L'évangile selon Matthieu - Darby J.N. (paru en 1868 & 1869)

ME 1868 page 174 et continué dans le ME 1869 page 21

L'évangile selon Matthieu - Darby J.N. (paru en 1868 & 1869) 1

Introduction. 1

Caractère général de l'Evangile selon Matthieu. 3

Point de départ de Matthieu. 3

La généalogie du Christ 5

Le Christ 7

La naissance du Christ 8

Les titres sous lesquels Jésus apparaît 8

Israël 9

L'état d'Israël et l'accueil qu'il fait au Messie à son entrée dans le monde, — les Mages. 10

 

Introduction

La divine beauté des Ecritures n'apparaît pas seulement dans la perfection de chaque détail, mais encore dans toute la structure et la merveilleuse harmonie de l'ensemble: chaque pierre de l'édifice est parfaite en elle-même, mais elle fait partie d'un tout, et pour en saisir la vraie signification et la beauté tout entière, il faut la voir comme un partie de ce tout, à la place que le divin Architecte lui a donnée dans son plan; il faut comprendre le lien qui la rattache à la pensée première et capitale dont l'édifice dans son ensemble est la parfaite expression. Les traits particuliers, les contrastes, les ressemblances, les grandes parties distinctes, les liens et les traits généraux, tout a sa valeur et nous révèle quelque chose de la gloire de Celui auquel les Ecritures rendent témoignage: «Sondez les Ecritures, car… ce sont elles qui rendent témoignage de moi» (Jean 5: 39). Sous la main de l'homme qu'il employait, l'Auteur divin a caché sa propre main qui, dans chaque partie de l'oeuvre, a su faire briller un rayon de cette gloire qui n'est complète que par la réunion de tous les rayons, et qui luit dans toute sa vivante splendeur en la face de Jésus Christ, «l'image du Dieu invisible», «le resplendissement de sa gloire et l'empreinte de sa substance». «C'est Dieu qui a dit à la lumière de resplendir des ténèbres, qui a relui dans vos coeurs, pour faire luire la connaissance de la gloire de Dieu en la face de Jésus Christ» (2 Corinthiens 4: 6).

La valeur d'un pareil témoignage, au milieu des ténèbres, des incertitudes et de l'instabilité d'un monde de péché et de misère, est inappréciable; lui seul, par la puissance de l'Esprit de Dieu, peut renouer, entre l'âme et Dieu, le lien que le péché a rompu, et apporter la vie et la connaissance de Dieu là où étaient le péché et la mort. Dieu se révèle ainsi dans les saintes Ecritures pour le salut et le bonheur de quiconque reçoit son témoignage, et l'âme, qui boit à cette source pure, est remplie par l'Esprit de la pensée exprimée par le Psalmiste: «Tes témoignages sont des choses merveilleuses!» «L'entrée de tes paroles illumine et donne de l'intelligence aux simples» (Psaumes 119: 129, 130).

Dans cette pensée et avec le secours de Dieu, je voudrais rechercher ici quelle est la place qui appartient à l'évangile de Matthieu dans l'ensemble de la révélation divine, et quels sont l'objet spécial, l'ordre et le développement de l'enseignement du Saint Esprit dans ce premier livre des écrits du Nouveau Testament.

Les quatre Evangiles ne sont pas, je n'ai pas besoin de le dire, une répétition, plus ou moins complète, d'un même récit, écrit sous des impressions diverses de lieu, de temps, d'éducation, par des hommes abandonnés à eux-mêmes et à leurs capacités naturelles. Les hommes ont été les instruments pour la communication de ce dont Dieu est le véritable Auteur. Son Esprit a suscité, formé, dirigé, gardé les sentiments et les pensées dont il a Lui-même fourni l'expression à ceux qui ont été «les ministres de la Parole»; Dieu s'est servi des instruments qu'il avait lui-même préparés, mais le résultat, tel que nous l'avons sous les yeux (en laissant ici de côté tout ce qui touche à la question de la pureté du texte), est «la parole de Dieu» ou «les saintes Ecritures». Ces «Ecritures» ont pour nous l'autorité de Dieu; et au lieu de les juger, nous les écouterons pour être jugés et enseignés par elles; nous oublierons le canal qui a servi aux communications divines, sauf pour autant que la personnalité, le caractère, la position et les circonstances particulières au milieu desquelles l'écrivain sacré s'est trouvé placé, peuvent contribuer à nous faire mieux comprendre la pensée de Dieu qu'il était appelé à nous faire connaître, pensée qui n'est pas sans liaison avec l'instrument choisi pour sa communication, ni avec les circonstances auxquelles celle-ci se trouve rattachée. Nous étudierons ainsi les «Ecritures» comme venant directement de Dieu; au lieu de croire à des lacunes, à des erreurs ou à des imperfections quelconques, dues à la faiblesse des écrivains sacrés, et d'attribuer à leur personnalité ou aux circonstances, au milieu desquelles ils se sont trouvés placés, les différences qui distinguent les récits des quatre évangélistes, nous pourrons nous convaincre que les différences mêmes dans l'enseignement, dans l'ordre et dans la forme de chacun des livres, sont un fait tout divin: nous nous appliquerons à en rechercher les caractères et les motifs pour nous approcher ainsi, par le secours de Dieu, le plus près possible de la pensée divine dans la forme sous laquelle elle a été appropriée à notre faiblesse et sous laquelle nous sont présentés les différents rayons de la gloire de Celui en qui toute la plénitude s'est plu à habiter.

Les Evangiles nous présentent donc la personne de Jésus sous différents points de vue, dans cette intimité et cette proximité si attachantes de sa vie d'ici-bas. Jean, remontant plus haut que la Genèse, jusqu'à ce qui était déjà «au commencement», nous entretient de la gloire divine de Celui qui était éternellement dans le sein du Père et qui vint, dans le monde; passant par-dessus toutes les différentes dispensations qui ont précédé sa venue, il nous montre le Verbe fait chair, ici-bas dans la gloire d'un Fils unique, — la vie divine manifestée en Lui qui passa sur la terre comme un étranger, — il nous le fait connaître comme l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, et comme Celui qui donne le Saint Esprit: en un mot, il nous montre Dieu sur la terre. Luc nous présente le Fils de l'homme, cet être saint né dans ce monde de la vierge Marie, l'homme Christ sur la terre; il déroule sa vie d'homme devant nous depuis sa conception miraculeuse jusqu'à son ascension dans la gloire, nous montrant à la fois en Lui l'homme obéissant, objet de la faveur de Dieu, et la grâce souveraine visitant le monde, selon cette belle expression de l'épître à Tite: «La grâce qui apporte le salut est apparue à tous les hommes… (Tite 2: 11). Marc nous occupe du service de Jésus au milieu des hommes, et spécialement de son service de prophète. Matthieu enfin, dès les premières lignes de son Evangile, nous place devant le Christ, le Sauveur, Emmanuel, le Messie — Roi, l'objet des promesses de Dieu et l'espérance d'Israël.

La variété de ces différents points de vue sous lesquels les quatre évangélistes nous racontent la vie du Sauveur, amènent Jésus d'une manière particulièrement vivante et intime devant nous, en nous initiant à tous les détails de ses diverses gloires, divisant et multipliant les rayons qui doivent nous placer dans la lumière de sa présence, de manière à ce que nous jouissions de Lui-même sans être accablés par l'éclat de sa gloire. Par les Ecritures qui rendent témoignage de Lui, nous connaissons ainsi dès maintenant, par l'Esprit, pour le salut et le bonheur éternel de nos âmes, Celui qui fait la gloire et la joie du ciel; nous jouissons de la réalité de la bénédiction exprimée par Lui-même en ces mots: «C'est ici la vie éternelle qu'ils te connaissent seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus Christ».

Caractère général de l'Evangile selon Matthieu

L'évangile de Matthieu se rattache aux voies précédentes de Dieu sur la terre, dont le Messie et Israël forment le centre; il vient satisfaire ainsi d'une manière toute particulière aux besoins et aux espérances du peuple juif, auquel il est spécialement adressé. La connaissance des localités de la Palestine, des moeurs et des coutumes civiles et religieuses des Juifs, qu'il suppose chez ses lecteurs (comparez, par exemple, Matthieu 15: 2 avec Marc 7: 2-4); les nombreuses citations des écrits et des prophéties de l'Ancien Testament, dont il est plein; par-dessus tout, le caractère sous lequel, dès les premières lignes jusqu'à la fin du livre, il présente le Seigneur Jésus; la sphère même dans laquelle il se renferme, en ne suivant pas, comme Marc et Luc, le Seigneur jusqu'au ciel, mais le laissant au milieu de ses disciples sur la terre, — tout nous montre que Matthieu s'adresse aux Juifs, et que son évangile, approprié à la position particulière de ce peuple devant Dieu, se rattache aux promesses dont Israël était l'objet privilégié. Il n'est pas sans intérêt à ce propos, de remarquer que, à la différence de Marc et de Luc, celui que Dieu avait ainsi choisi pour présenter à Israël le Messie-Roi — Libérateur, et pour raconter sa réjection par ce peuple et l'appel des gentils, était un Juif, l'un des douze apôtres, l'un de ceux qui avaient suivi le Seigneur depuis le commencement de son ministère jusqu'au jour où il fut élevé au ciel: mais ce Juif, en même temps, était un publicain honni et méprisé à cause de ses relations avec les gentils qu'il servait (Matthieu 9: 9; comp. Marc 2: 14 et Luc 5: 27). Dieu avait bien choisi et préparé l'instrument qui convenait à l'oeuvre à laquelle il l'appelait.

Point de départ de Matthieu

Les premières lignes de Matthieu nous placent donc sur le terrain juif, sur le terrain des promesses, et de l'espérance d'Israël. Celui qui, depuis qu'il y a eu des promesses et un peuple juif sur la terre, au travers de la longue suite des infidélités de ce peuple, apparaissait toujours plus distinctement comme le Oui et l'Amen des promesses, le grand Libérateur, le Messie-Roi, allait naître dans le monde et être présenté à Israël. Matthieu l'introduit sur la scène comme le descendant des deux hommes, aux noms desquels se liaient toutes les espérances de ce peuple; son évangile commence par: «le livre de la généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham» (1: 1 comparez Actes des Apôtres 13: 23, 32, 33).

David est l'homme selon le coeur de Dieu, qui fera toute sa volonté, «le Roi», sous le sceptre duquel Israël devait être béni. Dans son incrédulité et sa propre volonté, Israël avait pu demander un roi, et prendre plaisir en Saül «qui était plus haut que tout le peuple depuis les épaules jusqu'en haut»; mais Dieu qui l'avait donné dans sa colère (1 Samuel 8-10; 12: 19; comparez Actes des Apôtres 13: 21, 22; Osée 13: 11), choisit «David», le plus petit d'entre ses frères, pour être le conducteur de son peuple. En le faisant passer au travers de toutes sortes de tribulations, il l'éleva sur le trône d'Israël, et lui déclara que, du fruit de ses reins, il susciterait, selon la chair, le Christ et l'établirait sur le trône à jamais: «Il arrivera, quand tes jours seront accomplis pour t'en aller avec tes pères, je ferai lever ta semence après toi, qui sera un de tes fils, et j'établirai son règne; il me bâtira une maison, et j'affermirai son trône à jamais. Je lui serai père, et il me sera fils… et son trône sera affermi pour toujours» (1 Samuel 16: 1-13; 2 Samuel 7: 12-16; 23: 3-7; 1 Chroniques 17: 7-14; Hébreux 1: 5). En celui-ci, «le Fils de David», devaient s'accomplir ainsi pour Israël les promesses de Dieu, toutes ces bénédictions que Dieu avait rattachées au nom de David, ou, comme s'exprime l'Ecriture: «les grâces assurées de David». Lui, «le Fils de David», le vrai «David», «mon serviteur» au temps de la bénédiction, devait soumettre toutes les nations à son sceptre et être roi sur Israël à jamais, Sion étant le lieu de son trône (Actes des Apôtres 13: 22, 23, 32, 34; comparez Psaumes 89: 4, 27-37, 49; 132: 11-18; Esaïe 9: 6-7; 11: 10; 55: 3; Jérémie 23: 5; 33: 15, 17, 19 et suivants; Ezéchiel 34: 23, 24; 37: 24, 25; Zacharie 12: 8; Matthieu 22: 45; Marc 9: 10; Jean 7: 42; Actes des Apôtres 2: 25-36; Romains 1: 3; 2 Timothée 2: 8; Apocalypse 5: 5; 22: 16; 2 Samuel 5: 7; Psaumes 2: 6).

