Quelques remarques pratiques sur le culte et le ministère

En écrivant ces lignes, mon but est de faire part à mes frères de quelques remarques sur le culte et le ministère de la Parole, dans l'assemblée. Ces deux choses, si intimement liées, ont cependant chacune un caractère distinct, comme aussi sa place et son but particuliers. Cette différence n'est pas toujours comprise et, par conséquent, elle est peu réalisée; cependant, il importe qu'à ce sujet nous ne soyons pas sans intelligence, car, dans les choses de Dieu, il faut de l'intelligence et de la spiritualité.

Le culte donc, étant la reconnaissance de la perfection de l'oeuvre de Christ, se rapporte à l'état de perdition dans lequel se trouve l'adorateur. Non que cet heureux état vienne de lui, mais de son union avec Christ, dont l'oeuvre parfaite produit ce divin et précieux résultat.

Le ministère, au contraire, bien qu'on puisse l'envisager comme une preuve de l'affection de Christ pour l'Eglise, se rapporte à un état de besoins, qu'il est appelé à satisfaire. Cet état, par conséquent, est un état d'imperfection. Cette distinction est importante dans une réunion de culte, car en ne la faisant pas, on risque d'en changer le caractère, et il importe de le maintenir.

Pour bon nombre de chrétiens, l'idée de rendre culte à Dieu se résume dans le fait d'écouter une prédication ou de faire une lecture de la parole de Dieu au sein de sa famille; on appelle cela: le culte de famille. Ces locutions sont vicieuses, car elles font perdre la notion vraie du culte de Dieu, d'autant que le culte, dans la Parole, donne l'idée d'un acte non individuel, mais collectif; d'un acte accompli au delà du voile, dans le ciel. C'est dans le culte, en effet, que les vrais adorateurs s'approchent de Dieu, en vertu du sang de Christ; ce qui démontre, par cela même, la pleine suffisance de ce sang pour la justification du pécheur devant Dieu, en sorte que celui qui s'approche le fait non seulement dans la conscience qu'il est parfaitement justifié, mais encore, qu'il est personnellement admis dans la sainte et glorieuse présence de Dieu. Cela nous fait comprendre que, envisagé au point de vue de l'oeuvre que Christ a parfaitement accomplie, l'état de celui qui s'approche ne laisse rien à désirer. S'il en était autrement, ce ne serait pas au delà du voile que le culte des adorateurs pourrait être offert, mais ce serait en deçà.

Cette position en deçà du voile caractérisait essentiellement le culte Israélite, tout comme celle du culte chrétien est caractérisée par des mots: «au delà du voile». Cette différence, tout immense qu'elle soit, peut être facilement comprise, car pendant que le premier tabernacle était debout, «le chemin des lieux saints n'était pas encore manifesté» — la conscience de l'adorateur n'était pas parfaite; — le voile, qui séparait le lieu saint du lieu très saint, n'était pas encore déchiré, car ce n'est qu'à la mort de Christ qu'il l'a été.

Tout cela n'existe plus pour le vrai adorateur chrétien, selon cette parole de l'Ecriture: «par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité, ceux qui sont sanctifiés». Ils sont donc présentés à Dieu selon la valeur (valeur éternelle!) de l'offrande du Fils de Dieu.

La conscience du croyant est, conséquemment, une conscience parfaite, laquelle n'a absolument rien à juger au delà du voile; autrement l'oeuvre qui nous sauve à toujours ne serait pas une oeuvre parfaite. Ceci fera peut-être comprendre, que ce n'est pas dans le culte que nous devons nous juger, mais avant: il faut savoir laisser son offrande à l'autel avant que de prétendre rendre son culte, à Dieu, si l'on ne s'est pas jugé.

Deux choses sont le fondement de la paix et de la confiance des adorateurs, au delà du voile: 1° Christ a aboli le péché par le sacrifice de lui-même; 2° Il est assis à la droite de la majesté dans les hauts lieux. Or, en prenant place dans la gloire (Jean 17: 5), Christ y a aussi introduit les siens: ils sont assis dans les lieux célestes en Lui. Telle est la position du vrai adorateur. En rendant culte, il entre, en esprit, dans cette position glorieuse et bénie! — Là, il est manifesté sans péché car il y entre selon la perfection de Christ lui-même; c'est ainsi que Dieu le voit.

