L'Eglise, la maison et le corps - Darby J.N.

Il me semble que quelques mots relativement à l'église seraient aujourd'hui de saison. La question de l'église est débattue dans tous les sens; et ceux qui favorisent le papisme, sous une forme ou sous une autre, prennent avantage de certaines expressions que quelques-uns trouvent difficiles à expliquer et qu'il vaut la peine d'examiner de plus près. Mes remarques sur ce sujet seront courtes.

Il y a deux points à considérer, qui comprennent tout ce que je me propose d'élucider ici. J'ai déjà parlé du premier de ces points, faisant observer que l'identification de «la maison» avec «le corps», ou de la chose extérieure existant ici-bas sur la terre (renfermant tous ceux qui professent le christianisme et qui sont baptisés) avec la chose intérieure ou ce qui est uni à Christ par le Saint Esprit est la source de la confusion et des discordes qui agitent le protestantisme croyant. Mais il y a un autre point qu'il est important de bien saisir: il ne faut pas prendre la figure d'un édifice (car l'Ecriture se sert de cette figure), et puis confondre ce que Christ lui-même bâtit avec ce qui est le fruit de l'oeuvre d'édification extérieure ici-bas, confiée à la responsabilité de l'homme.

La confusion du «corps» avec la «maison» me parait avoir été l'origine de tout le système papiste dans ses caractères les plus essentiels; et la réformation ne sut pas se débarrasser de cette erreur, continuant à attribuer les privilèges du corps à quiconque était extérieurement introduit dans la profession extérieure du christianisme (la chrétienté); — autrement dit, à toute personne baptisée. Au commencement, il en était ainsi de fait: «le Seigneur ajoutait tous les jours à l'assemblée ceux qui devaient être sauvés» (Actes des Apôtres 2: 41, 47). Il n'y avait point de principe impliqué dans ce fait: c'était l'oeuvre personnelle du Seigneur; et cette oeuvre, je n'ai pas besoin de le dire, était faite réellement et parfaitement. Ce que le Seigneur faisait de ceux qui étaient épargnés à la fin de la dispensation juive, ce n'était pas de les introduire dans le ciel, comme il le fera à la fin de la période actuelle, mais de les ajouter à l'assemblée qu'il avait formée. On ne peut pas raisonnablement douter qu'ils ne fussent ajoutés extérieurement par le baptême, qui était la manière connue et régulière d'«ajouter» ainsi. Ces personnes, assurément, en tant qu'introduites par le Seigneur, avaient réellement part à tous les privilèges qui se trouvaient dans le corps auquel elles étaient ajoutées. Le système sacramentel et le système vital restaient confondus, et à certains égards non développés, car il n'y avait point encore de gentil reçu, et l'unité du corps n'était pas non plus enseignée encore. Tout ce qui était donné était là; car le Saint Esprit était descendu, tout en étant, comme fait, limité aux Juifs et à Jérusalem, en sorte que si la nation s'était repentie, les promesses présentées par Pierre, au chapitre 3 des Actes, auraient pu s'accomplir, aussi bien que ce que nous lisons au chapitre 2. Mais si, alors, rien n'était encore développé, si les caractères distinctifs de l'église, comme unité formée de Juifs et de gentils, mais en un seul corps, n'étaient pas encore mis en évidence, tout cependant était réel. Le Seigneur ajoutait à l'église, introduisait des hommes dans ces privilèges — ceux qui devaient les posséder.