Abraham est «l'héritier du monde» (Romains 4: 13); la sphère de bénédiction dont il est le centre est plus étendue que celle qui se rattache au nom de David; elle embrasse, non seulement Israël, mais «toutes les familles de la terre». Dieu fait sortir Abraham d'un monde idolâtre, dont il le sépare pour le bénir et faire de lui un centre et une racine de bénédiction; car on est béni selon la relation dans laquelle on se trouve avec lui. Dieu est son Dieu, «le Dieu d'Abraham»; il le bénit; il lui donne le pays de Canaan, lui fait la promesse d'une postérité nombreuse et puissante et lui annonce qu'en lui seront bénies toutes les nations de la terre (Genèse 12: 1-3; 13: 14-17; 15: 2-5, 18-21; 22: 16-18; Romains 9: 7; Exode 3: 6; Esaïe 51: 2; Luc 1: 54, 55, 73; Jean 8: 39, 53). C'est à lui que les promesses ont été faites, et à sa semence après lui; car  «c'est à Abraham que les promesses ont été faites, et à sa semence. Il ne dit pas: «et aux semences», comme parlant de plusieurs, mais comme parlant d'un seul, — «et à sa semence», qui est Christ (Galates 3: 16). Telle est la position d'Abraham, une position qui repose tout entière sur l'élection, l'appel et la promesse de Dieu: la promesse est inconditionnelle; Dieu s'est engagé par sa parole et son serment, et c'est de Lui seul, de sa fidélité et de sa puissance que dépend l'accomplissement de la promesse. La loi a pu intervenir, 430 ans après la promesse, afin que l'offense abondât, — mais elle ne peut pas «rendre la promesse sans effet» (Galates 3: 17-20). En sorte que, Israël ayant fait le veau d'or et violé l'alliance de la loi avant même qu'elle fût entièrement donnée, Moïse toutefois a pu intercéder en s'appuyant sur la fermeté de la promesse: «Souviens-toi d'Abraham, d'Isaac et de Jacob tes serviteurs, auxquels tu as juré par toi-même, en leur disant, etc.…» et Dieu pardonna (Exode 32: 13, 14). «Les dons et l'appel de Dieu sont sans repentir» (Romains 11: 20).

Les deux noms de David et d'Abraham ouvraient ainsi, par les promesses, la porte à la grâce qui venait visiter Israël dans le Messie. Aucun nom, plus que ceux de David et d'Abraham, les deux souches de la promesse, ne pouvait recommander davantage à Israël. Celui que Matthieu lui présente; c'est pourquoi il place au premier rang la généalogie qui donne à Jésus Christ la place de «fils de David», et de «fils d'Abraham». Cette généalogie est le lien qui, au point de vue juif, rattache la personne du Christ aux promesses faites aux pères et aux espérances du peuple de Dieu.

Les autres évangiles s'ouvrent tout différemment: Luc, en effet, écrivant à un Gentil qui ne pouvait pas avoir le même intérêt direct à la position Messianique du Christ, commence par donner tous les détails qui se rattachent à la naissance et à la position de Jésus comme homme dans ce monde; et quand il a fait connaître quel est celui qui se présente publiquement à Israël au baptême de Jean et qui, oint du Saint Esprit, reçoit du Père le témoignage qu'il est son Fils bien-aimé, il nous montre que dans son humanité, quoique toujours saint et séparé de toute souillure dans sa nature, il s'est associé à la famille humaine, comme «fils d'Adam, fils de Dieu». La généalogie de Matthieu descend d'Abraham et de David jusqu'au Christ qu'elle présente comme Fils de David, Fils d'Abraham; celle de Luc remonte de Christ jusqu'à Adam et à Dieu, pour faire ressortir l'humanité de Jésus (voyez Luc 3: 23-38). Ni Marc, ni Jean n'ont de généalogie; le premier, qui s'occupe du service de Christ, se borne à nous dire que celui dont il va parler est «Jésus Christ, le Fils de Dieu» (Marc 1: 1); le second, comment aurait-il tracé une généalogie à Celui qui était «au commencement» auprès de Dieu et qui était Dieu? «Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu et le Verbe fut fait chair et habita au milieu de nous…» (Jean 1: 1-14).

Le point de départ de Matthieu nous montre dans quelle sphère son évangile se renferme; le Fils de David apportait la bénédiction d'Israël, le Fils d'Abraham, si même le Fils de David était rejeté, était une ressource encore pour le peuple «bien-aimé, à cause des pères» et ouvrait en même temps pour les Gentils les canaux de la grâce, «en ta semence seront bénies toutes les nations de la terre» (Galates 3: 8).

La généalogie du Christ

Si nous entrons maintenant dans les détails de la généalogie que Matthieu nous donne, nous verrons une fois de plus, combien toute parole de Dieu est riche et édifiante. Là où une science «faussement ainsi nommée» ne trouve que matières à objections et pierres d'achoppement; là où l'oeil profane ne sait voir qu'une sèche nomenclature, la foi discerne partout le doigt de Dieu et l'empreinte de sa sagesse et de sa puissante grâce. Fidèle à ses promesses, Dieu, Jéhovah, le Dieu des pères, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob (comparez. Exode 3: 6, 15, 16), donnait le Messie à Israël (comparez Actes des Apôtres 13: 23; 32-35), et il l'introduisait sur la scène entouré des noms les plus chers à Israël et les plus glorieux pour lui. Commençant par les pères, par Abraham, Isaac, Jacob, et puis par Juda et ses frères, et faisant suivre, parmi beaucoup d'autres, David, le roi, Salomon, Josaphat, Ezéchias, Josias, il parlait au coeur de son peuple par les noms qui lui rappelaient les temps de sa gloire ou de ses relèvements et qui étaient comme l'expression de la faveur de Jéhovah pour lui. Mais, d'autre part, à côté d'une foule de noms d'hommes plus ou moins inconnus dans le monde ou humiliants pour Israël, nous trouvons, dans la liste généalogique de Matthieu, quatre noms de femmes qui étaient particulièrement propres pour abattre les prétentions d'un peuple charnel et orgueilleux, et pour manifester le caractère de la grâce qui amenait le Messie au milieu de ce peuple. Un Juif, qui se fût intéressé à la personne du Messie, loin d'enregistrer des noms semblables, les eût volontiers à jamais effacés du souvenir des hommes et n'eût pas manqué de rappeler plutôt les Sarah, les Rebecca, les Rachel, «ces saintes femmes qui espéraient en Dieu» (1 Pierre 3: 5, 6). Mais Dieu fait autrement: il est vrai dans toutes ses voies, et il ne voulait pas que l'orgueil charnel d'Israël trouvât, dans sa fidélité même, une occasion de se glorifier: non seulement il raconte dans l'Ancien Testament ce qui concerne Tamar, Rahab, Ruth, et celle qui avait été la femme d'Urie; mais il lie encore, ici, les noms de ces femmes d'une manière ineffaçable, à la généalogie du Messie d'Israël. Tamar rappelle le péché de Juda, le chef de cette tribu de laquelle devait sortir le Seigneur (Genèse 38; 49: 10; Hébreux 7: 14; Apocalypse 5: 5); Rahab, la honteuse et misérable condition d'une prostituée des nations maudites de Canaan (Josué 2; 6: 17 et suivants); Ruth, «la Moabite», la position de ceux qui, même après la dixième génération, étaient exclus de la congrégation d'Israël et dont Israël ne devait jamais chercher ni le bien ni la paix (Ruth 1: 4; Deutéronome 23: 3-6); «celle qui avait été la femme d'Urie», le péché et le meurtre qui avait attiré sur David et sa maison l'épée de Jéhovah (2 Samuel 11; 12: 1-14). Si des noms tels que ceux-là, sans parier de ceux de Manassé et d'Amon ou de tels autres, sont inscrits sur les tables généalogiques du Messie, ne disent-ils pas hautement et la vraie condition du peuple juif lui-même, et la parfaite et humble grâce de Celui qui entrait, ainsi entouré, au milieu de ce peuple pour le délivrer de ses péchés et lui apporter la bénédiction promise? Ne proclament-ils pas que nul péché n'était trop grand pour ne pas pouvoir être effacé par la grâce qui se révélait ainsi, que nul pécheur n'était trop éloigné pour que cette grâce ne pût pas atteindre jusqu'à lui et l'amener à Dieu? Oui, la grâce, qui donnait à une Cananéenne maudite et à une Moabite étrangère une place dans la lignée du Messie, saura aussi ramener Israël à la bénédiction et se répandre au loin sur les nations, les appelant à se réjouir avec son peuple.

A côté des noms dont la présence atteste une intention toute spéciale de l'Esprit saint, il en est d'autres dont l'absence, dans la nomenclature de Matthieu, ne mérite pas moins notre attention: ces noms sont ceux des trois rois Achazia, Joas et Amatsia, qui prendraient rang entre Joram et Ozias (1: 8).

Mais avant d'aller plus loin, nous devons faire remarquer ici d'abord que rien n'est moins strictement régulier et complet, selon nos idées, que les généalogies de l'Ancien Testament (voyez les premiers chapitres du 1er livre des Chroniques). Des familles entières, des peuples mêmes sont rappelés par un seul nom (1 Chroniques 2: 51-55; 4: 21, 22; 7: 12; 8: 6; Esdras 2: 61; etc.) les descendants d'un homme, à plusieurs générations, sont réunis ensemble comme «fils» du chef de race (comparez 1 Chroniques 4: 1 avec le commencement de 1 Chroniques 2); les listes sont souvent interrompues et reprises à neuf dès qu'un homme se présente avec le caractère de chef de famille ou de race, sans même que ce nom ait été mentionné plus haut; les omissions de nom sont fréquentes dès que la relation de parenté est établie en sorte que nous voyons Esdras, par exemple, n'omettre pas moins de sept noms dans sa propre généalogie et dans une circonstance, où tous ceux qui ne purent pas justifier de leur descendance d'Aaron, furent exclus de la sacrificature (comparez Esdras 7: 2 avec 1 Chroniques 6: 8-12). Les idées de famille et de parenté elles-mêmes chez les Juifs étaient fort différentes des nôtres sur le même point: Lot et Laban, l'un le neveu, l'autre le cousin d'Abraham, sont appelés ses «frères» (Genèse 14: 14; 9: 31; 24: 48); Belshatzar, le petit-fils ou descendant de Nebucadnetsar, est appelé son «fils» (Daniel 5: 22 et 18; voyez aussi Genèse 46: 21 comparez avec 1 Chroniques 8: 1 et suivants). De plus, selon la loi de Deutéronome 25: 5-10, appelée loi du «lévirat», le frère d'un homme décédé, dans certains cas, était tenu d'épouser la veuve du mort, afin de susciter de la postérité à son frère, et le premier-né de la veuve remariée portait alors le nom du défunt et se trouvait avoir deux pères, l'un réel et l'autre légal, et ainsi aussi deux généalogies différentes, l'une naturelle, l'autre légale (comparez Genèse 38: 8, 9 et Ruth 4: 5, 9, 10).

Tout cela montre qu'il importe, quand on s'occupe de généalogies juives, de se bien pénétrer des idées et des coutumes des Juifs, si différentes des nôtres sur ce sujet. Matthieu, d'ailleurs, s'il eût été conduit par la sagesse des hommes et la pensée de prévenir les objections, eût tout simplement copié les listes officielles de l'Ancien Testament qui, cela est évident, ne fût-ce que par les nombreuses citations qu'il en fait, lui était très familier, et dans lequel l'histoire des trois rois qu'il omet est longuement racontée. Mais Celui qui dirigeait Matthieu voulait rattacher la famille du Messie au sort de son peuple; et dans ce but, il divise sa liste en trois sections de quatorze (deux fois sept) générations chacune, correspondant aux trois grandes époques de l'histoire d'Israël, et il omet les noms qui eussent dérangé cet ordre, effaçant des tables généalogiques du Messie la descendance de l'apostate Athalie jusqu'à la troisième génération inclusivement.

Laissant d'autres détails qui nous entraîneraient hors du cadre que nous nous sommes tracé, nous avons à remarquer que la généalogie que nous fournit Matthieu est celle de Joseph et non celle de Marie, que, du moins selon notre pensée, nous trouvons ailleurs. Dans Matthieu, où il est question du Messie et de son titre à la royauté, Joseph est sur le premier plan, non seulement en ce que sa généalogie est la sienne, mais aussi comme nous le verrons plus loin, en ce que les communications de Dieu lui sont adressées, à lui, tandis que dans Luc, qui écrit à un gentil, pour les gentils, c'est Marie qui occupe cette place. Joseph est le représentant, le descendant direct de la branche royale de la famille de David: il est de la maison de Salomon; Marie représente la descendance naturelle: elle est de la maison de Nathan. Pour que les Ecritures fussent accomplies, il fallait que le Messie naquît, non pas seulement d'une vierge, et d'une vierge fille de David, mais de telle manière qu'il eût en même temps un titre légal au trône de David. Par l'union de Marie avec Joseph, Jésus, le fils de Marie, devenait l'héritier de Joseph, fils de David (1: 16, 20) et le représentant de la branche royale de la famille de David; il était «réputé» fils de Joseph (voyez Luc 3: 23; Jean 1: 45; 6: 42; etc.), et celui-ci disparaît de la scène dès que Lui revendique son titre de Fils de David. Mais l'Ecriture en même temps, avec une sainte jalousie, veille à ce qu'il n'y ait aucune incertitude sur la conception miraculeuse et la vraie nature de l'enfant de Marie — elle sépare non seulement, dans Luc aussi bien que dans Matthieu, Jésus de son père putatif; mais elle déclare de la manière la plus explicite que «Marie, sa mère, étant fiancée à Joseph, avant qu'ils fussent ensemble, se trouva enceinte de l'Esprit saint» et que «ce qui avait été conçu en elle, est de l'Esprit saint» (1: 18-20; comparez Luc 1: 35).

