
ne fut pas le premier, du moins ce fut l'un des premiers moyens dont Dieu se
servit pour m'amener à lire l'Ecriture à la lumière du sujet principal et du
grand but d'une portion quelconque du saint Livre. Mais en comptant sur la
grâce de Dieu, comme sur la seule cause efficace d'une vraie instruction, toute
tentative de communiquer aux autres ce qui a été précieux à ma propre âme m'a
toujours plus profondément convaincu de la vérité de la remarque suivante, qui
se trouve dans l'écrit auquel j'ai fait allusion. On y lit: l'expression des
pensées de quelqu'un et l'action de réveiller des pensées semblables chez
d'autres sont deux choses fort différentes; et il est beaucoup plus difficile
et beaucoup plus rare de réussir à produire cette dernière que la première». En
soumettant ces pensées à ceux qui ont déjà été amenés à lire et à entendre le
témoignage de la Parole de Dieu elle-même, je ne prétends guère aller au delà
de la première de ces choses.
Il y a déjà plus de vingt ou trente ans que
quelques uns d'entre nous ont connu toute la vivacité et la fraîcheur de la
vérité nouvellement découverte à l'âme; et cette vérité, du moins quant à la
lettre, est depuis longtemps familière à tous ceux qui sont dans le cas de lire
ces remarques. La manière dont la même Personne bénie est présentée, en
Matthieu, comme le Messie d'Israël; en Marc, dans le service actif comme
ministre de la Parole; en Luc, dans la plénitude de cette grâce, dans laquelle
Lui, le Fils de l'Homme, vint aux hommes comme tels, pour chercher et sauver ce
qui était perdu; et en Jean, comme la Parole qui était au commencement, qui
était avec Dieu et était Dieu, mais qui fut faite chair et habita parmi nous, —
toutes ces choses, le lecteur les a souvent lues et entendues, de sorte que les
mots restent dans la mémoire, qu'on les comprenne et qu'on en jouisse par
l'enseignement de l'Esprit, ou non. Plusieurs ont écrit sur le caractère
particulier de l'évangile de Jean. On a montré comment la gloire, qui passe
sous nos yeux dans cet évangile, est la gloire de Christ dans ses relations et
ses titres divins les plus élevés, «la gloire du Fils unique du Père, pleine de
grâce et de vérité». On a remarqué, en outre, que tandis qu'aucun autre
évangile ne développe aussi richement cette gloire divine de Christ, aucun
autre non plus ne nous le montre dans un contact aussi immédiat avec le
pécheur, recevant de sa plénitude. Ces traits distinctifs du livre, ainsi que
d'autres, quoique ne perdant jamais de leur intérêt, sont devenus pour
plusieurs une vérité familière. Les remarques suivantes ne peuvent pas être
comparées, quant à l'importance, à ces grands traits de l'Evangile; mais rien
n'est perdu de ce qui peut contribuer, même au plus faible degré, à la
connaissance du précieux témoignage de la gloire de Celui dont il est dit:
«Personne ne vit jamais Dieu; le Fils unique qui est au sein du Père, lui la fait
connaître».
En étudiant un livre quelconque, inspiré ou
non; si nous trouvons que certains mots reparaissent assez fréquemment pour
réveiller l'attention, et qu'ensuite, après examen, nous découvrions que ces
mêmes mots se retrouvent dans tout le livre, nous en conclurons immédiatement
qu'ils expriment la grande thèse ou le grand sujet du livre, ou du moins ce qui
est en relation très étroite avec ce sujet. En lisant de cette manière
l'Evangile de Jean, certains mots ne peuvent manquer de faire impression sur
nous par la fréquence de leur emploi, tandis qu'une comparaison avec les autres
évangiles nous confirmera dans la persuasion que les mots en question expriment
ce qui est dans le plus intime rapport avec le grand sujet du livre. Par
exemple, l'oeil rencontre le mot «vie» presque du commencement à la fin
de notre Evangile; ce mot reparaît d'une manière proéminente au chapitre 3 et
se retrouve ensuite assez souvent pour qu'on se demande, si ce n'est pas là un
de ces mots caractéristiques et s'il ne renferme pas une force particulière.
Voyons. Mais avant de comparer sous ce rapport cet Evangile avec les autres,
nous ferons bien de nous souvenir que, dans le Nouveau Testament, il y a plus
d'un mot traduit par «vie». L'un, zwÑ, signifie la vie dans le sens
strict et absolu. Je parle seulement de l'emploi de ce mot et d'autres dans le
Nouveau Testament. Un autre mot, yucÑ, âme, est souvent rendu par et «vie»,
mais ce n'est pas l'usage naturel et ordinaire du mot, et en fût-il ainsi, on
trouvera ce mot employé dans ce sens aussi souvent en Jean que dans les autres
évangiles. Le mot, b°ov, employé pour «vie», dans le sens secondaire de vivre
ou de manière de vivre, ne se trouve pas une seule fois dans notre
évangile. C'est du premier de ces mots, zw×, la «vie» dans le sens absolu, que
nous nous occupons ici. Il se trouve sept fois en Matthieu, quatre fois en
Marc, six fois en Luc et trente-six fois en Jean. On pourra juger de la force
et de la portée de cette expression comme caractérisant cet évangile par les passages
suivants: «En elle était la vie. — Ne périsse pas mais qu'il ait la vie
éternelle. — Passé de la mort à la vie. — Le résurrection de vie.
— Le pain de vie. — Je suis venu, afin qu'elles aient la vie. —
Afin qu'Il donne la vie éternelle. — Et qu'en croyant vous ayez la vie
par son nom». N'est-ce rien que Celui, qui seul a la vie en lui-même, soit venu
dans ce monde de mort pour la manifester dans sa Personne et nous la
communiquer à nous qui étions morts dans nos péchés? Le fleuve de vie, qui de
Lui coule vers les pécheurs morts, n'a pas vu son cours interrompu un seul
instant, ni par sa réjection par le monde, ni par son ascension dans le ciel.
Le Père l'a glorifié et lui a donné puissance sur toute chair, afin qu'Il donne
la vie éternelle à tous ceux que le Père lui a donnés.
Mais venons-en à un autre mot, le mot: «aimer».
Ici encore nous avons deux verbes, ‡gap€w, et fil™w, ayant chacun sa nuance de
signification et rendus par aimer dans nos versions. Prenant ces deux
mots et ceux qui ont un rapport immédiat avec eux, comme le substantif «amour»,
nous trouvons l'un ou l'autre de ces mots douze fois en Matthieu, six fois en
Marc, seize fois en Luc et cinquante-six fois en Jean. On peut apprécier la
force et la portée de ces mots, comme caractérisant l'évangile de Jean par les
passages suivants: «Dieu a tant aimé le monde. — Or Jésus aimait
Marthe et sa soeur et Lazare. — Ayant aimé les siens qui étaient dans le
monde. — L'un de ses disciples, celui que Jésus aimait. — Comme je vous ai
aimés, que vous vous aimiez l'un l'autre — Si quelqu'un m'aime,
il gardera ma parole, mon Père l'aimera. — Afin que le monde connaisse
que j'aime le Père. — Tu les as aimés comme tu m'as aimé.
— Vie et amour! Précieuses paroles! La vie, le don de l'amour! L'amour divin
dans la personne du Fils, donnant une vie non seulement éternelle quant à sa
durée, mais d'une nature telle que l'amour, dont le Père a aimé le Fils, peut
maintenant reposer sur ceux dont Jésus dit, en s'adressant au Père: «Et je leur
ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l'amour
dont tu m'as aimé soit en eux, et moi en eux».