Mais ceci cessa bientôt d'être le cas. Les Simon le Magicien et des faux frères se glissèrent furtivement parmi les fidèles, et l'introduction sacramentelle et la jouissance réelle des privilèges devinrent deux choses distinctes. Tous ceux qui étaient introduits dans l'assemblée, par le baptême, n'étaient pas des membres du corps de Christ, ni n'avaient réellement la vie éternelle. Je ne dis pas qu'ils ne jouissent d'aucun avantage: ils en avaient beaucoup de toutes manières, mais ces avantages ne servaient qu'à amener sur eux une plus grande condamnation, et, selon Jude, ils étaient la semence du jugement pour ce qui regarde l'église. L'Ecriture est ainsi elle-même le témoin de ce que nous disons. Les données, que l'histoire nous a conservées, nous montrent que, déjà dans l'église primitive, la différence dont nous parlons était complètement perdue. On combattait pour la vérité contre l'hérésie, comme Irénée, — pour l'unité, de fait, dans ce qui existait, comme Ignace (bien que la majeure partie de ce qu'on lui attribue ne soit, à mon avis, évidemment pas de lui). Irénée et Ignace avaient raison en général, sans doute, — mais la doctrine que Paul maintenait avec peine contre les disciples judaïsants, et, en général, la doctrine d'un seul corps (dont Christ est la tête, et ceux qui sont personnellement scellés du Saint Esprit, les membres) était perdue, et on attribuait généralement les droits du corps à tous les baptisés. Je dis «généralement», parce que les vrais privilèges du corps avaient entièrement disparu des esprits. Si on gardait les grands éléments de la foi, et qu'on repoussât la doctrine des gnostiques (la dénégation de l'humanité ou de la divinité de Jésus Christ), on n'en demandait pas davantage et le platonisme, en même temps, par le moyen de Justin Martyr, d'Origène et de Clément, corrompait suffisamment au dedans. Mais les effets étaient évidents: le corps extérieur devint l'église et tout ce qu'on conserva, en fait de privilège, fut attribué à tous les baptisés; et cela a continué dans les églises réformées. Ainsi l'anglicanisme a dit: «Le baptême, par lequel j'ai été fait membre de Christ, enfant de Dieu et héritier du royaume des cieux». Luther et Calvin n'ont pas dit autrement, sauf que ce dernier affirmait, dans d'autres enseignements, que le baptême n'était efficace que dans les élus. L'église d'Ecosse enseigne les mêmes choses; la différence est seulement dans le degré du privilège conféré. Nombre de conséquences importantes découlèrent d'une pareille doctrine chez les anglicans et les luthériens; ainsi on enseigna, qu'une personne qui avait réellement la vie éternelle, qui était réellement membre de Christ, était cependant peut-être finalement perdue. Je ne m'arrête pas sur ces choses, voulant seulement en faire ressortir l'immense portée.

On commettrait une double erreur, en attribuant ainsi au rite extérieur ou sacramentel, l'introduction vitale actuelle à la possession vivante de privilèges divins, et en confondant tout, au point d'attribuer les privilèges de l'un des sacrements à la participation à l'autre.

Je ne nie pas que l'Ecriture ne parle du signe comme de la chose signifiée. Christ a pu dire: «Ceci est mon corps qui est rompu pour vous» (1 Corinthiens 11: 24), alors que son corps n'était pas encore rompu, et que, vivant, il tenait le pain dans sa main. Il a pu dire: «c'est ici la pâque de l'Eternel», alors que Dieu ne passait plus par-dessus, en aucune manière. Il a pu dire: «Je suis le vrai cep», — sans parler de mille autres exemples pareils. Cette manière de s'exprimer se retrouve dans toutes les langues: Je dis d'un portrait en le voyant: «C'est ici ma mère». Ceux-là seuls, qui veulent bien s'y tromper, sont induits en erreur par ce langage. L'Ecriture ne dit-elle pas: «Nous avons été ensevelis avec Christ, par le baptême, pour la mort» (Romains 6: 4); et cependant nous ne sommes pas ensevelis et nous ne mourons pas, cela est certain. L'Ecriture donc, d'une manière générale, use de ce même langage, en parlant du baptême et de la cène du Seigneur. Seulement, chose singulière à dire, on ne voit pas que la communication de la vie soit jamais attribuée au baptême, ni que l'acte de manger la chair et de boire le sang de Christ soit jamais présenté comme lié à la participation à la cène du Seigneur. L'expression la plus voisine en liaison avec le baptême, que nous trouvions dans l'Ecriture à cet égard, est celle que nous rencontrons (Tite 3: 5), où l'apôtre parle du lavage de la régénération (*). Il est possible qu'on veuille chercher à prouver ce que je nie ici, par des passages, tels que Jean 3 et 6; mais je maintiens de la manière la plus complète et la plus absolue que ces passages ne s'appliquent nullement aux sacrements; — mais de passages directs, on n'en trouvera point. L'Ecriture parle du baptême figurativement, comme de notre ensevelissement pour la mort, et aussi on peut l'alléguer de notre résurrection avec Christ. Saul fut appelé «à se laver de ses péchés» (Actes des Apôtres 22: 16), mais il n'est dit d'aucun homme que, par le baptême, il reçoive la vie ou soit vivifié.

