L'amour de Dieu – sa gratuité et son mobile

 «Si quelqu'un donnait tous les biens de sa maison pour cet amour, certainement on n'en tiendrait aucun compte» (Cantique des Cantiques 8: 7).

L'homme, entraîné par l'orgueil de son coeur insensé, se détourne constamment de la grâce qui lui est offerte en Jésus, et qui doit répondre aux besoins de pécheurs perdus et sans ressources, — pour regarder vers une loi ou une exigence à laquelle il puisse satisfaire, s'imaginant être ainsi rendu capable de se présenter devant Dieu dans de meilleures conditions; ou bien il rejette les richesses de la grâce et la rend inefficace pour répondre à ses besoins réels, s'efforçant ensuite de suppléer à cette inefficacité par son propre changement de conduite. Tandis que l'homme qui est enseigné de Dieu apprend à voir tout son dénûment (non pas seulement à le confesser des lèvres, mais à le reconnaître en faisant l'expérience de la faiblesse et de la méchanceté de son coeur); mais il apprend aussi à se détourner de lui-même vers la lumière de la grâce, qui est venue à lui dans son péché, et qui y a pleinement répondu selon la vérité de sa condition, quelque mauvaise qu'elle fût, par le secours réclamé en rapport avec le besoin désespéré de cette condition, c'est-à-dire, par Jésus, qui lui a été fait de la part de Dieu «sagesse, justice, sanctification et rédemption» (1 Corinthiens 1: 31).

Lorsque l'homme s'efforce sans cesse de rabaisser Dieu à sa propre mesure morale; de limiter la grandeur de ses dons par sa propre incrédulité, et d'obscurcir ainsi la gloire de sa grâce surabondante, — ce n'est pas simplement le résultat naturel, mais aussi la preuve de l'invariable perversité de son coeur. C'est cela, et cela seul, qui a poussé l'Eglise dans le monde, en rabaissant la mesure de l'obéissance au niveau des dispositions de ceux auxquels elle venait de se joindre. C'est en vain, que dans son orgueil, l'homme tenterait de prouver par la Parole de vérité, que ce n'est pas sur le seul mobile de l'amour que cette Parole compte, pour ramener à Dieu et diriger dans ses voies le pécheur corrompu et endurci.

Il ne peut y avoir d'union avec Dieu, soit en pensée soit en action, sinon par l'amour «Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour» (1 Jean 4: 8). Un service de contrainte n'est pas un service pour Dieu. Tout ce qui empêcherait les eaux vives, les fleuves rafraîchissants d'amour, de paix et de joie, de se répandre dans le coeur fatigué d'un pécheur qui craint Dieu, serait précisément ce qui mettrait obstacle à ce qu'il y eût du fruit, ce qui le laisserait tel qu'un sol stérile et ne produisant que des ronces et des épines comme auparavant.

Le mot de sanctification que l'on rencontre dans l'Ecriture, est un beau nom adopté par l'erreur, et qui a une telle apparence d'autorité dans ce qu'il exige, que bien des âmes en sont menées captives: elles sentent et connaissent leur esclavage mais elles sont incapables de se l'expliquer à elles-mêmes. «Si donc le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres» (Jean 8: 36), telle est la précieuse déclaration de notre Seigneur, et tout ce qui voudrait limiter l'amour que Jésus est venu manifester ne fait que maintenir les liens qui nous attachent à la terre, et nous tenir éloignés de l'heureuse et, par conséquent, libre obéissance d'un enfant. Qu'est-ce que la «sanctification», telle qu'on l'entend aujourd'hui, sinon la réunion de ce que Dieu a séparé avec tant de soin et tant de grâce: — le salut et ses saintes conséquences?