Mais dans quelle sphère a lieu la
révélation de cet amour? Il est certain qu'il ne profite d'une manière vitale
et éternelle qu'à ceux en qui l'opposition naturelle du coeur a été surmontée
par la grâce toute-puissante, dans la communication positive de la vie. Mais
est-ce seulement parmi l'ancien peuple de Dieu qu'on trouve de telles
personnes? Israël est-il le seul héritier de cette bénédiction qui est infiniment
au-dessus de sa terre fertile, portion accordée à ses tribus? Voyons. Le mot «monde»
caractérise notre évangile autant que ceux dont nous venons de parler. Nous ne
nous arrêterons pas à faire remarquer que le mot: ‡iðn, traduit quelque fois
par «monde», s'applique à la durée, plutôt qu'au monde lui-même
considéré absolument. «Les temps qui ont passé ou qui passent sur le monde»,
ou, le monde considéré moralement, voilà ce que ce mot signifie. Le mot kçsmov,
littéralement le monde, comprenant la terre et ses habitants, se trouve neuf
fois en Matthieu, trois fois en Marc, trois en Luc et soixante-dix-neuf fois en
Jean. Le lecteur peut juger de l'emploi de ce mot par les exemples suivants:
«Dieu a tant aimé le monde; — le Sauveur du monde. — Je suis la
lumière du monde. — Maintenant est le jugement de ce monde. — Je
ne suis pas venu pour juger le monde, mais afin que le monde soit
sauvé. — Le monde ne me verra plus. — Le prince de ce monde. —
J'ai vaincu le monde. — Je ne prie pas pour le monde. — Ils ne sont
pas du monde, comme je ne suis pas du monde. — Le monde ne
t'a pas connu». Rien donc ne peut être plus clair que ceci, savoir, que lorsque
la Parole éternelle — le Fils unique fut fait chair et demeura parmi les
hommes, ce fait ne concernait pas Israël seul, ou Israël plus que d'autres,
mais le monde entier. C'est envers le monde que l'amour de Dieu a été manifesté
dans le don de son Fils unique. C'est comme Sauveur du monde que le Seigneur
Jésus est apparu et comme lumière du monde qu'Il a brillé; et maintenant qu'Il
a quitté le monde et qu'Il est retourné au Père qui l'avait envoyé, Il a laissé
le monde sous la solennelle responsabilité de l'avoir repoussé et de n'avoir
pas connu le Père, de l'amour duquel Il était à la fois le messager, le don et
l'expression. Si Jésus a pleuré sur Jérusalem, en disant: «Combien de fois
n'ai-je pas voulu rassembler tes enfants — et vous ne l'avez pas voulu», dans
quels sentiments n'a-t-il pas dû quitter ce monde, envers lequel Il a manifesté
un si grand amour, amour, hélas! repoussé et foulé aux pieds par ce même monde!
Mais il est un autre mot, dont l'emploi
comparatif fait voir la différence qu'il y a entre cet évangile et les autres.
C'est le mot pisteÀw, croire. Il se trouve onze fois en Matthieu, seize
en Marc, huit en Luc et quatre-vingt-dix-neuf fois en Jean. Et cette énorme
disproportion dans l'emploi de ce verbe ne fait pas voir toute la différence;
car sur les onze fois qu'il paraît en Matthieu, dix sont en rapport, soit avec
les miracles, soit avec les faux prophètes, ou bien encore ce terme se trouve
dans la bouche de moqueurs impies. Il en est de même, de huit passages de Marc
sur les seize qu'il contient. Mais en Jean, dans la grande majorité des cas où
ce mot est employé, il exprime la foi en Jésus Christ lui-même pour la vie
éternelle. — «Afin que tous crussent par lui. — A ceux qui croient
en son nom. — Afin que quiconque croit en lui ne périsse pas. — Celui
qui croit en moi a la vie éternelle. — Si vous ne croyez pas que je
suis, vous mourrez dans vos péchés. — Crois-tu au Fils de Dieu? — Je crois,
Seigneur».
A cette dernière citation concernant
l'homme qui avait été aveugle, le Saint Esprit ajoute: «et il l'adora!»
Puissions-nous tous avoir la même simplicité de foi et une plus grande mesure
de la joie profonde qui remplissait le coeur de cet homme et qui en débordait,
quant il contempla, par la vue qu'il venait de recevoir, Celui que, par la foi,
il connaissait maintenant comme «le Fils de Dieu». C'est à la foi seule qu'est
dévoilée la grâce et la gloire de Christ, et la foi estime Celui qu'elle reçoit
bien au-dessus de toutes les bénédictions, de tous les privilèges, et de toutes
les faveurs, si grands et inexprimables qu'ils soient et qui découlent de la
foi. «A tous ceux qui l'ont reçu, Il leur a donné le droit d'être enfants de
Dieu; savoir, à ceux qui croient en son nom».
Ainsi nous avons vu la vie révélée en
Christ et par Lui communiquée comme le don de l'amour du Père, non pas à une
certaine classe de personnes ou à une nation privilégiée par sa descendance
d'un saint homme, mais à tous ceux à qui il est donné, dans ce monde, de croire
en Lui. C'est vraiment pour le monde que le Fils bien-aimé de Dieu est venu,
comme l'expression de l'amour de Dieu envers le monde; d'un amour qui n'a
d'autre mesure que le don qui est communiqué. «Dieu a tant aimé le monde qu'il
a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais
qu'il ait la vie éternelle». Jamais jusqu'à ce moment-ci, je n'avais remarqué
que nos quatre mots se trouvent dans ce seul verset: vie, aimer, monde,
croire! De sorte qu'il réunit, comme en un faisceau, la lumière répandue
dans tout le livre par la personne, la mission, l'oeuvre, la vie, la mort et la
résurrection en victoire du Fils de Dieu!
Abordons maintenant le chapitre 6. Il est
important d'abord de remarquer le contraste qu'il y a entre la manière dont
Christ est présenté ici et celle dont il se présente au chapitre précédent. Le
grand sujet de ces deux chapitres, c'est la vie communiquée par Christ et reçue
par nous. Or, dans le chapitre 5, Christ est vu dans la plénitude de la vie
divine comme étant la Source et le Dispensateur de la vie qu'il communique
souverainement. Celui qui reçoit la vie est considéré comme entièrement passif
et appelé à la vie par la voix créatrice et toute-puissante du Fils de Dieu.
«En vérité, en vérité, je vous dis que l'heure vient, et elle est maintenant,
que les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et l'ayant entendue, ils
vivront». Ici, dans le cas du pécheur, il n'y a pas autre chose que
l'impuissance de la mort elle-même, jusqu'à ce que le silence de la mort soit
rompu par la voix du Fils de Dieu qui ne parle jamais en vain. Sa voix se fait
entendre dans l'âme jusqu'alors morte, mais dès qu'elle a entendu cette voix,
elle vit, — «et l'ayant entendue, ils vivront». Il n'est donc pas question ici
de quelque exercice des sentiments, ou de quelque besoin de l'âme dont Christ
soit l'objet. Il est présenté comme Fils de Dieu dans sa compétence et son droit
divins, parlant à l'âme jusqu'alors morte et elle entend et vil. Mais, au
chapitre 6, on voit le Seigneur dans la place d'humiliation qu'il avait prise
comme homme «descendu du ciel»; et ainsi comme objet de ce sentiment et du
besoin de ces désirs dont l'âme réveillée a la conscience, mais la conscience,
remarquez-le bien, à cause du péché et de la ruine qu'elle n'a connus qu'après
que le Fils de Dieu l'a réveillée de son profond sommeil de mort. Ce n'est pas
toujours, ce n'est peut-être pas souvent que ces choses peuvent être
distinguées en fait. La révélation de Christ à l'âme réveille peut-être le
premier sentiment du désir après lui et produit ainsi la faim et la soif que
lui peut apaiser par de nouvelles révélations de Lui-même. Mais quoique ceci soit
vrai en principe, l'âme, dans cette phase de son histoire, est trop occupée
d'elle-même, pour distinguer bien exactement l'ordre de ses expériences. Ce qui
est beaucoup plus important, c'est la vérité par laquelle, instrumentalement,
ces expériences sont produites; et ceci, grâces à Dieu, nous l'avons, dans
toute sa perfection et sa variété, dans la portion de l'Ecriture que nous
examinons et dans d'autres encore.
Dans la première partie de notre chapitre,
nous trouvons le Seigneur accomplissant, au milieu d'Israël, les prédictions du
Psaume 132, dans lequel il est dit, et cela en rapport avec le choix de Sion
par Jéhovah et l'établissement de David sur son trône: «Je bénirai abondamment
sa nourriture, je rassasierai de pain ses pauvres». Mais quoique Jésus soit
ainsi manifesté comme l'héritier de toutes les gloires prophétiquement
développés dans ce Psaume, Il ne prend point ici cette place. Israël et la
terre n'étaient pas encore préparés pour cela et le temps de Dieu n'était pas
encore arrivé. C'est pourquoi Jésus se retire devant les sollicitations de la
multitude, sollicitations provoquées par le miracle des pains. Quand on voulut
le prendre pour le faire roi, il «se retira tout seul sur la montagne». Il
indiquait ainsi qu'il serait en haut pendant l'ajournement de son royaume. Son
absence dura jusqu'au moment où ses disciples furent dans un grand effroi causé
par l'orage qu'ils essuyèrent en traversant le lac. Jésus les rejoint avec des
paroles de consolation; «et aussitôt, la nacelle prit terre au lieu où ils
allaient». Cet épisode ne se rapporte pas tant à l'Eglise, ou aux saints qui la
composent, qu'au résidu Juif des derniers jours. Pour lui le retour du Messie
absent, mais glorifié, imposera silence à l'orage qui les menacera d'une ruine
totale, et Il les conduira soudainement au port du repos. Avant cela les saints
célestes auront été enlevés du milieu de toute la scène d'épreuve et de combat
pour être avec leur Seigneur qu'ils iront rejoindre en l'air.