Tout est donc joie et paix au delà du voile, pour l'adorateur, car il entre dans la joie même du Fils devant le Père; c'est maintenant le degré le plus élevé de bénédiction. Aussi, l'adorateur, tant soit peu spirituel, éprouvera que rien dans le culte, ne saurait ajouter à la jouissance au bonheur que son âme goûte dans cette position exceptionnelle. Pour autant qu'il m'a été accordé d'entrer dans cette jouissance, j'ai été pleinement convaincu, que l'on se trompe, si, par la méditation d'une portion de la Parole, on croit pouvoir ajouter à la bénédiction que l'âme ressent en rendant, avec intelligence, son culte à Dieu. Non pas que je veuille dire d'une manière absolue, qu'une méditation ne puisse, en certains cas, être utile à quelque enfant de Dieu non affranchi, lequel n'entre pas dans la réalisation des privilèges qu'embrasse la foi. Combien, hélas! n'y a-t-il pas de frères et de soeurs qui sortiraient mécontents d'une réunion de culte, s'ils n'avaient entendu, ne fût-ce que quelques paroles de méditation de la parole de Dieu. Une telle disposition montre simplement, qu'ils ne savent pas encore quelle est la nature et le caractère du culte que nous devons rendre, à Dieu notre Père. Sans doute, l'Esprit saint condescend aux besoins des faibles et ils peuvent recevoir du bien d'une méditation; mais dès que le ministère de la Parole est exercé, le caractère du rassemblement n'est plus le même: on quitte la position d'adorateur pour prendre celle d'auditeur. Cette différence peut paraître sans importance et, cependant, il ne faut pas être bien haut placé, spirituellement parlant, pour s'apercevoir que l'on sort du sanctuaire, dès le moment où la méditation commence: on écoute l'homme et l'on a cessé de parler à Dieu! (*)

(*) Voir article "Réponses à des correspondants" page 260 [pagination de l’orioginal].

Le culte est l'acte le plus élevé que le chrétien accomplisse, — c'est l'acte qui le rapproche le plus de Dieu; car comme quelqu'un en a fait la remarque: quand les anciens se prosternent devant Dieu, ils sont plus près de Lui que quand ils sont sur leurs trônes (Apocalypse 4). Il est vrai que, dans le culte, la mesure de bénédiction, dont l'âme jouira, sera toujours relative au degré d'intimité réalisée dans sa relation avec Dieu. En parlant ainsi d'une manière individuelle, je n'ai pas l'intention de faire oublier que le culte est un acte collectif, car ce n'est plus moi, mais c'est nous! — c'est l'assemblée qui rend culte, non quelques individus dans l'assemblée, bien qu'il soit vrai que tous n'adorent pas dans la même mesure d'intelligence spirituelle et de foi. L'Esprit saint prend acte, si j'ose ainsi dire, du but qui réunit les frères, afin de répandre en tous la bénédiction, pour que chacun d'eux en jouisse, selon sa capacité spirituelle; de là vient que plus on est spirituel et près de Dieu, plus aussi il y a de jouissance pour le coeur. Mais, ici, l'adorateur peut tomber dans un piège, s'il ne veille pas: son coeur a la tendance de rechercher de la jouissance pour lui-même et non celle de Dieu, — il ne faut pas flairer le parfum que nous offrons à Dieu notre Père; c'est à Lui (et non pas à nous) qu'il doit s'élever en bonne odeur; c'est Lui et Lui seul qui doit en avoir toute la satisfaction.

L'assemblée se réunit le premier jour de la semaine pour rompre le pain; c'est là ce qui donne à un tel rassemblement un caractère collectif; il ne s'agit donc pas que je me préoccupe de savoir si mon voisin est plus spirituel ou plus près de Dieu que moi, car nous ne sommes pas deux, mais un seul. La Cène du Seigneur est même l'expression de cette unité, «car est-il, écrit, nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous sommes tous participants d'un seul pain». Ce point est important, il peut nous aider à saisir plusieurs choses relatives à l'état d'une assemblée, qui parfois sont comme une énigme, si l'on n'y est pas exercé. Par exemple, il peut se faire qu'en nous rendant au culte, nous soyons, personnellement, heureux dans le Seigneur, puis étant réunis, nous nous trouvons tout à coup très malheureux. A quoi cela tient-il? Voilà souvent ce qui est une énigme, mais on en aura aisément la clef, si l'on tient compte de ceci: que l'Esprit de Dieu agissant dans l'assemblée, considérée comme corps, tous les membres de ce corps étant un, s'il y a dans l'assemblée, ou dans l'un de ceux qui en font partie, quelque interdit, ou quelque mal non jugé, l'Esprit étant contristé, chacun en éprouve du malaise, — de la souffrance. Dans ce cas, si l'on est spirituel, on luttera par la prière et par la foi à l'efficace du sang de Christ, afin que ce par quoi l'Esprit est contristé soit jugé et que la bénédiction soit ainsi ramenée dans l'assemblée. A ce sujet, on peut citer la parole de Jacques: «la fervente supplication du juste peut beaucoup». Quelle grâce, quel privilège nous est accordé de pouvoir par nos prières amener la bénédiction dans une assemblée en souffrance!