(*) Il faut remarquer toutefois que le mot: «régénération» n'est pas le même que celui employé par Pierre (1 Pierre 1), et rendu par «né de nouveau». La «régénération» est un changement d'état, comme en Matthieu 19: 28, non une communication de la vie.

L'Ecriture reconnaît un système sacramentel, c'est-à-dire un système d'ordonnances, par lesquelles les hommes sont professionnellement rassemblés sur la terre en un système, où l'on jouit de certains privilèges. Les saintes Ecritures, juives et chrétiennes, ont toutes deux ce caractère; mais l'Ecriture distingue soigneusement la possession personnelle des privilèges de l'admission au système où ces privilèges se trouvent. «Quel est donc l'avantage du Juif? — grand de toute manière, et surtout en ce que les oracles de Dieu leur ont été confiés» (Romains 3: 12). Et ailleurs (Romains 9: 4, 5), nous trouvons l'énumération de ces privilèges du Juif, qui s'étendent jusqu'à Christ lui-même: «qui sont Israélites, auxquels sont l'adoption et la gloire, etc.; et desquels selon la chair est descendu le Christ…» Mais tous ceux qui étaient d'Israël n'étaient pas pourtant Israël, et ceux-là n'étaient pas non plus Juifs qui l'étaient au dehors. La même chose est vraie dans la chrétienté. Au chapitre 10 de la première épître aux Corinthiens, l'apôtre insiste sur le fait, que l'on peut participer aux sacrements et périr après tout. Et ceci peut aller bien loin: une personne peut posséder tous les privilèges extérieurs et réels, appartenant au système chrétien, et ne pas avoir la vie: c'est le cas présenté au chapitre 6 de l'épître aux Hébreux. Un homme pourrait parler dans les langues des hommes et des anges, avoir de la foi pour transporter les montagnes, et n'être rien (1 Corinthiens 13). Ces choses peuvent exister sans qu'elles «tiennent au salut» (Hébreux 6: 4-9). C'est pourquoi, dans le cas des Galates, Paul fut un moment dans le doute à leur égard, bien que l'Esprit leur eût été fourni (Galates 3: 5); et nous voyons le Seigneur admettre que des hommes avaient chassé des démons en son nom, et que cependant il ne les avait jamais connus (Matthieu 7: 22, 23). On peut aussi (bien qu'il s'agisse ici, sans doute, directement des rapports des disciples avec Christ, lors de son séjour sur la terre) être un sarment dans le cep et être coupé (*). Je confirme seulement par ceci la vérité générale.

(*) «Si quelqu'un (non pas: si vous) ne demeure pas en moi…» car le Seigneur les connaissait et savait qu'ils étaient déjà nets (Jean 15).

Dans l'ordre de choses chrétien, nous trouvons reconnues l'admission dans le système chrétien, par des ordonnances, et même la jouissance de privilèges extérieurs, — et cependant, en même temps, l'absence de vie divine ou d'union avec Christ. Mais le système anglican va plus loin: il attribue aux baptisés ce dont le baptême n'est pas même un signe. Que le baptême dût être un signe de la régénération, c'est ce que je ne nie nullement: le baptême, selon l'Ecriture, est spécifiquement «pour la mort», et, en général, «pour le nom» de Christ. Mais il l'est comme un signe de la mort; — et en sortir peut être regardé comme la résurrection; mais tout cela est individuel et n'a rien à faire avec le corps de Christ. Le baptême n'est pas même un signe que l'on soit, ou que l'on soit fait membre de Christ; il ne va pas plus loin que la mort, ou, tout au plus, que la résurrection: — il est individuel. Là je meurs; — je ressuscite. L'unité du corps n'a rien à faire avec le baptême. Nous sommes baptisés seuls, chacun pour soi. Mais c'est par «un seul Esprit» que nous sommes baptisés pour être un seul corps (1 Corinthiens 12: 13), non par de l'eau. La cène du Seigneur est le signe de cette unité-là: «Nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous sommes participants d'un seul pain» (1 Corinthiens 10: 17). Prétendre que toutes les personnes baptisées ont même la vie, est antiscripturaire et faux; attribuer à ces personnes la possession de privilèges vitaux, la vie éternelle, est une erreur fatale et qui conduit au jugement révélé dans l'épître de Jude; leur attribuer la qualité de membres de Christ est une chose qui n'est pas impliquée, même en figure, dans le baptême.

