La ressource du croyant

 «Quand je suis faible, alors je suis fort» (Lisez 2 Corinthiens 12: 1-10).

Mon but n'est pas de m'occuper ici de ce que pouvait être l'écharde dans la chair de Paul, ni de la nature des révélations qu'il reçut dans «le troisième ciel», non plus de ce qu'il écrivit plus tard qu'il n'était «pas permis à l'homme d'exprimer ces choses»; je désire parler d'un point d'une importance infiniment plus pratique, c'est-à-dire des conditions auxquelles la grâce et la force de Christ sont communiquées aux croyants pour leur marche et leur service de tous les jours.

Quand il est question du salut, il n'est pas parlé de conditions, car on a affaire à la grâce de Dieu envers des pécheurs; mais lorsqu'il s'agit de la marche du croyant avec Dieu, la chose est différente et des conditions sont mentionnées.

Est-ce la certitude de la connaissance divine que l'on considère? Il est dit: «Si quelqu'un veut faire sa volonté, il connaîtra de la doctrine si elle est de lui» (Jean 7: 17); ou bien est-ce l'âme qui doit être soutenue dans l'épreuve, ou est-il besoin d'une communication de force pour le service? Dieu dit: «Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans l'infirmité» (2 Corinthiens 12: 9). Car si le cas de l'apôtre est un cas spécial quant aux révélations et au contrepoids qu'elles rendaient nécessaire, sous la forme d'une écharde dans la chair et de soufflets d'un ange de Satan, le principe qui est mis en avant dans la réponse du Seigneur à la supplication trois fois répétée de son serviteur, pour que la cause de sa souffrance soit ôtée, ce principe est universel et absolu.

Il y a deux côtés dans cette réponse: d'abord, la suffisance parfaite de la grâce de Christ pour subvenir au besoin; ensuite les conditions auxquelles seule cette grâce est communiquée. Or la grâce du Seigneur Jésus est la seule chose nécessaire pour un chrétien. «La chair ne profite de rien». Cependant bien des chrétiens agissent comme s'ils étaient eux-mêmes suffisants pour toutes choses; sauf cependant quand ils ont à se trouver en face de quelque grande épreuve ou à se débattre contre quelque grande difficulté; — alors ils fléchissent le genou et sont obligés de reconnaître leur faiblesse et de rechercher la puissance de Christ.

Ceci toutefois n'était pas le cas chez l'apôtre. Il s'appuyait habituellement sur cette grâce et non pas sur sa propre force: «Non que nous soyons capables de nous-mêmes de penser quelque chose comme de nous-mêmes, mais notre capacité vient de Dieu» (2 Corinthiens 3: 5). Voilà ce qu'il dit. Il ne marchait pas, comme le font tant d'autres, dans un esprit d'indépendance négligente et insouciante, jusqu'à ce qu'il rencontrât quelque moment difficile pour son expérience ou quelque circonstance inusitée, qui lui fit sentir combien il était dépendant de Dieu et le fit se tourner vers la source de toute force.

Cependant Paul lui-même avait à apprendre qu'il y avait dans la grâce de Christ une suffisance plus complète qu'il ne l'avait encore expérimentée ou même soupçonnée. L'épreuve qui le terrassait l'avait fait courir au Seigneur comme à son unique ressource, et l'on reconnaît l'intensité de sa souffrance à la ferveur de sa prière pour en être délivré; mais il n'avait aucune idée d'une grâce qui pouvait le soutenir sous l'épreuve même, et faire de celle-ci l'occasion d'un déploiement plus entier de la puissance glorieuse de Christ. Et pourtant quand la réponse lui est donnée, on voit avec quelle simplicité il cherche la gloire de Christ seul et non pas son propre bien-être ou sa réputation. Nous n'entendons plus parler de l'aiguillon de l'écharde, ni d'aucune prière pour que l'ange de Satan le quittât. Au contraire il dit: «Je me glorifierai donc très volontiers plutôt dans mes infirmités, afin que la puissance de Christ repose sur moi» (verset 9). Le paradoxe: «Quand je suis faible, alors je suis fort» (verset 9), par lequel il clôt ce récit, montre combien son coeur acceptait pleinement les conditions auxquelles la puissance lui était communiquée, et avec quelle réalité il avait saisi la portée de cette parole: «Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans l'infirmité».