Cependant tout ceci n'est qu'une
introduction au grand sujet de ce chapitre, sujet qui est lié à ces détails par
la recherche que la foule fait du Seigneur, en le suivant le lendemain de
l'autre côté du lac. Cette foule paraît avoir été guidée par les motifs les
plus vils, et le Seigneur le lui fait sentir: «Vous me cherchez, non parce que
vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous
avez été rassasiés. Travaillez, non point pour la viande qui périt, mais pour
la viande qui demeure jusque dans la vie éternelle, laquelle le Fils de l'homme
vous donnera; car c'est lui que le Père, Dieu, a scellé». S'ils voulaient
suivre Jésus, et c'est là tout le «travail» qu'ils avaient à faire, Jésus
aurait aimé, les voir venir pour chercher ce qui dure, la nourriture
impérissable d'une vie impérissable que le Fils de l'homme avait pour grande
mission de donner, et non la nourriture périssable d'une vie que raccourcit
chaque instant de son existence. Il est le Fils de l'homme, béni soit son nom,
et non simplement le Fils de Dieu, mais dans le lieu d'humiliation où il est
descendu, le Père l'a séparé de toute la race humaine, en mettant sur lui seul
le sceau qui le désignait comme l'objet de son approbation parfaite et de ses
délices. Depuis la résurrection et l'ascension du Seigneur Jésus, les croyants
sont scellés, mais c'est en Christ qu'ils sont ainsi distingués: «auquel
aussi ayant cru, vous avez été scellés du Saint Esprit de la promesse». Christ
fut scellé à cause de ses perfections intrinsèques; et nous, à cause de notre
identification avec lui dans l'a position qu'il a prise comme ayant accompli la
rédemption. Mais le verset que nous examinons nous amène au Fils de l'homme,
comme donnant «la nourriture qui ne périt pas».
Ceux qui pouvaient suivre Christ pour des
pains seulement cherchent à excuser leur négligence au sujet de ce don plus
excellent. «Que ferons-nous pour faire les oeuvres de Dieu?» telle est leur
question. Dans sa patiente bonté et sa grâce le Seigneur répond: «C'est ici
l'oeuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu'il a envoyé». N'est-il pas, Lui,
le seul parmi tous ceux qui ont foulé cette terre, qui ait été jugé digne
d'être scellé de Dieu le Père? Il est donc évident que croire en lui est ce que
Dieu doit approuver et sans cela rien autre ne peut être agréable à ses yeux.
La seule réponse des Juifs est une demande
de miracles, avec une allusion à la manne que leurs pères avaient mangée, et,
par cette allusion, ils semblent vouloir déprécier le miracle du jour
précédent. C'est comme s'ils eussent dit au Seigneur: «Si tu veux que nous
croyions en toi comme l'Envoyé de Dieu, montre-nous des choses plus grandes que
celles-ci. Tu as rassasié en une fois cinq mille personnes; nos pères, dans les
jours de Moïse, ont mangé la manne pendant quarante ans, selon qu'il est écrit:
«Il leur a donné à manger du pain du ciel». «Toi, quel miracle fais-tu? Quelle
oeuvre fais-tu?» Ici le Seigneur commence à développer l'important sujet de ce
chapitre. Les raisonnements de l'orgueil et de l'incrédulité des Juifs lui
fournirent l'occasion; et traitant sans ménagement cet orgueil et cette
incrédulité, Il se présente Lui-même comme l'objet, dans lequel tous ceux qui
ont faim et soif et qui périssent dans la misère, peuvent trouver une vie et
une nourriture éternelles; «Un Christ parfait pour des pécheurs dénués de
tout». Ces Juifs n'étaient pas tels à leurs yeux, aussi s'en allèrent-ils à
vide. Mais que de pauvres misérables périssant de faim ont été ici rassasiés et
ont trouvé en Jésus le pain de vie.
Le reste du chapitre nous montre le Seigneur
sous trois points de vue différents: Christ incarné — Christ mort — Christ
monté au ciel. Que Dieu nous fasse la grâce d'écouter, de recevoir et d'adorer!
«Jésus donc leur dit: En vérité, en vérité,
je vous dis: Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel, mais mon Père vous
donne le véritable pain du ciel. Car le pain de Dieu est celui qui est descendu
du ciel et qui donne la vie au monde». Le Seigneur répond ainsi, d'une manière
simple, mais décisive, aux secrètes pensées des Juifs qui estimaient que Moïse,
par le miracle de la manne, avait été montré plus grand que notre Seigneur.
Mais, dit-il, «Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel». Il n'a fait que le
recevoir lui-même, comme tout le peuple qui a subsisté quarante ans par la
manne. C'était le don de Dieu, don méprisé, hélas! par ceux qui en vivaient,
précisément, comme «le véritable pain» était maintenant méprisé par leurs
descendants. Le Seigneur ne continue pas ce sujet de la manne. Il ne dit pas:
Moïse ne vous a pas donné ce pain du ciel, mais mon Père vous l'a donné». Non,
Il ne voulait pas parler de la manne en rapport avec le nom de Père, comme si
l'importance de ce nom eût été révélée par le don de ce pain qui a nourri
six-cent mille hommes et leurs familles durant quarante ans. Ce fait, en
réalité, a-t-il quelque chose de plus merveilleux que ce que Dieu fait en
nourrissant toutes ses créatures jour par jour, heure par heure? «Tu ouvres ta
main et tu rassasies à souhait toute chose vivante». Les trésors du Créateur
sont immenses, et la Providence les applique aisément aux besoins de la
créature. Mais le nom de «Père» est lié à de plus grandes merveilles. Toutes
les richesses de la grâce sont manifestées par la révélation de ce nom. «Mon
Père vous donne le véritable pain du ciel». Quel était ce pain? Voici la
réponse — «Car le pain de Dieu est celui qui descend du ciel et qui donne la
vie au monde». Le Père a envoyé du ciel son Fils unique comme sa provision pour
un monde plongé dans la mort. Il est apparu ici-bas comme l'humble Fils de l'homme.
Mais ce fait intéressait le monde entier. Tous ceux qui avaient besoin de ce
pain du ciel étaient les bienvenus. Cette bonté divine était envoyée, non pas
aux Juifs ou aux Gentils comme distincts, mais à toute la race humaine qui
périssait. «En ceci a été manifesté l'amour de Dieu pour nous, c'est que Dieu a
envoyé son Fils unique au monde, afin que nous vivions par lui» (1 Jean 4: 9).
«Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, ne leur imputant
point leurs offenses» (2 Corinthiens 5: 19). Mais le monde n'a pas voulu être
réconcilié; il n'avait et n'a aucun goût pour ce pain du ciel. Il put se
trouver, chez quelques-uns de ceux qui entendaient les paroles pleines de grâce
du Seigneur, une excitation passagère des affections, et ils purent s'écrier:
«Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là»; mais ces paroles, quand on en
comprend le sens, ne font que rendre plus manifeste et plus décisive leur
réjection du Sauveur. Ecoutons-le:
«Et Jésus leur dit: Moi, je suis le pain de
vie. Celui qui vient à moi n'aura pas de faim; et celui qui croit en moi n'aura
jamais soif», Cher lecteur, comprenez-vous ces paroles? La faim de votre âme
a-t-elle été apaisée par ce pain du ciel, ce pain de vie? Sa soif a-t-elle été
étanchée en recevant de Lui et en Lui l'eau de la vie? Ou
serait-il possible que celui qui parcourt ces lignes dût tomber sous le
jugement renfermé dans ces paroles du Seigneur: «Mais je vous dis que vous
m'avez vu et que vous ne croyez pas». Rien n'est plus poignant que le langage
de la miséricorde rejetée et de l'amour repoussé et méprisé. Tel est ici le
langage du Seigneur. Il était venu ici-bas, pour être à l'égard du monde
l'expression de l'amour du Père, et le Sauveur des hommes perdus. Il a, pour
ainsi dire, produit ses lettres de créance dans toutes les paroles pleines de
grâce qui sortaient de sa bouche et dans tous les actes d'une vie sans tache.
