2 Rois 5: 17, 18

Bien des choses édifiantes ont déjà été dites au sujet de Naaman, — de sa foi en la puissance de Dieu, et des merveilleux effets qu'elle opéra en lui; ce n'est donc pas de cela que je veux vous entretenir en ce moment; mais je désire, chers frères, fixer votre attention sur les versets 17 et 18, en particulier, parce qu'ils nous font faire un pas de plus en avant dans la connaissance des effets de la grâce souveraine de Dieu en Naaman.

Ce qui démontre d'une manière sensible les progrès de la grâce en lui, ce sont les scrupules sérieux qui s'élevèrent dans son coeur et qu'il exprima au prophète, à propos de sa manière ordinaire de faire, en matière religieuse. D'abord, remarquez avec quelle chaleur il exprime sa nouvelle condition à cet égard: «Voici, dit-il, maintenant je connais qu'il n'y a point d'autre Dieu en toute la terre qu'en Israël». C'était clair pour lui, la foi avait produit cette conviction bien arrêtée en son coeur; c'est pourquoi, la question était pour lui maintenant, d'en manifester publiquement les effets.

C'était le moment de rendre témoignage à la vérité; aussi Naaman ne tarda-t-il pas d'apercevoir que là où un tel témoignage devait être rendu, là était le siège de la puissance qui lui était opposée. Dans l'état actuel des choses, le témoignage et le combat vont toujours ensemble. Maintenant, Naaman est net, à la grande satisfaction de tout son entourage; mais là ne gisait pas la difficulté: ce n'était pas le témoignage propre de Naaman, mais celui de Dieu qui était rendu. Ce n'était pas au bord du Jourdain proprement qu'était le lieu du témoignage du purifié; mais à Damas, là où le faux Dieu Rimmon avait sa maison. C'était donc là que Naaman devait montrer ce qu'il était et ce qu'il croyait. La difficulté était grande et sérieuse et d'un coup d'oeil il en mesure l'étendue et cela l'amena au prophète. Naaman sentait vivement qu'il ne pouvait jeter derrière son dos les scrupules qui parlaient si impérieusement à sa conscience. Avant d'être devenu l'objet de la puissance et de la vérité de Dieu, Naaman n'avait pas eu de semblables scrupules; d'ailleurs, Rimmon n'était pas le vrai Dieu, il n'était que l'ouvrage de l'homme!

C'est dans ces préoccupations de son esprit que Naaman vint à Elisée; et suivant l'usage ordinaire en pareil cas, il offre un présent au prophète; celui-ci, opposant un refus formel, le général syrien est mis en demeure de découvrir au prophète toute sa pensée et de lui exprimer les scrupules qu'il éprouvait; aussi, continuant de parler, il dit: «Mais, je te prie, ne pourrait-on pas donner à ton serviteur de la terre d'Israël la charge de deux mulets, car ton serviteur ne fera plus d'holocauste ni de sacrifice à d'autres dieux, mais seulement à l'Eternel?» De la terre d'Israël et non une autre devait, à son point de vue, servir de base à l'autel du nouvel adorateur. Il est intéressant de voir comment, en cette circonstance, tout ce qui était, de sa part, accepté comme don lui est accordé, comme aussi ce qui serait, de sa part, l'expression de sa reconnaissance envers Dieu serait accepté pareillement. Jusqu'ici, il n'y a pas de difficultés; les serviteurs de Naaman, n'ayant ni les mêmes motifs, ni les mêmes scrupules que leur maître, pouvaient trouver fort bizarre que l'on emportât de cette terre; celle de Damas ne la valait-elle pas?