Si on voulait voir dans Luc la généalogie naturelle de Joseph (*), et non pas celle de Marie, cela impliquerait que le Saint Esprit n'a pas voulu nous donner la lignée naturelle du Seigneur par Marie, laissant reposer la certitude du fait qu'il était réellement «de la semence de David selon la chair» (Romains 1: 3; 9: 5; Actes des Apôtres 13: 23; 2 Timothée 2: 8; Apocalypse 5: 5; 22: 16) sur l'autorité divine des déclarations générales de l'Ecriture à ce sujet. On devrait peut-être même, dans ce cas, se demander si, au milieu des Juifs, et pour l'accomplissement des promesses faites aux Juifs, il était nécessaire, et dans l'intention divine, que Jésus fût autrement que légalement fils et héritier de David et ainsi d'Abraham, l'expression de «selon la chair» ayant ailleurs dans l'Ecriture, en maint endroit, un sens plus large que celui de la simple relation naturelle, tout en étant fondée sur elle (comparez Philippiens 3: 3, 4; 2 Corinthiens 5: 16; Romains 9: 5; 4: 1; etc.).

(*) On peut, en effet, lire Luc 3: 23, 24 ainsi: «Jésus lui-même commençait d'avoir trente ans (étant, comme on l'estimait, fils de Joseph) d'Héli…» c'est-à-dire [fils] d'Héli, liant Jésus (et non Joseph) avec d'Héli (comme Actes des Apôtres 1: 13, nous avons «Jude de Jacques», c'est-à-dire [frère] de Jacques), le nom de Marie qui forme le lien étant omis. Ou bien on peut lire: «Jésus lui-même… ans, étant comme on l'estimait, fils de Joseph, d'Héli» en liant d'Héli avec Joseph (et non avec Jésus), la question de savoir si Joseph figure pour son propre compte ou en vertu de son union avec Marie restant ouverte.

On peut supposer aussi que Marie étant, comme nous pensons, la fille d'Héli (Luc 3: 23, 24), et le Seigneur descendant ainsi d'Héli, si Marie en même temps n'avait pas de frère, Joseph se trouvait légalement avoir droit à être appelé «d'Héli», comme héritier et représentant légal d'Héli par Marie, en sorte que la généalogie de Luc serait à la fois la généalogie naturelle de Marie et la généalogie légale de Joseph.

Les difficultés qui surgissent pour l'interprétation des généalogies et pour l'établissement de la filiation de Jésus comme «Fils de David» ne tiennent donc point, nous venons de le voir, à ce que les généalogies de Matthieu et de Luc seraient en désaccord, mais à ce que ces listes sont susceptibles d'un grand nombre d'interprétations; les Ecritures fixent d'ailleurs le résultat nécessaire et final de toute étude sur ce point, en déclarant avec l'autorité qui leur appartient, que Dieu donnerait à l'enfant né de Marie le trône «de David son père» (Luc 1: 32), en sorte que dans le sens divin Jésus est de toute manière «le Fils de David».Matthieu ne laisse pas reposer un doute sur le fait que Jésus n'est pas le fils de Joseph, qu'il appelle «le mari de Marie, de laquelle est né Jésus qui est appelé Christ» (1: 16 comparez 1: 18, 20), et cependant pour établir la filiation de Jésus comme Fils de David et d'Abraham, il donne la généalogie de Joseph et fait ressortir le droit de Joseph au titre de fils de David (1: 20). Tout ce qu'il veut, cela est évident, c'est d'établir le titre légal de Jésus, et il le fait de la manière qui, vis-à-vis des Juifs, était bonne et probante.

«Ainsi toutes les générations depuis Abraham jusqu'à David sont quatorze générations; et depuis David jusqu'à la transportation de Babylone quatorze générations, et depuis la transportation de Babylone jusqu'au Christ quatorze générations» (1: 16, 17).

Le Christ

N'est-ce pas ici le lieu de nous rappeler la révélation que Gabriel vint apporter à Daniel le prophète près de cinq siècles à l'avance, en réponse à sa requête et à la confession qu'il faisait de son péché et du péché d'Israël? «Tu sauras donc et tu entendras que, depuis la sortie de la parole portant qu'on s'en retourne et qu'on rebâtisse Jérusalem, jusqu'au Christ, le Conducteur, il y a sept semaines et soixante-deux semaines… c'est-à-dire 483 ans» (Daniel 9: 25). Jésus en effet est le Christ promis à Israël, le Messie, l'Oint, celui que l'ange a amené aux bergers (Luc 2: 10, 11), celui dont André dit à Simon: «Nous avons trouvé le Messie, ce qui, interprété, est Christ» (Jean 1: 42), celui dont plus tard la Samaritaine disait à Jésus lui-même: «Je sais que le Messie, qui est appelé le Christ, vient» (Jean 4: 25). C'est lui qui est le glorieux personnage du Psaume 2, l'homme oint, le Roi sur Sion, celui à qui Jéhovah a dit: «Tu es mon Fils: Je t'ai aujourd'hui engendré» etc. (comparez Actes des Apôtres 4: 25-27), «le Oui et l'Amen» de toutes les promesses (voyez Actes des Apôtres 13: 32, 33); et il vient ait temps précis annoncé par Dieu.

La naissance du Christ

 «Or la naissance de Jésus Christ» arriva en cette manière: c'est que Marie, sa mère, étant fiancée à Joseph, avant qu'ils fussent ensemble, se trouva enceinte par l'Esprit saint; et Joseph, son mari, étant juste, et ne voulant pas faire d'elle un exemple, se proposa de la renvoyer secrètement. Mais comme il pensait à ces choses, voici un ange du Seigneur lui apparut en songe, disant: Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre auprès de toi Marie, ta femme, car ce qui a été conçu en elle est de l'Esprit saint; et elle enfantera un fils, et tu appelleras son nom Jésus, car il sauvera son peuple de leurs péchés» (1: 18-21).

Ici encore, comme dans la généalogie, c'est Joseph qui, dans Matthieu, apparaît sur la première ligne, tandis que Marie reste dans l'ombre; les communications de Dieu sont adressées par l'ange à «Joseph, fils de David». Dans Luc, au contraire, comme nous l'avons déjà fait remarquer, Marie a la première place et c'est à elle que Dieu envoie l'ange Gabriel. Jean ne parle ni de Marie, ni de Joseph, il dit simplement que «le Verbe» qui était au commencement et qui était auprès de Dieu et qui était Dieu… «fut fait chair» (Luc 1: 26-56; Jean 1: 14).

Joseph se propose de renvoyer Marie secrètement, ne voulant pas faire d'elle un exemple; mais Dieu va au-devant des craintes du pieux Israélite, et lui révèle la gloire qu'il a réservée à Marie: «Ne crains pas de prendre auprès de toi, Marie, ta femme, car ce qui a été conçu en elle est de l'Esprit saint; et elle enfantera un fils; et tu appelleras son nom Jésus, car il sauvera son peuple de leurs péchés» Matthieu, nous le voyons, n'entre pas comme Luc dans toutes sortes de détails sur la conception, la naissance et le caractère de l'humanité de Jésus (comparez Luc 1: 26-38; 2; 3: 21-38; etc.); il constate simplement le fait que ce qui était conçu en Marie était «de l'Esprit saint» et qu'elle enfanterait un fils (comparez Galates 4: 4; Genèse 3: 15) qu'il introduit sur la scène sous le nom de Jésus, comme Jéhovah qui vient sauver son peuple de leurs péchés, et en qui s'accomplit la parole du prophète, disant: «Voici, la vierge sera enceinte et enfantera un fils, et on appellera son nom Emmanuel, ce qui interprété est: Dieu avec nous» (1: 21-23).

Les titres sous lesquels Jésus apparaît

Le Fils d'Abraham, le Fils de David, le Christ, vient donc sous le nom de Jésus, dont le Saint Esprit lui-même nous donne la signification: il vient comme Jéhovah pour sauver son peuple de leurs péchés et pour être avec lui, «Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous». Nous sommes,on le voit,sur un terrain tout Juif, et dans l'ordre des voies de Dieu qui se rattache aux promesses. Il ne s'agit pas ici, comme dans l'évangile de Jean, de la gloire de Celui qui était au commencement, qui était auprès de Dieu de toute éternité, et qui était Dieu; il ne s'agit pas du Verbe fait chair, entrant dans le monde avec cette gloire d'un Fils unique, pleine de grâce et de vérité, et puis traversant le monde comme un étranger, en y révélant et y glorifiant le Père et en y rassemblant ses brebis pour les mener dehors; ce n'est pas non plus, comme dans l'évangile de Luc, le Fils de l'homme qui nous est présenté, cet être saint né de Marie, un homme né dans le monde qui dans cette nature humaine, a droit au titre de Fils de Dieu et qui, expression de la grâce souveraine qui apporte le salut, entre ensuite dans le ciel, homme glorifié, tourné vers les siens qu'il bénit. Ce n'est ni le Fils éternel de Dieu, ni le Fils de l'homme que Matthieu place devant nous; mais le Messie, à la fois le fils de David, fils d'Abraham, et Jésus Emmanuel, qui vient «sauver son peuple de leurs péchés». La réunion de ces deux caractères de «fils de David — fils d'Abraham» et de «Jésus-Emmanuel» est le secret de la gloire du Messie et de l'accomplissement de toutes les pensées de Dieu à l'égard d'Israël et, même au delà, jusqu'aux bouts de la terre. Le Fils de David était celui qui devait être Roi sur Israël à jamais (1 Chroniques 17: 11-14; Jérémie 15: 16; Ezéchiel 37: 24, 25); fils d'Abraham, il devait porter la bénédiction jusqu'aux extrémités de la terre dont il était fait l'héritier (Genèse 12: 1-3; 15: 4-6; 22: 15-18; Romains 4: 13); mais c'est Jéhovah qui sera Roi sur toute la terre (Zacharie 14: 5-9). C'est pourquoi nous lisons dans Esaïe: «L'enfant nous est né; le Fils nous a été donné; et l'empire a été posé sur son épaule; et l'on appellera son nom l'Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant, le Père d'éternité, le Prince de paix; et il n'y aura point de fin à l'accroissement de l'empire et à la prospérité sur le trône de David et sur son règne pour l'affermir et l'établir en jugement et en justice dès maintenant à jamais: la jalousie de Jéhovah des armées fera cela» (Esaïe 9: 6, 7). Et le Christ lui-même interrogeant les pharisiens leur demande: «Que vous semble-t-il du Christ? De qui est-il fils? — Ils lui disent: De David! Il leur dit: Comment donc David, en esprit, l'appelle-t-il, Seigneur, disant: le Seigneur a dit à mon Seigneur: assieds-toi à ma droite jusqu'à ce que j'aie mis tes ennemis pour le marchepied de tes pieds? — Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils? (Matthieu 22: 41-46).

Quel abaissement et quelles gloires dans ce mystérieux personnage, objet de toutes les prophéties, et de la longue attente d'Israël! Son humiliation et sa grandeur, sa sainteté absolue et la grâce de son apparition, sa filiation d'Abraham et de David et sa gloire de Dieu Jéhovah, son humanité et sa divinité, tout, en Lui, est fait pour confondre l'intelligence, juger la chair, attirer, persuader, et assurer le coeur. Il vient pour sauver son peuple de leurs péchés! Il prend place au milieu d'Israël, car Israël est son peuple!

Israël

La confusion extraordinaire que la tradition d'un christianisme corrompu a amenée dans les idées les plus simples, l'incertitude qu'elle a jetée sur le sens des expressions les plus explicites et la fausse portée qu'elle a donnée à ces expressions, nous obligent à nous arrêter un moment sur ce nom d'Israël et sur la position particulière du peuple que Jéhovah appelle «son peuple».

