Les souffrances de Christ (*) - Darby J.N.

 (*) Le traducteur s'est permis d'indiquer les passages dans le texte et d'ajouter quelques cotations dans deux notes. Cette brochure est en traduction et paraîtra, Dieu voulant, bientôt à Vevey.

Il vient de paraître, en anglais, une seconde édition de divers articles sur ce sujet, publiés précédemment dans une revue mensuelle. L'auteur, M. J-N. D., les a fait précéder d'une Introduction remarquable, d'où nous extrayons le fragment qu'on va lire.

Je crois et je maintiens pleinement et simplement la doctrine de l'expiation, comme la comprend tout vrai chrétien: — le Seigneur s'offrant lui-même sans tache à Dieu et étant obéissant jusqu'à la mort, étant fait péché pour nous, et portant nos péchés en son corps sur le bois, glorifiant Dieu par le sacrifice de lui-même, se substituant à nous et buvant la coupe de la colère. Quoique personne ne puisse sonder jusqu'au fond ces mystères d'amour, je crois que ce que j'ai affirmé et enseigné et ce que j'enseigne tend à rendre l'expiation plus claire. Je veux parler de l'importance de ne pas confondre les souffrances de Christ qui ne viennent pas de la colère divine avec le seul fait de boire la coupe, quand Il fut abandonné de Dieu. C'est ce que je vois soigneusement exprimé au Psaume 22. Au milieu des cruelles souffrances, dont le Seigneur, en Esprit, y parle prophétiquement, Il dit, par deux fois: «Toi donc, Eternel, ne t'éloigne pas de moi». Cependant (et c'est ici la profondeur insondable du psaume), dans les souffrances de son âme, Il était abandonné de Dieu. Aucune autre souffrance, quelque profonde et réelle qu'elle fût, ne peut être comparée à celle-là. Mais le Saint Esprit fait ici une distinction, afin de faire ressortir de la manière la plus claire ce qu'est cette merveilleuse coupe, seule au milieu de tout le reste. Cela donne aux autres souffrances plus de vérité et de réalité pour le coeur, et la coupe bue (ce par quoi les nouveaux cieux et la nouvelle terre subsistent dans une immuable justice devant Dieu, et ce par quoi nous sommes rendus agréables dans le Bien-aimé) a une vérité et une réalité que rien autre ne peut donner. Mêler avec cette coupe, quant à leur caractère, les autres souffrances qui l'accompagnaient, c'est affaiblir et détruire la nature de l'une et des autres. Nous venons à l'expiation avec le sentiment de nos péchés et le besoin du pardon; une fois réconciliés avec Dieu, nous voyons toute la gloire de Dieu manifestée pour toujours en elle. J'ajoute que, quant à ce qui concerne la relations de Christ avec Dieu, je n'ai d'autres vues que celle que je suppose être la foi commune de tous les chrétiens, savoir qu'Il est son Fils bien-aimé en qui Dieu a pris tout son bon plaisir, que comme homme vivant ici-bas, toute l'affection de Dieu reposait sur Lui. Quoique jamais plus agréable dans son obéissance que sur la croix, là il fut agréable comme supportant l'abandon de Dieu, pour la gloire de Dieu; ce qui, naturellement, était un cas tout spécial.

