La religion des hommes et la religion qui est de Dieu

Je fus appelé, il y a quelque temps, auprès d'une pauvre femme, mourante, très inquiète au sujet de son âme, mais évidemment très ignorante de ce qui constitue le vrai fondement de la paix du pécheur avec Dieu. C'était un mardi. En entrant dans la chaumière qu'habitait la pauvre femme, je fus frappé de la propreté et de l'ordre qui régnait partout. Rien n'était hors de sa place. Une jeune femme me fit monter par un étroit escalier, dans la chambre où la malade était couchée. Il y avait là le même air de propreté et d'ordre, que dans les chambres du bas. Mes yeux se portèrent immédiatement sur la malade, et j'acquis bien vite la conviction qu'elle était en proie à de profonds exercices d'âme, et qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre. Sa physionomie était intéressante. La pâleur de la mort couvrait son visage, tandis que ses grands yeux noirs pleins de vie exprimaient une profonde angoisse intérieure. Prenant sa main, je témoignai à la malade que je la trouvais bien faible. «Oui, Monsieur, me dit-elle, je suis bien faible; mais je suis bien aise de vous voir. Mademoiselle N. m'a parlé de vous».

–  Pensez-vous que le Seigneur vous retire bientôt dans un autre monde?

–  Oh! oui, monsieur; je ne suis plus pour longtemps ici.

–  Mourir est toujours quelque chose de bien solennel, n'est-ce pas?

–  Oh! oui, très solennel!

–  Etes-vous heureuse à la perspective de paraître devant Dieu, après la mort?

–  Pas toujours.

–  L'êtes-vous quelques fois?

–  Oui, quelques fois.

–  Pourquoi n'êtes-vous pas toujours heureuse?

–  Je suis loin d'être ce que je devrais être!

–  Cette inconstance de sentiment ne provient-elle pas plutôt de ce sur quoi vous vous appuyez?

–  Je le suppose; mais je n'en suis pas sûre. Je ne suis pas sûre d'être sauvée.

–  Voulez-vous me dire quel est le fondement de votre espérance devant Dieu?

La malade rassembla alors toutes ses forces; et avec un air d'assurance et de propre satisfaction, elle répéta:

«C'est la religion qui, seule, nous procure

De doux plaisirs pendant que nous vivons;

C'est la religion qui, seule, nous assure

Un sûr refuge, alors que nous mourons».

–  Oui, en effet, lui répondis-je, «ce que vous dites est très vrai, pourvu que la religion dont vous parlez soit une religion divine». Cette réponse la troubla évidemment un peu; elle me regarda d'un oeil pénétrant. Les pharisiens, comme vous le savez, étaient très religieux et, cependant, ils rejetèrent Christ. Leur religion n'était pas divine. Ils méprisèrent Celui-là même, en qui Dieu prenait tout son plaisir.

–  Oui, je le sais, dit-elle, tout cela est très vrai mais les pharisiens étaient des hypocrites.

–  J'en conviens; mais qui savait qu'ils étaient des hypocrites? Jésus seul pouvait lever le voile, et montrer ce qu'ils étaient réellement. Le commun des hommes les croyait très bons; et plusieurs d'entre eux étaient, sans doute, sincères, bien qu'aveuglés. Paul lui-même, quand il était pharisien, était à la fois sincère et plein de zèle, bien qu'il haït le nom même de Christ. En sorte qu'une personne peut être aussi religieuse que l'était un Pharisien et n'être pas sauvée.

–  Eh! bien, alors, s'écria-t-elle, quelle est la différence entre la religion divine et celle qui ne l'est pas?