Les sacrements ou ordonnances, car il y a un système sacramentel, sont les administrations terrestres de privilèges révélés, un système extérieur de foi professée, et un corps visible sur la terre. La vie, et le privilège de membre de Christ, sont par le Saint Esprit. Nous sommes nés de l'Esprit, et baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps. Dire que nous soyons membres de Christ par le baptême est une falsification de la vérité de Dieu, par la confusion, directement contraire à l'Ecriture, de l'admission extérieure dans la profession avec la vie qui est donnée de Dieu; une falsification du sens même du signe. C'est l'autre sacrement, la cène, non le baptême, qui (même extérieurement) montre l'unité du corps. La cène du Seigneur est, dans sa nature, prise en commun. L'assemblée ou l'église y participe. C'est pourquoi nous avons (Ephésiens 4): «Un seul corps, un seul Esprit, une seule espérance de notre vocation». Tout cela appartient à l'Esprit et à ceux qui sont spirituels. Nous avons ensuite: «Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême»; c'est-à-dire la profession extérieure et la foi en Christ. Confondre l'administration extérieure, par le moyen d'ordonnances, avec la puissance de l'Esprit de Dieu, est la source du papisme et de l'apostasie. On ne peut que s'étonner et s'affliger quand on voit comment Augustin (un homme vraiment pieux, personnellement, et qui sentait ce que la vie et la vraie église étaient, quand la chose extérieure était déjà grossièrement corrompue), se débat pour concilier cette administration extérieure par des ordonnances avec la puissance de l'Esprit de Dieu, comment il faillit et hésite dans sa réponse aux Donatistes, et au fond ne leur répond pas. On avait décidé que le baptême administré par des hérétiques était valable. On admettait que le Saint Esprit était communiqué par le baptême (autre méprise insigne, dans tous les cas, comme le démontre clairement le livre des Actes); par conséquent les Donatistes avaient le Saint Esprit, et en conséquence ils étaient de la vraie église! En vain, Augustin, se débattant, cherche à sortir du filet qu'il s'était tendu à lui-même ou dans lequel il était tombé; il fallait un autre remède. De fait les évêques et Constantin avaient employé d'autres moyens que les arguments.

Remarquez ici, et ce n'est pas une chose de peu d'importance, que le baptême implique, non un changement d'état par la réception de la vie, mais un changement de position. Il y a deux choses dont l'homme déchu a besoin: il était ennemi de Dieu dans la pensée de sa chair, et il fut chassé loin de Dieu. Il fallait remédier à ces deux choses. Nous sommes nés de Dieu, nous recevons l'esprit de vie dans le Christ Jésus; mais le fait que nous avons la vie ne change pas notre position; nous apprenons la méchanceté de la chair, — nous apprenons qu'il n'y a point de bien en nous, c'est-à-dire dans notre chair; mais si nous apportons cela dans la lumière des exigences de Dieu, c'est pour nous écrier: «Misérable homme que je suis» (voyez Romains 7)! Il nous faut, avec la vie, aussi un changement de place, de position, il nous faut être réconciliés avec Dieu. Mais cela a lieu par la mort, en ce que Christ meurt, et entre ainsi, comme homme, dans une nouvelle place et une nouvelle position pour l'homme, en résurrection, selon la valeur de son oeuvre. «Il est mort une fois pour toutes au péché, mais en ce qu'il vit, il vit à Dieu» (Romains 6: 10). Or, c'est de cela que le baptême est le signe, et non pas de la simple puissance vivifiante de Christ comme Fils de Dieu. Nous sommes baptisés pour sa mort, ensevelis avec lui pour la mort, afin que comme Christ est ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père, ainsi nous aussi, nous marchions en nouveauté de vie (Romains 6: 4). Assurément, si nous sommes ressuscités, nous sommes vivants; mais nous sommes vivifiés ensemble avec lui (Ephésiens 2: 5). La mort nous a complètement tirés hors de notre ancienne condition; nous en sommes sortis par la mort, comme Christ mourut au monde et au péché; nous sommes «morts à la loi par le corps du Christ» (Romains 7: 4); nous sommes «morts au péché» (Romains 6: 11); nous avons «crucifié la chair» (Galates 5: 24); nous sommes «crucifiés au monde» (Galates 6: 14). Or, le baptême représente la mort, et ainsi, quand on en est sorti, il est le signe d'une nouvelle position devant Dieu: il représente la mort et non la vivification. Nous avons «revêtu Christ» (comp. Galates 3: 27) comme étant dans cette nouvelle position, et nous en avons fini avec le monde, la chair et la loi, par la mort. Ceci serait vrai, quand même il n'y aurait qu'un seul chrétien de sauvé dans le monde. L'unité du corps est une autre vérité subséquente, une vérité que la doctrine de l'épître aux Romains ne touche pas, bien que la partie pratique de cette épître l'introduise comme une vérité bien connue.