Mais on a élevé deux objections sur ce que j'ai enseigné là-dessus et je vais m'en occuper. L'une a trait à un certain changement qui eut lieu dans la position de notre Seigneur, alors qu'il fut abandonné de Dieu et qu'Il se livra entre les mains des hommes pour accomplir les conseils et la gloire de Dieu et faire propitiation pour nos péchés. Là-dessus le Nouveau Testament est aussi clair que possible. Nous lisons: «Personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue» (Jean 7: 30). Jésus dit lui-même à sa mère: «Qu'y a-t-il entre moi et toi, femme? Mon heure n'est pas encore venue» (Jean 2: 4). Il annonça à ses disciples qu'il fallait que le Fils de l'homme souffrît beaucoup et qu'il fût rejeté, des anciens, et des principaux sacrificateurs, et des scribes… et qu'il fût livré entre les mains des hommes (Marc 8: 31; 9: 31). Tant que son heure n'était pas venue, quelle que fût l'inimitié des méchants, cela ne pouvait pas arriver. Aussi dit-il à ses disciples: «Quand je vous ai envoyés sans bourse, sans sac et sans sandales, avez-vous manqué de quelque chose? Et ils dirent: De rien. Alors il leur dit: Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne… car je vous dis, qu'il faut encore que ceci qui est écrit soit accompli en moi: Et il a été compté parmi les iniques; car les choses qui me concernent vont avoir leur fin» Luc 22: 35-37), Et encore: «Lorsque j'étais tous les jours avec vous dans le temple, vous n'avez pas étendu votre main contre moi pour me saisir, mais c'est ici votre heure et le pouvoir des ténèbres» (Luc 22: 53). Or, bien que servant à amener l'oeuvre de l'expiation, le fait de livrer le Fils de l'homme entre les mains des hommes n'était pas l'expiation. L'heure des sacrificateurs et des scribes était l'heure de la puissance des ténèbres. Avant cela, lorsque les gens de Nazareth veulent le précipiter du bord escarpé de la montagne, Jésus Christ, passant au milieu d'eux, se retira (Luc 4: 29). Sans aucun doute, Il se livra lui-même. C'est cette face du merveilleux tableau qui nous est donnée par Jean, lorsqu'il nous montre toute la compagnie de ceux qui venaient pour le saisir reculant et tombant par terre, et qu'il nous rapporte ces paroles ineffablement précieuses du Seigneur: «Si c'est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci» (Jean 18: 6, 8). Mais jusqu'à ce moment, dans l'accomplissement des conseils de Dieu, il y avait une main qui retenait la volonté ou la force du peuple. Maintenant, le Fils de l'homme devait être livré entre les mains des hommes. Ce n'était pas le moment même de l'expiation, quoique ce fût le chemin qui y conduisait; mais c'était l'heure des hommes méchants et de la puissance des ténèbres. Y avait-il de la sympathie? Pour qui? Nier un changement dans la position du Seigneur et dans les voies de Dieu avec Lui comme homme sur la terre, — je ne dis pas et ne pense pas: dans ses relations avec Dieu, — c'est mépriser et braver l'Écriture. Il ne s'agissait pas d'expiation, il ne s'agissait pas de sympathie, mais de souffrance, pour le Fils béni de Dieu alors qu'Il allait être livré entre les mains des hommes, dont c'était alors l'heure, comme instruments de la puissance des ténèbres, heure qui n'était pas auparavant. Mais il y avait là une complication de douleurs. Le Christ allait à la rencontre de l'indignation et de la colère. Il ne buvait pas encore la coupe. Il n'était pas encore frappé, mais Il allait en avant vers tout cela, abandonné à ce qui en était l'instrument, pressé que ce fût bientôt accompli (Luc 12: 50), Il était dans l'heure qui signifiait tout cela et qui signifiait tout cela pour son âme. Cette heure avait ses douleurs propres, mais l'âme du Seigneur était troublée — Il prie d'abord, demandant d'être délivré, de cette heure prochaine, mais il s'y soumet comme à l'heure pour laquelle Il était venu dans ce monde (Jean 12: 27); puis Il désire avec ardeur que la chose arrive promptement; ensuite son âme est saisie de tristesse jusqu'à la mort, parce que, alors qu'il allait être livré entre les mains des hommes, Il allait au-devant de l'indignation et de la colère. Ce qui, dans ce moment, rendait ses souffrances si profondes, c'est qu'Il savait qu'il allait rencontrer l'indignation et la colère. La méchanceté de l'homme était sans coeur et sans conscience, mais elle conduisait pas à pas à la croix, à la coupe qu'Il devait boire. Comme Fils de l'homme il était alors livré ou sur le point d'être livré entre les mains des hommes, rejeté des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, les conducteurs d'Israël. L'ombre de mort, projetée par la croix, était non seulement vue d'avance dans les rayons de la faveur et du service de Dieu, mais elle passait sur son âme, quoiqu'Il ne bût pas encore la coupe. C'est ce qu'il nous dit lui-même. En cela Il ne sympathisait pas avec d'autres. Il attendait de la sympathie de la part des autres et demandait à ses disciples de veiller avec lui. Il ne buvait pas alors la coupe, mais, je le répète, Il rencontrait la colère et l'indignation. C'est ce qui donnait au fait d'être livré entre les mains des hommes sa force et sa tristesse de mort. Il apprit l'obéissance par les choses qu'il souffrit et, dans les jours de sa chair, il offrit, avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort (Hébreux 5: 7, 8).

