Les actes de l'homme avant la mort du Seigneur, et les actes de Dieu après cette mort - Matthieu 26-27

La semence de la femme «te brisera la tête, et tu lui briseras le talon», avait dit le Seigneur au serpent, le jour même de la transgression et de la chute de l'homme.

Pendant des siècles successifs, les effrayantes conséquences du péché n'avaient fait que se développer toujours davantage, la misère et la perdition, amenées sur le monde par la désobéissance d'un seul, s'étendaient au loin partout où se trouvaient des hommes. Le Sauveur apparut sur la terre, quand l'accomplissement du temps fut venu; Il y fut rejeté et, à la fin, mis à mort. Souvent les Juifs avaient voulu le faire mourir, alors qu'Il leur parlait dans la Galilée et dans la Judée, mais jusqu'ici ils n'avaient pas pu réussir. Jésus Christ, autant du moins que nous le savons, avait pu traverser la Samarie sans que sa vie y fût menacée. Il avait pu parcourir la contrée de Tyr et de Sidon, sans que personne se fût levé pour attenter à ses jours. Mais de la part des Juifs et des Galiléens, dont il était et il est le Roi, et desquels la bénédiction dépendait de sa présence au milieu d'eux, il fut fréquemment en danger de mort. Jusqu'ici, leurs projets et leurs complots avaient toujours échoué, parce que «son heure n'était pas encore venue». Cette heure, dont Dieu avait parlé en Eden, s'approchait maintenant. La barrière, mise jusqu'alors à l'action de l'homme, allait être levée, et il allait se montrer, par ses actes, comme enfant du diable. C'était une heure de grande activité de la part de Satan et des instruments de son choix. «C'est ici votre heure et le pouvoir des ténèbres» (Luc 22: 53), dit le Seigneur à ceux qui l'avaient saisi dans le jardin et qui l'emmenaient: paroles qui jettent une sinistre lumière sur tout ce qui se passa durant cette nuit, et sur ce qui devait se passer le lendemain. Il allait être permis à Satan de faire ce qu'il voulait — de briser le talon du Fils, «né de femme» (Galates 4: 4); l'homme irrégénéré allait s'affirmer pleinement et montrer si, au fond, il y avait en lui quoi que ce soit de bon. De son côté, Dieu allait faire voir ce qu'Il était.

La scène du jardin d'Eden témoignait de la malignité et de la ruse du serpent, qui amena la perdition de l'homme par le moyen de l'homme lui-même. Cette scène dévoilait aussi la disposition de l'homme à devenir l'instrument de Satan. Dans ce même jardin fut démontrée la fidélité de Dieu à sa parole, lorsque la sentence fut prononcée sur Adam et sur Eve; mais là aussi se firent entendre des paroles de miséricorde et de grâce envers les pécheurs. Dans le jardin de Gethsémané le diable tente de nouveau de perdre l'homme et, cette fois encore, par le moyen de l'homme lui-même. S'il eût réussi de nouveau, il s'en serait suivi la perdition éternelle de l'homme. Le Seigneur fut crucifié par les mains des hommes. De son côté percé avait coulé le sang. Il était mort sans établir le royaume, sans délivrer Israël des mains de ses ennemis: tout semblait être en faveur de l'adversaire. Mais ce corps rompu et ce sang répandu devinrent la base, sur laquelle la miséricorde et la grâce de Dieu envers les pécheurs purent se déployer; et sa fidélité à sa parole (cette fois-ci en faveur de l'homme) fut derechef manifestée.

Des quatre récits de la mort du Seigneur, nous choisissons celui qui nous a été donné par Matthieu, l'apôtre inspiré, savoir les faits qu'il rapporte comme ayant eu lieu, depuis l'arrestation de Jésus dans le jardin jusqu'à la mort sur la croix. C'est là-dessus que nous désirons attirer, quelques instants, l'attention de nos lecteurs: en effet, c'est dans cet évangile que nous trouvons la plus complète exposition de ce qu'est l'homme, à commencer par les disciples et à finir par les brigands; et là aussi, d'autre part, nous voyons, d'une manière plus détaillée qu'ailleurs, les actes de Dieu après la mort de son Fils.