S'il y a dans les Ecritures une parole de vérité qui soit plus claire et plus positive que tout autre, dans la manière dont elle est formulée, c'est celle-ci: que la rédemption est exclusivement l'oeuvre du Seigneur Jésus Christ, et non l'oeuvre du Saint Esprit. Que la foi soit une oeuvre de l'Esprit, c'est une autre question. Comme un Sauveur, et un Sauveur parfait, qui a aboli le péché par le sacrifice de lui-même, Jésus dit: «Regardez à MOI et soyez sauvés». «Et comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu'il ait la vie éternelle» (Jean 3: 14, 15). Si ce qu'on appelle généralement du nom de sanctification (c'est-à-dire la croissance progressive en sainteté) est nécessaire au salut, on pourrait demander avec raison quelle mesure de sanctification serait donc suffisante. L'homme qui connaît Dieu sait aussi qu'il doit être parfait comme Dieu est parfait, sinon ni Dieu ni lui-même ne peuvent être satisfaits. Mais non seulement on dépouille ainsi la croix de Jésus de sa puissance, et on rend son sang inefficace; mais comme résultat (on voit ici comme en toute chose que la sagesse a été justifiée par ses enfants), on n'a plus qu'une Eglise malheureuse et stérile qui sait à peine si elle est sauvée ou si elle ne l'est pas, qui se connaît elle-même suffisamment pour savoir qu'elle n'atteint pas à la gloire de Dieu, et qui, par conséquent, pour avoir la paix (en regardant à la sanctification et non à Christ), est forcée de réduire la règle de l'obéissance, et de rabaisser le caractère de Dieu, afin de pouvoir, d'une manière ou d'une autre, s'élever jusque-là, et trouver, ainsi quelque satisfaction en elle-même. C'est ainsi que l'incrédulité s'efforce avec adresse de tordre la simplicité de la parole de Dieu, pour en exprimer quelque chose qui nous impose un fardeau, lorsque Dieu, dans son amour, a cherché à l'ôter de dessus nous. Ceux qui se chargent eux-mêmes de cette manière, ou qui sont enseignés par un autre évangile que celui d'un amour parfait et sans condition, ont à courir, quoique liés de chaînes, et tandis que des nuages de doute et de crainte viennent obscurcir l'éclat du prix pour lequel ils combattent, dans l'incertitude où ils sont si Dieu voudra le leur accorder. Mais ainsi parle le Seigneur: «Qui croit au Fils a la vie éternelle» (Jean 3: 36).

La Parole tout entière, dans le témoignage qu'elle rend au Seigneur Jésus, nous le montre manifestant Dieu comme Sauveur; et c'est par la foi en cette vérité que le coeur troublé du pécheur reçoit une paix qu'il ne peut trouver nulle part ailleurs. On voit le Dieu que l'on craignait devenant, dans son amour pour le pécheur, le Sauveur du pécheur, et la conséquence en est que l'on a confiance en Dieu; car si Dieu devient le Sauveur, qui peut mettre en doute la perfection du salut? Cette perfection est la sécurité de l'âme, et la foi en ce salut, comme parfait et complet, donne la paix et même une paix immédiate. — C'est sous ce caractère que l'Evangile (qui signifie «bonne nouvelle», l'expression de l'amour de Dieu envers les pécheurs) fut reçu, lorsque pour la première fois on y crut dans le monde. «Crois au Seigneur Jésus Christ, et tu seras sauvé» (Actes des Apôtres 16), telle fut la réponse de l'Esprit au geôlier tremblant, et celui-ci se réjouit en Dieu.

La conclusion à laquelle, par conséquent, arrive et doit arriver l'homme qui tremble à la Parole de Dieu, c'est que le salut est entièrement indépendant de ce que nous avons été, ou de ce que nous sommes, ou du degré de sanctification auquel nous sommes parvenus. Le simple fait que «Dieu a constaté son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous» (Romains 5), prouve que l'incrédulité seule peut empêcher le pécheur, quel qu'il soit, d'avoir part aux riches bénédictions que Dieu a en réserve pour lui. Qu'est-ce que le péché, sinon l'éloignement de Dieu, et la désobéissance à Celui qui a montré, par le don de son Fils, à ceux-là mêmes qui étaient ainsi éloignés de lui et en révolte ouverte contre lui, que, malgré le péché régnant pour la mort, sa grâce pouvait régner en victoire par-dessus tout péché?

Dans la mort du Seigneur Jésus Christ, nous apprenons ce que Dieu est pour les pécheurs, comme pécheurs. «Sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission de péché» (Hébreux 9: 22). Les gages du péché, c'est la mort: la mort fut par conséquent le partage de Jésus, comme étant fait péché pour nous.

C'est le sang seul de Jésus qui purifie de tout péché (1 Jean 1); — c'est par le sang seul de Jésus que nous avons une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints (Hébreux 10); c'est par le sang seul de Jésus qui, par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même sans tache à Dieu, que nos consciences sont purifiées des oeuvres mortes pour servir le Dieu vivant (Hébreux 9).