Il est deux points accessoires sur lesquels on a insisté: la connexion du Seigneur avec Israël, et la manière pleinement satisfaisante dont Il a résolu la question du bien et du mal, en sorte que la délivrance fût absolue et éternelle. Je ne sais si, dans le traité, ces deux points sont entremêlés de façon à pouvoir produire quelque confusion dans l'esprit du lecteur. Le dernier est beaucoup plus profond et demande plus d'intelligence spirituelle que le premier, qui se rattache — non pas à ce qui est absolu et essentiel, ou bien éternel et parfait, et à l'abolition du mal pleinement jugé dans les voies et dans l'oeuvre de Christ, — mais au gouvernement de Dieu sur la terre, dont Israël est le centre. C'est Dieu qui a fait d'Israël ce centre, comme Deutéronome 32 le dit formellement; et Il a appelé l'Eglise a être le témoin de la souveraine grâce qui l'associe à Christ dans la gloire céleste, — cependant — dès l'instant qu'il fit d'Israël son peuple, Il n'a jamais apporté de changements à ses conseils ni à ses décrets envers ce peuple. Ennemis par rapport à l'Evangile, les Israélites sont toujours bien-aimés à cause des pères; car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir. Mais Dieu a toujours commencé en plaçant les hommes sous une responsabilité, et quand ils y ont manqué, Il accomplit, ou plutôt Il accomplira ses conseils en grâce.

Mais relativement aux Israélites, l'épreuve a été double (comme au reste, dans un certain sens, il en est de tous): leur fidélité à Jéhovah, et leur réception du Messie, de Celui qui venait au nom de Jéhovah, et qui est Jéhovah lui-même, mais Jéhovah venu en grâce. La première épreuve était la controverse relative aux idoles, développée dans Esaïe 40 à 48, où des consolations, avec Christ lui-même, leur sont promises, mais où le sujet est l'idolâtrie, Babylone et Cyrus, tout en annonçant une délivrance finale pour les justes. Je n'insiste pas davantage sur ce point. L'autre épreuve était la venue du Messie, de Jéhovah lui-même en grâce, comme pierre de touche; c'est là le sujet des chapitres 49 à 57, s'étendant jusqu'à la délivrance finale des justes, tout en se reliant avec le rejet de Christ et en introduisant l'expiation, spécialement ici pour la nation, quoiqu'elle embrasse tout croyant. Cette question, je n'ai pas besoin de le dire, a trouvé sa solution dans l'histoire du Christ, les résultats futurs pour Israël demeurant encore une affaire d'espérance et de prophétie, — et de la prophétie même de Christ en Matthieu 23 et 24. Christ est mort pour cette nation qui, sans cela, eût été frustrée de sa bénédiction future. Or, il importe de remarquer que ce qui est promis à Israël ne s'accomplit que pour le résidu. Les espérances sont les espérances d'Israël. C'est la bénédiction d'Israël; mais si Dieu n'eût pas laissé un très petit reste, Israël eût été comme Sodome (Esaïe 1: 9). Ce résidu, — la troisième partie, — passera par le feu, par la terrible tribulation, telle qu'il n'y en avait jamais eu de pareille, quoiqu'il doive,dans une grande mesure, être caché et protégé par Jéhovah. Toutefois, il passera par le feu (Zacharie 13: 9; Malachie 3: 2, 3; Esaïe 26: 20, 21 avec ce qui précède). De nombreux passages pourraient encore être cités sur ce point. La partie prophétique du Nouveau Testament le confirme, dans l'Apocalypse et dans la prophétie du Seigneur en Matthieu: ce sujet est encore soigneusement exposé dans Romains 9-11, pour concilier la certitude des promesses avec la doctrine de l'apôtre: il n'y a point de différence. Quelle part le Christ a-t-il pris à ces souffrances, en esprit? Que le péché qu'ils ont commis en rejetant Jésus Christ ait été la cause immédiate de leur propre réjection, c'est ce qui est évident (Esaïe 1; Zacharie 13 et 14, et la propre prophétie du Seigneur en Matthieu 23; Luc 19: 42, 44). Qu'il soit mort pour la nation, Jean (11: 51, 52) l'affirme, comme l'avait déjà fait Esaïe (53). Qu'il ait pleuré sur Jérusalem, lui le vrai Jéhovah qui, souvent, aurait voulu rassembler ses enfants; c'est ce que nous savons aussi (Luc 13: 33-35; 19: 41). Que ce soit en Israël que Dieu doive être glorifié sur la terre, c'est ce que déclare très explicitement Esaïe 49, tout en montrant que le Christ a senti péniblement cette conséquence de sa réjection, en disant: «J'ai travaillé en vain; j'ai usé ma force pour néant et sans fruit»; quoique, en réponse à ses plaintes, Il doive nécessairement recevoir une beaucoup plus grande gloire, comme résultat de son oeuvre qu'Il savait être parfaite.