L'un de ces actes, le miracle des pains, avait attiré la multitude après lui et
on l'avait suivi de l'autre côté du lac par de vils motifs. Les Juifs ont ainsi
confessé qu'ils avaient vu, mais, hélas! ils n'avaient pas cru. Quand ils
comprirent que c'était lui qui est le pain de vie, ils manifestèrent clairement
que ce n'était pas pour un tel aliment qu'ils étaient venus. Ils en voulaient un
semblable au pain du jour précédent, mais ils n'avaient point de coeur pour
Celui qui l'avait donné. Christ était venu pour les délivrer, s'ils voulaient,
d'une mort pire que celle de la faim; mais à cet égard ils n'avaient aucun
sentiment de leur danger ni de leur besoin, et par conséquent ils étaient sans
coeur pour Jésus en tant que leur Sauveur et ne voulurent pas le recevoir. Ils
ne comprenaient pas Jésus et n'avaient que des pensées charnelles à son sujet.
Ils n'étaient pas plus mauvais que d'autres hommes. Leur incrédulité était
manifeste et Christ les traite comme incrédules, comme le repoussant; mais la
même incrédulité se retrouve en tous ceux qui sont laissés à leurs propres
pensées quant à Christ considéré comme «descendu du ciel». Grâces à Dieu, il y
a quelque chose de plus. Christ était non seulement venu au monde, aux hommes
comme tels, pour leur présenter la vie et l'amour; de sorte qu'en refusant la
vie et en repoussant l'amour, les hommes restaient dans leurs péchés; mais Il
était venu aussi pour accomplir les conseils de l'amour du Père dans le don
souverain de la vie, comme on le voit au chapitre 5; et c'est de ceci que le
Seigneur va maintenant parler, quoique encore comme «descendu» et dans
l'humiliation ici-bas, et comme étant l'objet que la foi devait recevoir et
s'approprier. Une telle foi, c'était évident, ne trouvait pas de place dans le
coeur de l'homme, mais Dieu pouvait et voulait la donner dans sa souveraine
grâce. «Tout ce que le Père me donne viendra à moi; et je ne mettrai point
dehors celui qui vient à moi». C'est une chose humiliante pour nous et propre à
briser nos coeurs, de voir qu'en présence de la vie et de l'amour, incarnés
dans la personne du Fils de Dieu incarné, nul n'ait voulu venir à lui, nul
n'ait profité de sa mission, si ce n'est ceux que le Père lui avait donnés et
sur la venue desquels Il pouvait certainement compter. Dans chaque cas
individuel, la volonté de l'homme aurait été contre Christ, si le Père n'eût
pas résolu que quelques-uns lui seraient donnés, comme trophées de sa victoire
et comme sa récompense pour être descendu du ciel. Hélas! combien notre
indifférence pour un tel amour n'a-t-elle pas dû faire naître de soupirs, tels
que ceux que semblent exprimer les paroles de Jésus que nous examinons? Ne se
rend-il pas, en quelque sorte, compte à lui-même, de l'étonnante incrédulité de
l'homme? Après tout, semble-t-il dire, je ne pouvais compter que sur cela. Bien
ne peut toucher le coeur de pierre de l'homme, à moins que la grâce de mon Père
n'intervienne avec efficacité, mais sur cela je puis compter avec assurance.
«Tout ce que le Père m'a donné viendra à moi». Puis, voyez avec quelle
perfection il garde la place de serviteur qu'il avait prise. Si quelqu'un
maintenant vient à lui, c'est une preuve qu'il fait partie de ceux que le Père
lui a donnés, et par conséquent il déclare qu'il ne mettra pas dehors celui qui
vient. Tout coeur qui vient à Jésus est pour lui un signe évident, s'il en
était besoin, de l'oeuvre de grâce de son Père; et ainsi en recevant, sans
aucune allusion au passé, tous ceux qui viennent à lui, il ne fait qu'obéir à
la volonté de son Père. «Et je ne mettrai point dehors celui qui vient à
moi». Précieuses paroles! qui ont procuré une abondante consolation à plus
d'une âme abattue et désespérée; mais la valeur de ces paroles est grandement
rehaussée quand on considère que la venue d'un pécheur à Christ est l'effet,
non pas de la volonté inconstante de l'homme, mais de cette action du Père qui
amène à Jésus ceux qu'Il lui a donnés dans les conseils de son amour avant la
fondation du monde. Alors aussi, comme nous l'avons vu, la réception par le
Sauveur de quiconque vient à Lui est indépendante de toute autre considération
et n'est pas seulement le fruit de sa compassion pour le pécheur; mais, comme
serviteur de la volonté du Père, Il accepte, avec joie et obéissance, celui qui
lui est envoyé et amené par les attraits invisibles de l'amour du Père. Et
ainsi tout repose, non sur quelque bien imaginaire qui soit dans le pécheur,
mais sur le choix du Père et l'amour obéissant du Fils. «Car je suis descendu
du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé. Or
c'est ici la volonté du Père qui m'a envoyé, que je ne perde rien de tout ce
qu'il m'a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour». Comme ceci nous
montre bien qu'une oeuvre plus importante et plus élevée que celle de nourrir
de pain les pauvres d'Israël avait été confiée au Seigneur! Rien moins que de
ressusciter au dernier jour ceux que le Père lui avait donnés, sans en perdre
aucun! A qui d'autre qu'à toi, bien-aimé Sauveur, une telle tâche aurait-elle
pu être confiée?
Mais comme nous venons de le voir, en
montrant que sa mission réelle, quant à ses conséquences, ne dépendait
nullement de la volonté de l'homme, volonté déjà connue comme étant si perverse
qu'en toute occasion elle rejetait le Sauveur, on voit de plus ici que cette
mission aurait pour conséquence certaine la résurrection en bénédiction de tous
ceux que le Père lui avait donnés; et c'est une chose bien touchante de voir
avec quelle sollicitude il tient la porte largement ouverte pour quiconque est
disposé a entrer. Celui qui vient à Jésus ne peut pas encore se rendre compte
du changement de sa position, comme nous avons vu que le Seigneur en a rendu
compte; mais pour cela il n'en est pas moins le bienvenu et son salut final
n'en est pas moins certain ou moins infaillible.
Le grand scandale alors pour les Juifs,
c'était que Christ se donnait pour être descendu du ciel, comme, plus tard,
dans les jours de Paul, le scandale était pour eux la doctrine de Christ
crucifié, et cela précisément pour la même raison. Leur orgueil dédaignait
d'être redevable à quelqu'un de si humble, et ils étaient si contents
d'eux-mêmes qu'ils n'éprouvaient aucun besoin que quelqu'un descendît du ciel
et beaucoup moins encore que quelqu'un mourût sur une croix, afin d'être leur
Libérateur et leur Rédempteur. Ils ne pensaient pas que leur cas fût aussi
désespéré. Ils ne pouvaient pas nier leur assujettissement national à un joug
étranger, et un «grand prophète», qui aurait poussé le peuple à se serrer
autour du drapeau d'un grand capitaine, pour être par lui conduit à la victoire
sur leurs oppresseurs romains, un tel Messie eût été de leur goût. Mais un
homme simple, ordinaire, réputé être le fils d'un charpentier de Nazareth,
déclarant qu'il était descendu du ciel, se disant le pain de vie, s'engageant à
ressusciter au dernier jour ceux qui le suivaient — en d'autres termes,
l'humble Jésus, se présentant comme le Sauveur de leurs âmes et le donateur de
la vie éternelle, c'était là une délivrance et un libérateur dont ils
n'éprouvaient aucun besoin et pour lesquels ils n'avaient pas de goût. Ils
n'avaient pas de faim pour un tel pain, pas de soif pour un tel breuvage. «Les
Juifs donc murmuraient contre lui, parce qu'il avait dit: Je suis le pain
descendu du ciel. Et ils disaient: N'est-ce pas ici Jésus, le fils de Joseph,
duquel nous connaissons le père et la mère? Comment donc dit celui-ci: Je suis
descendu du ciel?» Ils pouvaient comprendre qu'une existence céleste,
antérieure à son existence comme homme sur la terre, était impliquée dans ce
langage du Seigneur et qu'il parlait ici de la gloire divine comme étant
sienne, bien qu'elle fût voilée dans son humble condition de Fils de l'homme.
