La gloire dans la nuée

La colonne de nuée qui conduisait Israël à travers le désert était le serviteur et le compagnon du camp; mais elle était aussi le voile ou la couverture de la gloire. D'ordinaire, elle n'apparaissait à la vue d'Israël que comme une nuée, et la foi seule savait que la gloire y demeurait. Toutefois, la gloire était là, toujours, et parfois elle brillait au dehors.

Tel était ce beau mystère; tantôt une gloire cachée, tantôt une gloire manifestée. La nuée était le serviteur et le compagnon du camp, mais elle en était aussi, pour ainsi dire, le Dieu (*).

(*) La gloire dans la nuée était celle qui demeurait entre les chérubins, dans le lieu très saint, le sanctuaire ou la demeure de Jéhovah. La gloire qui servait le camp sous un voile était celle qui, sans usurpation, assumait tous les honneurs divins du temple.

Or, Jésus était tout cela, Dieu manifesté en chair, Dieu sous «la forme, d'un serviteur» habituellement, — et occasionnellement apparaissant dans son autorité divine, et toujours ayant droit à l'honneur du sanctuaire de Dieu.

Recherchons dans l'Ecriture quelques exemples de cette manifestation de la gloire.

Israël était en danger; il avait besoin d'un défenseur (Exode 14). La colonne de nuée change de place et se tient entre l'Egypte et le camp; alors la gloire perce la nuée et met le trouble dans l'armée des Egyptiens, en sorte que ceux-ci n'approchent pas du camp d'Israël toute la nuit. Et c'était là faire pour le camp le service de Dieu

Il en fut précisément ainsi de Jésus. Dans un cas analogue (Jean 18: 1- 11), Jésus agit exactement comme la nuée et la gloire sur les bords de la mer Rouge: il se plaça entre ses disciples et ceux qui les poursuivaient. «Si donc vous me cherchez, laissez aller ceux-ci» Il les protège; et puis, comme autrefois sur les frontières de l'Egypte, son regard perce le voile et met de nouveau l'ennemi en déroute; et tout cela, il le fait avec la même aisance, la même autorité, qu'au jour de Pharaon. Il ne fait, pour ainsi dire, que regarder encore une fois à travers le voile: il ne fait que se montrer, disant: «C'est moi», et les Egyptiens sont étendus par terre encore une fois (voyez Exode 14: 24, et Jean 18: 6). Peut-on refuser de voir le Dieu d'Israël en Jésus? «Vous, dieux, prosternez-vous tous devant lui». Il est le Dieu du Psaume 97: 7, et, cependant, Jésus (Hébreux 1: 6). Les dieux égyptiens se prosternèrent devant Lui à la mer Rouge, et les dieux romains dans le jardin de Gethsémané. Et, lorsqu'il sera introduit de nouveau comme «le premier-né» dans le monde, il sera dit: «Que tous les anges de Dieu l'adorent!»

Mais Israël devait être censuré, aussi bien que protégé, il devait être discipliné aussi bien que sauvé. La même gloire, cachée dans la nuée, fera cette oeuvre divine comme elle accomplit l'autre. Aux jours de la manne, aux jours des espions, dans l'affaire de Coré, et aux eaux de Meriba (Exode 16; Nombres 14; 16; 20), Israël provoque la sainteté de l'Eternel, et chaque fois le Seigneur le châtie. La gloire se montre dans la nuée, exprimant l'indignation; elle est, un témoin contre le camp.

Il en fut de même de Jésus en son jour. Lorsqu'il est attristé par leur incrédulité ou leur dureté de coeur, il montre sa gloire, sa divine personne et sa puissance au milieu des disciples, et ainsi, comme jadis dans le désert, il censure leurs voies (Marc 4: 37-41; 5: 39-43; 6: 36-51; Jean 14: 8-11).

Ici encore, assurément, le mystère de la gloire dans la nuée fut réalisé en Jésus, Dieu manifesté en chair. Cette nuée voilait la gloire, et était, à la fois, le serviteur et le Dieu d'Israël. La nuée était ce qui paraissait d'ordinaire; la gloire était occasionnellement manifestée; mais elle était toujours là, et dans le temple. Or, Jésus n'est-il pas dans tout cela?

Mais je voudrais considérer un peu plus particulièrement une occasion, où Jésus se présente à nous comme la gloire cachée, mentionnée plus haut. Elle se trouve au chapitre 14 de l'évangile de Jean. Dans la scène de séparation qui se passa sur le rivage, à Milet, nous voyons l'apôtre plein d'affection envers les saints, et fort aussi dans le sentiment de son intégrité (Actes des Apôtres 20). Mais aucune gloire n'apparaît là. Paul était un serviteur et un frère; il était un vaisseau dans la maison de Dieu. D'autres avaient été bénis par son moyen; mais il était néanmoins un compagnon, un frère, coopérateur, un serviteur, un apôtre, et pas davantage. Il n'y avait pas de voile à déchirer pour le faire paraître autre qu'on ne le voyait être. Il n'y avait point en lui de gloire cachée, rien à manifester quant à sa personne qui n'eût été manifesté.