Cela nous amène directement à cette vérité: que le Seigneur a profondément senti l'effet de sa réjection relativement à la nation. La loi avait été enfreinte, mais l'idolâtrie avait été abandonnée, et Jéhovah était venu au milieu de son peuple, portant dans son coeur et dans ses mains des délivrances et des bénédictions; — il était venu sans doute, afin de se donner lui-même en expiation pour eux; mais, d'abord, il se présente à eux, comme le véritable héritier et le vaisseau des promesses, le ministre et la couronne de toute bénédiction, le ministre de la circoncision pour la vérité de Dieu (Romains 15: 8) Mais Il fut le rejeté du peuple et, pour ce qui regarde ce peuple, alors il travailla en vain, et (quoique le résidu ait acquis de beaucoup meilleures choses, et que la gloire propre de Christ en ait été grandement rehaussée) le résidu ne put pas alors obtenir les bénédictions et la gloire promises dans le Messie et avec le Messie: ils durent prendre leur croix et le suivre. Jéhovah, anticipant la grande délivrance finale, envoya cet Élie en esprit, qui devait préparer la voie devant Lui, et venir avant le jour grand et terrible de l'Eternel (Malachie 3: 1; 4: 5). Ils lui firent tout ce qu'ils voulurent, et le Fils de l'homme dut souffrir. Le Nouveau Testament, de même que l'Ancien, rapproche, quant à Israël, la présence du Christ et les derniers jours: «Vous n'aurez pas achevé de parcourir les villes d'Israël que le Fils de l'homme ne soit venu» (Matthieu 10: 23). Et encore: «Désormais vous ne me verrez plus jusqu'à ce que vous disiez: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» (Matthieu 23: 39), dit Jésus, en citant ainsi le Psaume 118, qu'il avait déjà cité (21: 42) relativement à la pierre rejetée. En même temps, le corps de la nation, maintenant apostat, criait: «Nous n'avons pas d'autre roi que César» (Jean 19: 45), rejetant, ainsi, formellement leur Messie et, en Lui, Jéhovah venu en grâce, «pour savoir assaisonner la parole à celui qui est accablé de maux» (Esaïe 50: 4). Est-ce que le Seigneur était indifférent à tout cela? Est-ce que, parce qu'Il allait accomplir une oeuvre plus grande pour l'expiation, Il était indifférent à la réjection du peuple bien-aimé de Dieu, — au remplacement, pour un temps, de toutes les promesses relatives à eux par le jugement et une longue période pendant laquelle ils seraient rejetés, — à la colère venant sur eux au dernier terme; — à l'entière suspension des promesses envisagées comme reposant sur la réception du Messie venu en chair; — à son propre travail pour néant et sans fruit, à son retranchement comme Messie n'ayant rien, et à l'apostasie du peuple se joignant aux Gentils contre l'Eternel et contre son Oint, en sorte que la colère et le jugement devaient fondre sur eux, — est-ce que, je le demande encore, Il était indifférent à tout cela? ou est-ce qu'il sentait tout cela? La sympathie avec ses disciples, nous pouvons la comprendre. Mais n'y avait-il en cela aucune source de souffrance pour le Seigneur? Il ne pouvait pas sympathiser avec l'apostasie. Il ne fut jamais dans ce cas, mais il fut fidèle jusqu'à la fin; parfait avec Dieu au milieu de l'apostasie; mais n'était-ce rien pour Lui; n'était-ce pas une douleur, que le peuple de Dieu fût ainsi retranché, qu'Il fût retranché Lui-même, quant aux instruments, par cette même apostasie, en sorte que l'espérance qu'avait alors Israël finissait avec Lui, comme le déclare positivement Esaïe 50? Il ne pouvait pas séparer son propre retranchement de celui d'Israël qui en était la conséquence, comme Daniel 9: 26, aussi bien que Esaïe, l'atteste clairement.