–  La religion divine, nous dit la bible, «est pure et sans tache» (Jacques 1: 27), elle ne peut venir que du ciel. Donc, être religieux comme Dieu l'entend, c'est être comme Christ; c'est posséder sa vie, être rempli de son Esprit, marcher sur ses traces. La religion humaine est la pratique des formes du christianisme, sans la vie divine dans l'âme; c'est la forme, sans la puissance, la profession sans la réalité. Vous savez aussi bien que moi, qu'une personne peut être très sincère, fréquenter régulièrement les lieux dits de culte, chanter des psaumes et des hymnes, écouter des sermons, réciter des prières, et avec tout cela, n'avoir en Christ aucun intérêt à salut, et ne pas posséder la vie divine. Les formes humaines, quelque sincèrement qu'un les observe, ne pourront jamais satisfaire aux justes exigences de Dieu, ni laver nos nombreux péchés. Et ce sont là, n'est-ce pas? les choses qui vous tiennent le plus à coeur.

–  Oui, c'est cela! Mais que dois-je faire?

–  Je vous demanderai une chose: est-ce que la question solennelle du péché est réglée entre Dieu et votre conscience?

Oh! dites-moi, s'écria la mourante, avec véhémence, suis-je sauvée? suis-je sauvée?

–  Oui, si vous croyez vraiment au Seigneur Jésus.

–  Oui, je crois! Mais est-ce que mes péchés sont lavés?

–  «Le sang de Jésus Christ, le Fils de Dieu, nous purifie de tout péché» (Jean 1: 7). «Sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission» (Hébreux 9: 22). Pouvez-vous vous reposer entièrement sur le sang de Christ?

Ici la pauvre femme parut sentir le fondement, sur lequel elle s'était appuyée jusque là, crouler sous ses pieds, et toutes ses espérances s'évanouir. Elle pleura amèrement, disant: «Je ne suis pas sauvée! Je ne suis pas prête à mourir! que faut-il que je fasse?» Elle jetait sa tête d'un côté à l'autre de son oreiller, et me fixait de ses grands yeux noirs avec une angoisse qui fendait le coeur. Je gardai un moment le silence, élevant mon coeur à Dieu pour être enseigné. Je craignais qu'elle n'expirât. Plusieurs pensées me traversèrent l'esprit. Je me sentis encouragé à lui adresser encore quelques paroles, et lui répétai quelques passages de l'Ecriture. Mais, bientôt, elle fut troublée de nouveau au sujet de ses péchés. Dès ce moment nous ne parlâmes guère plus d'autre chose que de la valeur du sang de Jésus, comme répondant aux besoins de tout pécheur qui croit en Lui. Elle parla beaucoup de ses nombreux péchés, et demanda si le sang de Jésus pouvait les effacer tous. Je lui montrai par l'Ecriture que plusieurs, qui sont dans le ciel maintenant, avaient été coupables de péchés bien plus grands que les siens. Elle avait de la peine à le croire, et continuait à parler de son état de péché. Mais elle ne disait plus rien de cette religion dont elle avait parlé d'abord. Elle avait perdu tout espoir en sa religiosité précédente, mais elle ne voyait pas comment elle pouvait être sauvée simplement en croyant en Jésus. Ses péchés étaient ce qui la tourmentait, et la question de savoir comment ils pouvaient lui être pardonnés. Je l'assurai que le sang de Jésus est un remède parfait pour tout péché, pour les grands péchés et pour les petits péchés, et que si ce sang est nécessaire pour effacer le moindre des péchés, il est suffisant aussi pour effacer le plus grand. J'essayai de lui faire comprendre cette vérité, en la lui présentant de la manière suivante:

–  Supposez, lui dis-je, que vous fussiez coupable de tous les péchés dont vous avez jamais entendu parler, et que vous les vissiez tous écrits sur ce mur-là, devant vos yeux en témoignage contre vous, péché de jurement, mensonge, vol, ivrognerie, meurtre. Supposez que vous fussiez réellement coupable de tous ces péchés et de beaucoup d'autres, — le sang de Jésus peut les laver tous, aussi parfaitement que s'il s'agissait du péché d'un petit enfant, qui a refusé d'obéir à sa mère. L'enfant qui, méchamment, dit «non» à sa mère, a tout aussi besoin du sang de Jésus, pour ôter son péché, que celui qui est coupable de tous les péchés. Pas un atome de péché ne peut être effacé devant Dieu autrement que par le sang de son propre Fils.