Mais en opposition à cette déclaration du Seigneur au sujet de sa gloire
divine, les Juifs mettent en contraste ce qu'ils supposent être son origine, et
ils demandent: «Comment donc dit celui-ci: Je suis descendu du ciel?»
En réponse à tous ces raisonnements, le
Seigneur ne fait de nouveau que se retirer dans sa propre conscience de ce
qu'Il est. «Ne murmurez pas entre vous. Nul ne peut venir à moi à moins que le
Père qui m'a envoyé ne le tire; et moi, je le ressusciterai au dernier jour».
Nul n'a faim de ce pain de vie de manière à venir au Sauveur, sinon celui qui
est attiré à Lui par un besoin pressant, besoin qui n'existe qu'en ceux que le
Père attire. Les prophètes avaient déclaré que ceux qui doivent hériter des
bénédictions promises à Israël dans les derniers jours, «seront tous enseignés
de Dieu». Notre Seigneur cite ici cette déclaration et se console dans
l'assurance que: «Quiconque a entendu le Père et a appris de lui, vient à moi».
Tous ceux qui, en Israël, avaient intérieurement entendu la voix de Dieu, non
seulement venaient à Jésus, mais encore ils étaient transportés de joie en le
faisant. Prenez Nathanaël, par exemple (Jean
1: 49). Ce qui explique la venue du pécheur à
Christ, ce sont ces voies de Dieu envers l'âme de celui qui était sous le
figuier, ce sont ces découvertes humiliantes au sujet du moi et du péché,
découvertes qui conduisent à la confession sincère d'une ruine totale. Mais, comme
prévoyant le sens qu'on pourrait donnera ses paroles, le Seigneur ajoute: «Non
pas que quelqu'un ait vu le Père, sinon celui qui est de Dieu: celui-là a vu le
Père». Quels trésors renfermés dans ces quelques paroles! Quoique des âmes
puissent être enseignées de Dieu, attirées par le Père et par conséquent venues
à Christ, le Père, cependant, n'est pas immédiatement révélé de manière à être
vu. Il n'y avait pas d'incarnation du Père comme du Fils. Il habite une lumière
inaccessible dans une nature divine non manifestée. Le Père ne peut être vu que
dans le Fils qui s'est humilié et est descendu du ciel pour être un homme sur
la terre. «Non pas que quelqu'un ait vu le Père, sinon celui qui est de Dieu;
celui-là a vu le Père». Il y a une différence infinie entre ce Fils de l'homme
et tous les autres hommes sur la terre. Lui avait vu le Père. Dans les
profondeurs de cette éternité dans laquelle la Parole avait été «avec Dieu»,
dans laquelle la «vie éternelle» était «avec le Père, celui qui parle
humblement de lui-même, comme de «celui qui est de Dieu», celui-là avait vu, ce
qu'aucune créature ne peut voir, Il avait vu le Père. Quels insondables secrets
d'amour, de bénédictions et de gloire sont renfermés dans ces courtes et
simples paroles! O mon âme, avance-toi ici avec respect, car c'est une terre
sainte! Celui qui était ici-bas, Celui qui avait vu le Père était ici-bas pour
le faire connaître. C'est pour cela qu'Il s'était incarné et qu'Il est descendu
du ciel, autrement Il serait demeuré avec le Père loin de la vue des mortels et
des regards de la créature. «Personne ne vit jamais Dieu; le Fils unique qui
est au sein du Père, lui l'a fait connaître». Quel autre l'aurait pu? Comment
aurions-nous connu le Père autrement? Si Jésus n'était pas venu à nous, comment
la lumière de la grâce et de l'amour du Père aurait-elle pu rayonner dans nos
coeurs remplis de ténèbres et répandre son éclat sur notre marche vers ces
demeures d'en haut, desquelles Jésus dit plus loin: «Il y a plusieurs demeures
dans la maison de mon Père; s'il en était autrement je vous l'eusse dit; je
vais vous préparer une place». Quand nous serons là, avec notre adorable Jésus,
comme cela sera bien en rapport avec le témoignage de ce qu'Il avait connu et
dont Il avait joui de toute éternité! «Car tu m'as aimé avant la fondation du
monde».
Le Seigneur revient de ces profondeurs, et
avec une grâce parfaite, à la plus simple présentation de Lui-même comme pain
de vie. «En vérité, en vérité, je vous dis: Celui qui croit en moi a la vie
éternelle. Je suis le pain de vie». La manière dont le Sauveur est reçu est
bien simple. Comme un homme affamé, qui a du pain devant lui, ne fait pas de
questions et n'élève pas de difficultés, mais mange et vit, ainsi, pour une âme
affamée, qui a le Sauveur devant elle, la seule chose qu'elle ait à faire et
qu'on puisse lui demander, c'est de Le recevoir avec reconnaissance et
adoration. Mais où sont ces âmes affamées? Hélas! c'était le manque de goût
pour Christ et la confiance en eux-mêmes qui empêchaient ces Juifs aveuglés de
le recevoir. Précieux pain de vie, Jésus est certainement propre à nourrir, à
fortifier la vie divine dans l'homme, même si cette vie en est à son premier
commencement, au moment de sa communication à l'âme par la grâce! Mais sans
cette faim, qu'y a-t-il? La mort! Un cadavre n'a ni appétit, ni faim, ni soif!
de même une âme, qui n'a ni faim, ni soif, est morte dans ses péchés, morte
quant à Dieu. C'est la femme qui cherche son bonheur sur la terre, dont la
parole dit: «Celle qui vit dans le plaisir est morte en vivant» (1 Timothée 5:
6); mais il serait certainement aussi vrai de dire que celui qui vit ainsi est
mort aussi. Cher lecteur, si le plaisir, si le bien-être, si le monde, sous
n'importe quelle forme, est tout ce que nous désirons et cherchons, alors
qu'est-ce que le pain de vie peut être pour nous? Hélas! au lieu de l'estimer,
il nous paraîtra insipide et dégoûtant! Christ ne veut pas nous aider à
remporter le prix d'une course dans laquelle nous poursuivons le plaisir. Celui
qui a été fait inférieur aux anges, qui a été un ouvrier, un charpentier, connu
sur la terre, ainsi que les Juifs le désignaient avec mépris, comme «le fils de
Joseph, dont nous connaissons le père et la mère» — Celui-là n'est pas
quelqu'un en qui l'orgueil puisse trouver sa pâture! Et quant à ceux qui
recherchent le plaisir, que peuvent-ils trouver en Celui qui n'avait pas de
complaisance pour lui-même, et qui a dit: «car je suis descendu du ciel, non
pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé». Les faits
montrent assez clairement, qu'entre ce Jésus incarné et ceux qui l'entouraient,
il n'y avait pas une pensée, ou un sentiment ou un motif en commun; et
cependant, le Seigneur continue dans sa grâce à leur présenter toutes les
considérations propres à exciter en eux la faim et la soif et à réveiller des
désirs après Lui, le pain de vie. Ils avaient fait allusion à la manne et,
d'une manière couverte, à Moïse, comme en étant le donateur, afin de déprécier
Christ. Maintenant Il revient sur ce sujet, et appelle leur attention sur ce
contraste. «Vos pères ont mangé la manne au désert, et sont morts. C'est ici le
pain qui descend du ciel, afin que quelqu'un en mange et ne meure pas. Je suis
le pain vivant qui est descendu du ciel: si quelqu'un mange de ce pain il vivra
éternellement». Paroles merveilleuses! La manne était un témoignage de la
puissance et de la grâce de Dieu; ainsi qu'un vrai type de Christ lui-même;
mais elle n'a servi qu'à nourrir cette pauvre et misérable vie qui commence à
la naissance et finit à la mort; vie qui n'est qu'un rêve, «une vapeur qui
paraît pour un peu de temps et ensuite s'évanouit» (Jacques 4). Est-ce pour une
telle vie, pour la conservation d'une telle vie et des plaisirs passagers
qu'elle offre que les hommes s'agitent, se fatiguent, méprisent le ciel et
toutes ses gloires, négligent Christ et son grand salut? Oui. Il en était ainsi
dans les jours du Seigneur sur la terre; et il en est encore ainsi maintenant.