Voyons comment l'Esprit du Seigneur agit, à cet endroit, en ses serviteurs. Les Lamentations de Jérémie en sont la profonde et merveilleuse expression: non seulement ce qui avait été si beau aux yeux de Dieu, ses nazaréens, autrefois plus purs que la neige et plus blancs que le lait (4: 7), avaient été mis de côté, parce qu'ils étaient devenus plus noirs que les ténèbres; mais Dieu avait rejeté au loin son autel et détruit son sanctuaire (2: 7). De même Esaïe (63 et 64) voudrait que l'Eternel fendit les cieux et descendit. De même Daniel dans sa belle intercession du chapitre 9. Est-ce que le christianisme a détruit et fait disparaître ce sentiment? Il était un chrétien qui avait une grande tristesse et une douleur continuelle dans son coeur, au sujet de ses frères, ses parents selon la chair, les Israélites, auxquels sont l'adoption, et la gloire, et les alliances, et le don de la loi, le service de Dieu et les promesses, desquels, selon la chair, est descendu le Christ, qui est Dieu sur toutes choses béni éternellement (Romains 9: 2-5). C'est ainsi que Paul ne voulait plus connaître Christ; il Le connaissait dans les glorieux et célestes résultats de l'expiation, mais son coeur gémissait sur Israël comme peuple de Dieu, auquel appartenaient les promesses et Christ en la chair. Il avait pu souhaiter d'être par anathème séparé du Christ pour eux, de même que Moïse avait pu dire à l'Eternel: «Maintenant, pardonne-leur leur péché, sinon efface moi de ton livre» (Exode 32: 32) — l'un et l'autre par amour pour Israël selon la chair, mais peuple de Dieu selon la chair et auquel, selon la chair, le Christ appartenait. Israël était responsable de le recevoir, Lui qui était envoyé aux brebis perdues de la maison d'Israël. Est-ce que l'Esprit de Christ a pu produire ces sentiments dans ses témoins avant et après sa venue et son rejet, tandis que Lui-même serait demeuré indifférent à son peuple qu'Il avait préconnu? Il n'en fut certes pas ainsi. L'indignation et la colère allaient tomber sur les Juifs, et Christ le sentait. Le jugement était bien près d'être exécuté au temps de Paul et, par l'Esprit de Christ, l'apôtre le sentait, quoique son coeur eût connu Christ dans la gloire et ne voulût plus le connaître autrement. Voici le langage des Ecritures: «L'Eternel fut touché en son coeur de l'affliction d'Israël», lisons-nous en Juges 10: 16. «Dans toute leur angoisse, Il a été en angoisse», lisons-nous dans Esaïe 63: 9.

Le même Jéhovah est venu ici-bas comme un homme. Est-ce que son humanité a tari l'intérêt qu'il prenait à Israël et à ses brebis perdues? Le même Jéhovah pouvait alors pleurer sur la ville élue et bien-aimée, et dire: «Oh! si tu eusses connu, toi aussi, au moins en cette tienne journée, les choses qui appartiennent à ta paix; mais maintenant elles sont cachées devant tes yeux» (Luc 19: 42) ! Il n'était pas seulement Jéhovah, mais Il prenait la place de Messie en Israël, non pas assurément dans l'apostasie de celui ci, mais avec le résidu pieux qui, quant aux promesses terrestres, ne put, de même que le Messie Lui-même, rien avoir alors. Le Berger fut frappé et les brebis furent dispersées. Il était le Chef et le porteur des promesses. Son retranchement amena la mise de côté de toutes les espérances et les promesses d'Israël, telles qu'elles étaient alors présentées; comme Messie Il dut être retranché et, en conséquence de ce retranchement, le jugement, l'indignation et la colère devaient tomber sur Israël. L'indignation est, on peut le dire, le mot technique employé pour les temps de trouble dans les derniers jours. Et Paul dit que «la colère était venue sur les Juifs» (1 Thessaloniciens 2: 16). Je crois que le Christ a pris part à cela, a senti tout cela en connexion avec son propre retranchement. Sans doute, Il a été infiniment plus loin. Il a fait l'expiation pour les Israélites, mais Il a vivement senti sa réjection par le peuple, Il l'a portée sur son coeur; Il leur a dit de ne pas pleurer sur Lui, mais sur eux-mêmes, car le jugement allait venir sur eux. Il était le bois vert, et ces choses lui étaient faites; que serait-il fait au bois sec, à Israël sans vie?