A part ce qui concerne le patriarche lui-même, et l'application restreinte du nom d'Israël qui est faite aux dix tribus en contraste avec Juda (comparez Jérémie 3: 6-10, 11; Ezéchiel 37: 16); quand l'Ecriture parle d'Israël, c'est des Juifs qu'elle veut parler, partout et sans aucune exception, soit dans l'Ancien soit dans le Nouveau Testament; jamais cette expression ne sert à distinguer soit l'Eglise, soit les chrétiens. Israël, selon l'Ecriture, est un peuple suscité par Dieu au milieu de l'idolâtrie des nations,après le déluge, pour être sur la terre le témoin du seul vrai Dieu et pour publier sa gloire au milieu des nations. «C'est moi, c'est moi qui suis Jéhovah; et il n'y a point de Sauveur que moi…; et vous êtes mes témoins que moi je suis Dieu…» «Je me suis formé ce peuple-ci; et j'ai dit: Ils raconteront ma louange» (Esaïe 43: 10-13, 21; comparez Ezéchiel 36: 23). C'est ce peuple que Dieu a tiré d'Egypte, et dont Jéhovah est le Dieu: «Ecoute Israël…: Je suis Jéhovah ton Dieu qui t'ai tiré d'Egypte, de la maison de servitude…» (Deutéronome 5: 1; etc.; Exode 20: 2, comparez Exode 14: 17-18); c'est de lui qu'il est dit que «lorsque le Souverain partageait les nations, quand il séparait les enfante des hommes les uns des autres, il établit les bornes des peuples selon le nombre des enfants d'Israël, car la portion de Jéhovah, c'est son peuple, et Jacob est le lot de son héritage» (Deutéronome 32: 8, 9). A lui, selon l'expression de Paul, sont l'adoption, et la gloire, et les alliances, et le don de la loi, le service (divin) et les promesses; auxquels sont les pères, et desquels, selon la chair, est descendu le Christ…» (Romains 9: 4, 5); et à lui a trait, directement, cette précieuse déclaration du même apôtre, que «les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir» (Romains 11: 29). L'Ecriture tout entière est pleine de l'histoire de ce peuple «bien-aimé à cause des pères»; elle nous en fait connaître le passé, le présent et l'avenir, et nous initie, par les dispensations de Dieu envers lui, par ses vicissitudes et son sort final, au secret des voies gouvernementales de Dieu dans le monde. Israël est le centre et l'objet spécial de ces voies de Dieu pour le gouvernement de la terre, comme l'Eglise a la première place quand il s'agit du ciel. Israël appartient à la terre, au monde; — l'Eglise a sa place dans le ciel, elle n'est pas du monde.

L'état d'Israël et l'accueil qu'il fait au Messie à son entrée dans le monde, — les Mages

C'est donc Israël que le Messie vient visiter, Israël ramené de Babylone par la miséricorde de son Dieu, et conservé dans le pays qui avait été donné à ses pères, mais Israël esclave dans ce pays, assujetti à ses ennemis (comparez Néhémie 9: 36, 37), soumis à un usurpateur établi sur lui par les Romains. «Or Jésus étant né à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, voici, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem, disant: Où est celui qui est né, le roi des Juifs? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus lui rendre hommage; et le roi Hérode l'ayant entendu, en fut troublé, et tout Jérusalem avec lui» (2: 1-3). Quel tableau de l'état du peuple de Dieu! La nouvelle de la naissance du roi des Juifs trouble Hérode et tout Jérusalem avec lui, et ce sont des mages d'Orient qui viennent de loin, les premiers, pour adorer celui qui est né, «le roi des Juifs». Là où sont les privilèges, la lumière, les oracles divins, le peuple qui est le premier objet des voies de Dieu dans l'envoi du Messie; là où les scribes ne savent pas seulement que le Christ vient, mais où ils peuvent dire aussi le lieu même de sa naissance, tout est en trouble au bruit de sa venue, et les coeurs sont fermés à la pensée qui l'amène; les oracles de Dieu sont connus, mais les coeurs sont indifférents à Celui dont ces oracles rendent témoignage; Hérode même veut se débarrasser du petit enfant par la ruse et le meurtre. Là, au contraire, où l'écho seulement de la voix des prophètes avait pu pénétrer, bien loin des contrées privilégiées éclairées par les témoignages de Dieu, là Dieu a su ouvrir des coeurs et les attacher au petit enfant qui est né, pour venir lui offrir des dons et l'adorer. Peut-être dans cet Orient, où les mages demeuraient, s'était-il conservé quelque tradition de la prophétie de Balaam qui avait annoncé, près de 1500 ans auparavant, qu'«une étoile procéderait de Jacob et qu'un sceptre s'élèverait d'Israël» (Nombres 24: 17). Peut-être les prophéties de Daniel s'étaient-elles répandues de Babylone jusqu'à ces hommes, et leur avaient-elles appris que, depuis la sortie de la parole portant qu'on s'en retourne et qu'on rebâtisse Jérusalem, jusqu'ou Christ le conducteur, il y avait 7 semaines et 62 semaines (Daniel 9: 25). Quoi qu'il en soit, plusieurs d'entre les Gentils, dans l'Orient en particulier, s'attendaient, nous le savons, à la venue de quelque grand personnage; et les mages, conduits en cela par Dieu, frappés par l'apparition d'une étoile ou d'un météore extraordinaire, s'étaient mis en route et étaient venus à Jérusalem, cherchant celui qui était né, le roi des Juifs. Quelque faible que fût la lumière qu'ils avaient, elle avait suffi, dans des coeurs droits, remplis d'un vrai désir, pour les amener dans cette capitale, où peut-être ils s'attendaient à trouver le roi qu'ils cherchaient, et où Dieu, par la bouche des principaux sacrificateurs et scribes, leur apprend le vrai lieu de sa naissance. Des étrangers sont ainsi appelés à apporter à Jérusalem la nouvelle de la naissance du Messie; ils ont le privilège de rendre au Christ les hommages et l'adoration qu'un Israël incrédule et orgueilleux lui refuse. L'étoile, que les mages avaient vue en Orient, leur réapparaît en Judée, et va devant eux jusqu'à ce qu'elle se tint au-dessus du lieu où était le petit enfant. Et quand ils virent l'étoile, ils se réjouirent d'une fort grande joie; et étant entrés dans la maison, ils virent le petit enfant avec Marie sa mère; et se prosternant, ils lui rendirent hommage; et ayant déployé leurs trésors, ils lui offrirent de l'or, de l'encens et de la myrrhe (2: 9-11). Hérode et les principaux sacrificateurs et scribes, les conducteurs du peuple, ont bien connaissance de la vérité, mais ils veulent vivre dans l'iniquité; la proximité seule de la lumière les trouble, parce que leurs oeuvres sont mauvaises (comparez Romains 1: 18; Jean 3: 19). Au temps d'Achab, Elie, par sa présence, troublait Israël (1 Rois 18: 17); ici, le Messie, le roi des Juifs, trouble Hérode et tout Jérusalem avec lui; mais les mages d'Orient, ceux d'entre les nations, l'ont recherché et l'ont trouvé; et ils ont été remplis de joie et l'ont adoré, «Et étant divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d'Hérode, ils se rendirent dans leur pays par un autre chemin» (2: 12).

Nous ne pouvons pas fixer exactement l'époque à laquelle les Mages sont venus à Jérusalem; nous pouvons dire seulement que ce fut pendant un séjour des parents de Jésus dans le lieu de sa naissance, «aux jours du roi Hérode», «Jésus étant déjà né à Bethléhem de Judée». Les informations exactes qu'Hérode prit auprès des Mages, et sa manière d'agir à la suite des informations nous permettent de conclure en outre que l'événement dont nous parlons s'est passé dans les deux premières années de la vie de l'enfant Jésus, car Hérode, voyant que les mages ne revenaient pas, fit tuer tous les enfants mâles qui étaient dans Bethléhem et son territoire «depuis l'âge de deux ans et au-dessous, selon le temps dont il s'était enquis exactement auprès des Mages» (2: 16).

Il y avait dans le massacre des enfants de Bethléem et de son territoire un accomplissement de cette parole du prophète: «Une voix a été ouïe à Rama, des lamentations, des pleurs, et de grands gémissements, Rachel pleurant ses enfants, et ne voulant pas être consolée de ce qu'ils ne sont pas» (2: 17). Hérode a voulu se débarrasser du petit enfant; mais la ruse et la puissance de l'homme ne peuvent rien contre Dieu et ses desseins: de sa main, Dieu protège l'enfant Jésus et trouve dans les projets meurtriers d'Hérode une nouvelle occasion pour la manifestation de sa grâce et de ses pensées envers son peuple. Rejeté des siens, poursuivi par un roi qui occupe le trône auquel Lui a droit, Jésus doit séjourner comme un étranger en Egypte, là où Jacob était descendu et où sa postérité avait été asservie 430 ans. Un ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, disant: Lève-toi; prends le petit enfant et sa mère, et t'enfuis en Egypte…; et Jésus fut là jusqu'à la mort d'Hérode, afin que fût accompli ce que le Seigneur avait dit par le prophète, disant: «J'ai appelé mon Fils hors d'Egypte» (2: 13-16). Un nouveau lien de cette glorieuse association du Sauveur avec son peuple est ainsi formé, car ce que Dieu avait dit d'Israël quand il était «jeune enfant» (Osée 11: 1), le Saint Esprit l'applique ici à Jésus. Le Messie qui visitait Israël ne s'associait pas au peuple seulement par sa généalogie et sa naissance selon la chair, il partageait encore les souffrances passées de son peuple, et refaisait pour ainsi dire personnellement tout le chemin que celui-ci avait traversé jadis: il est étranger en Egypte; il en remonte, il est l'objet des soins du même Dieu et doit dépendre de Lui. La manière dont le Saint Esprit associe et substitue, dans ce passage, le Christ à Israël est de la plus haute importance pour l'intelligence de la prophétie et des voies de Dieu envers son peuple. Au chapitre 49 d'Esaïe ce fait est déjà prophétiquement annoncé: pareillement, Israël, le serviteur de l'Eternel, est remplacé par le Messie lui-même, et Jéhovah lui dit: Tu es mon serviteur! Christ, le vrai serviteur, prend la place du peuple, traité jusque-là de serviteur, mais qui n'avait pas su répondre au service auquel il avait été appelé. Le «vieux cep», pris en Egypte, succombe, et Jésus prend sa place comme «le vrai cep», la vraie souche d'un nouvel et vrai Israël: à Lui, non plus à l'Israël qui le méconnaît, se rattachent l'accomplissement des promesses et l'a bénédiction: à Lui, la vraie semence d'Abraham, les promesses ont été confirmées, et elles sont toutes oui et amen en Lui (comparez Esaïe 5; Jérémie 2: 21, 22; Ezéchiel 15; Jean 15: 1; Galates 3: 16, 17; 2 Corinthiens 1: 20).

Quand Hérode est mort, l'ange du Seigneur apparaît de nouveau à Joseph, car dans Matthieu, comme nous vous l'avons fait remarquer déjà, c'est toujours à Joseph et non pas à Marie, que sont adressées les communications divines. Dieu ordonne à Joseph de prendre le petit enfant et sa mère et de retourner dans le pays qui, malgré le triste état de ceux qui l'habitent, est toujours pour Dieu «la terre d'Israël»; mais Joseph, ayant ouï dire qu'Archélaüs régnait en Judée à la place d'Hérode son frère, se retira dans les quartiers de la Galilée et alla habiter dans cette ville dont Nathanaël disait: Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth? (Jean 1: 17). Et ainsi fut accompli ce qui avait été dit par les prophètes: «Il sera appelé Nazaréen» (2: 19-23).

Nous connaissons maintenant l'origine et les titres du glorieux personnage qui entre sur la scène au milieu d'Israël; nous voyons la position qu'il prend et la condition du peuple qu'il vient visiter, et nous pouvons entrevoir déjà quelle est la réception qui lui sera faite par «les siens» et de quelle part Dieu lui amènera des adorateurs. Fils de David et d'Abraham, Jéhovah-Sauveur, Emmanuel, roi des Juifs, le Christ trouve un Edomite persécuteur sur le trône de David; le bruit de sa naissance apporta le trouble dans le coeur de l'usurpateur, et dans tout Jérusalem et, si des gentils, conduits par Dieu, viennent de loin adorer «Celui qui est né, le roi des Juifs», il faut que l'Egypte le mette à couvert des desseins d'Hérode; il faut qu'il y soit étranger, et qu'en étant rappelé, comme Israël autrefois, quand il était jeune enfant, il ne trouve de retraite que dans la ville méprisée de Nazareth.

Matthieu, en parfaite harmonie avec le plan qui lui est tracé, dès que le Messie-Roi est né, le met immédiatement en rapport avec Hérode, Jérusalem, et les principaux sacrificateurs et scribes du peuple; il nous montre l'état des coeurs dans Jérusalem, le trouble du peuple, l'inimitié du faux roi; il amène les gentils sur la scène: ce sont eux qui viennent apporter des dons au Christ, et cela, en dehors de Jérusalem. Luc introduit Christ d'une manière bien différente: dans son évangile, le Sauveur, en qui la grâce souveraine vint visiter le monde, apparaît entouré des louanges des armées du ciel, avec tout l'attrait de l'humanité sainte, et du titre doux et glorieux de Fils de Dieu, au milieu du résidu fidèle d'Israël; au lieu du Messie-Roi, des mages, d'Hérode, et des conducteurs religieux du peuple nous trouvons «l'enfant Jésus», Zacharie, Elisabeth, Marie, les bergers, Siméon, Anne, et tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la délivrance, et si le ciel donne gloire à Dieu, à cause du petit enfant né de Marie, la joie remplit les coeurs des fidèles, et ouvre leur bouche pour bénir Dieu. C'est au milieu des fidèles, et en relation avec eux et les espérances d'Israël que la scène s'ouvre pour s'élargir ensuite jusqu'aux bouts du monde, et s'étendre jusque dans le ciel où Jésus est élevé.