Voilà donc notre sûr et unique asile: — le sang du saint Agneau. Si l'Esprit rend témoignage au pécheur, c'est afin de lui montrer la croix comme étant son salut; il est vrai qu'au pécheur sauvé il révèle une autre gloire, une gloire bien plus excellente, dans la face de Celui qui a été crucifié, comme il lui révèle aussi la gloire de l'héritage (Jean 17); mais quant à la communication de la paix à la conscience, quant à la délivrance de la crainte de la mort et de la colère de Dieu, le témoignage est un et invariable: «Jésus a été livré pour nos offenses et il est ressuscité pour notre justification» (Romains 4). L'homme qui croit cela est sauvé. Quel que soit le degré de faveur manifeste de Dieu auquel il parvienne, c'est à cette parole qu'il doit recourir pour son salut et pour sa paix: — «Personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui est posé, lequel est Jésus Christ» (1 Corinthiens 3: 11).

Et ce n'est pas seulement un pardon accordé sous la condition d'une future obéissance. — Hélas! où serait alors la joie pour ceux qui savent combien leur service est entravé par la pesante servitude d'un corps de péché, et combien la chair convoite contre l'Esprit; qui savent que toute leur obéissance, entravée ainsi, n'est aux yeux de Dieu que celle d'un serviteur inutile (or assurément l'inutilité ne peut être un titre pour le ciel)? L'homme, s'il le pouvait, corromprait la riche et merveilleuse grâce de Dieu; constamment il cherche à échapper à la plénitude de la bénédiction d'être sauvé entièrement par grâce, et cela parce qu'il ne sait pas que Dieu qui n'a pas épargné son Fils, mais l'a livré pour nous, veut nous donner gratuitement toutes choses avec lui (Romains 8: 32). Que dit le Seigneur? «Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus» (Romains 8: 1). Etant un avec Celui qui est mort une fois au péché, et sur qui la mort n'a plus de puissance, le croyant est appelé à se considérer comme réellement mort au péché, mais comme vivant à Dieu, sachant que son vieil homme a été crucifié avec Christ, qu'il a été baptisé pour sa mort et ressuscité avec lui en nouveauté de vie; qu'il est mort, et par conséquent, quitte du péché (Romains 6). C'est par la connaissance de la vraie position de liberté dans laquelle il est placé devant Dieu, comme un avec Christ, là où Christ est assis à la droite de Dieu, que le croyant est rendu capable de triompher du péché dans la lutte qu'il a à soutenir contre lui tous les jours et à toute heure. Ce n'est que par la foi dans la parfaite victoire de Jésus sur tout ce qui était contre l'homme, que nous aussi nous pouvons être vainqueurs.

La liberté de l'esprit heureux, demeurant dans l'amour du Père, est la seule puissance, par laquelle nous soyons capables de servir Celui qui est amour; et c'est là-dessus qu'est basé tout l'enseignement de notre Seigneur. Par la puissance de ce nom, le «Père», Christ nous affranchit de toute servitude, et nous délivre de tout autre maître, — de l'homme, de la chair,du monde, du diable, et de tous les anxieux soucis de nos coeurs craintifs et incertains, — pour nous placer dans la joie et par là dans l'énergie de l'Esprit, par lequel seul nous pouvons servir en nouveauté de vie; ne nous inquiétant de rien, ne nous préoccupant pas du lendemain, ayant l'oeil simple quant à son objet, le coeur simple dans sa soumission et dans son service; n'ayant pas d'autre maître que Christ, pas d'autre but que sa gloire, jouissant d'une communion habituelle avec le Père et avec son Fils Jésus Christ, étant conduits par l'Esprit de Dieu («là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté», 2 Corinthiens 3: 17), demeurant en Christ, et possédant, par cela même, sa paix et sa joie.

Jésus est venu révéler le Père. Il ne parlait pas de lui-même; il était le serviteur du Père. Le Saint Esprit est le serviteur de Jésus ressuscité, et il parle de Jésus et non de lui-même. Soit qu'il s'agisse de la première introduction dans le bercail par la vivification de cet Esprit, ou de la puissance subséquente et progressive sur le monde, la chair et le diable, le témoignage est le même: «la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Jésus Christ» (2 Corinthiens 4: 6). «Contemplant, à face découverte, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés dans la même image, de gloire en gloire» (2 Corinthiens 3: 18). Quelque importante que soit l'oeuvre, l'objet de la foi est le même que pour le plus faible croyant: — c'est Jésus; ce n'est pas ce que l'Esprit opère dans le coeur de celui qui croit.

Il faut que le coeur aime avant de pouvoir servir Dieu avec bonheur; il faut connaître la pensée et la volonté de Dieu, avant de pouvoir le servir fidèlement; mais on ne peut aimer Dieu qu'en sachant comment son amour a été manifesté: c'est-à-dire en Jésus; on ne peut vraiment le servir, qu'en connaissant Celui qui le servit fidèlement et parfaitement dans ce même monde. Tout cela est le témoignage de l'Esprit; mais c'est à Jésus, à Celui qui a manifesté l'amour qui gagne le coeur, — Jésus le fidèle serviteur, c'est à Lui que l'Esprit rend témoignage.