Mais cela me conduit au retranchement du Christ et au Christ frappé. Non seulement le jugement d'Israël est lié au retranchement du Christ et au Christ frappé, comme nous l'avons vu; mais à cela se rattache aussi la condition du résidu d'Israël dans les derniers jours, et celle des justes, comme résidu d'Israël dès les jours du Messie. C'est ce que l'on voit en Daniel 9. Les semaines pour mettre fin aux désolations de Jérusalem et aux guerres ne sont pas encore écoulées. Elle est encore à venir, la dernière terrible demi-semaine, dont le Seigneur nous parle en Matthieu 24, en rappelant Daniel 12. Et pourquoi tout cela? Le Messie devait être retranché et il n'aurait rien (c'est, de l'aveu général, le vrai sens de la première phrase de Daniel 9: 26). Il n'est pas question ici de gloire obtenue par l'expiation, mais d'un retranchement du Messie, tel qu'il n'a rien de la gloire et de la royauté en Israël; mais Israël au contraire, allait à la rencontre du jugement et d'un désolateur. Zacharie nous enseigne les mêmes choses. L'Etre béni, qui avait été la possession [l'esclave] de l'homme dès sa jeunesse (*) avait été blessé dans la maison de ses amis. Ses proches lui avaient fait ces blessures. Mais il y a plus que cela dans sa mort; l'épée doit se réveiller contre le Pasteur de Jéhovah, — «contre l'homme qui est mon compagnon», dit l'Éternel des armées: «Frappe le Pasteur, et les brebis seront dispersées». Ses brebis, en tant que liées à Lui en Israël, furent dispersées; puis le prophète parle du sort d'Israël et du résidu dans les derniers jours: deux tiers seront retranchés, et le restant passera par le feu. Nous avons déjà vu que, en Matthieu 10 et 23, le Seigneur rapproche les même périodes et que, dans le dernier cas, Il les rattache à sa réjection. Les Juifs tombèrent sur la pierre et en furent brisés; si elle tombe sur eux, elle les broiera (Matthieu 21: 44). Si je trouve des détails et des sentiments (**) plus développés dans les Psaumes, je trouve en revanche, dans les évangiles, l'enseignement et l'histoire de ce qui amène tout cela. Or, je reconnais pleinement que c'est sur la croix que le Christ a été frappé, ce qui est formellement établi dans les articles que je publie de nouveau. Mais j'affirme que c'est alors qu'il se mit en chemin pour aller à la croix, que le Christ entra dans toutes ces douleurs et ces souffrances et cela, tout particulièrement, comme s'attendant à être retranché, quand son heure était venue et qu'Il ne devait absolument plus être garanti des machinations des Juifs, devenus ses ennemis, mais, au contraire, être livré par eux aux hommes.

 (*) Lisez, en effet, ainsi Zacharie 13: 5: «Je ne suis pas prophète, mais un homme qui sert à la terre; car l'homme [Adam] m'a possédé [comme esclave] dès ma jeunesse».

 (**) Quoiqu'il en soit bien peu, où les souffrances propres du Christ soient considérées autrement que comme du dehors.