Nous avons vu plus haut quel est l'enfant qui est né de Marie, le Messie-Roi, qui est Emmanuel, le Sauveur. Matthieu nous l'a montré descendant en Egypte et puis en remontant par les soins de la providence divine, pour habiter maintenant près de trente années l'humble retraite de Nazareth. Là, comme nous l'apprenons par Luc, le petit enfant croissait et se fortifiait en esprit, étant rempli de sagesse; et la faveur de Dieu était sur lui si ses parents l'emmenaient à Jérusalem, où ils montaient toutes les années à la fête de Pâque, à l'âge de douze ans, il étonnait les docteurs dans le temple par son intelligence et ses réponses; il les écoutait et les interrogeait, car il lui fallait être aux affaires de son Père; et cependant il descendait de nouveau avec ses parents à Nazareth, et «leur était soumis». Ignoré du monde, dans une ville méprisée, Jésus avançait ainsi en sagesse et en stature et en faveur auprès de Dieu et des hommes: comme une belle fleur, la perfection s'épanouissait dans un homme sous le regard de Dieu. Le Fils de Dieu était là, mais on pouvait dire de Lui: «Celui-ci n'est-il pas le charpentier, fils de Marie, frère de Jacques, et de Joses et de Jude et de Simon, et ses soeurs ne sont-elles pas ici avec nous?» «Et ils étaient scandalisés en lui» (Marc 6: 3). La nuée ne s'était pas levée, pour la manifestation publique et le ministère actif du Christ au milieu d'Israël, et Jésus attendait patiemment, étant «soumis à ses parents», car les pensées de Dieu ne sont pas comme les pensées des hommes, et Nazareth devait avoir ses gloires comme les rives du lac de Génésareth et Jérusalem et la Judée.

Or en ces jours-là arrive Jean le Baptiseur. Il se lève dans le désert de la Judée comme l'avant-coureur de Jéhovah qui vient, afin de préparer son chemin; les paroles d'Esaïe le prophète, consolant Israël, s'accomplissent, et nous entendons la voix qui crie dans le désert: «Préparez le chemin du Seigneur, redressez ses sentiers». Jean vient, prêchant et disant: «Repentez-vous, car le royaume des cieux s'est approché» (3: 1-3; comparez Esaïe 40: 3).

La venue de Jean le Baptiseur marque une phase importante dans les voies de Dieu et est mentionnée par chacun des évangélistes à son point de vue particulier. Marc, qui nous parle de Jésus comme Serviteur, a hâte, il semble, d'entrer en matière; se taisant sur la naissance de Jean comme il se tait sur la généalogie, la naissance et les trente premières années de la vie du Sauveur, il fait commencer son évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu, immédiatement par la voix du Baptiseur, rappelant seulement les traits principaux de son témoignage, pour nous amener ainsi à un Serviteur et à un Témoin plus glorieux (Marc 1: 1-9). Luc, à qui nous devons le plus de renseignements sur l'humanité, la naissance et les premières années de la vie de Jésus, entre dans des détails de même nature au sujet de Jean Baptiste et fait briller, dans le témoignage de celui-ci, comme un reflet de la grâce de Dieu qui apporte le salut et qui allait apparaître à tous les hommes dans la personne de Celui devant qui Jean marchait. Jean est un sujet de joie pour plusieurs, il est rempli de l'Esprit saint déjà dès le ventre de sa mère; il tressaille de joie dans son sein à la salutation de Marie; il vient, dans l'esprit et la puissance d'Elie, ramener les coeurs des pères vers les enfants, les désobéissants à la pensée des justes, et préparer ainsi au Seigneur un peuple bien disposé, auquel il apporte la connaissance du salut dans la rémission des péchés; il croit et se fortifie en esprit, demeurant dans les déserts jusqu'aux jours de sa manifestation à Israël comme prophète du Très-Haut; nous entendons ensuite son témoignage et les exhortations qu'il adressait au peuple, et nous apprenons la fin qui lui fut réservée, car «ils lui ont fait tout ce qu'ils ont voulu» (Luc 1: 5-25, 39-45, 57-80; 3: 1-20). Dans l'Evangile de Jean, le Baptiseur a quelque chose de l'élévation de Celui devant qui il marche: un homme envoyé de Dieu, sans autre passé derrière lui que l'éternité, il vient rendre témoignage à «la lumière», afin que tous croient par lui; il vient introduire sur la scène Celui qui était ayant que le monde fût. Ce n'est pas Jean qui est, ici, un sujet de joie pour d'autres, mais Jean dit: «Voilà l'Agneau de Dieu», et sa joie est accomplie parce qu'il entend la voix de l'époux (Jean 1: 6-9, 15, 19-37; 3: 22-31). Dans Matthieu aussi, le témoignage de Jean Baptiste a son caractère particulier que nous allons examiner un peu plus en détail, car dans les Ecritures tout est divinement partait, les détails aussi bien que l'ensemble, chaque partie en elle-même aussi bien que l'ordre et les liens qui rattachent cette partie à d'autres et toutes les parties entre elles, en en faisant un grand tout complet.

Jean est le dernier représentant de l'ancien ordre de choses: «la loi et les prophètes sont jusqu'à Jean» il n'est pas encore dans le nouveau, mais il l'annonce et en prépare le chemin, car «le moindre dans le royaume des cieux est plus grand que lui» (11: 7-15).Le message de Jean n'est pas comme celui de Moïse, amenant Israël à Dieu et lui donnant des lois. Jean n'est ni sauveur, ni législateur, ni intercesseur; il ne vient pas non plus, comme les prophètes, rappeler à Dieu et à sa loi un peuple coupable et rebelle; il ne prêche pas davantage l'évangile de grâce; mais il marche comme un héraut devant celui qui l'apportera, pour préparer son chemin. Jean appartient encore à l'ancien ordre de choses, mais il annonce une chose nouvelle que Dieu va établir, le royaume des cieux; il annonce un personnage plus puissant que lui, qui était avant lui, Jéhovah lui-même qui venait, et comme préparation à sa venue, il prêche «la repentance»: «En ces jours-là, arrive Jean le Baptiseur prêchant dans le désert de la Judée, et disant: Repentez-vous, car le royaume des cieux s'est approché; car c'est ici celui dont il a été parlé par Esaïe le prophète, disant: Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, redressez ses sentiers» (3: 1-3).

Jean dit: «Repentez-vous, car le royaume des cieux s'est approché». Cette expression de: «royaume des cieux», que nous rencontrons ici pour la première fois, se rattache aux prophéties de l'Ancien Testament et est particulière à Matthieu, dans l'Evangile duquel nous la retrouvons plus de trente fois. Elle doit sans doute son origine à plusieurs déclarations que nous lisons dans le prophète Daniel qui, au chapitre 2 déjà, dans l'explication du songe de Nebucadnetsar, nous dit qu'après les quatre empires des nations, qui se succéderont sur la terre, au temps des dix rois, figurés par les dix orteils de la statue, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais ébranlé, ni laissé à un autre, mais qui brisera et consumera tous les royaumes et sera établi éternellement (Daniel 2: 28; comparez 4: 25, 26, 37). Cette idée du règne des cieux a quelque chose de vague d'abord: nous savons seulement que le Dieu des cieux l'établira et qu'il sera le résultat du jugement exécuté par la petite pierre coupée sans main et s'étendra sur toute la terre. Plus tard, une autre révélation du même prophète nous apprend que l'autorité du royaume des cieux sera placée entre les mains du «Fils de l'homme», qui vient sur les nuées des cieux et qui reçoit de l'Ancien des jours la seigneurie, l'honneur et le règne, tous les peuples, les nations et les langues le servant… (Daniel 7: 13, 14; comparez Apocalypse 1: 7, 8; 11: 15-18). Le.royaume des cieux est donc un état de choses sur la terre dans l'ordre des dispensations de Dieu, un gouvernement où le ciel est le siège du pouvoir, et la terre la sphère sur laquelle ce pouvoir domine; et de fait, à cause de la réjection du Messie et de son élévation à la droite de Dieu comme Fils de l'homme, c'est le règne des cieux sur une double sphère, l'une terrestre sous le gouvernement du Fils de l'homme glorifié, l'autre céleste sous l'autorité du Père; l'une appelée dans l'Ecriture: le royaume du Fils de l'homme» (13: 41; 16: 28; 19: 28; 25: 31; 26: 64; etc.) l'autre, appelée: le royaume «du Père» (13: 43; 26: 29; comparez 2 Timothée 4: 18).

Jean donc ne vient pas, comme les prophètes, rappeler le peuple à l'observation de la loi pour le faire jouir des bénédictions de l'ancien ordre de choses; il tourne au contraire les regards d'Israël en avant, vers le royaume qui s'est approché et vers Celui qui vient pour l'établir et qui y dominera. La position qu'il prend se lie au caractère du témoignage qu'il est appelé à rendre. Il ne vit pas comme Jésus au milieu des hommes; sa voix ne se fait pas entendre dans les rues; il ne va pas, dans l'exercice de la grâce de Dieu,de lieu en lieu faisant du bien, recherchant la brebis perdue jusqu'à ce qu'Il l'ait trouvée, consolant, pardonnant, guérissant, sauvant; non, Jean Baptiste vient «dans la voie de la justice» (21: 32); son nazaréat, qui est de la loi, le tient loin d'un peuple coupable et souillé; il grandit dans les déserts et y demeure séparé des hommes et de tout ce qui tient à eux; son vêtement est de poil de chameau avec une ceinture de cuir; il se nourrit de sauterelles et de miel sauvage, et de dehors sa grande et austère voix, annonçant la venue du royaume promis, fait peser sur les consciences la justice et le jugement, et appelle Israël à la repentance. Matthieu, plus qu'aucun des évangélistes, renferme le ministère du Baptiseur dans ces limites; il ne mentionne même pas la partie de son témoignage qui concernait la rémission des péchés (comparez Marc 1: 4; Luc 3: 3), et moins encore «le salut de Dieu» (comparez Luc 3: 6); il veut placer les consciences devant Dieu et faire fléchir l'orgueil d'Israël devant la gloire de Celui qui vient, comme avait fait Moïse au jour où, après l'érection du veau d'or, il avait appelé le peuple à se dépouiller de ses ornements pour s'abandonner à la merci du Dieu Souverain qu'il avait offensé et dont le jugement pesait sur lui (comparez Exode 23: 5, 6).

«Alors sont sortis vers lui Jérusalem et toute la Judée et toute la contrée du Jourdain; et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, confessant leurs péchés» (3: 5, 6). Le premier fruit, que le Saint Esprit produisait ainsi dans l'âme de ceux qui recevaient la parole apportée par Jean, c'était «la repentance», la confession des péchés. Ceux qui venaient et qui se faisaient baptiser prenaient une position vraie devant Dieu, la seule qui leur convint et par laquelle Dieu pouvait les ramener à lui et les bénir par sa présence au milieu d'eux. Avant que Dieu pût dire à Moïse: «Ma face ira, et je te donnerai du repos», il a fallu, comme nous l'avons dit, que le peuple ôtât ses ornements de dessus lui et prit devant le Dieu souverain la seule position qui convenait à des pécheurs; et il en est toujours ainsi. La foi, dans un pécheur, a nécessairement pour premier effet dans l'âme la repentance; la foi est la source de la repentance; elle opère dans l'âme et amène l'homme à se juger lui-même avec tous ses péchés, à la lumière d'un Dieu dont elle reconnaît le caractère et les droits; elle donne à l'homme, au moins dans une certaine mesure, la conscience de ce qu'il a été devant un Dieu de grâce, comme plus tard elle reste toujours, en un sens, un moyen de rendre plus profonde la vie, par une connaissance plus grande de ce que Dieu est. Rien n'est plus absurde que de placer la repentance avant la foi, car dans ce cas un homme serait renouvelé sans la foi, sans rien croire du tout. La grâce divine opère sur les âmes par la Parole, par des objets de foi que cette parole leur présente de la part de Dieu; et Dieu ouvre l'oeil de l'homme pour que l'homme se tourne des ténèbres vers la lumière, des objets par lesquels Satan possède son coeur, vers la révélation de l'objet divin qui lui est présenté en Christ. «La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend par la parole de Dieu» (Romains 9: 17; comparez Actes des Apôtres 16: 14). C'est pourquoi nous lisons que la repentance et la rémission des péchés ont dû être prêchées «en son nom», parce que c'était la foi en la valeur et l'excellence de ce nom qui devait opérer la repentance. Ainsi les «trois mille» qui ont été ajoutés à l'Assemblée le jour de la Pentecôte, ayant entendu la parole de Pierre touchant Jésus qu'ils avaient crucifié, et ayant cru, ont eu le coeur saisi de componction; après quoi Pierre leur montre la voie du salut. La grâce de Dieu produisit en eux une «tristesse selon Dieu» qui opéra la repentance (Actes des Apôtres 2: 36-41; comp. Romains 2: 4; 2 Corinthiens 7: 9, 10; Jonas 2: 5-10; Luc 11: 32). La repentance est une oeuvre essentiellement subjective, une nécessité, morale dans une âme que Dieu amène à lui; elle n'est pas la foi, mais le fruit de la foi; elle n'est pas non plus un simple changement de pensée quant à Dieu, mais elle est l'effet de ce changement. Jérusalem et toute la Judée et toute la contrée du Jourdain venaient ainsi vers Jean, «et ils étaient baptisés dans le Jourdain, confessant leurs péchés». Mais parmi ceux qui venaient, il y avait aussi «plusieurs des pharisiens et des sadducéens». Or Jean leur dit: «Race de vipères, qui vous a avertis de fuir la colère qui vient? Faites du fruit convenable à la repentance» (3: 7 et suivants). Ceux qui prétendaient à la première place, au milieu d'Israël, sont, aux yeux du prophète, les premiers objets du jugement qu'il annonce. Les pharisiens et les sadducéens pouvaient se vanter de leur qualité de «fils d'Abraham», mais Dieu voulait de la réalité; il était souverain et pouvait des pierres mêmes, susciter des enfants à Abraham. Tous les privilèges nationaux ne comptaient pour rien, s'il n'y avait pas de fruit convenable à la repentance; la cognée était même déjà mise à la racine des arbres; tout arbre qui ne produisait pas de bon fruit, allait être coupé et jeté au feu. Il ne s'agissait pas seulement de ce que la loi pouvait exiger, mais de ce que réclamait la gloire du royaume qui s'était approché et la gloire plus grande de Celui qui l'établirait, qui nettoierait parfaitement son aire et dont Jean n'était pas digne de délier les sandales. «Moi, je vous baptise d'eau pour la repentance; Celui qui vient après moi est plus puissant que moi;… lui vous baptisera de l'Esprit saint et de feu; il a son van en sa main, et il nettoiera entièrement son aire et assemblera son froment au grenier, mais il brûlera la balle au feu inextinguible» (3: 11, 12). La gloire du royaume n'était pas tout: il y avait la personne de Celui qui venait après Jean, qui était plus puissant que lui et dont la gloire s'étendait bien au delà du royaume. Jéhovah venait: c'est son chemin, le chemin du Seigneur, que Jean prépare devant Lui (comparez Esaïe 40: 1-11). La même voix qui crie: «Toute chair est comme l'herbe», dit aussi: «Voici votre Dieu!» .