Oh! que les paroles du Seigneur (qui, grâces lui en soient rendues, sont
«esprit et vie») atteignent les coeurs de quelques-uns de ceux qui liront ces
pages; ces paroles dans lesquelles Il met en contraste tout ce qui concerne
cette pauvre et misérable vie avec cette existence sans fin, dans une paix et
une joie inexprimables, cette «vie éternelle» que reçoivent tous ceux qui Le
reçoivent. Ame affamée, ne peux-tu pas te nourrir de Jésus? Comme vous apaisez
votre faim naturelle par un aliment convenable, ne pouvez-vous pas trouver en
Jésus ce qui répond à tous vos besoins, ce qui peut satisfaire tous vos désirs?
Il s'agit ici d'une vie impérissable, éternelle; «vivre à jamais» et l'effet
que produit l'action de manger ce pain descendu du ciel. «Afin que quelqu'un en
mange et ne meure pas»; «si quelqu'un mange de ce pain, il vivra
éternellement». Le monde a-t-il quelque chose qui puisse être comparé à ceci?
Les plus beaux rêves de bonheur sur la terre, nourrissent-ils l'idée d'une
durée sans fin? C'est justement l'élément qui fait défaut et cela gâte tout le
reste. C'est une chose merveilleuse que Celui qui est là devant ces Juifs,
comme le plus pauvre et le plus humble des hommes, ait la pleine conscience
d'avoir une vie à communiquer, une vie que la mort ne peut atteindre et qui,
dans sa nature même, est éternelle. Il n'est plus ici-bas dans l'humiliation,
prononçant des paroles pleines de grâce comme celles-ci; mais Il n'a pas cessé
d'être le donateur de cette vie. Il est lui-même la plénitude de la vie qu'Il
donne. «Comme tu lui as donné autorité sur toute chair, afin qu'Il donne la vie
éternelle à tout ce que tu lui as donné».
Résumons un peu ce que nous avons examiné
jusqu'à présent. Nous avons ici le «Fils de l'homme»; participant réellement à
la chair et au sang, un homme conversant avec d'autres hommes qui l'ont suivi à
travers le lac. Nous avons ce Fils de l'homme seul scellé de Dieu le Père. Il
est aussi l'Envoyé; et la première chose pour celui qui veut plaire à Dieu,
c'est de croire en Celui qu'il a envoyé. Il a de plus une viande, une
nourriture à donner, laquelle dure jusqu'à la vie éternelle. Dans sa
conversation avec ceux dont notre chapitre parle, le mystère de sa personne est
déclaré, et bien des traits moraux de cette vie, dont Il est la parfaite
expression et qu'il communiquait ici-bas, sont exposés dans ces paroles ou
exprimés dans des manifestations pratiques. Il était du ciel, l'Incarné. Il
était le don du Père, caractère sous lequel Il prend plaisir à parler de
lui-même dans cet évangile. Il était le véritable pain — la seule et vraie
nourriture de la vie divine en l'homme. Quelle parfaite adaptation aux besoins
de l'homme dans ce pain descendu du ciel! C'est lui qui donne la vie, et lui
aussi qui donne ce qui la soutient. Mais, hélas! où est-elle cette vie, si non
là où elle est souverainement communiquée, après que tous l'ont traitée avec
mépris? «Ils avaient vu et n'avaient pas cru». Il y a une porte ouverte, celui
qui vient est reçu de la manière la plus cordiale; personne n'est renvoyé, et
quiconque vient n'a plus faim; celui qui croit n'a plus soif; mais, en se
voyant rejeté de tous, le Sauveur se consolait par cette assurance que tous
ceux que le Père lui avait donnés viendraient à lui. En les recevant avec joie,
en n'en repoussant aucun, on voit ainsi dans le Seigneur la perfection de son
obéissance au Père; car Il était descendu du ciel, non pour faire sa volonté,
mais celle du Père. Comme le coeur est humilié en contemplant une telle
obéissance! Celui qui pouvait parler de ressusciter les siens au dernier jour,
comme d'un acte d'obéissance aussi simple et aussi facile à exécuter que tout
autre acte accompli par lui sur la terre; celui qui parle ici comme étant
chargé d'opérer ce grand acte, ce qu'il fera certainement. «Or c'est ici la
volonté du Père… que je ne perde rien de tout ce qu'il m'a donné, mais que je
le ressuscite au dernier jour». Quelle sûreté, précieux Sauveur! que d'être
ainsi confié à tes soins! Et cette sûreté est la part de tous ceux qui le
voient et qui croient en Lui». Le dernier Adam est un esprit vivifiant».
Quoique ce soit de sa position de résurrection qu'il est parlé dans ce
passage, il y a une telle plénitude de vie dans sa personne, que celui
qui le contemple reçoit cette vie de Lui. Croire en Lui, c'est avoir la vie
éternelle. Les attraits du Père et ses enseignements secrets amèneront
certainement à Jésus ceux que son amour lui a donnés. Le Père lui-même, qui
n'est révélé que dans le Fils (celui qui est de Dieu), les amène au Fils par un
sentiment de besoins que le Fils seul peut satisfaire. Il est le pain de vie,
non d'une vie périssable, comme celle dont la manne était la nourriture au
désert, mais d'une vie éternelle. Quelles insondables merveilles dans ces
quelques versets! La grâce infinie, manifestée dans le fait de l'incarnation —
combien peu ces choses occupent nos coeurs légers et frivoles! Ensuite la
perfection de Jésus dans la position d'humiliation, où Il était descendu, — son
obéissance absolue, et la délicatesse de son service, service qu'il accomplit
dans la plus parfaite humilité! Il avait à parler aux Juifs de Lui-même, car
ils contestaient ses droits et le comparaient méchamment à Moïse et son miracle
à celui de la manne. Il répond comme sentant le blâme jeté sur son Père et non
sur lui-même: «Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel, mais mon Père vous
donne le véritable pain du ciel». Sauveur béni! veuille nous nourrir
continuellement par la foi en toi, en toute la perfection dans laquelle tu as
été manifesté sous l'oeil de Dieu, pendant ton séjour dans cette vallée de
larmes!
Mais des merveilles plus grandes encore
réclament notre attention. L'incarnation est une des merveilles, le mystère et
la gloire de l'Evangile. La croix est l'autre merveille. Les annales de
l'Eternité ne fournissent pas un autre miracle comparable à ceux-là. Il n'y a
rien eu de tel dans le passé; il n'y aura rien de tel dans l'avenir. La Parole
faite chair! le Saint fait péché! Et pourquoi? N'était-ce pas assez que Dieu
envoyât son Fils au monde, afin que nous eussions la vie par lui? Ah! si c'eût
été là tout, pas un pécheur de la race d'Adam ne se serait trouvé en haut pour
dire les louanges du Dieu Sauveur. Christ incarné n'aurait pas été le plus
profond mystère de l'amour, car il n'aurait montré qu'une chose, savoir, la
haine de l'homme contre Dieu et son état désespéré. Quand le Seigneur vint sur
la terre, il connaissait bien cet état de ruine; et il en avait la preuve
devant les yeux. Plus l'excellence intrinsèque et la perfection morale de Jésus
étaient manifestées, plus il devenait évident qu'entre lui et l'homme en chute,
il n'y avait aucune qualité morale en commun. Ce n'est pas ici une question de
degré, une course dans laquelle l'un est à une distance incommensurable de
l'autre. Non! c'est le contraste de l'espèce la plus absolue. Tout ce que les
hommes cherchent et estiment, Jésus le fuit et l'évite. Ils n'avaient aucun
goût pour tout ce en quoi son coeur trouvait ses délices. Les hommes cherchent
leur propre gloire, lui ne cherchait que celle de son Père. Les hommes font
leur propre volonté, lui n'a fait que celle de celui qui l'avait envoyé. Les
hommes aiment ceux qui leur ressemblent et qui les aiment; Lui a aimé ceux en
lesquels il n'y avait rien qu'il pût approuver, ceux qui le haïssaient et
avaient soif de son sang. Pensez à celui qui, pendant les trente-trois ans
qu'il passa sur la terre, ne fit jamais une seule chose pour s'épargner,
s'exalter, se servir lui-même, mais qui toujours a agi, pensé, parlé et senti
exactement comme Dieu le voulait! Que les yeux d'un homme soient ouverts, comme
ils le sont, quand ses oreilles ne sont pas fermées à la voix du Fils de Dieu —
que ses yeux ouverts contemplent cet Etre béni, tel que les récits de
l'Evangile nous le font connaître, quel en sera le résultat? «Malheur à moi»,
dira-t-il, car maintenant je suis sans espérance. J'ai fait de pénibles et
inutiles efforts afin d'obtenir la vie en gardant la loi; mais maintenant en
considérant ce tableau moral, chaque trait me convainc que je suis exactement
l'opposé. J'admire les voies de Jésus, je puis m'asseoir, le contempler et être
dans l'admiration; et si je pouvais lui être semblable! mais, hélas! chaque
tentative me convainc plus profondément que tout est inutile! Si Christ est ce
en quoi Dieu prend son plaisir (et Il l'est), alors Il ne peut jamais le
trouver en moi, car ses voies et les miennes sont plus éloignées que l'orient
ne l'est de l'occident. Misérable homme que je suis, que deviendrai-je?»