En outre, les accusations qu'on a portées m'ont conduit à sonder les Ecritures sur ce sujet, et je n'y vois pas que le mot «frapper» y soit jamais employé en rapport avec l'expiation (quoique l'expiation fût aussi accomplie lorsque le Christ fut frappé), mais en rapport avec le retranchement du Messie en relation avec les Juifs. L'abandon de son Dieu est ce qui, dans l'Ecriture, exprime cette oeuvre qui se présente complètement à part. Quelques passages peuvent m'être échappés, mais j'ai soigneusement étudié le sujet. Je ne suis ni surpris, ni troublé, que cela soit compris ainsi, parce qu'il est certain que, quand le Christ fut frappé, l'expiation fut opérée. Mais je préfère les Ecritures aux paroles des hommes et, tant qu'on ne me produira pas quelque passage contraire, je croirai que le terme «frapper» se rapporte au fait du retranchement du Messie, et non à l'oeuvre de l'expiation, à laquelle rien ne peut être comparé. Les mots «frapper» ou «retrancher», s'appliquant au Messie, sont employés, dans l'Ecriture, relativement à un autre sujet, quoiqu'Il fût alors froissé pour les iniquités du peuple et que, par sa meurtrissure, ils dussent avoir la guérison. Mais le retranchement et l'acte de frapper ont rapport à la mise de côté de précédentes espérances en la chair, non pas à la garantie de futures espérances promises, bien que, béni soit Dieu, cette oeuvre se fît aussi alors. Ce n'est pas que le Christ fût sous le poids de la colère pour un état ou une relation quelconque, dans lequel Il eût été, en dehors de l'expiation. Je crois que le Christ n'a jamais été dans un état ou une relation qui dût amener cela, mais qu'il a pris part, en esprit, à toutes les souffrances d'Israël, qu'Il les a traversées dans son âme, qu'Il a ressenti ce qui serait fait au bois sec, bien qu'Il fût le bois vert.

Mais ce que je viens de dire me conduit à une autre difficulté, qui a été soulevée, savoir: que la colère gouvernementale, n'eût été l'expiation, serait nécessairement la condamnation. C'est ce que j'affirme expressément. Israël était la scène du juste jugement de Dieu, et l'indignation et la colère venaient sur lui par cela même. C'est là le témoignage positif des Ecritures, ces deux mots étant employés, parfois réunis, comme dans les Lamentations de Jérémie (2: 6); l'indignation, ainsi que je l'ai dit, étant, en Esaïe, et Daniel (*), un des termes techniques pour désigner l'époque de la grande épreuve d'Israël, et le mot «colère», étant employé par Paul (1 Thessaloniciens 2: 16), avec plus de force qu'aucun terme équivalent dans les Lamentations. Mais si Christ n'avait pas accompli l'expiation, il n'aurait pas pu y avoir indignation et colère comme châtiment et aussi comme enseignement pour ramener au bien. Il n'aurait pu y avoir que condamnation. La Parole n'aurait pu dire: «C'est pourquoi l'expiation de l'iniquité de Jacob sera faite par ce moyen» (Esaïe 27: 9), en faisant allusion aux derniers jours. Elle n'aurait pas pu dire de Jérusalem,»qu'elle a reçu, de la main de l'Eternel, le double pour tous ses péchés» (Esaïe 40: 2). Le Seigneur, non plus, n'aurait pu dire, qu'elle ne sortira pas de là, jusqu'à ce qu'elle ait payé le dernier quadrant (Matthieu 5: 26), si l'expiation n'eût pas été faite. Dieu pouvait, en gouvernement, exercer le jugement à cause de l'expiation. Il pouvait se montrer juste en supportant les péchés précédents, quant à l'Ancien Testament, à cause de l'effusion du sang de Jésus Christ. Dans ce gouvernement, il était pitoyable, miséricordieux, tardif à colère, abondant en grâce et en vérité, tout en ne voulant absolument pas tenir le coupable pour innocent (Exode 34: 6, 7). Mais la croix a posé le fondement de cette grâce. Elle a posé le fondement de la céleste gloire, mais elle a aussi posé le fondement sur lequel Dieu peut tenir le coupable comme innocent. Aussi le Christ, tout en voyant et en sentant la chose, entra dans toute la souffrance d'Israël et dans toute l'indignation contre Israël, et cela de la manière la plus complète; Il alla même au delà, afin qu'il n'y eût pas de condamnation, et Il fit l'expiation. Dans son cas, l'indignation et la colère n'étaient pas simplement gouvernementales, mais elles étaient la plénitude des voies de Dieu envers le péché, qui est l'expiation. Ces deux choses m'apparaissent clairement révélées dans l'Écriture, car j'ai fait voir que Christ, en esprit, prit part aux souffrances d'Israël, liées à son propre retranchement. «Frapper» (nakah (**), en hébreu, pat€ssw, en grec) (***), est employé pour le retranchement du Berger d'Israël; mais lorsqu'il fut frappé, Il était abandonné de Dieu, et il faisait expiation pour le péché; il était brisé pour les iniquités d'Israël et pour les nôtres.