Les principaux sacrificateurs et les scribes et les anciens du peuple s'assemblèrent dans le palais du souverain sacrificateur. Quel était l'ordre du jour de leurs délibérations? Etait-ce le désir d'engager la populace à demander la juste exécution de Barabbas? Voulaient-ils prendre des dispositions pour une convenable observation de la fête prochaine, ou rédiger des règlements propres à faire disparaître, d'une manière plus efficace, tout levain du milieu du peuple? Non, ce n'était ni la justice, ni la sainteté qui avaient provoqué leur assemblée. Ils tenaient conseil ensemble pour se saisir de Jésus et le faire mourir. Vrais enfants de leur père, le diable, ils ne se faisaient aucun scrupule de commettre un meurtre, et à l'exemple du serpent, c'est par la ruse qu'ils voulaient effectuer leur projet. Avant qu'ils eussent convenu de leurs plans et lorsqu'ils étaient encore dans l'inquiétude à cet endroit, Satan préparait un instrument qu'il prenait parmi les disciples. Judas, repris par le Seigneur au sujet du parfum répandu par Marie sur la tête de Jésus, six jours avant la Pâque, se montra tout prêt à le trahir. Satan entra dans son coeur, et il s'en alla vers les principaux sacrificateurs, et, ce qui manifeste le vrai caractère des conducteurs en Israël, cet agent de Satan trouve tout naturellement sa place au milieu d'eux, en leur offrant ses services, tout en marchandant sur son salaire. La trahison, provenant de la défection d'un disciple, fut suivie de la désertion de tous les autres, puis du reniement de toute relation avec le Seigneur par Pierre qui le confirme par des imprécations et des serments. Tel est le portrait, dans cette occurrence, de cette compagnie choisie par le Seigneur pour le suivre sur la terre, portrait tel qu'il est tracé par l'un d'entre eux. Ils furent pesés à la balance et trouvés légers. Car, bien que, plus tard, Jean se trouva au pied de la croix, lui, comme les autres, avait commencé par abandonner le Maître.

Qu'en était-il des principaux sacrificateurs et des scribes qui, par état, étaient versés dans la connaissance de la loi de Dieu? Le Seigneur comparut devant le conseil présidé par le souverain sacrificateur en personne. Là, assurément, la justice devait être rendue et les formes de la loi dûment observées. Mais l'esprit de justice s'était enfui de la salle du jugement, car les juges s'étaient transformés en avocats et en accusateurs pour assurer la condamnation du Juste. «Ils cherchaient de faux témoignages contre Jésus, de manière à le faire mourir». Prêter l'oreille, avec connaissance de cause, à de tels témoignages eût été un crime; en chercher était donc un crime d'autant plus odieux. Ne parvenant pas à trouver deux témoins qui fussent d'accord, ils condamnèrent Jésus pour avoir dit la vérité; et, tout en faisant montre d'un grand zèle pour Dieu, ils oublièrent la décence et le décorum qui conviennent à des juges: «Il lui crachèrent au visage, le frappèrent de leurs mains et lui donnèrent des soufflets».

De chez Caïphe, il fut emmené lié et livré à Ponce Pilate, qui, seul, avait le droit de vie et de mort: ce gouverneur, tout en déclarant son innocence, pour complaire à la volonté du peuple, prononce la sentence de mort. Il savait que Jésus était innocent, il l'avait proclamé à réitérées fois, ce qui ne l'empêche pas de relâcher Barabbas, détenu pour sédition et pour meurtre, et de leur abandonner Jésus pour être crucifié. Non content de cela, il avait déjà fait battre de verges Celui qu'il avait solennellement déclaré juste.

Au prétoire, le Seigneur trouve une autre étape de souffrances, que, dans sa condescendance, Il est disposé à subir. Là, en effet, l'attendent de nouvelles indignités. On lui ôte ses vêtements, on met sur lui les emblèmes dérisoires de la royauté, et les soldats romains, toute la cohorte, fléchissent le genou devant Lui, et le saluent comme Roi des Juifs. Avec un roseau pour sceptre, des épines pour couronne et un manteau de pourpre sur lui, Il est l'objet des moqueries de la troupe; ils crachent contre Lui et lui frappent sur la tête avec le roseau. C'est par ironie qu'ils l'appellent Roi, — et pourtant ils le verront un jour comme Roi. Vêtu d'une robe teinte dans le sang, une verge de fer dans la main où ils avaient mis un roseau, avec plusieurs diadèmes sur cette tête qu'ils avaient blessée par la couronne d'épines, il apparaîtra, suivi des armées qui sont au ciel. Ces soldats l'accompagneront-ils alors? demandera peut-être quelqu'un. Une question plus convenable serait celle-ci: Est-ce que les lecteurs de ces lignes seront alors manifestés avec Lui?