J'en viens maintenant à l'édifice. Christ déclare (Matthieu 16) qu'il bâtira l'église, l'assemblée, et que les portes du hadès, — la puissance de Satan, comme ayant la puissance de la mort, — ne prévaudront pas contre elle. Le titre donné à la puissance de Satan montre clairement ce qui était le rocher. Christ, était le Fils du Dieu vivant; la puissance de la mort (qui est entre les mains de Satan) ne pouvait pas prévaloir contre Lui. La résurrection en était la preuve: par elle, Christ fut déterminé Fils de Dieu en puissance (Romains 1: 4). La confession, que Pierre faisait de la vérité qui lui avait été révélée parle Père, lui donnait, par le don de Christ, la première place en relation avec cette vérité. Le lecteur remarquera que les clefs n'ont rien à faire avec l'église. On ne bâtit pas, comme je l'ai déjà fait observer, avec des clefs. De plus, les clefs, celles du royaume, furent données à Pierre; mais bâtir n'était pas l'affaire de Pierre. Christ devait bâtir. «Je bâtirai,» dit Christ. Le Père avait révélé à Pierre le caractère de Christ: et Pierre dit: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Sur ce rocher Christ devait bâtir. Pierre pouvait être la première pierre de l'édifice en importance, mais non un bâtisseur. De plus, Christ a lui-même (et c'est à cela que se rapporte le «aussi» du commencement du verset 18: «Moi aussi», en outre de ce que le Père a fait) une administration à conférer à Pierre, savoir celle du royaume dont il lui donne les clefs. Mais, nous le savons, le royaume des cieux n'est pas l'église, bien qu'ils puissent marcher parallèlement dans le temps présent. Quand donc Pierre touche à ce sujet, il ne parle pas de lui-même comme bâtissant en aucune manière, car bâtir était l'oeuvre secrète et personnelle de Christ, poursuivie par lui dans l'âme, une vraie oeuvre spirituelle, concernant personnellement et uniquement ceux qui étaient spirituels et, bien que par un effet de la grâce dans leurs coeurs, leur propre venue à Christ: «Duquel nous approchant comme d'une pierre vivante, rejetée des hommes, mais précieuse et choisie auprès de Dieu, vous aussi, comme des pierres vivantes, êtes édifiés pour être une maison spirituelle, une sainte sacrificature, pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ. C'est pourquoi on trouve dans l'Ecriture: «Voici, je pose en Sion une maîtresse pierre de coin, élue et précieuse, et celui qui croira en elle ne sera pas confus.» C'est donc pour vous qui croyez qu'elle a ce prix» (1 Pierre 2: 4-7); autrement, elle est une pierre d'achoppement. Or, ici, il n'y a point d'ordonnances, mais la foi; des «pierres vivantes» venant à une «pierre vivante». Tout est spirituel, personnel, réel. Christ est précieux à la foi; ceux qui croient ont goûté que le Seigneur est bon; autrement, il n'y a pas de réalité. Pierre ne bâtit pas, ni aucun autre instrument: ceux qui s'approchent viennent à Christ par la foi et sont édifiés, et contre ce qui est ainsi édifié, assurément, les portes du hadès ne prévaudront pas; mais l'édifice de l'homme n'a rien de commun avec cette maison-là. Le corps, ou les membres du corps ne forment aucune partie de la révélation de Pierre, qui ne parle pas non plus du tout de l'église ou de l'assemblée.