(*) Voir, par exemple, Esaïe 10: 5, 25; 13: 5; 26: 20; 30: 30; 54: 8; Daniel 8: 19; 11: 36.

(**) Employé, relativement à Christ, dans Psaumes 69: 26; Esaïe 53: 4; Zacharie 13: 7.

(***)  Matthieu 26: 31.

J'en viens maintenant à une autre objection qui m'a été présentée par un de mes correspondants: la solution par Christ de toute la question du bien et du mal. C'est le seul et complet fondement de bénédiction. On a fait, relativement à ce point, le même grossier malentendu que relativement à tous les autres. Il a dû, allègue-t-on, connaître le mal dans son coeur pour pouvoir traverser le mal. Il est difficile de discuter une si totale obscurité de conception. Quoi! Dieu connaît parfaitement le bien et le mal; a-t-il donc pour cela (que le Seigneur pardonne même cette question!) quelque mal dans son coeur? mais il y avait plus, quant à Christ. Il dut apprendre à connaître le mal en passant par toute espèce de tentations à cause du mal — à en connaître l'amertume par la pression de ce mal sur son âme, bien qu'il n'en eût point. Il était le Prince de la vie, est-ce qu'il ne connut pas ce qu'était la mort? Il était amour. Est-ce qu'il ne connut pas ce qu'était la haine? Et justement parce que et selon qu'il était amour, toutes les horreurs de la haine furent connues de Lui, même en détail. L'amour, avec lequel Il cherchait les pauvres du troupeau lui faisait sentir ce qu'était l'esprit qui s'efforçait de les empêcher d'aller à Lui. Quand il prononçait des «Malheur à vous!» aux scribes et aux docteurs de la Loi, ne sentait-Il pas le mal dont ils étaient coupables? La vérité est qu'une âme sainte peut seule connaître ce qu'est réellement le mal, seulement ce fut comme une épreuve que Christ passa à travers tout le mal. Son horreur de la corruption et de l'hypocrisie n'avait-elle pas pour mesure sa sainteté et sa vérité? Sa parfaite et absolue confiance en Dieu n'était-elle pas douloureusement éprouvée par la défiance et l'incrédulité qu'il rencontrait même chez ses disciples? Les délices qu'il goûtait dans l'amour de son Père n'étaient-elles pas — je ne puis dire la mesure, car cela ne pouvait être mesuré, — mais, si je peux m'exprimer ainsi, la jauge du sentiment qu'il avait de la colère? Tout ce qu'il y avait d'affreux dans les paroles de Satan quand il Lui demandait de l'adorer ne Lui était-il pas manifesté par son propre dévouement à son Dieu? Ne fut-il pas mis à l'épreuve et tenté, à part le péché au dedans, par tout ce qui pouvait éprouver une âme et, si c'eût été possible, le détourner et l'éloigner de Dieu? Le péché ne Lui était-il pas connu par les assauts des tentations et par la sainteté de son âme? Ne dut-Il pas apprendre l'obéissance qui Lui coûtait tout ce qui était possible de la part de Satan, de l'homme et de Dieu? Il connut le mal pour le repousser absolument; pour le sentir absolument aussi par la perfection du bien mise à l'épreuve, qui seule pouvait sentir parfaitement ce qu'était le mal, porter Jésus à se sacrifier et mourir plutôt que de manquer de dévouement à la volonté de son Père et à une sainte obéissance, et ensuite à être fait péché pour nous de manière à abolir le péché par le sacrifice de lui-même. Il mourut pour le péché; mais «en ce qu'il est mort, Il est mort une fois pour toutes au péché; en ce qu'il vit, Il vit à Dieu» (Romains 6: 10). Il n'a plus rien à faire avec le péché, sinon à juger le pécheur un jour. La gloire tout entière de Dieu, en tant que compromise par le péché dans l'univers, a été établie, magnifiée, exaltée, par l'épreuve la plus complète, par tout ce qui pouvait éprouver la sainteté et l'amour. Aussi le temps viendra, où, dans les cieux et sur la terre, et pour toujours, la justice sera établie, le péché inconnu, et Dieu parfaitement glorifié.