La station suivante va du prétoire à Golgotha; on contraint Simon de Cyrène à porter la croix de Jésus. Cloué à cette croix, celui-ci est exposé aux injures de ceux qui passaient par là. Nul ne s'arrêtait pour injurier les brigands; c'est lui seul qui est l'objet des outrages des passants. «Et pareillement aussi, les principaux sacrificateurs, avec les scribes et les anciens, se moquaient de Lui». Après avoir déployé tant d'activité et de ruse pour le faire condamner, tant de passion pour le faire mourir, leur inimitié le poursuivait jusque sur la croix, où ils lui reprochaient d'être abandonné de Dieu. En effet, Il fut abandonné pour un moment, et nous avons sujet d'en rendre grâces au Seigneur. Mais lequel de ceux qui disaient: «Il s'est confié en Dieu; qu'Il le délivre maintenant s'Il tient à Lui; car Il a dit: Je suis le Fils de Dieu» (27: 43) — comprenait la portée de ces paroles? C'était là des outrages dirigés contre Lui le plus amer de tons et qui ne pouvait guère être suggéré que par le diable. Matthieu seul le mentionne. Si, plus tard, quelques-uns de ceux qui prononcèrent ou appuyèrent ces paroles furent amenés à comprendre pourquoi Il avait été abandonné, quelle dut être leur douleur en se les rappelant! Il était abandonné, afin que nous pussions connaître éternellement la joie et le bonheur d'être dans la faveur du Père. Jésus était vraiment tombé bien bas, mais Il devait être abaissé encore davantage: car «les brigands, qui avaient été crucifiés avec lui, lui adressaient les mêmes outrages».

Tel fut l'homme, d'après le tableau que trace Matthieu. Nous avons, en Luc, la confession ultérieure du brigand converti, Matthieu parlera bientôt du courage de Joseph d'Arimathée, et Jean, du dévouement de Nicodème, mais manifestés, l'un et l'autre, après la mort du Seigneur. Au sujet de l'homme, avant cette mort, Matthieu n'a rien de bon à rapporter, qu'il s'agisse des disciples, des Juifs, des Romains, ou des brigands. Jusqu'au moment de cette mort, Dieu laissa l'homme faire tout ce qu'il voulait, et se montrer tel qu'il était. Durant les trois heures de ténèbres surnaturelles, l'homme semble tenu dans la crainte, car nous ne voyons plus qu'il ait rien fait au Seigneur, jusqu'à la fin de ces sombres heures, où Jésus s'écria d'une voix forte: «Eli, Eli, lamma Sabachthani?» et que l'un de ceux qui étaient présents prit une éponge, et, l'ayant remplie de vinaigre, la mit au bout d'une perche, et lui donna à boire. Avant les ténèbres, l'inimitié de l'homme s'était pleinement manifestée. Le vinaigre bu, ce dernier acte d'indignité accepté avec soumission, la dernière écriture qui devait être accomplie par Lui vivant encore ayant reçu son explication et son accomplissement, Il rendit l'esprit. Au delà de ce monde l'homme ne pouvait plus poursuivre le Seigneur.

Jésus meurt et, immédiatement, Dieu commence d'agir; mais — qu'on y fasse bien attention — d'agir en grâce: «Voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas; et la terre trembla, et les rochers se fendirent, et les sépulcres s'ouvrirent». Il n'est pas dit qu'aucune maison fut renversée par ce tremblement de terre; pas un seul individu de cette multitude si coupable ne fut tué; Jérusalem ne fut pas engloutie; pas un animal, pas même un chien, n'eut rien à souffrir. Tous devaient avoir senti le tremblement, mais dans le temple on vit un prodige — le voile fut déchiré. Qui en fut témoin? Cela eut lieu à la neuvième heure, l'heure de la prière (Actes des Apôtres 3: 1), où un sacrificateur devait offrir l'encens sur l'autel d'or dans le lieu saint. Quelle chose étonnante et mystérieuse que le saint des saints fût dévoilé à un prêtre qui ne l'avait jamais vu. Depuis le haut jusqu'au bas, depuis le ciel jusqu'au sol, le voile fût séparé en deux, signe d'une action divine, et cela simultanément avec la mort de Christ,

