Quelques pensées sur Marc 4 et 9 (*)

ME 1869 page 10

(*)  Cet article est tiré d'un volume qui vient de paraître à Paris, intitulé: Introduction à l'étude des Evangiles, par W. Kelly, traduit librement de l'anglais par H. C. Première livraison: Matthieu et Marc. Nous l'avons lu avec un grand intérêt et nous le croyons propre à édifier et à instruire en donnant l'intelligence de certains points qui, dans les Evangiles, présentent parfois des difficultés à nos pauvres entendements. L'habile traducteur en parle ainsi dans un court Avant-Propos:

«Cette introduction à l'Etude des Evangiles n'est pas un commentaire. Il ne faut y chercher ni une exposition doctrinale complète, ni de la controverse religieuse, ni même des remarques détaillées sur tous les incidents de la vie de notre Seigneur Jésus Christ. Le but spécial de l'auteur, dont il ne se départ jamais, est de montrer qu'on ne parviendra pas à prouver l'infaillibilité des Evangiles en cherchant à les harmoniser. Pour vouloir à toute force mettre d'accord des passages, qui n'ont pas la même portée, on se prive des précieux enseignements qu'offrent à la foi ces divergences étudiées à la lumière de la Parole.

«Selon l'auteur, le dessein spécial de Dieu, qui se manifeste dans chacun des Evangiles, peut seul expliquer ces divergences incontestables. C'est toujours la personne de Christ qui est mise en évidence; son dévouement, son obéissance, sa grâce, sa compassion, sa sainteté, son amour, resplendissent dans chaque page des Evangiles. Mais Jésus nous est présenté par le Saint Esprit sous des aspects différents, quoique également lumineux. Que nous le contemplions comme le divin Messie d'Israël, Jésus Jéhovah, ou comme Le Serviteur obéissant, comme le Fils de l'Homme, né de la Vierge Marie, ou comme le Fils de Dieu, vivant de toute éternité dans le sein du Père, nous reconnaissons en Lui Celui «qui est digne de recevoir force, honneur, gloire et louange». Nous nous prosternons et nous adorons.

«Veuille le Seigneur bénir la lecture de ces pages pour les âmes sérieuses qui, ne se contentant pas des «chemins battus», désirent approfondir leur connaissance de la Parole de Dieu et pénétrer toujours plus avant dans les desseins de sa sagesse et de son amour. «A chacun qui a, il sera donné».

La première parabole, car Jésus parle à la multitude en paraboles, est celle du semeur. Elle nous est donnée en entier avec l'explication, et elle est suivie de paroles éminemment pratiques. «Apporte-t-on la lampe pour la mettre sous un boisseau ou sous un lit? N'est-ce pas pour la mettre sur un chandelier?» Non seulement il y a une parole qui agit sur le coeur de l'homme, mais une lumière est donnée, c'est-à-dire un témoignage est rendu au milieu des ténèbres. Le point principal ici est non seulement l'effet qui est produit sur l'homme, mais la manifestation de la lumière de Dieu: elle ne doit pas être cachée. En ce qui concerne le ministère, Dieu n'a pas en vue uniquement l'impression qui sera produite sur le coeur de l'homme, mais aussi la manifestation de sa propre gloire. Il y a la lumière qui se répand partout, et la semence qui produit du fruit. Une partie du grain jeté ici et là se perd le long du chemin, ou parmi les épines, ou bien il est enlevé par l'ennemi, et, dans tous les cas, demeure improductif. Sans la vie il ne peut y avoir de fécondité. Mais pour que Dieu soit glorifié et l'homme sagement dirigé, il faut aussi la lumière. C'est pourquoi après avoir parlé des semailles, le Seigneur ajoute ce solennel avertissement: «Prenez garde à ce que vous entendez!».

«Que de fois on essaie d'obscurcir la lumière et d'introduire un faux témoignage à côté du vrai, et l'on demande: Y a-t-il bien réellement une lumière de Dieu? Il se peut que les âmes qui n'ont jamais été travaillées à cet égard, cheminent avec une certaine paix dans les chemins battus, sans s'en préoccuper. Mais les chrétiens qui ont à coeur la gloire de Dieu, et qui ont tout quitté pour suivre Christ et s'attacher à la vérité, doivent bien se garder de pactiser, à quelque degré que ce soit, avec l'erreur; car Satan se servira de cette altération de la vérité pour affaiblir et, si cela lui était possible, pour annuler leur témoignage.