Jésus Emmanuel était là au milieu de son peuple; Jean marchait devant lui, baptisant d'eau pour la repentance, afin de préparer ainsi son chemin devant lui. Dans Matthieu, Jean présente Celui qui vient après lui, sous un double caractère: d'abord, le Christ «baptise de l'Esprit saint et de feu» il apporte avec lui ce «feu» du jugement qui, moralement, dévore tout mal, là où doivent être établies ou maintenues des relations avec Celui qui, dans sa sainte nature, est «un feu consumant» (voyez Hébreux 12: 29); mais il baptise aussi «de l'Esprit saint»; il apporte avec lui cette puissance divine qui renouvelle les coeurs, qui les met en relation avec Dieu selon le caractère sous lequel il s'est révélé et qui les remplit de ce Dieu lui-même et de tout ce que sa grâce a préparé pour eux. Ensuite. Celui que Jean annonce «a son van en sa main et il nettoiera entièrement son aire» il viendra exécuter le jugement que l'état du peuple appelle; il viendra séparer, au milieu d'Israël «son aire», ce qui est pur d'avec ce qui est mauvais, ceux qui sont vraiment à lui d'avec tout ce qui ne peut pas subsister devant lui et qui sera l'objet de son jugement: «il assemblera son froment au grenier, mais il brûlera la balle au feu inextinguible».

Tel est le témoignage de Jean-Baptiste dans l'évangile de Matthieu. Le Saint Esprit, dans cet évangile, présente le ministère du Baptiseur dans sa connexion avec la relation du Seigneur avec Israël; nous y sommes, on ne saurait trop le répéter, sur un terrain entièrement juif — le royaume promis s'est approché; Jéhovah vient comme Chef de ce royaume; il apporte la bénédiction au résidu pieux qui confesse ses péchés, et il nettoiera son aire. Luc au contraire, qui écrit pour les gentils, nous donne la prédication de Jean sous un aspect plus général: Jean est encore la voix qui prépare le chemin du Seigneur qui vient selon la prophétie, qui baptisera du Saint Esprit et de feu et qui nettoiera entièrement son aire; mais Jean, dans Luc, ne fait aucune mention du royaume, mais il prêche «le baptême de repentance en rémission de péchés»; et au lieu de se renfermer dans les limites d'Israël, il élargit la scène jusqu'aux bouts de la terre; «toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline sera abaissée, et les choses tortues seront rendues droites… et toute chair verra le salut de Dieu (voyez Luc 3). Dans l'évangile de Jean, la gloire du royaume et l'état moral de ceux à qui le Baptiseur s'adresse, disparaissent entièrement devant la gloire personnelle de Celui sur qui il voit l'Esprit descendre et demeurer: «Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. C'est de celui-ci que moi je disais: Un homme vient après moi qui prend place avant moi, car il était avant moi… Pour moi, je ne le connaissais pas; mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau, celui-là me dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer sur lui, c'est Celui qui baptise de l'Esprit saint: et je l'ai vu, et j'ai rendu témoignage que celui-ci est le Fils de Dieu (voyez Jean 1; 3: 22 et suivants). Tout est parfait d'un bout à l'autre dans les Ecritures, mais la première pensée du coeur de l'homme, à la lecture des différents récits des évangélistes, est de concilier ces récits, de les corriger peut-être l'un par l'autre: préoccupé de l'instrument, de son caractère, de ses pensées, des circonstances particulières au milieu desquelles il se trouvait, on oublie ou l'on n'a jamais su que Dieu est l'auteur des saintes Ecritures, et Dieu ne fait ni erreur, ni omission, comme aussi il ne se répète pas inutilement. Toute «Ecriture» est «divinement inspirée et porte le cachet de sa main (2 Timothée 3: 16; comparez Romains 16: 25-27; 1 Jean 4: 6).

Séparé de tous les hommes dans le désert de la Judée, Jean le Baptiseur appelait du dehors Israël à la repentance, le chemin nécessaire de la bénédiction pour un peuple en chute; il annonçait le jugement et en appliquait aux consciences la solennelle réalité, mais il ouvrait à la foi une porte pour y échapper. Toute âme dans laquelle le Saint Esprit agissait vitalement et qu'il ouvrait pour recevoir le témoignage de Jean, était ainsi amenée à la conscience de son état et de l'état du peuple devant Dieu et prenait la seule position qui lui convint alors dans la repentance et la confession du péché. Venir au Jourdain à la voix de Jean, c'était le premier fruit de la foi, le premier pas du retour vers Dieu de l'âme qui avait vécu loin de lui. Le baptême de Jean séparait ainsi les vrais fidèles, «les restes» pieux d'Israël, de la masse incrédule du peuple et de ses orgueilleux conducteurs, que le jugement attendait. Ceux qui étaient baptisés reconnaissaient les droits de Dieu; ils confessaient leurs péchés et s'abandonnaient à la merci de Celui qui les appelait et qui allait venir. Le baptême les distinguait et les séparait du reste incrédule de la nation; à eux le Messie pouvait s'associer, ils étaient les vrais «saints», ces «excellents de la terre» du Psaume 16, auxquels il prenait son plaisir (comparez Esaïe 1: 9). Tous les prophètes font mention de ce «résidu», dont nous verrons la position et la séparation se dessiner toujours plus nettement, à mesure que la triste condition de la masse du peuple se manifestera à l'occasion de la présentation du Christ qui lui est faite.

C'est quand le résidu pieux d'Israël est ainsi distingué et séparé par le baptême de Jean, que le Messie, dans le chemin que lui traçait le Psaume 16, vient s'associer à lui (comparez Hébreux 2: 11-16): «Alors Jésus arriva de Galilée au Jourdain vers Jean pour être baptisé par lui, etc.…» (3: 13 et suivants). Jean recule à la pensée de baptiser Celui à la gloire duquel il venait de rendre témoignage et dont il ne se sentait pas digne de délier les sandales. «Moi, j'ai besoin d'être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi.!» Est-ce que Jésus avait quelque péché à confesser, lui qui, à la fin de sa carrière ici-bas, pouvait dire à ses ennemis: «Qui de vous me convaincra de péché?» et auquel le Saint Esprit rend le témoignage, qu'il «n'a pas connu le péché?» Avait-il à venir pour lui-même au baptême de repentance, lui le Saint et le Juste, lui qui n'était pas seulement innocent, c'est-à-dire bon sans la connaissance du mal, comme Adam dans le paradis, mais qui était saint, la sainteté impliquant la séparation absolue d'avec le mal, et la puissance contre le mal dans la connaissance du bien et du mal? Jésus était «saint» dans sa nature et dans ses voies; il était «cette chose sainte née de Marie», que le Saint Esprit avait formée, et il a fait toujours ce qui plaisait au Père: «il n'a pas connu le péché» (Luc 1: 35; Jean 8: 28, 29, 46; compaez Jean 14: 30; 2 Corinthiens 5: 21; 1 Pierre 2: 22; Actes des Apôtres 3: 14). Son nazaréat était d'un ordre infiniment plus glorieux que celui du Baptiseur, car celui-ci, le plus grand de l'ancien ordre de choses, a bien pu, avec une nature humaine pécheresse comme la nôtre, être rempli du Saint Esprit dès le ventre de sa mère», mais Jésus est de Marie de telle manière, par la puissance du Saint Esprit, qu'il est dans sa nature humaine saint, ayant droit ainsi, non seulement dans sa relation éternelle de Fils avec le Père, mais comme homme né sur la terre, d'être appelé «Fils de Dieu». Jésus aussi était d'en haut, «le Seigneur venu du ciel» (Jean 3: 31; 1 Corinthiens 15: 47); Jean était de la terre. «Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous;… le Père aime le Fils et a mis toutes choses entre ses mains» (Jean 3: 27-36). — Qu'était-ce donc qui amenait Jésus au baptême de Jean? Le sentiment du péché et de leur vraie condition devant Dieu y amenait les pécheurs; l'amour, l'obéissance, la justice y amènent Jésus: «Laisse faire maintenant, car ainsi il nous est convenable d'accomplir toute justice!» Il était convenable pour le Berger d'Israël, pour Celui qui venait en grâce «sauver son peuple de leurs péchés», de prendre place comme tel au milieu de ceux qui, dans le peuple, s'humiliaient à la voix de Jean et faisaient ainsi, sous l'action de l'Esprit, le premier pas dans le chemin du retour vers Dieu; il était convenable pour lui de se placer en grâce avec Jean, pour accomplir «toute justice», non seulement ce que la loi pouvait exiger, mais toute justice, dans le sens complet. «Ainsi, il nous est convenable, dit-il, d'accomplir toute justice». Alors Jean le laissa faire.

«Et Jésus ayant été baptisé,… voici, les cieux lui furent ouverts, et il vit l'Esprit de Dieu, descendant comme une colombe et venant sur lui; et voici, une voix du ciel disant: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir» (3: 16, 17). Le ciel s'ouvre sur un objet digne de lui; l'Esprit de Dieu vient sur Jésus, et le Père lui rend témoignage. Dieu prend soin de la gloire de son Fils, et si ses conseils de grâce et sa vérité, sa fidélité à ses promesses (comparez Romains 15: 8, 9) amènent ce Fils au milieu des pécheurs, il le distingue soigneusement et glorieusement de tous ceux qui l'entourent et auxquels il est venu s'associer. Il en est de même sur la montagne de la transfiguration: quand Moïse et Elie apparaissent en gloire parlant avec lui, Pierre ne sachant ce qu'il disait les voit ensemble avec Jésus comme sur le même rang dans la gloire; mais Moïse et Elie disparaissent aussitôt, et Jésus reste seul, et une voix vient de la nuée disant: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai trouvé mon plaisir, écoutez-le» (17: 1-8). Dans sa personne et dans la position qu'il prend ici, Jésus est l'objet de tout le bon plaisir du Père. A son entrée dans le monde, les armées du ciel se sont réjouies et ont donné louange à Dieu; ici, le Père lui-même fait entendre sa voix, son coeur étant plein, si je puis dire ainsi, de la satisfaction qu'il trouve en lui. Plus tard, la gloire du Père le ressuscitera d'entre les morts, le prendra à lui, et le séparera absolument des pécheurs, le glorifiant à sa droite, élevé plus haut que les cieux (Hébreux 7: 26). Précieux privilège, que de contempler Jésus comme il était sous le regard de son Père, que d'arrêter nos yeux sur la pensée qui l'amène et sur la gloire de sa personne, et la perfection de ses voies. «La parole fut faite chair et habita au milieu de nous pleine de grâce et de vérité». Devant cette gloire le disciple bien-aimé ne peut pas se taire, comme ailleurs l'Eglise (Apocalypse 1: 5, 6), quand Jésus Christ est nommé. Son coeur déborde et il dit avec un nous que tout croyant est heureux de dire avec lui: «Et nous vîmes sa gloire, gloire comme d'un Fils unique de le part du Père» (Jean 1: 14).

