Le voile déchiré - Matthieu 27: 50, 51

Sous le système juif, Dieu avait conféré des privilèges, donné des lois; il avait sanctionné celles-ci par des jugements; mais il avait tenu l'homme à distance: Dieu ne s'était jamais révélé lui-même. Il demeurait «au milieu de l'obscurité» (Exode 20: 21; Deutéronome 5: 23; 1 Rois 8: 12); et s'il condescendait à habiter parmi les hommes, il restait caché derrière le voile, dans un lieu inaccessible. En un mot, on ne voyait pas Dieu; il gouvernait du haut de son trône, mais l'entrée directe auprès de Lui était interdite; l'obscurité et les barrières de Sinaï, ou le voile d'un «Saint des saints» sans lumière, le séparait des hommes. Si Dieu s'était manifesté en lumière à un monde pécheur, c'eût été pour la condamnation de ce monde; les ténèbres n'avaient pas de communion avec la lumière. Un Dieu caché pouvait, en grâce, user de patience à l'égard de beaucoup de choses que l'ignorance de l'homme commettait et gouverner en miséricorde. Toutefois «au temps convenable», quand l'homme ayant été complètement mis à l'épreuve de toutes les manières possibles, — sans loi, sous la loi, sous la promesse, sous les prophètes, sous le gouvernement de Dieu et même sous la grâce par la présence du propre Fils de Dieu envoyé du ciel, l'homme eut été trouvé totalement corrompu, le moment vint pour Dieu de se faire connaître en grâce tel qu'il est réellement. S'il l'eût fait plutôt, l'homme n'eût pas pu être suffisamment mis à l'épreuve. Mais l'homme a été mis à l'épreuve; et maintenant, dans une grâce infinie, quand nous étions encore sans force, au temps convenable, Christ meurt pour des impies (Romains 5). Or, si Dieu s'était manifesté seulement comme lumière ou comme sainteté, quand l'homme était totalement mauvais, ayant une volonté qui résistait à Dieu, comme l'admet le sceptique, Dieu aurait dû, d'après la nature des choses, chasser l'homme de sa présence, à moins que la sainteté ne signifie la tolérance du péché, alors qu'elle est précisément le contraire.

Cependant Dieu doit être saint; il ne peut pas tolérer le péché quand il s'occupe du péché; autrement il serait moralement semblable à lui, ce qui serait un blasphème et le déniement de ce que Dieu est. De quelle manière donc Dieu agit-il? Dans la mort de Christ il manifeste sa sainteté dans l'abolition parfaite du péché, pour que son amour parfait puisse se répandre, cet amour qui ne se montra jamais aux hommes comme dans cet acte; et maintenant Dieu peut se révéler lui-même pleinement sans voile. Sa sainteté est parfaite bénédiction, parce qu'elle luit dans l'amour absolu, le péché étant ôté.

Comme un signe de ce grand et merveilleux changement, le voile qui jusque-là cachait, Dieu est déchiré depuis le haut jusqu'en bas, figure de la mort de Christ selon tout l'ordre des images employées pour typifier ces choses. Et le Nouveau Testament nous présente cet événement ainsi, disant: «Ayant donc, frères, une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus, par un chemin nouveau et vivant, qu'il nous a consacré à travers le voile, c'est-à-dire sa chair, approchons avec un coeur vrai en pleine assurance de foi» (Hébreux 10: 19-22). Et encore: «Dans le second (c'est-à-dire le tabernacle qui venait après le second voile), entre le seul souverain sacrificateur une fois l'an, non sans du sang… l'Esprit saint indiquant ceci, que le chemin des lieux saints n'était pas encore manifesté, tandis que le premier tabernacle avait encore sa place, lequel était une figure» etc. (Hébreux 9: 7, 8).

Nous voyons ici que le voile et ce qui l'accompagnait ont précisément, dans la pensée du Saint Esprit, le sens que nous leur attribuons. Selon tout le système des Ecritures, — et cela dans ses éléments moraux les plus profonds, soit pour ce qui concerne les relations de l'homme avec Dieu, soit la position particulière d'Israël qui, nous le savons, historiquement, s'approchait de sa fin, — le déchirement du voile avait la plus claire et la plus importante signification. Rien ne pouvait en avoir davantage. Il était l'expression par excellence du changement complet que Dieu apportait dans ses voies envers l'homme, et du changement de la relation de l'homme avec lui par la croix. Il ne faut pas perdre de vue ici que, pour constater l'importance et le sens d'un fait, il faut envisager en lui-même le système auquel il se rattache. C'est une autre question de savoir si le système tout entier est bon ou mauvais. Mais dans le système en lui-même — et le voile était une partie, et une partie centrale et essentielle du système, — rien ne pouvait avoir une signification plus claire et plus positive que le déchirement du voile. Il représentait, comme je l'ai dit, le changement de la relation tout entière de Dieu avec l'homme. Il faut, si je parle d'un voile et de son déchirement, que je considère pourquoi ce voile était placé là, pour comprendre l'importance du fait qu'il a été déchiré. Que la personne de Dieu soit cachée ou révélée n'est pas une chose de peu d'importance; et le déchirement, à la mort de Christ, du voile qui cachait le trône et la gloire de Dieu, n'est pas difficile à comprendre. Il est une figure, cela va sans dire, comme l'étaient toutes les parties du tabernacle ou du temple, mais une figure de la plus intelligible simplicité et de la plus haute signification.