Etudes sur l'Apocalypse (*)  -  Darby J.N.

(*) Cet article forme la Préface d'un volume de Pensées sur l'Apocalypse, maintenant sous presse, du même auteur que les Études sur la Parole et destiné à les compléter. (Editeur)

En communiquant ici le résultat de l'étude que j'ai faite du livre de l'Apocalypse, je reconnais pleinement que bien des parties de ce livre restent obscures; je m'appliquerai à exposer celles qui me paraissent claires, sans les affirmer à tous égards, comme je ferais, et comme tout chrétien devrait faire, au sujet d'une grande partie de l'enseignement de l'Ecriture.

J'ajoute immédiatement aussi que j'envisagerai toute la période déterminée, qui doit précéder l'apparition du Fils de l'homme dans les nuées du ciel, comme formant une seule demi-semaine et non pas deux. Ce point de vue ne change rien aux faits, ni aux personnages; les relations de détail, pour ce qui concerne les temps, et la portée de certains passages en sont seuls affectés. Un grand nombre de traités, qui se sont occupés du même sujet, prétendent que l'Apocalypse nous révèle les faits spéciaux de deux demi-semaines. Le lecteur pourra faire la comparaison des traités et du point de vue que je lui présente ici, et il acquerra ainsi, par l'étude du livre, une plus ample connaissance de la liaison des différentes parties qui le constituent.

A part le témoignage direct de l'amour de Dieu et du salut personnel, l'Ecriture, dans son ensemble, nous présente deux grands sujets, savoir le gouvernement de ce monde et l'Eglise. Celle-ci est maintenant, par le Saint Esprit, le vase et le dépositaire de la connaissance divine. Ceux qui en sont les membres sont les instruments de la diffusion de cette connaissance. L'Eglise n'enseigne pas. Les «apôtres et prophètes» d'abord; ensuite les docteurs et les évangélistes, chacun à sa place, — eux enseignent. L'Eglise reçoit, garde et professe la vérité. L'état de l'Eglise peut être tel que le maintien et la profession de la vérité se trouvent rejetés sur la fidélité individuelle; mais l'Eglise, dans son état normal, doit être «la colonne et le soutien de la vérité» (1 Timothée 3: 15).

L'Eglise appartient au ciel: sa part est d'être dans le ciel, maintenant, en esprit et, quand la plénitude des temps aura amené l'accomplissement des conseils de Dieu, d'être là, de fait, associée à Christ dans le gouvernement de la terre. Elle est proprement l'Epouse et le corps de Christ. Mais l'Eglise a aussi une existence extérieure et responsable sur la terre: elle devrait être une épître de Christ, connue et lue de tous les hommes (comp. 2 Corinthiens 3: 2, 3), et représenter ainsi le caractère de Dieu devant le monde. Sous ce rapport, elle est envisagée, dans l'Ecriture, comme une dispensation responsable dans le monde, la maison de Dieu, l'édifice de Dieu, où les hommes peuvent mal bâtir, quoique le fondement puisse avoir été bien posé. Christ édifiera sa propre oeuvre au travers de toutes les phases de l'existence de l'Eglise et aura l'Eglise, sa maison, illuminée de sa lumière et de sa gloire, parfaite dans la gloire. Aucune puissance de celui qui a l'empire de la mort ne peut prévaloir contre cette oeuvre sur la terre, ni contre son résultat dans le ciel; mais l'Église, en tant que confiée au service responsable de l'homme sur la terre, occupe la place d'une dispensation, pour être coupée et rejetée, si elle ne persévère pas dans sa fidélité et ne manifeste pas la gloire qui lui a été confiée. Il en est d'elle comme de tous les objets des voies de Dieu ici-bas. L'homme innocent, d'abord; ensuite les promesses; puis la loi, la sacrificature, la royauté judaïque dans l'obéissance avec la loi, la suprématie gentille sans loi aucune, — tout cela a été successivement confié aux hommes; et l'homme a toujours failli! Mais tout sera rétabli en grâce en Christ ou sous Christ, le second Adam, dont le premier n'était qu'une image; les promesses seront accomplies, la loi sera écrite dans le coeur, la sacrificature réalisée dans toute son excellence, la royauté juive exercée dans la personne du Fils de David et la suprématie sur les nations dans Celui qui s'élèvera pour dominer sur elles. L'Eglise pareillement, quoique ne faisant pas partie de cette chaîne des dispensations de Dieu sur la terre, est cependant, — comme sphère de l'administration de la gloire céleste de Christ par la fidélité de l'homme sur la terre, — comme la maison de Dieu par l'Esprit, — sujette à la même loi divine: responsabilité dans l'homme, chute, et puis accomplissement divin en grâce et en puissance. Ses assemblées (églises) locales, — les «chandeliers», — tombent sous la même loi: dans leur état normal, elles représentent localement l'état normal de l'Eglise, ce qui est manifesté du corps de Christ sur la terre; mais comme il en est pour l'Eglise dans son ensemble, elles aussi peuvent se corrompre de telle sorte qu'il faille que le chandelier soit ôté. Il y a cette différence entre ce qui a lieu pour l'Eglise et ce qui a lieu pour les églises locales, que la mise de côté du chandelier laisse l'assemblée en général subsistant sur la terre, tandis que lorsque la responsabilité de l'Assemblée tout entière prend fin, celle-ci cesse d'être, comme scène des voies de Dieu sur la terre. C'est pourquoi nous sommes sûrs que ce dernier fait ne pourra jamais s'accomplir avant que le temps, où celle qui est l'Epouse et le corps de Christ doit avoir le ciel pour demeure, ne soit venu aussi.

