Quelques réflexions sur Josué 4

Deux faits remarquables nous sont présentés dans ce chapitre: l'érection des douze pierres au milieu du Jourdain, et les douze pierres prises du fond du Jourdain et dressées à Guilgal en delà du fleuve du côté de Canaan. Tout ceci est plein de signification pour nous. Comme Dieu a voulu que les enfants d'Israël se souvinssent à jamais de cette nouvelle intervention de sa puissance en leur faveur, en en plaçant le mémorial devant leurs yeux d'une manière qui était en harmonie avec la dispensation, ainsi il veut que nous nous rappelions continuellement les voies infiniment plus admirables et plus glorieuses, par lesquelles il a travaillé pour nous en Christ.

La double portée de ce type du Jourdain mérite d'être méditée; elle correspond clairement à ce que nous trouvons dans les chapitres 2 et 3 de l'épitre aux Colossiens. A la fin du chapitre 2, Paul rappelle aux Colossiens qu'ils étaient morts avec Christ; les versets 12 et 13 vont plus loin, ne parlant pas seulement de «mort» mais aussi de «résurrection». «Etant ensevelis avec lui dans le baptême, dans lequel aussi vous avez été ressuscités ensemble par la foi dans l'opération de Dieu qui l'a ressuscité d'entre les morts». Puis l'apôtre répète la même double vérité, sous une forme différente pour faire comprendre aux Colossiens quelle était leur condition une fois que ce changement immense avait été produit en eux: «Et vous, lorsque vous étiez morts dans vos offenses et dans l'incirconcision de votre chair, il vous a vivifiés ensemble avec lui, etc.…» Au verset 20, il reprend de nouveau une des deux vérités: «morts avec Christ», celle qui se lie aux pierres dressées au centre du Jourdain, là où les eaux de la mort coulaient ordinairement et font complètement disparaître de devant les yeux tout ce qui se trouve enseveli sous elles. «Si vous êtes morts avec Christ aux éléments du monde» etc. Puis, au commencement du chapitre 3, nous lisons: «Si donc vous êtes ressuscités avec Christ»; vérité qui a son type dans les pierres prises hors du fleuve et dressées sur l'autre rive. «Cherchez les choses qui sont en haut où le Christ est assis à la droite de Dieu. Le verset 3 de ce chapitre 3 nous donne de nouveau les deux vérités: «Car vous êtes morts et votre vie est cachée avec Christ en Dieu», et placées devant nous tels que nous sommes maintenant: «Vous êtes morts,» ce sont les pierres dressées au milieu du Jourdain, et «votre vie est cachée avec le Christ en Dieu», ce sont les pierres prises du fond des eaux et placées de l'autre côté du fleuve. Notre Seigneur est ressuscité d'entre les morts et assis dans les lieux célestes et nous sommes là en Lui; alors, donc: «Cherchez les choses qui sont en haut».

Remarquez l'association: ce n'était pas une seule pierre isolée qui était dressée comme mémorial, c'étaient douze pierres, dans le fleuve aussi bien que sur la rive au delà du fleuve. Si la mort de Christ seule avait dû être représentée, une seule pierre eût pu suffire pour la rappeler, mais Christ, qui est notre vie, est dans la présence de Dieu. «Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu»; et dans cette vérité nous avons ce qui devrait être aussi constamment dans notre pensée, que les pierres étaient devant les yeux d'Israël, quoique nous ayons à confesser qu'elle nous est très peu familière. Quand nos âmes étaient troublées à cause du péché, nous avons tourné nos regards vers la mort de Christ pour avoir du secours et nous avons trouvé l'assurance du pardon. Ne nous sommes-nous pas arrêtés-là? et ceci n'est-il pas l'histoire de bien des âmes? Il est évident cependant que faire ainsi, c'est rester bien en deçà de ce que nous trouvons ici et que la connaissance du passage à travers le Jourdain est un pas merveilleux dans les voies de la grâce de Dieu. C'est pourquoi nous pouvons demander: avons-nous réalisé que nous sommes morts à toutes choses ici-bas comme étant devant Dieu? sommes nous morts à la loi, au péché, au monde? Avons-nous vu, si je puis dire ainsi, les douze pierres prises dans le Jourdain, dressées dans le propre pays de Dieu?