Tournons nous maintenant vers Paul et son enseignement: ses épîtres sont pleines de ce sujet. Il était ministre de l'église pour accomplir ou compléter la parole de Dieu: aussi la doctrine de l'église, comme corps de Christ, est-elle pleinement développée par lui. L'épître aux Ephésiens, chapitre 1: 3, la première épître aux Corinthiens 10 et 12, l'épître aux Romains, chapitre 12, et l'épître aux Colossiens renferment des instructions étendues et élaborées sur ce sujet; mais, il va sans dire, elles ne parlent pas de bâtir un corps. Christ est ressuscité pour être la tête du corps (Colossiens 1); il est élevé à la droite de Dieu et Dieu l'a donné, dans cette position, pour être «Chef (Tête) sur toutes choses à l'église qui est son corps et la plénitude de celui qui remplit tout en tous» (Ephésiens 1: 22, 23). Christ a réconcilié tous les deux, Juifs et gentils, en un corps par la croix (Ephésiens 2: 16); et a effectué cette unité par le baptême du Saint Esprit. «Nous avons tous été baptisés d'un seul Esprit pour dire un seul corps» (1 Corinthiens 12: 13).

De plus, si Paul parle de l'édifice dans sa réalité et son parfait ajustement, il ne fait pas mention non plus d'aucun instrument qui soit employé pour édifier: Vous, êtes «édifiés sur le fondement des apôtres et prophètes, Jésus Christ lui-même étant la maîtresse pierre du coin; en qui tout l'édifice, bien ajusté ensemble, croit pour être un temple saint dans le Seigneur» (Ephésiens 2: 20, 22). Cet «édifice», quoique envisagé d'une manière un peu différente, est la maison de Pierre, ce même édifice que nous trouvons dans l'épître aux Hébreux, la «maison» de Christ: «Nous sommes sa maison» (Hébreux 3: 6).

Mais Paul parle d'une manière différente, ailleurs; il nous montre «la maison» bâtie par des instruments humains; une chose publique, apparente dans le monde: «Vous êtes le labourage de Dieu, l'édifice de Dieu. Selon la grâce qui m'a été donnée, j'ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre édifie dessus; mais que chacun considère comment il édifie dessus» (1 Corinthiens 3: 9, 10). Ensuite il nous apprend quels sont les effets de la fidélité ou de l'infidélité dans l'oeuvre. Or, c'est ici que la responsabilité et l'instrumentalité de l'homme se trouvent directement engagées dans l'oeuvre. Christ n'est pas celui qui bâtit. Paul est l'architecte, et c'est lui qui pose le fondement qui est Christ; — d'autres bâtissent dessus; et l'édifice, par conséquent, n'est pas bien ajusté ensemble. Du bois, du foin, du chaume ne s'ajustent pas convenablement, dans un édifice, avec de l'or, de l'argent et des pierres précieuses. L'oeuvre, en pareil cas, doit être brûlée: celle de Christ, jamais! Ceci donne évidemment à l'église un caractère autre que celui de Matthieu 16, ou de 1 Pierre 2.

Le papisme, le puséisme, et tout ce qui leur ressemble, sont fondés sur la confusion entre l'édifice que Christ bâtit, où des pierres vivantes s'approchent d'une pierre vivante, où tout croit pour être un temple saint dans le Seigneur (c'est-à-dire, où le résultat est parfait), et l'édifice que l'homme ostensiblement édifie, quoique comme édifice de Dieu, et où l'homme peut faillir et a failli. Je suis pleinement autorisé à considérer l'édifice extérieur dans ce monde comme un bâtiment qui, par ses prétentions, son caractère et sa responsabilité, est l'édifice de Dieu, — mais qui cependant a été élevé par l'homme, et bâti de bois et de chaume, en sorte que l'oeuvre sera brûlée au jour du jugement qui est révélé en feu (1 Corinthiens 3: 13). Bien plus, je vois que des hommes corrupteurs ont gâté l'oeuvre, et que si quelqu'un s'en est occupé dans ce caractère, il sera détruit (1 Corinthiens 3: 17).