Le ciel s'est ouvert sur Jésus. Jusque-là Ezéchiel, en vision, avait bien pu voir les cieux ouverts (voyez Ezéchiel 1: 1), et Dieu d'en haut avait pu, dans sa patiente bonté, et d'une manière providentielle, bénir la création, gouverner son peuple et garder ses élus; mais de fait le ciel était resté fermé. Mais une fois que Jésus, le Fils bien-aimé de Dieu, est sur la terre, le juste objet des regards du ciel est là; les anges se courbent pour le contempler; ils suivent ses pas et ils montent et descendent sur le Fils de l'homme pour le servir: le ciel s'ouvre et il s'ouvre sur Jésus et à Jésus. L'Ecriture nous présente le ciel ainsi ouvert, dans quatre occasions mémorables, et toujours c'est sur Jésus qu'il est ouvert et vers Jésus que les regards sont tournés. Dans les deux premières occasions, Jésus est sur la terre: ici d'abord, où, entouré du résidu pieux, le ciel s'ouvrant, il est solennellement oint de l'Esprit de Dieu et reconnu «Fils de Dieu»; ensuite quand, selon ses propres paroles à Nathanaël, le ciel étant désormais ouvert, il est, «comme «Fils de l'homme», l'objet du service des anges qui montent et descendent sur lui (Jean 1: 52). Dans les deux autres occasions, Jésus apparaît dans le ciel. Rejeté sur la terre, il a été reçu dans le ciel; et le croyant, partageant son sort ici-bas, voit le ciel ouvert et le Fils de l'homme à la droite de Dieu (Actes des Apôtres 7: 55, 56; comparez Hébreux 2: 5-9 et toute l'épître aux Hébreux); la vie et les espérances du fidèle sont transportées, avec Jésus qui en est l'objet, de la terre dans le ciel. Enfin au chapitre 19 de l'Apocalypse, encore une fois nous voyons le ciel ouvert, et celui qui s'appelle «la Parole de Dieu», «le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs», monté sur un cheval blanc et suivi par les armées du ciel, sort du ciel pour frapper les nations et les gouverner avec une verge de fer et fouler la cuve du vin de la fureur de la colère du Dieu tout-puissant (Apocalypse 19: 11 et suivants).

Les cieux étant ouverts à Jésus, Dieu, nous le voyons, ne lui présente pas comme à nous un objet pour qu'il soit formé par lui (comparez Actes des Apôtres 7: 55-66; 9: 3-5; 26: 12-19; 2 Corinthiens 3: 18; 4: 3-6; Hébreux 12: 1, 2), car lui-même, nous l'avons déjà dit, est l'objet vers lequel les regards sont tournés; mais Jésus «vit l'Esprit de Dieu descendant comme une colombe et venant sur lui». Le Saint Esprit ne vient pas former le caractère de Jésus ni sa relation avec le ciel et avec le Père; mais il descend sur Jésus comme sceau d'une relation déjà existante, comme la force et le soutien immanquable de la perfection de sa vie humaine et accompagné de ce témoignage du Père: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir». Un homme sur la terre dans la position de dépendance et d'abaissement, dans laquelle Jésus nous est présenté ici au milieu des Juifs repentants, a droit au titre glorieux de Fils de Dieu et reçoit du Père lui-même le témoignage de sa relation avec lui.

Jésus n'est pas seulement «le Fils», le Fils éternel de Dieu, Celui qui était au commencement et qui était avec Dieu, et qui était Dieu, et par qui tout ce qui a été fait a été fait (comparez Colossiens 1: 15-17), et dont l'apôtre Jean nous fait connaître la gloire; mais, comme homme engendré dans le temps sur la terre, sa nature humaine ayant été formée par l'Esprit de Dieu dans le sein de la vierge Marie, il a droit d'être appelé Fils de Dieu: «Cette chose sainte née [de toi], sera appelée Fils de Dieu». «Tu es mon Fils; je t'ai aujourd'hui engendré» (Luc 1: 24-38; Psaumes 2: 7); et c'est de cette relation de l'homme Jésus avec Dieu que le Saint Esprit est le sceau. Le Fils de l'homme est scellé du sceau de Dieu (comparez Jean 6: 27; Actes des Apôtres 10: 38), et l'Esprit de Dieu vient sur lui sous une forme qui est la manifestation du caractère de grâce, de débonnaireté et d'humilité, sous lequel il vient prendre place au milieu d'Israël. «Il ne contestera pas et ne criera pas; personne n'entendra sa voix dans les rues; il ne brisera pas le roseau froissé, et il n'éteindra pas le lumignon qui fume…» (14: 1 et suivants; comparez Actes des Apôtres 2: 2-4, où il s'agit de la communication de la puissance de Dieu en témoignage dans le don du Saint Esprit). La relation déjà existante avec le Père est scellée; il a conscience de la présence immédiate du Saint Esprit avec lui, et il jouit de sa relation avec le Père comme homme. Il vient en grâce, étant oint maintenant de l'Esprit Saint et de puissance, pour aller de lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance (voyez Actes des Apôtres 10: 38; comparez Jean 1: 32-34; 3: 34, 35; 6: 27). L'onction du Saint Esprit, et l'intervention du Saint Esprit pour former la nature humaine de Jésus dans le sein de Marie sont deux choses bien distinctes, et que la loi de Moïse préfigurait déjà par deux gâteaux différents, tous deux de «fine fleur de farine», et sans levain. Il y avait d'abord les gâteaux «de fleur de farine pétrie avec de l'huile», qui nous présentent la nature humaine de Jésus formée par la puissance du Saint Esprit en dehors de tout péché et de toute souillure, une nature sainte, non pas seulement innocente, comme avait été Adam avant la chute. Mais il y avait aussi les gâteaux de fleur de farine oints d'huile», les gâteaux sur lesquels l'huile était versée, figurant cette personne de l'homme Jésus oint et scellé de l'Esprit de Dieu, qui vient en grâce, au milieu d'une scène de péché et de ruine, accomplir toute justice et s'associer à ceux que Dieu reconnaissait ici-bas, pour être leur Berger et leur Sauveur (comparez Lévitique 2). En principe la même chose a lieu aussi pour nous: en tant que chrétiens, nous sommes  «vivifiés» par l'Esprit, «engendrés», «régénérés»; nous sommes «nés de nouveau», «nés de Dieu», «nés d'eau et de l'Esprit», et «ce qui est né de l'Esprit est esprit», comme ce qui est né de la chair est chair: il s'agit de la nature de la chose (voyez Ephésiens 2: 5; Colossiens 2: 13; Jacques 1: 18; 1 Pierre 1: 3, 23; 1 Jean 5: 1; Jean 1: 12-13; 3: 3-8). Ensuite, parce que nous sommes fils, étant ainsi nés de Dieu, Dieu envoie l'Esprit de son Fils dans nos coeurs comme Esprit d'adoption et de puissance, comme l'onction du Saint par laquelle nous connaissons toutes choses, comme le sceau de Dieu, et les arrhes de notre héritage, nos corps devenant ainsi les temples du Saint Esprit qui habite en nous (voyez Galates 4: 6; Actes des Apôtres 1: 4-8; 2 Corinthiens 1: 21, 22; 1 Corinthiens 6: 19; Ephésiens 1: 13, 14; 4: 30; Romains 8: 14-17).

L'Ecriture nous montre donc ici, au baptême de Jean, Jésus sur la terre devant le ciel ouvert, le Saint Esprit descendant sur lui, et la voix du Père lui rendant témoignage: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai trouvé mon plaisir». Dans un monde de péché et de misère, où le regard de Dieu, comme naguère le pigeon de Noé, ne trouvait pas où se poser, un homme est reconnu le Fils de Dieu, l'objet de toute la satisfaction du Père. Lui seul, au milieu de tous, a droit à ce titre excellent de Fils de Dieu et à la faveur et à la gloire qui s'y rattachent; et il est publiquement scellé et reconnu comme tel, quand la justice, l'obéissance et la bonne volonté de la grâce l'amènent au milieu de ceux qui confessent leurs péchés, se faisant baptiser par Jean. «Aux saints qui sont sur la terre, à ces personnes excellentes, en eux, je prends tout mon plaisir» (Psaumes 16: 3). Jésus se place au milieu d'eux, s'abaissant jusqu'à eux, se rendant obéissant, dépendant, disant à Dieu: «Garde-moi, ô Dieu, je me confie en toi». «Tu es le Seigneur, etc.…» (Psaumes 16: 1, 2). Sa sainte nature, le sceau de l'Esprit; sa relation avec son Père à laquelle le Père lui-même rend publiquement témoignage, l'isolent et le distinguent de ceux qui l'entourent; mais son amour et ses sympathies pour eux l'amènent à eux et l'associent à leur sort. Lui qui n'a pas besoin de repentance, qui n'a pas de péché à confesser, car il «n'a point de péché» et «n'a pas connu le péché» (1 Jean 3: 5; 2 Corinthiens 5: 21), il prend place au milieu d'eux au premier pas de leur retour vers Dieu, alors qu'ils n'ont que leurs péchés à confesser. Il ne s'associe pas à l'humanité pécheresse; il n'appelle pas tout homme son frère, mais ceux-là seulement que Dieu lui a donnés», la semence d'Abraham», et comme eux, «les sanctifiés», «ont part à la chair et au sang, lui aussi semblablement y a participé». Entrant dans leurs besoins et toutes leurs circonstances, quoique, toujours comme quelqu'un qui n'y est pas assujetti par lui-même, il vient souffrir leurs douleurs, être tenté en toutes choses comme l'un d'eux à part le péché, porter leurs langueurs et leurs maladies, rencontrer tous leurs ennemis, pour les conduire ainsi sûrement vers la bénédiction, en dépit de tous les obstacles, et les faire jouir avec lui de la faveur qui repose sur lui, dans une délivrance dont lui-même, au prix de sa vie, sera le glorieux Auteur. Sa perfection l'amène là où le péché a placé ceux que le Père lui a donnés; il vient au milieu d'eux par un chemin qui est exactement l'inverse de ce que le leur a été; et il s'associe à eux pour être leur titre auprès de Dieu, leur sauvegarde, leur modèle, leur Sauveur. C'est Jéhovah lui-même qui se place au milieu de son peuple; mais il entre sur la scène comme un homme humble, obéissant, se faisant Serviteur. Le Berger entre par la porte dans la bergerie; le portier lui ouvre; il appellera ensuite ses propres brebis et les rassemblera; il marchera devant elles et s'avancera avec elles dans le chemin qui conduit à Dieu, dans le chemin de la vie; il verra venir le loup, mais il donnera sa vie pour les brebis et les conduira sûrement jusqu'au bout, à la pleine bénédiction, les associant à lui dans la position dans laquelle il se trouve lui-même (comparez Hébreux 2: 10 et suiv.; 5: 7-9; Jean 10: 1-31).

Cette glorieuse position, cette «part avec lui» (comparez Jean 13: 8), il faut bien le remarquer, ne sera réellement et complètement acquise aux «sanctifiés», que par la mort et la résurrection. «A moins que le grain de froment ne tombe en terre et ne meure, il demeure seul; mais s'il meurt il porte beaucoup de fruit (Jean 12: 24). Les «enfants» dont parle le prophète (Esaïe 8: 18; comparez Hébreux 2: 13) sont bien donnés à Jésus dans sa vie d'ici-bas; mais quelles que soient d'ailleurs les révélations qu'il leur a apportées, à eux que le Père lui avait donnés et auxquels il faisait connaître le nom du Père, le lien entre eux et le Père n'est pas réellement établi tant qu'il est vivant avec eux sur la terre. Lui est avec eux: «Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous d'un» (Hébreux 2: 11) non pas «d'un même Père», comme on a voulu interpréter ce passage, non pas dans un même état d'humanité, car lui est saint et eux sont des pécheurs; mais il est dans une même nature humaine avec eux devant Dieu; il est avec eux dans cette position, dans laquelle ils se trouveront effectivement avec lui devant Dieu, quand ils auront été joints à lui dans cette même relation, dans laquelle il se trouve lui-même. Mais ce n'est que dans la résurrection qu'ils sont effectivement joints à lui dans sa position de «Fils», d'homme — fils de Dieu. C'est pourquoi, c'est après la résurrection seulement qu'il les appelle ses frères, disant à Marie: «Va vers mes frères, et leur dis: «Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu» (Jean 20: 17; comparez Psaumes 22: 22).