L'Apocalypse nous révèle Christ comme «Fils de Dieu» ou «Ancien des jours», avec son droit divin de Juge; elle porte nos regards sur le jugement de l'Assemblée et le jugement du monde, plus particulièrement sur celui de la dernière puissance apostate: si nous la lisons avec une autre pensée, nous ne la comprendrons jamais. Les communications de l'Apocalypse ont donc un caractère essentiellement prophétique. Elles ne nous occupent pas des relations directes du Père avec ses enfants, et des relations de Christ avec celle qui est son Epouse et son corps, bien que, à la fin du livre, l'Epouse soit mentionnée pour identifier la «ville» avec elle; les saints, sans doute, ont conscience de la grâce dans laquelle ils sont, comme aussi l'Eglise, à la fin, a conscience de sa relation avec Christ; mais, je le répète, ce n'est nullement de ces sujets-là que traite l'Apocalypse; tout au contraire. Ce livre est essentiellement prophétique, parce qu'il s'occupe de gouvernement et du monde; et l'Assemblée elle-même y est envisagée dans sa responsabilité sur la terre, sous le caractère dans lequel nous la voyons finalement rejetée, non pas assurément comme le corps de Christ, uni à son Chef dans le ciel, mais sur la terre comme Assemblée responsable.

Il est de la plus haute importance, non seulement, dans l'étude de l'Apocalypse, mais à l'égard de la vérité en général, de distinguer nettement les deux points de vue que nous venons de signaler; il est impossible autrement de jamais connaître l'Eglise. D'un autre côté, on ne peut avoir la connaissance de l'Eglise sans faire immédiatement la distinction dont nous parlons.

Tout ce qui concerne Christ, sauf la relation de Christ avec l'Eglise, se trouve déjà dans l'Ancien Testament; tout ce qui le concernait lui-même était manifesté, ouvertement révélé, mais l'Eglise ne pouvait pas l'être. Le principe essentiel de son existence renversait le mur mitoyen de clôture qui séparait le Juif des nations; le principe essentiel de l'existence d'Israël et de la loi maintenait et devait maintenir ce mur. La responsabilité du premier homme, sans cela, n'eût pas été complètement mise à l'épreuve. L'Eglise et notre relation avec Dieu reposent sur le fait que cette responsabilité a pris fin par la mort, et que le second homme, ressuscité d'entre les morts, a pris une toute nouvelle place, son oeuvre ayant été acceptée et lui-même, en conséquence, avant été accepté aussi et glorifié, — et nous en Lui et à cause de Lui. Notre responsabilité même, comme chrétiens, est d'une autre nature: nous sommes appelés à marcher comme Lui a marché (1 Jean 2: 6), non pas à nous élever à ce qu'Adam aurait dû être ou à ce que la loi exigeait, mais à manifester la vie de Jésus dans nos corps mortels, comme étant morts aux péché, au monde et à la loi, et vivants de cette vie qui descendit ici-bas dans la personne du Fils venu du ciel.