En résumé, il y a donc un édifice que Christ bâtit, un édifice dans lequel des pierres s'approchent d'une pierre vivante et sont édifiées comme des pierres vivantes, un édifice qui croit pour être un temple saint dans le Seigneur (Ephésiens 2: 22). Il y a aussi ce qui est appelé «l'édifice de Dieu», comme étant ce qui est pour Lui, et qui est établi par Lui sur la terre, mais qui est bâti par l'instrumentalité et sous la responsabilité de l'homme, un édifice où peut se trouver un très mauvais travail, et même des personnes qui le corrompent. Le fondement est bien posé et il est un bon fondement; mais tout ce qui est édifié dessus peut être mis en question. Ainsi l'Eglise professante tout entière est dans la position et sous la responsabilité de l'édifice de Dieu; l'édifice actuel, ou l'oeuvre actuelle est l'oeuvre de l'homme, et peut être du bois, du foin et du chaume, ou même rien que la corruption du corrupteur. Ce n'est pas de cette «maison» que Christ dit: «Je bâtirai». Ce serait un blasphème de dire que Christ bâtit avec du bois, du foin et du chaume, ou qu'il corrompt le temple de Dieu. Cependant, l'apôtre nous dit qu'il est possible qu'il en arrive ainsi de ce temple; et il en est arrivé ainsi; et ceux qui mettent le nom de Dieu sur le bois, le foin et le chaume, ou sur l'impie corruption de son temple, déshonorent Dieu, en mettant (pour autant qu'il s'agit d'eux) son sceau et sa sanction sur le mal, ce qui est la plus grande des iniquités.

Quel est notre sentier, en pareil cas? Paul nous le dit (2 Timothée 2); mais mon but ici n'est pas de poursuivre ce sujet, mais seulement de faire ressortir la différence qu'il y a entre ceux qui sont admis par le baptême, et le corps; et entre l'église que Christ bâtit, et ce que l'homme bâtit quand l'édifice de Dieu lui est confié. L'homme a failli dans tout ce qui lui a été confié. Dieu a mis tout dans ses mains, d'abord, — pour établir tout, en perfection, dans le second homme qui ne faillit jamais.

Adam lui-même faillit, — et il est remplacé par Christ.

Israël a failli; car la loi fut donnée, et Israël fit le veau d'or. — Quand Christ viendra, la loi sera écrite dans le coeur d'Israël.

La sacrificature a failli; les fils d'Aaron offrirent du feu étranger et Dieu défendit à Aaron d'entrer dans le sanctuaire, sauf au grand jour des expiations, et alors dans ses vêtements de gloire et de beauté. — Christ est un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle, même maintenant dans la gloire.

Le fils de David, personnellement établi sur le trône, faillit complètement; il aima plusieurs femmes étrangères, et le royaume fut divisé. Nebucadnetsar, établi par Dieu sur les gentils, fit une statue d'or et jeta dans le feu ceux qui étaient fidèles à Dieu, et il devint une bête. — Christ s'assiéra sur le trône de David, dans une gloire immuable, et se lèvera pour régner sur les gentils.

L'Eglise était appelée à glorifier Christ: «Je suis glorifié en eux», dit-il (Jean 17: 10). Mais des antichrists et une apostasie en sont le résultat sur la terre; déjà du temps des apôtres, tous cherchaient leur intérêt particulier, et les derniers jours (Jean) et les objets du jugement (Jude) étaient là. Après la mort de Paul, l'apôtre nous le dit lui-même, des loups redoutables viendraient, et du sein de l'église s'élèveraient des hommes qui attireraient des disciples après eux, et il y aurait des temps fâcheux et des hommes méchants et des imposteurs qui iraient en empirant (2 Timothée 3). Si tu ne persévères pas dans la bonté de Dieu, toi aussi tu seras coupé (Romains 11: 22). — Mais «Christ viendra néanmoins pour être glorifié dans ses saints et être admiré dans tous ceux qui auront cru» (2 Thessaloniciens 1: 10). L'église a failli comme le reste. — La grâce produira et amènera à la perfection sa propre oeuvre. L'édifice de Christ sera complet et parfait, mais il sera manifesté dans la gloire. L'édifice de l'homme est mal bâti et corrompu, et tombera sous le plus affreux et le plus terrible des jugements.