Dès les jours du séjour d'Israël au pied du Sinaï jusqu'à l'heure du crucifiement du Seigneur, un voile, partageant et séparant le sanctuaire en deux parties, proclamait l'incapacité de l'homme à entrer dans la sainte présence de Dieu. En Eden, après la chute, Adam le sentait en se cachant de devant l'Eternel Dieu parmi les arbres du Jardin; à Sinaï, Dieu confirma cette vérité, tout en enseignant, par le cérémonial que Lui-même avait établi, qu'un jour un chemin serait ouvert. Le Seigneur meurt, son corps est rompu, et le voile est déchiré. De sa propre main, en quelque sorte, Dieu rompt le voile qu'Il avait commandé à Moïse d'élever, et cela pendant que le Seigneur était encore suspendu à la croix: témoignage, rendu à l'univers, de la culpabilité de l'homme. Ce fut le premier acte de Dieu après la mort de son Fils. Un seul péché suffisait, si un sacrifice n'eût pas été offert, pour bannir à jamais l'homme de la présence de Dieu. Ce seul sacrifice, une fois offert, était suffisant pour ouvrir au plus vil des pécheurs et même à ceux qui venaient de commettre cet affreux crime, un accès en la présence de Dieu. Si alors Dieu fût sorti de l'obscurité, s'il eût vengé son Fils en détruisant ses meurtriers, qui eût pu l'accuser de précipitation ou d'injustice? Au lieu de cela, c'est dans cette heure même qu'Il ouvrait au pécheur un chemin pour entrer dans le sanctuaire. Personne, alors, n'aurait pu comprendre ce que signifiait un voile déchiré; aujourd'hui, nul chrétien ne pourrait, un seul instant, demeurer dans l'ignorance ou dans le doute sur la signification de ce fait; car le Saint Esprit nous l'a donnée, et les chapitres 9 et 10 de l'épître aux Hébreux en contiennent l'explication et le divin commentaire.

Mais, de plus, les rochers se fendirent. Matthieu, Marc et Luc parlent tous de la rupture du voile. Matthieu seul fait mention du tremblement de terre, des rochers fendus et des sépulcres ouverts. Cela est en parfaite harmonie avec l'esprit du premier évangile, qui, nous offrant le tableau le plus sombre de la méchanceté de l'homme, en relation avec la croix, nous présente aussi les détails les plus circonstanciés des actes de Dieu en grâce après la mort de Christ. Les rochers se fendirent — phénomène qui peut naturellement accompagner un tremblement de terre; mais dans cette occasion, il se passa encore quelque chose d'extraordinaire, car les sépulcres s'ouvrirent, et — mais ceci après la résurrection du Seigneur comme l'évangile a soin de le relater — beaucoup de corps des saints endormis ressuscitèrent; et étant sortis des sépulcres après sa résurrection, ils entrèrent dans la sainte cité, et se montrèrent à plusieurs. Comme premier-né d'entre les morts, le Christ ressuscita le premier; mais les sépulcres furent ouverts avant que la pierre eût fermé l'entrée de ce tombeau tout neuf, et avant qu'elle eût été scellée du sceau de l'autorité. Le voile déchiré annonçait l'accès en la présence immédiate de Dieu; les sépulcres ouverts attestaient la délivrance de la puissance de la mort et, en conséquence, la résurrection des corps (*): c'était là précisément l'inverse de ce qui eut lieu en Eden, où, après la chute, Adam se sentit incapable de jouir de la présence de Dieu, et entendit la sentence de mort prononcée contre lui.

(*) Observez que les sépulcres furent ouverts, mais que des corps de saints, seuls, ressuscitèrent. Le résultat général, conséquence de la mort du Christ, fut manifesté par les sépulcres ouverts, le résultat spécial pour les saints de Dieu fut manifesté par la résurrection des saints d'entre les morts.

Mais d'où vient cette apparente hâte? Pourquoi ne devait-il y avoir aucun intervalle entre l'instant où Jésus remit son esprit entre les mains de son Père, et ces manifestations de ce que sa mort avait effectué? Parce que l'oeuvre était achevée et que Dieu voulait que les pécheurs le crussent. Il est vrai que, si le Christ n'était pas ressuscité, nous serions encore dans nos péchés. Si le sépulcre eût retenu son corps, c'eût été la preuve qu'il n'était pas sans tache ni, par conséquent, en état de faire l'expiation. Nous avons, nous aussi, chrétiens, été vivifiés avec Lui, et ressuscités avec Lui. Mais avant que, dans ce jour solennel par-dessus tous les autres jours, le soleil eût disparu, à l'horizon, quelques fruits de sa mort furent déjà visibles. La propre main de Dieu, nous pouvons le dire, avait déchiré le voile; la propre puissance de Dieu avait ouvert les sépulcres. Le sacrifice de son Fils offert, Dieu n'attendait rien de plus. Pas n'était besoin d'une prière d'homme, avant qu'il pût agir. Nulle supplication ne s'éleva de la terre au ciel, demandant que les résultats d'une oeuvre accomplie fussent rendus manifestes. Avant que le corps du Seigneur fût descendu de la croix, avant que le gouverneur romain fût informé de sa mort, Dieu, par ses actes, proclamait quelques-unes des conséquences bénies du sacrifice de Christ; car ce qui eut lieu, dans la cité, au dedans du temple, et ce que l'on vit dans les tombes taillées dans le roc, hors de Jérusalem, annonçait clairement et à haute voix que cette oeuvre était réellement achevée et accomplie.