Ce que je disais intéressait évidemment beaucoup la malade; elle tenait ses yeux constamment tournés vers le mur, comme si elle y eût vu tous ses péchés écrits; c'était pour elle comme une réalité. Mais elle ne trouvait point de soulagement. Je cherchai de nouveau à tourner son attention sur Jésus. «Du moment que vous croirez en Lui», lui dis-je, «et que vous mettrez votre confiance en son sang précieux, vous serez nettoyée et délivrée de tous vos péchés. Pensez à ce que dit la parole de Dieu: «Le sang de Jésus Christ, son Fils, nous purifie de tout péché». Si donc maintenant vous croyez que cette parole est la vérité, et si vous mettez votre confiance et votre espérance dans le sang de son Fils, non seulement vos péchés vous seront pardonnés et vous serez nettoyée et sauvée, mais encore vous serez parfaitement heureuse. Votre paix sera faite avec Dieu. Au moment même où vous vous confierez en Jésus, vous serez sauvée. «Bienheureux sont ceux qui se confient en Lui» (Psaumes 2: 12).

La pauvre femme commença alors à être plus calme, tout en étant évidemment sous une conviction profonde de péché. Elle fit encore plusieurs questions. Après une courte prière, je me disposais à la quitter, lorsqu'elle recommença encore à parler de ses péchés et du salut, et fut saisie d'une telle angoisse d'âme qu'elle s'écria: «Il faut que vous m'assuriez que je suis sauvée; je veux être sauvée». On aurait dit qu'elle voulait me saisir.

Quelque désirable qu'il fût de la calmer, il était difficile de lui répondre. Combien sont consolantes, lui dis-je, les paroles de Jésus à ceux qui sont fatigués et chargés: «Venez à moi… et je vous donnerai du repos» (Matthieu 11: 28). «Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi» (Jean 6: 37): là seulement, le coeur chargé trouve du soulagement, et l'âme fatiguée du repos, le repos éternel. Appuyez-vous sur Lui; reposez votre âme fatiguée sur Jésus; demeurez là et soyez tranquille, Il ôtera vos péchés et les jettera bien loin; mais vous, il vous gardera près de Lui. Rejetez sur Lui tout votre fardeau; confiez-Lui tout; ne vous confiez qu'en Lui. Abandonnez-vous toute entière entre ses bras. Il ne vous fera pas défaut, ni ne vous laissera jamais. Confiez-vous seulement en lui, et tout ira bien et pour toujours bien».

La voyant plus tranquille, je laissai la malade; mais l'expression de son regard, lorsque je m'éloignai de son lit, me suivra partout: il me disait tout ce qui se passait en elle.

Quelle solennelle leçon qu'un lit de maladie comme celui-là, pour tous ceux qui vivent dans l'insouciance ou qui se confient dans de vaines formes qui seront moins que rien sur un lit de mort. La religiosité humaine, et le christianisme divin, sont des choses bien différentes, quand la mort se présente à nous. Il ne faut rien de moins qu'être vitalement uni à Christ et se reposer sur l'inébranlable et sûr fondement de son oeuvre accomplie, pour être sauvé. Cher lecteur, êtes-vous sur le Rocher? La mort n'a-t-elle point d'aiguillon pour vous? Etes-vous prêt, attendant la venue du Seigneur?