Quand cette vérité est comprise et réalisée par l'esprit, il ne s'agit plus des épreuves du désert seulement, pour le coeur; le croyant n'est plus uniquement occupé du soulagement que lui apporte une parole comme celle-ci: «Aucune tentation ne vous est survenue qui n'ait été une tentation humaine» (1 Corinthiens 10: 13); mais il triomphe des circonstances présentes dans la puissance de ce qu'il possède au delà. Il est digne de remarque que, dans son épître aux Corinthiens, auxquels l'apôtre s'adresse comme à des «enfants», à des gens qui sont devenus tels qu'ils ont besoin de lait, — il est digne de remarque, dis-je, que dans cette épître, il soit si souvent fait allusion à Israël dans le désert (1 Corinthiens 10). La chair tombe toujours dans le désert; elle doit être jugée là. Il faut que tout homme soit mis à l'épreuve par les difficultés et les tentations du chemin, et le Seigneur sait comment accomplir cette oeuvre. Mais le Jourdain clôt à jamais, pour la foi, la question des circonstances du désert; et ce que nous trouvons ici, c'est le mémorial perpétuel de ce fait, le témoignage permanent que la mort et la résurrection étaient nécessaires pour introduire Israël dans le pays. Et ainsi nous sommes placés en esprit dans le ciel, où la lutte avec Satan a lieu, et ce qui se passe maintenant est quelque chose de plus profond que les exercices de l'âme dans les choses extérieures. Ces exercices nous apprennent des leçons profitables, mais ils ne sont pas véritablement le combat. Lorsque par la foi nous avons saisi notre unité avec Christ, la mortification de la chair vient immédiatement en question, et nous sommes dans la présence de Dieu pour jouir de ce qu'il nous a donné, et là nous apprenons quelle est la source de ces choses qui mettent obstacle à notre communion avec lui, et que Satan est toujours vigilant à employer pour empêcher notre jouissance de la pleine bénédiction.

En même temps il y a l'oeuvre de la discipline, dont Dieu use pour nous amener à une plus grande connaissance de lui-même. Il veut aussi que nous sachions ce que c'est que d'offrir et de manger des fruits du pays. La manne était adaptée au désert, mais quand l'expérience du désert fut passée, les enfants d'Israël mangèrent du blé du pays, le pain de la résurrection.

La grande vérité que je voudrais faire pénétrer dans nos âmes et y faire demeurer, c'est la peine merveilleuse que Dieu a prise pour que nous goûtions un repos et une joie sans réserve en étant un avec Christ. En Lui nous sommes morts à tout ce que la chair prise et ambitionne dans ce monde. Un chrétien est mort non seulement au mal qui est dans le monde, mais aussi à tout ce qui s'y trouve de meilleur; — à tout ce que l'homme aime le plus et qui tend à l'élever et à lui donner une place sur la terre. La mort et la résurrection de Christ nous ont appris que la chair n'est bonne à rien, que tout ce à quoi l'homme peut être façonné, par une éducation morale ou religieuse, ne fait que démontrer que la chair ne peut servir à rien pour Dieu, — qu'elle est haïssable et déjà condamnée. L'homme dit: «Ne prends, ne touche, ne goûte pas» (Colossiens 2: 21); mais Dieu montre que, pour ce qui nous concerne, il en a fini pour toujours avec ce principe. Tout le système de contrainte se liait au vieil homme, que la foi maintenant doit traiter comme mort. Ma condition était si absolument désespérée, qu'il m'a fallu une création nouvelle, et Dieu l'a opérée pour moi en Christ; je ne suis plus identifié avec la chose vieille, mais avec la condition de Christ, et ce fait doit désormais gouverner mes voies. Quoi de plus important pour nous à garder pratiquement dans notre esprit? Quelle vérité pourrait toucher davantage à tous les détails de la marche du chrétien ici-bas, pendant qu'il attend Christ? Une union quelconque avec le monde, dans ses desseins, ses objets, ses voies, est une union aussi contre nature que le mariage d'un cadavre avec une créature vivante. Nous ne sommes pas seulement morts avec Christ, nous sommes vivants avec lui. Est-ce que nous nous souvenons suffisamment que Dieu, en Lui, nous a ressuscités d'entre les morts? Je ne parle pas, cela va sans dire, de nos corps quant à présent, mais quant à notre vie nouvelle. Je suis si réellement un avec Christ que tout ce qui est un objet d'intérêt pour lui devrait être un objet d'intérêt pour moi. Il n'est que trop facile même de s'occuper des âmes, en prêchant, ou en faisant tout autre chose, en rapport avec soi-même, au lieu de le faire en rapport avec Christ. Nous avons à veiller contre cette tendance continuellement. Le «moi» est bien propre à être un piège corrupteur. Mais rappelons-nous, pour que nous nous jugions nous-mêmes habituellement sans nous épargner nous-mêmes, que nous sommes ressuscités avec Christ et que, comme tels, nos coeurs devraient rechercher tout ce qui a du prix pour Dieu.