Toutefois, on pouvait se soumettre à l'ordre donné, les mulets étaient là pour cela. La difficulté, pour Naaman, était le moment où il serait appelé à se prononcer et à rendre témoignage de sa croyance. Son retour allait s'effectuer, — son maître, comme d'ordinaire, requerrait l'appui de son bras pour se prosterner devant son idole; alors, que faire? Ne pourrait-il pas garder ses idées nouvelles pour lui et faire comme du passé? Le coeur et la conscience de Naaman étaient trop engagés envers l'Eternel, pour qu'il en pût être ainsi; le lépreux avait en lui la preuve de la puissance de Dieu, nul autre que Lui n'avait pu le délivrer; Lui seul était Dieu. Qui pourrait dire toutes les pensées, toute la lutte intérieure du coeur de Naaman? Avant que le combat n'eût commencé, il en éprouvait l'amertume; sa foi naissante était fortement mise à l'épreuve, il en sentait les premières étreintes; mais arrivé à ce point de sa lutte intérieure, il est beau de voir quelle est sa manière de faire. Ce ne fut pas à ceux qui l'entouraient qu'il fait part des choses qui le préoccupent si fort, ils ne l'auraient certes pas compris; mais c'est au prophète, à l'homme expérimenté dans le combat et qui peut le comprendre, qu'il ouvre pleinement son coeur. Elisée, à l'ouïe des paroles de Naaman, juge du travail qui se passe en lui, — il voit qu'il est entre les mains de Dieu — du Dieu dont il connaît l'amour et la puissance; qu'a-t-il à faire? Quel conseil donner? Elisée le renvoie avec cette seule parole «Va en paix». Comment cette réponse doit-elle être interprétée? N'avait-il aucune recommandation à lui faire, ou bien était-il indifférent à l'égard de la manière dont Naaman se conduirait, à l'avenir? On ne peut rien supposer de pareil. La seule réponse vraie me parait être celle-ci: Elisée connaissait par une douce expérience le Dieu qui avait commencé son oeuvre dans le Syrien, il savait par conséquent qu'Il l'achèverait. Il laisse donc Naaman entre les bonnes mains de Dieu. Il y a des cas où il n'y a pas de prescriptions à donner, mais où l'on doit se borner à compter sur la sollicitude et la puissance de Dieu, à l'égard de ceux auxquels nos coeurs s'intéressent, comme on le ferait pour soi-même. C'était évidemment le cas pour Elisée, et sa conduite en cette circonstance est instructive.

Maintenant, chers frères, venons-en à la fin du chapitre et remarquez le frappant contraste que nous offre la conduite de Guéhazi en cette même circonstance.

Guéhazi, occupant une position plus heureuse que Naaman (il était serviteur d'Elisée), était à même de pouvoir profiter du témoignage que rendait le prophète en Israël. En outre, il était constamment témoin oculaire des actes qu'opérait la puissance du Dieu d'Israël; mais tout cela ne lui profita de rien. Nous le voyons donc, au moment où Dieu venait de donner, envers un pauvre étranger lépreux, un éclatant témoignage de sa grâce souveraine, — au moment où le prophète venait de refuser le présent de Naaman, tirer parti de la circonstance pour satisfaire sa cupidité. Remarquez ici le contraste entre le Syrien et Guéhazi.

Nous avons vu quels scrupules la grâce avait produits dans le coeur de l'étranger purifié; mais, en Guéhazi, on ne découvre rien de semblable; il ne prend aucune part à cette oeuvre de grâce gratuite, son coeur n'avait nullement été impressionné par tout ce qui s'était passé sous ses propres yeux. Hélas! bien loin de là, il s'indigne que son maître n'ait rien voulu recevoir de toutes ces richesses. En conséquence, employant la formule ordinaire du serment, il jure qu'il ira après Naaman et qu'il prendra de lui quelque chose (verset 20). D'abord, tout alla selon ses désirs: Naaman lui fait bon accueil, — l'argent est mis dans des sacs, — il s'en met en possession; un moment, il pouvait se flatter que Dieu l'approuvait dans sa mauvaise voie. Mais, attendons, les écrasantes paroles du prophète vont lui apprendre comment Dieu en juge.

«D'où viens-tu, Guéhazi?» Telle fut la question d'Elisée. Question foudroyante, s'il en fut une. — «D'où viens-tu?» Ces mots indiquent clairement qu'il était sorti de sa place, — qu'il avait agi sans l'ordre du prophète. Pareille à une sonde, cette question entrait dans la conscience de l'homme cupide qui était là debout. Mais avec un sang-froid, plus apparent que réel, Guéhazi répond: «Ton serviteur n'a été ni çà, ni là». Voilà le mensonge ajouté à la cupidité. Le prophète sera-t-il satisfait, sera-t-il sans réplique? Non! «Mon esprit, dit-il, n'est-il pas allé là, quand cet homme s'est tourné de son chariot au-devant de toi?» Le mensonge était découvert.