C'est une chose merveilleuse de voir comment Dieu sait amener un pauvre homme orgueilleux et se recherchant lui-même, à se réjouir en ce qui est entièrement opposé à toute affection de la chair. Et avec quelle grâce et quelle tendresse Dieu le fait! Dieu ne dit pas: «abandonne le monde; renonce à toi-même; crucifie la chair; deviens humble» (ce serait en effet difficile, bien que ce fût juste, et nous savons tous quels sont ceux qui se sont figuré que Dieu avait parlé ainsi, et qui se sont imposé toutes sortes de pénitences volontaires et d'austérités monacales; cependant, avec tout cela, le monde était toujours aimé, et le seul objet que l'on cherchât à exalter, c'était le moi). Dieu nous parle avec douceur, il nous dit quelle est la grandeur de son amour au milieu de notre éloignement et de notre rébellion; il nous dit qu'il nous aime, malgré nos coeurs mondains et orgueilleux et notre conduite égoïste et méprisable, et Dieu nous gagne par son amour. Le témoignage de Jésus est l'histoire de l'amour de Dieu; il est la preuve de cet amour envers l'homme pécheur, l'homme impie, orgueilleux, mondain; il nous fait voir que le péché n'était pas une barrière qui pût arrêter l'amour de Dieu, qu'il l'a renversée, et que maintenant il peut se répandre sans obstacle dans le coeur du pécheur.

Celui qui croit ces choses, et qui, par conséquent, les reçoit, doit répondre à cet amour par de l'amour; et alors il connaîtra certainement que Dieu ne nous demande rien, pour prouver que nous l'aimons, qui ne nous assure une paix et une joie toujours croissantes. Ce qu'il faut au pécheur, c'est la grâce, car elle seule peut former un lien entre lui et Dieu, et où se trouve la grâce, si ce n'est en Jésus abaissé, navré, crucifié? C'est en Jésus que Dieu est descendu jusqu'au pécheur, et que se trouve, pour celui-ci, le marchepied pour revenir à Dieu; c'est en Jésus que la main de Dieu s'est étendue vers nous dans notre misère, pour nous élever jusqu'à Lui et nous serrer contre son coeur. En vérité, il ne peut y avoir de vrai service pour Dieu, que celui qui dérive de la douce contrainte de l'amour. L'obéissance dans le ciel est l'obéissance de l'amour, car, là, il n'y a que de l'amour; là, il n'y a qu'une seule volonté, — et l'obéissance à cette volonté forme l'unité et l'harmonie du ciel. Les conséquences de la propre volonté sont assez visibles autour de nous dans les flots de misère qui couvrent ce monde révolté! La puissance qui règne dans le ciel, atteignant, par la présence de l'Esprit, le coeur du pécheur plein de propre volonté, est aussi celle qui soumet ce coeur et qui, lorsqu'elle y domine, lui donne la joie du ciel, le délivrant de tous ses maîtres iniques et violents, pour le placer sous un seul maître qui est amour, car Dieu est amour.

Ainsi plus cet amour sera connu et répandu dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous est donné, plus nous serons étreints pour cet heureux service, car nous jugerons que «si un est mort pour tous, tous aussi sont morts, et qu'il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux» (2 Corinthiens 5: 15).