Que de leçons pratiques sont contenues pour nous dans ce récit!

Il est évident, en premier lieu, que plus nous avancerons dans la connaissance des choses célestes, plus nous serons placés bas dans notre propre estime, et dans notre condition quant à ce monde. Celui qui était élevé le plus haut dans la gloire et les dignités célestes, se trouvait placé le plus bas quant aux circonstances terrestres et dans l'estime des hommes. «Je suis un ver et non point un homme» (Psaumes 22: 6), dit le Seigneur au jour de sa douleur, et cette autre parole: «Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête» (Luc 9: 58), montre la condition dans laquelle il poursuivait son service ici-bas. Mais en ceci même il est notre modèle: «Qu'il y ait donc en vous cette pensée qui a été dans le Christ Jésus, lequel étant en forme de Dieu, n'a pas regardé comme un objet à ravir d'être égal à Dieu, mais s'est anéanti lui-même, prenant la forme d'esclave, étant fait à la ressemblance des hommes; et étant trouvé en figure comme un homme, il s'est abaissé lui-même, étant devenu obéissant jusqu'à la mort, la mort même de la croix» (Philippiens 2: 5-8). Et si Paul avait été ravi jusqu'au «troisième ciel», où nul autre que lui n'avait été, cette élévation céleste devait être contrebalancée par un fardeau terrestre correspondant; sans cela il n'aurait pu faire servir ce signe de la faveur de Dieu qu'à se glorifier lui-même, détournant ainsi les dons de Christ de leur vrai but.

De là vient la nécessité que la chair soit mortifiée dans la mesure du progrès spirituel. Si je réalise pratiquement la vérité que je suis «ressuscité avec Christ», il est ajouté aussitôt: «Mortifiez donc vos membres qui sont sur la terre» (Colossiens 3). Un vaisseau doit avoir du lest dans la proportion de sa voilure, sinon il fera naufrage immanquablement. Dans l'école de Jésus, l'esprit est enseigné d'une part, et de l'autre la chair est fustigée jusqu'à ce qu'elle soit soumise; et s'il y a un progrès dans la connaissance de Christ, il se manifestera par une méfiance toujours plus grande de soi-même.

Ensuite, une autre leçon que ce récit nous donne, c'est qu'il condamne cet orgueil de la pensée qui fait que l'on regarde une chose comme étant sans valeur, dès qu'elle ne peut pas être étalée devant l'admiration des autres. La simple allusion à ce qu'il avait appris quant à «des visions et des révélations du Seigneur», l'apôtre la juge comme ayant parlé «en insensé». Ces visions étaient données dans un autre but que celui de le faire valoir, lui; et si Paul ne pouvait pas parler de ses expériences, dans l'acception la plus favorable, c'est-à-dire de ce que Christ lui avait enseigné et avait opéré par lui, sans être en danger de «devenir insensé» (verset 11), je me demande ce que sont ceux qui parlent constamment d'eux-mêmes relativement à ce que la chair et le diable accomplissent en eux! — En outre, l'apôtre ne pouvait pas faire part à d'autres de ce qu'il avait entendu au troisième ciel; les révélations avaient été abondantes, mais il n'était «pas permis à l'homme de les exprimer». Quelqu'un dira peut-être qu'autant vaudrait ne pas les avoir reçues si l'on ne pouvait pas en faire usage. Mais pourquoi faudrait-il que le coeur découvrit à d'autres tous ses trésors, comme Ezéchias quand il montra ses richesses au roi de Babylone (Esaïe 39)? Christ ne m'enseigne-t-il rien pour moi seul? dois-je considérer comme inutile ce que je ne puis pas étaler devant les autres ou même employer pour leur édification? Pourquoi empêcherais-je Christ de me «donner un caillou blanc, et sur le caillou un nouveau nom écrit, que nul ne connaît sinon celui qui le reçoit» (Apocalypse 2: 17)?

