Le désert ou Canaan

Pour entrer dans l'héritage de Dieu, il faut passer le Jourdain. Dans le désert, j'apprends à dépendre de lui, et l'étendue et la minutie de sa pensée et de ses soins à mon égard m'est révélée; cependant quel que soit l'avantage de connaître Dieu ainsi, je le connais dans son héritage d'une manière bien plus glorieuse et plus complète. Ici-bas, ce sont mes circonstances, là haut ce sont les siennes. C'est de là haut que Dieu maintenant par son Esprit, donne la justice par Christ et en Christ, qui a accompli toute justice et qui est là auprès de lui; de sorte que la gloire dans laquelle le Sauveur est placé et d'où procède toute justice, devient la demeure qui nous convient.

Mais d'où vient que nous ne sommes pas occupés davantage de la gloire? Par quelle cause en est-il ainsi? C'est qu'avant de pouvoir être pleinement là où Christ est, il faut que nous soyons en lui complètement. Au chapitre 2 de l'épître aux Colossiens, l'apôtre nous montre en premier lieu que nous sommes accomplis en Christ qui remplit toutes choses; et il nous fait voir ensuite notre entier renoncement à nous-mêmes dans la circoncision (le dépouillement du corps de la chair), comme dans le baptême (la mort). Il n'y a rien à quoi nous arrivions plus lentement qu'à un entier renoncement à nous-mêmes; et c'est là que gît la difficulté; car lorsque nous avons renoncé entièrement à nous-mêmes, il devient facile de ne plus être qu'en Christ, et vice-versa. Or pour parvenir pratiquement à cette complète acceptation de Christ et à ce renoncement complet à nous-mêmes, qui est le but de Dieu pour nous, deux choses sont nécessaires: la première c'est de marcher dans une bonne conscience; la seconde, de marcher dans la communion du Seigneur par l'Esprit. Une bonne conscience seule ne suffit pas. Un homme peut faire beaucoup de choses dans une bonne conscience, sans qu'il puisse dire qu'il marche dans la communion du Seigneur, bien que la communion doive nécessairement supposer une bonne conscience, car c'est une communion avec le Père et le Fils par le Saint Esprit. La conscience est l'intelligence que j'ai de ce que Dieu exige, et plus la conscience est vivante, plus elle cherchera à comprendre ce que Dieu commande (Hébreux 4: 12) — toutefois: Ce n'est pas la communion, bien que cela y conduise. La conscience, s'abandonnant à l'action de la Parole, me conduit par Christ, dans sa sympathie jusqu'au trône de la grâce. — Mais la communion est un pas de plus: c'est là que, dans la lumière, je sais que Christ n'a pas seulement lavé mes pieds, mais qu'il les a aussi essuyés, et qu'il y a, entre Lui et moi, une intimité que rien n'altère. Je suis avec Lui, là où il est; laissant là toutes choses, même ce qui est bien dans l'homme, pour être en lui — pour «gagner Christ» (Philippiens 3). C'est ainsi que l'on est en Christ entièrement et dépouillé de soi-même — et que l'on connaît la gloire comme la demeure qui nous appartient. Nous pouvons être amenés là par divers moyens. Paul le comprit lors de sa conversion; la lumière de la gloire l'aveugla et il devint aveugle moralement après l'avoir d'abord été réellement, aveugle à tout sauf à une chose: Christ dans la gloire. Abraham perd son Isaac; David sa Jérusalem; Jonas son kikajon; Paul est mis en prison; tout ce qui est de la nature est mis de côté, et Christ devient l'objet unique et distinct de l'âme; et c'est alors que je suis en pleine communion avec la pensée de Dieu. Je me réjouis dans le Christ Jésus. Je tiens ferme la Tête. La place où est Christ occupe et satisfait le regard de mon âme. — Je l'adore et ma joie est accomplie.