Que serions-nous devenus, en effet, si
Christ n'eût fait que glorifier son Père en descendant ici-bas et en y
séjournant comme un homme vivant. Mais ceci n'était pas tout; et lui-même nous
l'assure: «Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel: si quelqu'un mange
de ce pain, il vivra éternellement; or le pain que je donnerai, c'est ma chair,
laquelle je donnerai pour la vie du monde». Comme descendu, comme incarné, il
était le pain de Dieu, le don du Père — mais il y avait là le pain qu'il
voulait donner, savoir sa chair, qu'il voulait donner pour la vie du monde. Or
le don de sa chair, était l'abandon de sa vie, l'abandon de lui-même à la mort,
afin qu'il pût être, pour les hommes qui périssent, ce qu'est le pain pour un
misérable qui meurt de faim. Ce n'est que dans un Christ mort que les
pécheurs peuvent trouver ce qui répond à leur plus profond besoin. Mais ce
besoin peut être satisfait, car Dieu a été parfaitement glorifié au sujet du
péché. Convaincu par la vie de Jésus qu'il y a une opposition morale complète
entre lui et Christ, où le pécheur se tournera-t-il sinon vers la croix, où ce
même Sauveur donne sa chair afin que nous vivions? Son amour a-t-il été
jusque-là? oui. Rien ne pouvait satisfaire notre besoin en tant que coupables
et justifier Dieu en nous justifiant, sinon la mort, sous la colère de Dieu,
d'une victime expiatoire d'une valeur infinie; et l'amour de Jésus s'est trouvé
à la hauteur d'une telle circonstance et il a donné sa chair pour la vie du
monde. «Les Juifs disputaient entre eux et disaient: Comment celui-ci peut-il
nous donner sa chair à manger?» Le Seigneur ne répond pas à cette question
folle et charnelle; mais il répète et développe sa précédente déclaration. «En
vérité, en vérité, je vous dis que si vous ne mangez la chair du Fils de
l'homme et ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous-mêmes?»
Evidemment, car pour parler du sang et de la chair, de manière à pouvoir boire
l'un et manger l'autre, il faut que le sang ait été séparé par la mort. De
sorte qu'ici la mort de Christ est annoncée de la manière la plus claire, ainsi
que la nécessité absolue de cette mort pour chaque individu, et la nécessité
non moins absolue pour tout individu de la recevoir pour lui-même. «Si vous ne mangez
la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'avez
pas la vie en vous-mêmes. «Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la
vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour». Quel autre aurait pu
pourvoir aux besoins de nos âmes qui périssaient? Quelle autre vie aurait eu la
valeur expiatoire, la puissance salutaire, pour répondre, à la fois, aux
exigences de la gloire morale de Dieu, à toutes ses perfections, et à nos
profonds besoins comme pécheurs coupables, ruinés et sans espérance? Et
pourtant, c'est comme Fils de l'homme qu'il parle ici de Lui-même. Comment
aurait-il souffert la mort s'il ne fût devenu le Fils de l'homme? Ah! comme
ceci lie ensemble les mystères de Bethléhem et du Calvaire, l'incarnation et la
croix! Il vint pour mourir. «Maintenant en la consommation des siècles, il a
été manifesté une fois pour l'abolition du péché par le sacrifice de Lui-même».
C'est à cause de «la passion de la mort qu'il a été fait un peu moindre que les
anges». Et c'est par sa mort que nous vivons. Quoiqu'il eût la vie en lui-même,
quoique, par anticipation de son oeuvre expiatoire, Il ait, à toute époque,
communiqué la vie à de pauvres pécheurs, cependant ce n'était que sur le
fondement de cette oeuvre que la vie pouvait découler de sa personne, pour tous
ceux qui entendaient sa voix et croyaient à ses paroles pendant qu'il était sur
la terre; et l'aspersion réelle, effective, du sang de cette grande et parfaite
Victime expiatoire était la seule chose qui, pût ouvrir les écluses de la
miséricorde envers des pécheurs coupables, justement condamnés. Et maintenant
ces écluses sont largement ouvertes! Christ a complètement enlevé tous les
obstacles qui s'opposaient à notre salut; obstacles qui provenaient du
caractère de Dieu, de sa nature sainte, de la majesté de son trône et de la
fidélité de sa parole. «Le Seigneur juste aime la justice». Sans doute cette
perfection aurait pu être manifestée dans la perdition éternelle de toute une
race coupable; mais alors comment l'amour de Dieu se serait-il exercé? Où cet
amour a-t-il été manifesté comme à la croix? Où l'inexorable justice se
voit-elle avec plus d'éclat? Les flammes de l'enfer ne sont pas une
justification aussi glorieuse de ses justes droits que l'agonie de son Fils
sans défaut et sans tache. La sainte haine de Dieu contre le péché ne pouvait
se manifester d'une manière plus forte que par l'abandon de ce Fils, alors
qu'il buvait la coupe de la colère pour nous. Qui ne tremblerait devant ce Dieu
saint, qui, plutôt que de ternir son trône et de violer la parole sortie de ses
lèvres, et déclarant que le juste châtiment du péché, c'est la mort, — a livré
à la mort — et à la mort de la croix Celui qui avait été dans son sein de toute
éternité? Et ensuite pensons qu'il a volontairement donné sa vie! Par
l'obéissance à son Père et par amour pour nous, il a bu volontairement la coupe
de la colère, afin qu'en lui, le Crucifié, nous, pécheurs perdus, nous
trouvions tout ce dont nous avons besoin. Par sa mort, nous avons la vie; et
l'âme qui trouve sa faim apaisée et sa soif étanchée par ce que l'Ecriture dit
de Christ sur la croix, cette âme, non seulement possède la vie, la vie
éternelle, pleinement manifestée dans la résurrection de vie au dernier jour, —
mais elle a, en outre, dès maintenant, une nourriture et un breuvage parfaits,
et dont le Sauveur parle en disant: «Car ma chair est en vérité un aliment et
mon sang est en vérité un breuvage». En continuant à nous nourrir du Christ
incarné et mort, nous demeurons en lui et lui en nous. «Celui qui mange ma
chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui». Ce langage suppose
(quoiqu'il ne le mentionne pas) le fait que celui qui l'employait
ressusciterait. Ceux qui se nourrissent de Christ comme mort sont tellement
identifiés avec lui comme ressuscité, qu'ici, pour la première fois, l'Ecriture
parle de notre demeure en lui et de lui en nous. Demeurant en lui, nous
participons à tout ce qui est à lui; et par sa demeure en nous nous devenons
des vases pour la manifestation de ce qu'il est. Et ce n'est pas tout. La vie
de Christ comme Fils de l'homme était une vie d'entière dépendance du Père, et
la nôtre est une vie de dépendance de Christ lui-même. Mais l'une est présentée
comme le modèle de l'autre. Enseigne-nous, Seigneur Jésus! à vivre dans une
continuelle dépendance de Toi! Ici le Seigneur résume tout le sujet dont il
vient de parler: «C'est ici le pain qui est descendu du ciel, non pas comme vos
pères ont mangé la manne et sont morts: celui qui mangera ce pain vivra
éternellement».
La sphère, la patrie de cette vie
impérissable n'est pas la terre, mais le ciel. A tous égards cette vie était
une étrangère ici-bas. Elle a été parfaitement manifestée pendant les trente-trois
années du séjour du Fils de l'homme sur la terre; et, comme nous l'avons vu, ce
déploiement de la vie divine en l'homme est l'un des principaux sujets de cet
évangile. Mais celui en qui était la vie a été manifesté comme étant un
étranger dans ce monde. Partout cet évangile rend témoignage de cette vérité.
Dès l'entrée nous y trouvons ces paroles: «Et la lumière luit dans les
ténèbres; et les ténèbres ne l'ont point comprise». Un peu plus loin: «Il était
dans le monde, et le monde fut fait par lui: et le monde ne l'a pas connu».