Où trouverons-nous la force pour chaque jour, si ce n'est en tenant les yeux fixés sur l'amour et la gloire, qui ne sont vus que chez le serviteur juste du Père, Celui qui servit à la fois et le Père et nous? Chacun des pas de Jésus que nous suivrons ainsi nous découvrira les profondeurs de cette grâce, qui nous a donné la paix et nous a assuré la gloire éternelle. Et c'est cela même que le Saint Esprit grave, jour après jour, toujours plus profondément dans le coeur soumis du croyant, lui montrant son Seigneur, Celui «qui était au commencement, qui était auprès de Dieu, qui était Dieu, mais qui fut manifesté en chair et habita au milieu de nous…» (Jean 1); mettant en relief le mal qui entoura Jésus depuis le moment de sa naissance, et faisant ainsi ressortir l'amour infatigable qui ne pouvait être surmonté par ce mal, mais qui brillait avec d'autant plus d'éclat, et manifestait d'autant plus toute son intensité, que l'homme le méprisait davantage et le foulait aux pieds; amour qui toutefois poursuivait son chemin, dans sa force propre, afin d'achever cette oeuvre qui seule pouvait répondre aux besoins du pécheur. Ce n'est pas la croix seulement; c'est le caractère du mal dont la puissance accablait l'Agneau de Dieu; c'est cette compassion, dont rien ne pouvait triompher et dont les rayons se reflétaient sur les ténèbres qui l'environnaient et qui auraient voulu l'étouffer; — c'est la patience avec laquelle Jésus endurait chaque jour la contradiction des pécheurs contre lui-même, même jusqu'à cet instant où la disposition de son coeur à bénir se montrait dans le pardon, par lequel il répond immédiatement à celui qui l'avait outragé pendant les plus terribles souffrances sur la croix (comp. Matthieu 27: 44 avec Luc 23: 43); — voilà ce qui montre la grandeur de l'amour, amour qui a existé à jamais, qui a préparé la victime (et cette victime était le Fils unique de Dieu qui est amour!), et qui l'a donnée à ceux et pour ceux qui méprisaient et le Donateur et le Don (*)!

(*) Ce n'est pas, comme le supposent quelques-uns, que la nécessité du sacrifice de Jésus soit amoindrie par l'assertion mise en avant ici, que Dieu nous a aimés quand nous étions des pécheurs, et que le sacrifice n'a été que la preuve de cet amour. Non;- mais comme rien autre que la complète annulation de toute charge, la purification de tout péché, ne pouvait ramener le pécheur à Dieu, et lui donner en même temps la liberté pour entrer dans les lieux saints, c'était cependant un amour antérieur, inépuisable et ayant sa source en lui-même, qui s'exprimait envers le pécheur qu'il aimait, de la manière même dont celui-ci en avait besoin, lui donnant ce qui devait pleinement satisfaire à sa misère. Dieu a aimé le pécheur, c'est pourquoi il a trouvé pour lui le sacrifice qu'il lui fallait. Dieu a tant aimé le pécheur qu'il n'a pas épargné son Fils bien-aimé, mais l'a livré pour être la victime du sacrifice.

Celui qui trouve son plaisir à suivre les traces de Jésus dans se monde de douleurs, verra, à chaque pas, la sainteté, la gloire morale et l'amour du Dieu invisible se manifester devant lui sous une forme qu'il peut saisir. On apprend à connaître Dieu en Jésus, dans tous les précieux détails de son amour si imposant et pourtant si humble; amour qui pouvait descendre et qui descendit en effet jusqu'au plus bas de la honte et du mépris, pour approprier ses douces consolations à la misère de son objet; qui vint dans un monde de péché et de souffrance, non pas pour être servi, mais pour servir; pour être le plus pauvre et le plus humble de tous; pour s'associer aux plus misérables et aux plus méprisés d'entre les hommes — le lépreux, le publicain, la Samaritaine, exposant son dos à ceux qui le frappaient et ses joues à ceux qui lui tiraient le poil, «apprenant l'obéissance par les choses qu'il a souffertes»; prenant une part dans nos souffrances, afin que, étant rendu parfait dans sa leçon d'amour, il pût être un Intercesseur en faveur de ceux dont il était devenu le compagnon de douleurs. C'est la faiblesse de Jésus, c'est sa pauvreté, ce sont à la fois les profondeurs soit de pauvreté d'esprit soit de circonstances extérieures,qui nous font voir jusqu'où peut aller son amour, et ce que cet amour a voulu faire pour la bénédiction de ce qui en était l'objet; — qui nous montrent Dieu.

C'est sur le fondement du salut de l'âme, salut présent et accompli par le sang de Jésus, que le croyant est placé pour aborder la question pratique de suivre Christ, étant maintenant délivré, par sa grâce gratuite, et disposé à le servir dans l'amour, n'ayant plus qu'un seul but, celui de manifester la louange du Seigneur dans un monde qui l'a rejeté et qui le rejette encore. Il n'y aura rien de singulier à confesser le nom de Jésus dans le ciel; personne n'aura honte de lui ou de ses paroles là; il y sera pleinement glorifié et rendu admirable. Mais c'est ici-bas, dans ce présent siècle mauvais, au milieu d'une génération tortue et perverse, que le pécheur, mis à part par le sang de l'Agneau pour toutes bénédictions, est appelé à se mettre en avant et à déclarer comment Jésus «s'est donné lui-même pour nous, afin qu'il nous rachetât de toute iniquité, et qu'il purifiât pour lui-même un peuple acquis, zélé pour les bonnes oeuvres» (Tite 2: 14).