Je dois ajouter ici, cependant, qu'il ne faut pas chercher dans l'Ancien Testament la révélation du Père par le Fils qui demeure éternellement dans son sein: on y trouve bien, sans doute, la relation de fils, en sorte que la pensée de cette relation n'est pas étrangère à l'Ancien Testament, mais cette relation y est envisagée à un point de vue conventionnel (vrai aussi, je n'ai pas besoin de le dire) comme une relation formée sur la terre et dans le temps, mais non pas fondée sur la nature de la personne du Fils dans la Déité. Ainsi dans les passages du Psaume 2: «Je réciterai le décret de l'Eternel: Tu es mon Fils, je t'ai aujourd'hui engendré», et du second livre des Chroniques, chapitre 17: 13: «Moi, je Lui serai pour Père, et il me sera pour Fils», il s'agit d'une relation dans le temps sur la terre, des droits et du vrai et glorieux caractère du Messie. Il en est de même de ce que nous lisons ailleurs: «Je l'établirai premier-né et souverain des rois de la terre»; et: «Il sera élevé par-dessus Agag» (Psaumes 89: 27; Nombres 24: 7). Mais dans le Nouveau Testament, nous trouvons le Fils dans sa propre relation personnelle avec le Père: «Personne ne vit jamais DIEU (*) le Fils unique qui est au sein du Père, lui nous l'a fait connaître» (Jean 1: 18); il a fait connaître de même aussi, quand il était sur la terre, le nom du Père (Jean 17: 26); il était sorti d'auprès du Père (Jean 17: 8). Par lui, le Fils, Dieu a créé toutes choses, et Lui, le Fils, nous introduit dans cette relation d'enfants et de fils, par adoption, sans doute, mais en devenant, Lui, notre vie, en sorte qu'il n'est jamais dit, dans l'Ecriture, que la vie soit en nous, quoique nous avons la vie et que l'Ecriture dise que nous l'avons. «Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils; celui qui a le Fils a la vie; celui qui n'a pas le Fils de Dieu n'a pas la vie» (1 Jean 5: 12).

(*) Voyez 1 Jean 4: 12, l'inexprimable privilège du chrétien.

Ce caractère particulier de l'enseignement de Jean m'amène à examiner de plus près la nature et le caractère de l'Apocalypse. En effet, c'est Jean tout spécialement qui révèle le dernier point de vue dont je viens de parler, en même temps qu'il traite des vérités qui sont liées à notre salut, et particulièrement de la présence du Saint Esprit, et, dans son épître, de la propitiation. Dans l'Evangile, c'est le Fils qui est venu comme vie, la vie étant la lumière des hommes. Dans l'épître, cette vérité forme la base: la vie nous est communiquée et l'existence de la vie est démontrée par son vrai caractère, afin de nous garder des séducteurs.