Par l'écharde de Paul qui ne lui est pas ôtée, nous apprenons encore combien on a tort de croire qu'il faille un changement de circonstances ou la fin d'une épreuve pour que l'on puisse servir le Seigneur. Si nous cherchons à briller nous-mêmes, évidemment une situation d'épreuve y mettra obstacle, et Christ nous l'envoie tout exprès pour nous empêcher de paraître; mais si c'est sa grâce, à Lui, que nous désirons voir briller, elle ressortira d'autant plus par l'épreuve et la difficulté dont nous aurions voulu être délivrés. «Ma grâce te suffit; car ma puissance s'accomplit dans l'infirmité». Et Dieu parla ainsi, afin que l'apôtre pût dire: «C'est pourquoi je prends plaisir dans les infirmités, dans les outrages, dans les persécutions, dans les difficultés pour Christ, car quand je suis faible, alors je suis fort» (verset 10).

Les circonstances peuvent avoir leur influence sur notre esprit, à nous, mais à moins qu'il ne s'y trouve du péché (et alors nous devons en sortir), elles ne seront pas un obstacle pour l'Esprit de Dieu. Un homme peut avoir les mains constamment salies au service du monde, et cependant, s'il s'appuie sur la grâce de Christ qui lui suffit, son coeur peut être toujours pur pour jouir du Seigneur et le servir. Un tel homme sert Christ au milieu de son travail de chaque jour, et s'il ne peut pas toujours lire et prier, il peut cependant se tenir dans une communion constante avec Jésus. Une mère entourée d'une demi-douzaine d'enfants, qui lui donnent à faire toute la journée et la tiennent réveillée pendant une partie de la nuit, ne peut pas servir Dieu comme peut-être elle le voit faire par d'autres; mais si elle s'occupe de Christ dans les circonstances où elle se trouve et compte sur sa grâce, tout en berçant un de ses enfants et en raccommodant les vêtements de l'autre, son coeur sera nourri par la «manne cachée» reçue de la main même de Christ, et elle le servira, Lui qu'elle aime, avec plus d'efficacité peut-être que si tout son temps était à sa disposition et qu'elle ne sentit pas autant la nécessité de cette injonction: «Ceignez les reins de votre entendement et, étant sobres, espérez parfaitement dans la grâce» (1 Pierre 1: 13).

Il n'est pas besoin d'un changement de circonstances ni de la fin d'une épreuve pour être rendus capables de servir le Seigneur; ce qu'il faut, c'est de réaliser pratiquement la vérité de cette parole: «Ma grâce te suffit; car ma puissance s'accomplit dans l'infirmité». Mais la nature recule devant la conscience de faiblesse qui seule donne entrée à la force de Christ. Bien des fois on entend dire à un chrétien: «Je suis si faible!» ce qui signifie la plupart du temps que l'on attend de la force de soi-même, au lieu d'en attendre de Christ, ou bien que l'on s'est appuyé jusqu'alors sur une force qui vient de faire défaut. Quel que soit le cas, on a encore à connaître le mot de l'énigme: «Quand je suis faible, alors je suis fort». Un chrétien devrait toujours se sentir tellement faible qu'il craignit d'entreprendre la moindre chose dans sa force propre, et pourtant en même temps, tellement fort en Christ qu'il fût capable de tout exécuter par sa grâce. La conscience de faiblesse qui déplaît à la nature, est nécessaire au déploiement de la puissance de Christ. Sans cette conscience nous ne connaîtrions jamais jusqu'à quel point nous dépendons de Dieu, ni ne saurions faire usage de la grâce communiquée, pour la gloire de Christ. «Nous avions en nous-mêmes la sentence de mort, afin que nous n'eussions pas confiance en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts» (2 Corinthiens 1: 9). «Non que nous soyons capables de nous-mêmes de penser quelque chose comme de nous-mêmes, mais notre capacité vient de Dieu» (2 Corinthiens 3: 5). «C'est lui qui donne de la force à celui qui est las, et qui multiplie la force de celui qui n'a aucune vigueur. Les jeunes gens se lassent et se travaillent; même les jeunes gens d'élite tombent sans force; mais ceux qui s'attendent à l'Eternel prennent de nouvelles forces; les ailes leur reviennent comme aux aigles; ils courront et ne se fatigueront point; ils marcheront et ne se lasseront point» (Esaïe 40: 29-31).