Le jour suivant, mercredi, j'envoyai à ma pauvre malade quelques traités, en gros caractères, appropriés à son état. L'amie qui les lui porta ne la trouva pas encore mieux; elle était toujours agitée, et parlait de deux espèces de religion, et du sang de Jésus. Le jeudi, la même amie retourna auprès d'elle et la trouva plus malheureuse que jamais, ne parlant toujours que les mêmes choses. Le vendredi matin, la visite fut répétée; mais quel changement! Dès que mon amie vit le visage de la malade, elle eut la conviction qu'un heureux changement s'était opéré. La malade était calme et paisible. Son oeil ardent s'était adouci, et tous les traits de son visage étaient en repos. A la question, comment elle se trouvait, elle répondit aussitôt: «Tout à fait heureuse, maintenant!»

–  J'en suis bien reconnaissante; qu'est-ce qui vous rend si heureuse?

–  «C'est de pouvoir me reposer sur le sang de Jésus!». Tout ce que M. M. m'a dit de ce sang m'est revenu dans l'esprit, pendant la nuit, si clairement. Tout ce qu'il m'a dit est vrai; je suis heureuse maintenant, me reposant sur ce sang.

Elle lira alors de dessous son oreiller les traités que je lui avais envoyés, et les posa sur une petite table à côté de son lit, voulant nous faire comprendre par là qu'elle n'en avait pas besoin, qu'elle avait trouvé Jésus et qu'elle avait le repos en Lui. — Elle s'en allait rapidement, mais tout était paix.

–  Aimeriez-vous revoir M. M., lui demanda-t-on?

–  Oui, beaucoup; mais dites-lui que je serai bientôt avec Jésus. Je le rencontrerai au ciel.

Elle s'endormit le même jour dans l'après midi.

Quelques jours après, j'allai voir la jeune femme qui m'avait introduit chez la malade. J'appris qu'elle était soeur de la défunte, et qu'elle avait quitté sa place de domestique, pour soigner sa soeur et les enfants de celle-ci, car le mari, étant homme de peine, était absent toute la journée. Quoique la jeune femme ne fût pas chrétienne, je désirais savoir ce quelle pensait de sa soeur et, en même temps, je désirais lui parler franchement à elle-même. Il peut être utile de rapporter ici une partie de notre conversation, pour faire connaître l'effrayante ignorance qui règne dans l'esprit d'un grand nombre de personnes, quant à la voie du salut.

–  Dès le mardi, me dit-elle, ma soeur fut plus agitée, et plus difficile à contenir; mais le jeudi, elle était devenue tout à fait irritable. J'aurais souhaité que vous ne fussiez jamais venu la voir. Je ne pouvais ni lui arranger son oreiller, ni rien lui faire à sa guise. Mais, lui dis-je, qu'as-tu donc? «Oh! s'écria-t-elle, si je pouvais savoir que mes péchés sont pardonnés!» — Eh bien! prie Dieu; et je suis sûre qu'il te pardonnera tes péchés. — «Les tiens sont-ils pardonnés?» répliqua-elle vivement. — «Non, je sais que les miens ne sont pas pardonnés, parce que je ne l'ai jamais demandé!» — Non, non, ce n'est pas cela; M. M. dit que nous ne pouvons obtenir le pardon que par la foi au sang de Jésus.

La nuit arriva, et il fut convenu que la jeune femme se coucherait tandis que le mari resterait debout. Il s'étendit sur deux chaises, près du lit de la malade, de manière à ce que celle-ci pût le réveiller si elle avait besoin de quelque chose; mais à la grande surprise du mari aussi bien que de la soeur, elle ne les dérangea pas jusqu'au matin. Le Dieu de toute grâce l'avait visitée, pendant ces heures solitaires de la nuit, et la lumière, la paix, et la joie de son salut avaient éclairé l'âme de la pauvre malade. Au matin, elle reposait paisiblement, parfaitement tranquille, et témoigna qu'elle n'avait besoin de rien. Elle voyait tout clairement maintenant: elle était heureuse. Le Seigneur avait fait l'oeuvre, par la puissance de son Esprit, et à son Nom en soit toute la louange, l'honneur, et la gloire!