Encore une remarque concernant le culte. Dans le culte, notre corbeille est remplie: nous adorons Dieu, nous louons, nous exaltons Jésus, son Fils unique, notre Sauveur, nous lui rendons grâces pour son insondable amour; nous nous réjouissons devant Dieu de tout le bien qu'Il nous a fait. Dans l'expression de tels sentiments, l'Esprit est souverain, Il emploie ceux qu'Il veut; mais il ne faut pas confondre ce genre d'action avec le ministère proprement dit, car, dans le ciel, ce ministère n'est pas exercé, et, je le répète, c'est là que le culte a lieu dans sa perfection. Au delà du voile, un besoin se fait sentir: l'adoration! Par le ministère, au contraire, c'est Dieu qui parle à l'homme.

En lisant Ephésiens 4: 10-13, on est édifié sur le but du ministère de la Parole; on comprend qu'il est, effectivement, en rapport avec un état d'imperfection; le verset 13 le montre pleinement: «jusqu'à ce que nous parvenions tous à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'hommes faits, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ». — Puis encore: «afin que tous apprennent et que tous soient exhortés» (1 Corinthiens 14: 31). Tel est le moyen précieux que le Saint Esprit emploie pour faire croître en Christ quiconque a cru en Lui. Soit donc que tel frère enseigne, exhorte ou évangélise, le but est l'édification du corps de Christ, dont toutes les parties, liées ensemble par les jointures de fournissement, croissent d'un accroissement de Dieu: on marche ainsi vers la perfection. Celui qui rend culte (c'est peut-être un enfant en Christ nouvellement né) le fait en conséquence d'un tout autre principe. Par la foi, il est uni à Christ dans le ciel, et ce petit enfant, dont «les péchés sont pardonnés» (qui a beaucoup à apprendre évidemment), est admis dans la sainte présence de Dieu, aussi bien que les «pères», en vertu de la perfection propre de Christ; car en Christ il est parfait. Ainsi, «petits enfants, jeunes gens et pères», — tous ont, par le sang de Jésus Christ, le même privilège, savoir: «pleine liberté d'entrer au delà du voile», où Jésus lui-même est entré. Ce n'est pas un degré de connaissance plus ou moins élevé, qui donne ce droit et cette liberté: c'est le précieux sang du Christ! Evidemment, c'est une grande bénédiction que d'être bien instruit sur tout ce qui a rapport à la personne de Christ et à l'oeuvre parfaite par laquelle Il nous introduit devant Dieu; mais il ne faut pas perdre de vue que c'est par son précieux sang que l'on entre dans le sanctuaire céleste.

L'Ecriture montre donc, que le ministère de la Parole s'exerce, non dans le ciel, mais sur la terre, et que le culte, au contraire, s'accomplit non sur la terre, mais dans le ciel. Quiconque agit de la part du Seigneur, dans une réunion de culte, doit avoir égard à cette distinction, sinon on s'en ressentira dans la bénédiction qu'on pourrait retirer de son action. N'arrive-t-il pas que l'on agit trop souvent comme du dehors? qu'on parle à Dieu comme si on était encore en deçà du voile? Cela n'explique-t-il pas pourquoi souvent, c'est quand le moment est venu de se retirer, qu'on se sentirait le plus disposé à rendre culte? On a peut-être employé beaucoup de temps à chercher la face du Seigneur — à se placer devant Lui; les prières offertes, les actions de grâces rendues n'ont peut-être pas dépassé ce niveau moral: souvent, hélas! ceux qui agissent l'atteignent à peine, et quant à la connaissance, on ne s'élève guère au-dessus des premiers principes du christianisme. On ne saurait donc trop tenir compte du fait béni que, dans le culte, c'est dans la présence de Dieu même, qu'on se trouve, non pour se juger (cela doit avoir lieu avant de se réunir), mais pour se réjouir de la joie que Dieu Lui-même goûte par notre présence devant Lui. On peut, dans cette heureuse position et dans la communion de Celui qui a versé son sang pour nous, parler à Dieu face à face. Glorieux privilège! Un autre effet de la grâce est, que l'Esprit de Dieu agit toujours dans le sens d'élever le coeur et la pensée de l'adorateur, afin que les sentiments de reconnaissance et d'amour qu'il exprime, soit mentalement, soit de vive voix, soient en harmonie avec la position qu'il occupe actuellement, dans la présence de Dieu. Le culte est l'accomplissement d'un acte élevé, spirituel; aussi, pour le réaliser, une certaine élévation d'âme, de sentiments est nécessaire. Que Dieu lui-même, dans sa miséricorde, donne un ton vrai à notre culte, afin qu'Il en jouisse comme d'une chose qui lui est agréable par notre Seigneur Jésus Christ, auquel soit gloire et bénédiction dans l'Église, aux siècles des siècles. Amen!