Mais il y a un autre scène de départ, où ceci nous est présenté: je veux parler de la scène que retracent les chapitres 13 à 17 de l'évangile de Jean. Nous trouvons dans ces chapitres, comme en Paul sur le rivage de Milet, les témoignages de l'affection la plus dévouée: Jésus se ceint d'un linge; il verse de l'eau dans un bassin, et lave les pieds de ses disciples. Mais à côté de cela, remarquez la conscience qu'a le Sauveur de son autorité et de ce qu'il est Lui-même, de son ministère et de sa personne. Il sait qu'il est le «Seigneur et Maître», bien qu'il lave les pieds de ses disciples; il sait «qu'il était venu de Dieu et qu'il s'en allait à Dieu» (Jean 13).

Ici de nouveau la gloire est dans la nuée. Il est encore une fois le serviteur du camp; mais quand les voies ou les paroles d'Israël l'exigeront, il faudra qu'Israël encore une fois, pour être rappelé à Lui, regarde vers le désert (Exode 16: 10), et voie la gloire dans la nuée. Et pareillement aussitôt après (Jean 14: 1-3), le même Jésus sert les siens d'une autre manière. Il va leur préparer une place dans le ciel, comme il leur avait lavé les pieds sur la terre. Il reviendra aussi pour les prendre auprès de Lui là où il est, dans la maison du Père. Mais si les disciples, comme ceux qui formaient le camp de jadis, sont incrédules, la gloire brillera à travers la nuée pour les confondre, et Jésus leur dira: «Je suis depuis si longtemps avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe? Celui qui m'a vu a vu le Père; et comment dis-tu: montre-nous le Père?»

Ainsi, Jésus est la gloire enveloppée de la nuée. Cette vérité réjouit ceux qui le recherchent et prennent plaisir à poursuivre cette gloire dans toute sa splendeur, à cause de l'épaisseur du voile sous lequel, par une grâce sans mesure, il Lui plut de la cacher. Il était toujours le serviteur et le compagnon du camp, à quelque station de leur voyage que les siens se trouvassent. C'est là l'amour, — l'amour patient, et servant, connu d'ancienneté à Israël dans le désert; mais c'était l'amour de la gloire: et là est la joie pour nous, si nous avions seulement des coeurs pour la saisir. L'amour de Paul était un amour patient, qui servait; mais c'était l'amour d'un frère, d'un compagnon de service, d'un homme ayant les mêmes passions que nous; c'était le service d'un Moïse. L'amour de Jésus était l'amour de la gloire, l'amour du Dieu de gloire.

La gloire dans la nuée était le Dieu d'Israël (voyez Ezéchiel 43: 4; 44: 2). Le Dieu d'Israël était Jésus de Nazareth (Esaïe 6: 1; Jean 12: 41). Le Nazaréen était comme la nuée qui voilait une lumière, que la foi découvre, mais qui, dans sa propre plénitude, demeure inaccessible et hors de la portée de tout oeil de la créature.

J'ajouterai ici que c'est l'office de la foi, par l'Esprit habitant en nous, de découvrir la gloire cachée véritable, et de rejeter la gloire manifestée fausse. Combien vite Abram découvrit la gloire qui le visitait (Genèse 18: 3; comp. Actes des Apôtres 7: 2) ! De quelle manière admirable Abigaïl la reconnut en David, type de Christ (1 Samuel 25). Les mages la découvrent dans le petit enfant couché dans la crèche, après avoir passé à côté de toute la fausse gloire manifestée du monde autour d'Hérode à Jérusalem (Matthieu 2). Le vieux Siméon, lui aussi, la découvre dans le même enfant, dans le temple, et ne fait pas cas de toute la religion, de toute la gloire et la pompe qui remplissaient alors ce même lieu (Luc 2)! C'est la foi qui opérait ainsi, découvrant la gloire cachée tout le long de la vie de Jésus. Sous la forme du Galiléen méprisé, une fois le Fils de Dieu est reconnu; une autre fois, le Jéhovah d'Israël; une autre fois, le Créateur du monde; une autre fois, le Fils de David ou le Roi d'Israël. Toutes ces gloires étaient des gloires différentes de la même personne, cachées sous le même voile.

Combien était précieuse pour Christ cette foi qui déchirait le voile! Les mages, Siméon, Anne déchirèrent le voile de l'enfance; le brigand mourant déchira le voile de la croix. Dans Marc (chapitre 10), le Seigneur parle de sa plus profonde humiliation, mais dans ce moment même les fils de Zébédée parlent de son royaume et le désirent (verset 34); la multitude parle de «Jésus de Nazareth», mais l'aveugle mendiant, au même moment, parle du «Fils de David» et implore son secours (verset 47).

Combien est précieuse une foi pareille! Je me demande si, moi aussi, je déchire des voiles avec une puissance de foi comme celle-là. Est-ce que je vois de la gloire dans l'Eglise, encore? Non pas seulement doctrinalement dans la personne de Christ, mais réellement et d'une manière vivante dans les personnes de son peuple? Si je prends plaisir dans un membre de Christ que les hommes négligeraient et mépriseraient, et que je l'honore sous le voile de la dégradation du monde, je pratique cette belle oeuvre ancienne de la foi, qui est de déchirer les voiles.