Il est remarquable que, à part çà et là, quelques rares et courts passages nécessaires, pour compléter la vérité, Jean ne voit jamais la vie amenée jusqu'à son accomplissement final selon les conseils de Dieu, mais la vie manifestée dans ce monde, soit en Christ lui-même, soit en nous. Le fait que nous monterons dans la maison du Père, en haut, est clairement établi au commencement du chapitre 14, et désiré à la fin du chapitre 17; mais nulle part ce fait ne forme le sujet général. Paul, né comme un avorton en dehors du temps réglé, entre la première et la seconde venue de Christ, Paul qui ne connaissait Christ que dans la gloire céleste dans laquelle il était dans le ciel, l'homme glorifié par Dieu en conséquence de l'oeuvre qu'il avait accomplie, et qui n'était pas appelé à connaître Christ selon la chair, Paul, l'apôtre particulier de l'Assemblée, le ministre de l'Assemblée pour compléter la Parole de Dieu, lui qui fut converti par la révélation de la gloire céleste de Christ, d'un côté, et de l'union des saints avec Lui ainsi glorifié, d'un autre, Paul, dis-je, nous place, parfaitement acceptés, dans la gloire en Christ, et voit cette vie en Celui qui est ressuscité et glorifié, et en nous, crucifiés avec Lui, mais vivants toutefois. «Je ne vis plus, moi; mais Christ vit en moi» (Galates 2: 20). Mais Jean nous fait connaître la personne divine du Fils en vie (en grâce dans la chair; l'amour divin, et le Père, se manifestant) dans sa glorieuse supériorité sur le mal et, comme fait l'amour divin, s'adaptant aux besoins et aux souffrances qui l'entourent, — à toutes les nécessités du coeur de l'homme, — et étant cependant toujours lumière. Jean ne nous présente pas l'homme élevé au ciel, mais Dieu lui-même en grâce, le Fils révélant le Père, ici-bas sur la terre. L'évangile de Jean et la première épître du même apôtre, nous l'avons dit, révèlent cette vie en elle-même ou en nous; mais l'évangile (car l'épître nous parle de la vie entre le départ et le retour du Seigneur) nous fait entrevoir, à la fin (Jean 22: 22, 23), l'apôtre maintenant persévéramment un témoignage à la venue de Christ. Jésus n'avait pas dit que Jean ne dût pas mourir, mais: «Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe!» Paul pouvait édifier l'Eglise ou en poser le fondement comme un sage architecte; Pierre pouvait enseigner à un pèlerin comment il devait suivre Celui qui était ressuscité et qui l'avait réengendré ainsi pour une espérance vivante; il pouvait lui apprendre comment il devait suivre son Maître à travers le désert, dans lequel, après tout, Dieu gouvernait toujours; Paul et Pierre, et d'autres avec eux, pouvaient donner des avertissements au sujet de maux a venir; mais Jean, qui avait été si personnellement près de Christ, juif dans ses relations et rempli de celles-ci, mais de qui Dieu avait, en même temps, ouvert les yeux pour voir la gloire de Celui qui, en Lui-même, était élevé au-dessus de toute relation, si ce n'est avec le Père, et qui avait une place dans laquelle il pouvait être dans le sein du Père, et cependant marcher comme homme, avec le titre et dans la manifestation du Fils, sur la terre, ayant en même temps une place dans le coeur de son disciple, — Jean, que la grâce avait attaché à la personne de Christ et qui avait la vie en Lui, Jean, le disciple que Jésus aimait, lui pouvait veiller, avec la puissance de l'amour divin, sur les gloires déclinantes de l'Eglise sur la terre, avec l'énergie d'une vie qui ne pouvait pas défaillir en elle; il pouvait devancer les temps par la vision prophétique, pour établir, du ciel et de la part du ciel, les droits de la même personne, sur la terre, droits dont l'établissement devait amener la paix sur la terre et ôter le mal de la terre, et qui devaient avoir tout leur effet là où le prophète avait vu ces droits méprisés dans la personne de Celui qui était l'objet de tant d'amour de sa part, en tant que manifesté sur la terre. Jean pouvait ainsi lier l'excellence de Celui qui avait souffert et qui était maintenant glorifié, avec la bénédiction du monde délivré, que la grâce pouvait bénir par Lui, quoiqu'il l'eût autrefois rejeté. Les voies, par lesquelles Dieu accomplira ces choses, avec l'histoire antérieure de la chute de l'Eglise, forment le sujet de l'Apocalypse, avec la personne et la gloire (prophétiquement connues) de Christ, en connexion d'abord avec l'Assemblée responsable sur la terre, quoique, alors, judiciairement, — et ensuite avec la terre.