D'un autre côté, vu le triste état d'Israël,menacé du jugement, Guéhazi aurait dû savoir que ce n'était pas le temps «de prendre de l'argent et des vêtements, pour acheter des oliviers, des vignes, du gros et du menu bétail, des serviteurs et des servantes». Le jugement allait atteindre Israël, quelle devait être la conduite d'un homme qui occupait une position telle que la sienne? S'attendre à Dieu et compter sur sa grâce pour chaque jour, vu que rien ne manque à qui sait se confier en Lui. Hélas! Guéhazi n'en était pas là: il aimait l'argent, et l'amour de l'argent, comme dit l'Ecriture, «est la racine de tous les maux». La grâce tire sa louange du fait qu'elle agit gratuitement envers des pécheurs, mais une telle chose n'entrait pas dans la pensée de Guéhazi: ses vues ambitieuses y étaient opposées.

Maintenant, permettez-moi, chers frères, quelques réflexions pratiques. Combien n'y a-t-il pas d'âmes qui, pareilles à Guéhazi, sont, durant des années, témoins des faits merveilleux qu'opèrent la grâce et la vérité au milieu des hommes, — des âmes qui fréquentent les assemblées chrétiennes, et chez lesquelles cependant on ne voit aucun changement, — aucune atteinte de la vérité? — des âmes qui ne se font scrupule de rien, qui apprennent toujours et qui ne parviennent jamais à la connaissance de la vérité. La cause de cela n'est-elle pas expliquée par la conduite de Guéhazi?

Combien il est plus heureux, — plus agréable, de se tourner vers Naaman purifié de sa lèpre, sentant dans son coeur tout ce que Dieu avait fait en sa faveur, et comprenant aussi ce qui, désormais, devrait caractériser son témoignage en face de l'idolâtrie et de son peuple. Pourtant, de nos jours, permettez-moi encore de le dire, il existe une chose qui afflige, en vérité; c'est de voir bon nombre d'âmes, réellement purifiées par le sang de Christ, ne manifester aucun scrupule touchant le culte qu'elles pratiquaient dans le temps de leur éloignement de Dieu. Ce sont les mêmes formes religieuses, — rien extérieurement n'est changé dans leur culte; c'est le même train qu'avant leur conversion. Mais, je le demande, étaient-elles alors dans la vérité? Leur culte était-il vrai dans ses formes, avant leur conversion? Cependant, aucun scrupule de conscience! on prend la cène du Seigneur avec les incrédules comme du passé! Est-ce donc qu'une telle chose était selon le coeur de Dieu, — selon sa volonté, qu'il n'y ait absolument rien à y corriger, — rien à y revoir? N'est-il pas à craindre que, chez de telles âmes, la grâce n'ait pas été comprise et que les conséquences n'en aient été méconnues. Naaman, dès l'abord, comprit que l'ordre de choses religieux, dans lequel il avait vécu jusqu'à sa purification, n'était pas de Dieu; le fait même d'entrer dans le temple de l'idole était considéré comme un péché qu'il demandait à Dieu de lui pardonner (verset 18). N'y a-t-il donc, pour le chrétien, aucune inconséquence à pratiquer, dans tous ses détails, le culte qu'il pratiquait étant dans l'incrédulité, quelle que soit, au fond, la différence entre ce soi-disant culte et l'idolâtrie? Plût à Dieu que les âmes chères au Seigneur, qui sont dans ce cas y réfléchissent pour leur propre bien et pour la gloire du nom de Jésus; et ne craignons pas nous-mêmes, chers frères, d'être trop scrupuleux dans le détail de la vie à l'égard des choses qui ne sont pas selon le Seigneur; il y a plutôt à craindre de ne l'être pas assez.

Que Dieu nous multiplie sa grâce pour le glorifier en tout! Amen.