«La parabole qui suit appartient exclusivement à l'évangile de Marc, et en fait ressortir le caractère spécial: «Ainsi est le royaume de Dieu; c'est comme si un homme jetait de la semence sur la terre, et dormait, et se levait de nuit et de jour; et que la semence germât et crût sans qu'il sache comment. Car la terre produit spontanément du fruit, premièrement de l'herbe, ensuite l'épi; et quand le fruit est produit, on y met aussitôt la faucille, parce que la moisson est arrivée». Nous voyons ici le Seigneur se manifester au commencement de l'oeuvre de Dieu sur la terre, et apparaissant de nouveau au moment de la consommation, tandis que les événements qui ont lieu dans l'intervalle qui sépare ces deux époques, sont passés sous silence. C'est le Seigneur Jésus qui inaugure et qui complète son ministère à son premier et à son second avènement, Il commence et Il couronne l'oeuvre qui devait être accomplie.

«Nous ne trouvons pas ce point de vue dans les autres évangiles, Matthieu envisage le même sujet sous un tout autre aspect. Le Seigneur est représenté sous la figure d'un semeur (Matthieu 13); mais dans la parabole de l'ivraie, lorsqu'à la fin du siècle le temps de la moisson sera venu, ce ne sera pas Jésus qui accomplira cette oeuvre de jugement, mais il enverra les anges pour retrancher «de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l'iniquité». L'évangile de Matthieu fait ressortir surtout l'autorité du Fils de l'homme, tandis que Marc met en évidence le ministère de Christ. Ces deux aspects de la mission du Seigneur sont également selon la vérité. Mais si l'on voulait intercaler dans l'évangile de Matthieu cette parabole, ou introduire celles qui ne se trouvent que dans Matthieu dans le récit de Marc, il en résulterait une singulière confusion. Chaque récit a sa place spéciale là où Dieu l'a mis; mais, en cherchant à rendre parfaitement uniformes des passages qui n'ont pas la même portée, on perd l'enseignement qu'ils renferment.

«La parabole du grain de moutarde indiquait la transformation qui aurait lieu plus tard, quand le faible embryon deviendrait une vaste et puissante organisation. Il était important pour les disciples de comprendre que l'oeuvre du Seigneur, au lieu de conserver ses limites circonscrites, sa primitive simplicité et cette puissance spirituelle qui constitue la seule vraie grandeur, acquerrait un immense développement temporel. Si quelque chose dans l'oeuvre du Seigneur revêt de l'éclat aux yeux de l'homme, nous pouvons être certains que, d'une manière ou d'une autre, de faux principes s'y sont glissés. Il y a quelque secret accord avec le monde. Matthieu fait entrevoir les transformations qui devaient résulter de cette grandeur terrestre. Marc n'entre pas dans ces détails, mais il en dit assez pour montrer aux serviteurs du Seigneur qu'Il achèverait l'oeuvre qu'Il avait commencée.

«Il disait aussi: A quoi comparerons-nous le royaume de Dieu, ou par quelle parabole le représenterons-nous? Il est semblable à un grain de moutarde qui, lorsqu'il est semé sur la terre, est la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre. Et après qu'il est semé, il monte et devient plus grand que toutes les herbes, et jette de grandes branches, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent demeurer sous son ombre». Cette parabole est la seule qui soit ajoutée ici, mais l'Esprit de Dieu nous apprend qu'à la même occasion le Seigneur en prononça plusieurs autres.