Israël, son peuple, comme nous l'avons vu, n'avait pas de coeur pour Jésus. «Il
vint chez soi, et les siens ne l'ont point reçu».Ainsi rejeté par ceux au
milieu desquels il était venu, il ne cache pas d'où il venait. Il dit à Nicodème:
«Si je vous ai parlé des choses terrestres, et que vous ne croyiez pas, comment
croirez-vous si je vous parle des choses célestes?» Qui, comme lui, tout en
étant un homme sur la terre, faisait cependant du ciel sa demeure, était
compétent pour parler de ces choses qui lui étaient familières. «Et personne
n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel; le Fils de l'homme
qui est dans le ciel». Telles étaient les paroles de Jésus au rabbin juif; et
dans ce même chapitre (3), le Saint Esprit, par la plume de l'Evangéliste, se
plaît à rendre témoignage de lui, comme d'un céleste étranger ici-bas. «Celui
qui vient d'en haut est au-dessus de tous; celui qui est de la terre,
est de la terre, et parle comme étant de la terre. Celui qui vient du ciel est
au-dessus de tous. Et de ce qu'il a vu et entendu, de cela il rend témoignage,
et personne ne reçoit son témoignage». Notre propre chapitre témoigne aussi
admirablement qu'Il est venu du ciel. C'est là ce qui provoquait tant
l'opposition des Juifs, opposition qui devint si ouverte et si déclarée qu'elle
arracha, en quelque sorte, des lèvres du Sauveur cet exposé du contraste entre
leur origine et la sienne: «vous êtes d'en bas; moi, je suis d'en haut: vous
êtes de ce monde; moi, je ne suis pas de ce monde» (8). Non, il était un homme
réel, véritable; et grâces à Dieu, participant, avec les enfants, à la chair et
au sang; possédant aussi, comme il nous l'a déclaré, une vie qu'il voulait
donner en versant son sang, afin qu'il y eût un lien entre lui et tous ceux qui
reçoivent de Lui cette vie impérissable, mais tout cela ne pouvait pas le
constituer un naturel de ce monde, un citoyen de la terre. Christ était un
Etranger ici-bas; et quand plusieurs de ses disciples dirent: «Cette parole est
dure: qui peut l'ouïr?» Lui, connaissant leur pensée, répond: «Ceci vous
scandalise-t-il? Si donc vous voyez le Fils de l'homme monter où il était
auparavant?» Il donne ainsi, un peu obscurément, il est vrai, le premier indice
du troisième grand fait dont notre chapitre témoigne. Christ incarné est ainsi
descendu du ciel. — Christ mort — son sang répandu pour le péché des hommes; sa
chair et son sang devenant l'aliment et le breuvage convenables à une vie dont
le premier mouvement en nous est un sentiment de nos besoins comme pécheurs,
besoins qui ne trouvent leur réponse qu'en Christ. Enfin Christ monté,
impliquant nécessairement sa résurrection, mais impliquant beaucoup plus
encore. La vie éternelle qui était avec le Père avant que les mondes fussent —
la Parole éternelle, incréée, qui a tout créé, qui, au commencement, était avec
Dieu et était Dieu, — cette Parole était descendue et devenue, par ce fait de
profonde humiliation, «le Fils de l'homme». Il retournait maintenant dans cette
sphère de bénédiction sans mélange et de gloire excellente, d'où il était
descendu pour aller à l'étable de Bethléem et à la croix du Calvaire; mais il y
retournait comme «Fils de l'homme». Désormais il serait assis comme homme, sur
le trône de son Père; et du moment qu'il est assis là, le ciel devient la
demeure de tous ceux qui, mangeant sa chair et buvant son sang, participent à
sa vie. La terre devient pour eux un désert, un lieu d'exil, précisément comme
elle l'a été pour Christ tout le temps de sa vie: Il est notre vie; et ceci
nous associe nécessairement avec le ciel et tout ce qui se trouve dans cette
habitation de pureté et de joie. Si le péché a ouvert à l'homme le lieu de la
malédiction qui était préparé pour le diable et pour ses anges, et non pour
l'homme, la grâce lui a ouvert le ciel qui est aussi l'habitation spéciale, le
domicile arrêté de la demeure de Dieu. «Quant aux cieux, les cieux sont à
l'Eternel; mais il a donné la terre aux fils des hommes» (Psaumes 115). Ainsi
parlait le psalmiste; et, en vérité, c'était bien là le seul héritage que nous
pussions recevoir, même d'un Adam innocent. La terre lui fut donnée (Genèse 1);
mais quand son péché eut ouvert l'enfer à l'incrédulité et à l'impénitence
finales, la grâce ouvrit les cieux à tous ceux qui veulent y entrer, en vertu de
la Personne et de l'oeuvre expiatoire de Christ. Ce que le Seigneur ne donne
ici à entendre aux siens qu'obscurément est devenu depuis un fait accompli et
l'un des grands faits fondamentaux du Christianisme. Le Fils de l'homme est
monté où il était auparavant; sa requête a été entendue: «Et maintenant,
glorifie-moi, toi, Père, auprès de toi-même, de la gloire que j'avais auprès de
toi, avant que le monde fût». Et dans cette gloire, il ne veut pas être seul:
«Père, je veux, quant à ceux que tu m'as donnés, que là où je suis, ils y
soient aussi avec moi, afin qu'ils voient ma gloire, la gloire que tu m'as
donnée; car tu m'as aimé avant la fondation du monde». Le ciel est maintenant
la sphère et la demeure de cette vie éternelle qui a été si parfaitement manifestée
sur la terre dans la personne de celui dont il est dit: «en elle était la vie»,
vie que tous ceux qui croient possèdent aussi, quoique d'une manière indirecte.
«Ceci vous scandalise-t-il? Si donc vous voyez le Fils de l'homme monter où il
était auparavant?»
Il était réservé à une autre bouche et à
une autre plume qu'à celles du disciple bien-aimé de développer en détail ce
sujet. La position dans le ciel en Christ et avec Christ, donnée aux croyants
par la grâce qui règne par la justice, par notre Seigneur Jésus Christ: tel est
le grand sujet dont Paul s'occupe. La manifestation de la vie divine sur la
terre, parfaitement montrée en Christ, réellement en nous, quoique d'une
manière indirecte, voilà le sujet de l'Evangile et de l'Epître de Jean. Et c'est
de tous les sujets le plus vital, le plus essentiel, le plus fondamental. Mais
il est profondément intéressant de rencontrer des paroles du Seigneur telles
que les dernières que nous avons citées, ainsi que celles du chapitre 17: 24,
paroles à la lumière desquelles on peut comprendre que, si c'est Pierre, ou
Paul, ou Jean, qui sont les instruments pour la communication de la vérité, il
n'y a cependant qu'un seul grand cercle de vérité qui est révélé, et dont le
centre et la plénitude se trouvent dans la Personne, le sacrifice et
l'exaltation du Fils de Dieu et Fils de l'homme — Christ incarné — Christ mort
— Christ monté — un Christ parfait pour des pécheurs perdus!
Plusieurs de ceux qui avaient suivi le
Seigneur se retirèrent de lui après avoir entendu ce discours. Ceci ne le
surprit pas; mais il profite de l'occasion pour mettre à l'épreuve les coeurs
de ceux qui restaient avec lui. Jésus donc leur dit: «Et vous, voulez-vous
aussi vous en aller?» Il n'est pas étonnant que Pierre prenne la parole et réponde
pour tous; il ne se connaissait pas encore, comme il s'est connu plus tard, par
la grâce, lorsqu'il sortit et pleura amèrement. Néanmoins il y a dans ces
paroles une chaleur, une énergie et une décision que nous pouvons bien envier;
et quand nos coeurs sont mis à l'épreuve, cher lecteur, chrétien, qu'il nous
soit donné de répondre de la même manière: «Nous en aller. Seigneur! auprès de
qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle!» Puissent nos coeurs
repousser ainsi toute pensée qui ne vient pas du Christ de Dieu. «Auprès de qui
irions-nous?»Auprès de qui, en vérité? Oh! demeurons en Lui! Que notre coeur
s'attache à lui avec force et qu'il soit glorifié en chacun de nous pour
l'amour de son Nom!
En cette vie,
Comme Marie,
Demeurons bien près du Sauveur;
Dans le silence
De Sa présence
Chrétiens, goûtons le vrai bonheur!
Ah! sous ton aile,
Sauveur fidèle!
Notre coeur trouve un sûr rempart;
Rien n'épouvante,
Rien ne tourmente
Qui possède la bonne part.