«Ce n'est pas une chose nouvelle que de voir l'homme détériorer autant que cela dépend de lui, l'oeuvre de Dieu, faire du service de Dieu un moyen pour arriver à la domination ici-bas et chercher l'accroissement de cela même dont la gloire consiste à porter l'opprobre de Christ; car le troupeau du Seigneur n'est pas un grand, mais un petit troupeau, et jusqu'au retour de Jésus Christ, c'est l'oeuvre méprisée d'un Maître méprisé. Nous voyons les dangers auxquels devaient être exposés ceux qui s'occuperaient de son oeuvre. Nous pensons que c'est pour cela que l'Evangile nous donne ici le récit du vaisseau ballotté par la tempête. Dans cette occasion, les disciples terrifiés pensaient bien plus à eux-mêmes qu'à leur Maître. Ils se tournent vers Lui en Lui adressant ce reproche: «Maître, ne te mets-tu pas en peine que nous périssions?». «Tels sont les disciples, disposés à douter de l'autorité de leur Maître, indûment préoccupés d'eux-mêmes. Quelle faible foi, quel amour languissant que le leur! Avec quelle facilité ils avaient perdu de vue la toute-puissance de Celui qui était avec eux dans la barque. Leur cri de détresse? «Maître, ne te soucies-tu pas que nous périssions», révèle la pensée secrète de leur coeur et les craintes égoïstes qui les absorbaient. Cependant l'invocation des disciples, bien qu'elle fût dictée par la frayeur et l'incrédulité, arriva jusqu'au Sauveur. «Et s'étant réveillé, Il tança le vent et dit à la mer: Fais silence, tais-toi! Et le vent tomba, et il se fit un grand calme. Et ils furent saisis de crainte et se dirent l'un à l'autre: Qui est donc Celui-ci, que le vent même et la mer lui obéissent?».

Citons aussi ce fragment sur la fin du chapitre 9 du même évangile, qui nous donne l'explication d'un passage assez difficile:

 «Jean avait donc montré une sorte de mépris pour un homme qui faisait usage du nom de Christ pour servir les âmes et vaincre le démon. Il avait prouvé qu'il ne connaissait pas le vrai secret de la puissance spirituelle, et que, tout sincère et fidèle qu'il était, il avait besoin de se tenir sur ses gardes. Le mal était sérieux, et le Seigneur profite de cette occasion pour adresser aux disciples le plus solennel avertissement qui nous soit rapporté dans les évangiles. Aucun discours de Jésus Christ ne nous présente une description aussi saisissante de la perdition éternelle. Il nous semble entendre retentir ces mots comme un glas funèbre, «où leur ver ne meurt pas, et le feu ne s'éteint pas». Puis, le Seigneur résume toute la question dans ces quelques mots d'exhortation: «Chacun sera salé de feu», et il ajoute: «tout sacrifice sera salé de sel». Ces deux choses sont distinctes.

«Il n'y a pas un seul enfant d'Adam, comme tel, qui puisse échapper au jugement: «Il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela d'être jugés». L'homme, étant pécheur, doit subir le jugement de Dieu; mais il y a des âmes qui sont délivrées de ce jugement, même ici-bas, et qui, dès à présent, ont un libre accès auprès de Lui, et se réjouissent dans l'espérance de la gloire de Dieu. Ceux qui reçoivent la Parole de Christ, et qui croient au témoignage de Dieu concernant son Fils, ont la vie éternelle, et ne viendront point en jugement. Cependant tout sacrifice sera salé de sel, c'est-à-dire: les coeurs qui appartiennent au Seigneur seront mis à l'épreuve, mais, tout en les faisant passer par le creuset, Dieu n'oubliera pas qu'ils sont à Lui.

«Ainsi, soit que Dieu agisse dans sa justice avec l'homme impénitent, ou dans sa miséricorde et sa fidélité avec le croyant, sa volonté est toujours précise, immuable. Le pécheur impénitent sera «salé de feu», le sacrifice vivant accepté de Dieu comme fruit du sacrifice expiatoire de Christ, sera salé de sel. Les saints glorifiés n'auront jamais à subir le jugement de Dieu, mais rien de ce qui les concerne ne restera caché. Le sel représente la puissance conservatrice de la grâce divine, ainsi que les effets qu'elle produit. «Le sel est bon», car il détruit la corruption de la chair; ce n'est pas un stimulant qui s'évapore ensuite sans laisser de trace; mais il a la saveur de l'alliance de Dieu. «C'est une bonne chose que le sel, mais si le sel devient insipide, avec quoi lui donnerez-vous de la saveur?». Quelle pente fatale, et combien il est dangereux de retourner en arrière! «Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix entre vous». C'est-à-dire, possédez tout d'abord la pureté, puis la paix les uns avec les autres. La pureté agit contre la chair et résiste à la corruption; elle préserve par la puissance de la grâce de Dieu. Puissions-nous posséder aussi cette paix; mais non pas au prix de la pureté de la doctrine, si nous avons à coeur la gloire de Dieu».