On voit par ce qui précède combien cette association de Jésus, vivant ici-bas, avec le résidu juif, avec les disciples, association qui est en principe celle que nous présente le livre des Psaumes, est différente de la relation de Christ ressuscité et glorifié avec l'Eglise, telle que nous la trouvons exposée dans les épîtres aux Ephésiens et aux Colossiens. Christ vivant sur la terre est homme, un homme saint, «sans levain»; mais il est venu se placer au milieu d'hommes pécheurs; il est «seul», car le grain de froment n'est pas encore mort; mais son amour et la volonté de son Père l'ont amené au milieu de ceux que la confession de leurs péchés sépare de la nation, pour prendre part à toutes leurs circonstances, sans y être jamais personnellement assujetti, pour s'associer à eux dans les sympathies de son coeur, pour les conduire ainsi vers le royaume et la bénédiction, comme un Berger qui conduit son troupeau. Soit dans ses sympathies pour eux, soit pour la justice, de la part des hommes; soit pour le péché, de la part de Dieu, il souffre tout afin de les amener à Dieu. Christ ressuscité et glorifié n'est pas sans l'Eglise dans la gloire, il est ressuscité «premier-né entre plusieurs frères; l'Eglise est une avec Lui; elle est son corps et la plénitude de celui qui remplit tout en tous, car c'est de Lui et d'elle que l'apôtre dit: «Les deux seront une seule chair», car: «Ce mystère est grand; mais moi je le dis par rapport à Christ et à l'Assemblée» (Ephésiens 5: 31, 32).

Une scène bien différente s'ouvre maintenant devant nous: l'homme sur lequel le ciel vient de s'ouvrir et qui a été scellé de l'Esprit Saint, recevant du Père le témoignage qu'il est son Fils bien-aimé, Jésus, le Christ, Fils de l'homme, Fils de Dieu, est conduit par l'Esprit au désert pour y être tenté par le diable. Ayant pris place selon Esaïe 8: 17, 18 (comparez Hébreux 2: 11 et suivants) au milieu des «sanctifiés» que la voix de Jean le Baptiseur a séparés de la masse incrédule d'Israël, «le Chef de leur salut», leur «Sauveur», il s'en va maintenant tout d'abord au-devant de l'Ennemi, le grand Adversaire, le Serpent ancien appelé Diable et Satan qui, par ses ruses, assujettit l'homme à sa puissance et en fait son malheureux esclave. Jésus va seul au désert au-devant du «Tentateur» (4: 3; comparez Genèse 3: 1; 1 Chroniques 21: 1; 2 Corinthiens 11: 3, 14; Apocalypse 12: 9), comme seul aussi plus tard, à Gethsémané et à la croix, il aura affaire avec lui comme Adversaire», Chef du monde, et celui qui a la puissance de la mort (1 Timothée 5: 14; Jean 14: 30; Hébreux 2: 14); il va au désert chercher «l'homme fort» (12: 29) pour le lier, commençant avec lui cette lutte à mort dans laquelle, en dépit de ses ruses et de toute sa puissance, il le vaincra, le dépouillera de ses biens, lui ravira ceux qu'il tient captifs, et fera de lui, comme Jéhovah a fait de Pharaon, selon ce que dit l'Ecriture: «C'est pour cela même que je t'ai suscité, pour démontrer en toi ma puissance et pour que mon nom soit publié par toute la terre» (Exode 9: 16; Romains 9: 17; comparez Matthieu 12: 29; Jean 14: 30; Hébreux 2: 14, 15; Colossiens 2: 15; Luc 10: 17, 18; Apocalypse 12; 13: 2-4; 20: 1-3, 7-10).

Mais d'où vient Satan et qui est-il proprement? Ezéchiel, je le pense, nous l'apprend au chapitre 28 de son livre. Dans les versets 11-19 de ce chapitre, où il s'occupe du prince et du roi de Tyr, il nous fait entrevoir, sous les traits de ce roi, un plus haut personnage et soulève ainsi le voile qui cachait l'origine de Satan et sa chute. Tout le passage se rapporte historiquement à Tyr, à son prince et à son roi, mais, dans les versets 11-19, le prophète, je n'en doute pas, voit plus loin que le roi de Tyr, tout en parlant de lui. Il prend occasion de la gloire mondaine d'un roi apostat qui s'est élevé par orgueil et qui, étant un homme, après avoir acquis des richesses et de la puissance par sa sagesse, s'est fait passer pour Dieu et a été ensuite jeté par terre, pour nous montrer la beauté originelle, la chute et les voies de celui qui est devenu l'ennemi de Dieu et, par notre péché, le «chef du monde» et le «dieu de ce siècle» (comparez 13: 28, 39; Jean 14: 30; 2 Corinthiens 4: 4). Il a été, en Eden, dans le paradis de Dieu, sur la montagne de Dieu, là où l'autorité de Dieu s'exerçait, un chérubin oint pour servir de protection, une créature parfaite en beauté morale, faisant reluire et valoir la lumière en rapport avec la création, là où resplendissait ce qu'il y avait de plus glorieux et de plus éclatant dans cet ordre de choses (versets 12-14). Ses voies ont été parfaites jusqu'à ce que la perversité ait été trouvée en lui; il a péché et est tombé ainsi, non pas en cédant comme Eve à une sollicitation du dehors, mais en s'élevant dans son coeur à cause de sa beauté; il a perdu sa sagesse et a été jeté dehors comme une chose profane, en spectacle aux rois (versets 15-19). L'homme a été séduit, et quoique cela n'ôte pas sa culpabilité, Dieu en tient compte dans ses voies envers lui; Satan n'a pas été séduit; il s'est élevé lui-même; son coeur s'est enorgueilli de sa beauté et est devenu le berceau du mal dans la création, la fontaine d'où le mal s'est répandu. Satan «a été meurtrier dès le commencement, et il n'a pas persévéré dans la vérité, car il n'y a pas de vérité en lui. Quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, car il est menteur et le père du mensonge» (Jean 8: 44). Le chérubin oint, parfait en beauté, est devenu ce «Serpent, le plus fin de tous les animaux des champs que l'Eternel Dieu avait faits», qui s'approcha d'Eve au matin de ce monde, et qui, réussissant à se faire écouter d'elle, la plongea avec Adam et toute sa race dans la servitude du péché et de la mort. C'est lui qui, ayant parcouru la terre, entra au milieu des fils de Dieu, devant l'Eternel, accusant Job (Job 1: 6 et suivants; 2: 1 et suivants). C'est lui qui s'éleva contre Israël et incita David à faire le dénombrement du peuple (1 Chroniques 21: 1). C'est lui que nous voyons debout devant l'Ange de l'Eternel, à côté de Jéhosuah, le grand sacrificateur, pour le contrarier (Zacharie 3: 1 et suivants). C'est lui, «le Méchant» (1 Jean 5: 18, 19) que l'Ecriture nous présente partout comme l'opposé et l'adversaire de Christ et des siens, de même que le monde est opposé au Père (1 Jean 2: 15-17) et la chair à l'Esprit (Galates 5: 17; Romains 8: 4 et suivants). Christ s'est abaissé, — lui s'est élevé; Christ n'a pas des places dans le royaume pour en disposer à son gré, — lui donne la puissance et la gloire des royaumes à qui il veut; Christ est l'homme obéissant; lui est le père des fils de la désobéissance; Christ vivifie qui il veut, lui a la puissance de la mort pour tuer; Christ est Sauveur et souverain sacrificateur intercesseur, — Satan est meurtrier et accusateur; il a la puissance de la mort, il est «le grand dragon, le serpent ancien appelé diable et Satan, qui séduit le monde habitable tout entier».

Christ donc est poussé par l'Esprit devant Satan au désert, car le Fils de Dieu a été manifesté afin qu'il détruisît les oeuvres du diable (1 Jean 3: 8). Ce n'est pas ici le premier homme dans le paradis, et le Serpent qui s'approche pour le séduire et le perdre en se l'asservissant (voyez Genèse 3); mais Christ, le second homme, le Seigneur venu du ciel, sur une terre de péché où Satan domine, va au désert chercher Satan pour être tenté par lui, afin de le vaincre et de délivrer de sa puissance ceux qu'il retient captifs. L'oubli de Dieu, le doute quant à la bonté de Dieu et à sa vérité dans une terre sans péché, où ils étaient entourés des dons du Créateur, ont ouvert l'oreille d'Eve et puis d'Adam, aux suggestions de l'Ennemi; c'est la puissance de l'Esprit, la grâce et l'obéissance qui conduisent Christ au désert et qui le tiennent devant Satan quarante jours pour être tenté par lui. Merveilleux abaissement! Celui qui était Dieu, dont la place est au sein du Père et la gloire celle d'un Fils unique auprès du Père, est venu en chair; il a pris la forme d'un esclave; et en figure comme un homme, là où le péché a placé l'homme, il se tient devant le diable! L'homme juste, Fils de Dieu, jouissant des privilèges spirituels qui appartiennent à celui qui est tel, il subit l'épreuve des ruses de celui, sous les séductions duquel succomba le premier Adam; son vrai caractère, aussi bien que sa fidélité à la position qu'il a prise, doivent être mis à l'épreuve et être ainsi manifestés.

«Alors Jésus fut emmené par l'Esprit au désert pour être tenté par le diable. Et ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, après cela il eut faim» (4: 1, 2). Moïse avait jeûné quarante jours et quarante nuits pour être avec Dieu, mais Jésus jeûne quarante jours et quarante nuits pour être avec le diable: il faut que Moïse soit séparé des hommes et mort à lui-même pour être avec Dieu, car la chair n'a pas entrée devant Lui et elle est naturellement associée à Satan qui la conduit (comparez Esaïe 6: 5). Christ déjà avec Dieu, séparé des hommes par la puissance du Saint Esprit, se renonce lui-même et se soumet, pour être avec Satan; il faut ce renoncement, il faut la puissance de l'Esprit, la perfection de l'amour et du dévouement dans l'obéissance pour l'amener devant l'Ennemi et l'y tenir. Christ est  «quarante jours» avec le diable, car nous lisons dans Luc que: «Jésus, plein de l'Esprit saint, s'en retourna du Jourdain et fut mené par l'Esprit au désert, étant tenté par le diable quarante jours. Et il ne mangea rien pendant ces jours-là; et, après qu'ils furent accomplis, il eut faim» (Luc 4: 1, 2). Nous apprenons ainsi que la tentation dura quarante jours et que les trois tentations particulières, rapportées soit par Luc, soit par Matthieu, ont clos la tentation dont elles nous donnent les grands détails principaux et comme la substance ou le résumé, pour autant qu'elle se rapporte à des circonstances dans lesquelles nous pouvons nous trouver nous-mêmes.

«Et ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, après cela il eut faim. Et le tentateur s'approchant lui dit: Si tu es Fils de Dieu, commande afin que ces pierres deviennent des pains», (4: 2, 3). L'abaissement de Jésus, les circonstances dans lesquelles son intérêt pour l'homme l'ont amené, la faim qu'il souffre parce qu'il a jeûné pour se tenir là devant le diable au désert, servent de point d'attaque à l'Ennemi. Adam a eu affaire avec le Serpent quand, innocent, il était dans le paradis, entouré des bénédictions de Dieu, sur une terre pure du péché; Christ, le second homme, le saint Fils de Dieu, vient rencontrer l'Ennemi sur une terre de péché, au désert, ayant faim, en un mot dans les circonstances dans lesquelles le péché a placé l'homme. Il est le Fils de Dieu, mais il n'est pas là pour user de ses privilèges comme tel pour écraser Satan de son bras tout-puissant; il vient comme homme pour accomplir, dans les circonstances de tentation dans lesquelles l'homme se trouve placé et par les moyens donnés de Dieu à l'homme, en présence du péché et de Satan et de sa puissance, toute la volonté de Dieu, quelle qu'elle soit; il vient comme homme, pour vaincre dans la dépendance de Dieu, en se confiant en Dieu et en rendant tout à Dieu, Dieu et sa parole, par la foi, étant sa seule ressource.

Si le Christ devait nous délivrer, il fallait en effet qu'il fût homme. Il fallait aussi qu'il fût Dieu. S'il n'avait pas été Dieu, son humanité eût été impuissante et sans valeur pour nous; ne nous mettant pas en rapport immédiat avec Dieu, ni ne le révélant. Dieu seul pouvait sauver. Mais puisque la désobéissance avait été la désobéissance de l'homme, il fallait que l'obéissance fût celle de l'homme; puisque l'homme s'était laissé surmonter par Satan, il fallait que l'homme triomphât de Satan; puisque l'homme avait déshonoré Dieu, il fallait que Dieu devînt, pour ainsi dire, redevable à l'homme de la manifestation de sa gloire, et que la mort étant par l'homme, la résurrection des morts aussi fût par l'homme. Pour cela il a fallu que Dieu se fit homme, et «la Parole a été faite chair». Jésus, qui est Dieu béni éternellement sur toutes choses (Romains 9: 5) a été et est vrai homme. Il a été conçu et porté dans le sein de la vierge Marie; il est dans le monde, né de femme; il a été un faible enfant dans la crèche, sur les bras de sa mère; plus tard nous le voyons soumis à ses parents, avançant en sagesse et en stature et en faveur auprès de Dieu et de hommes; puis homme obéissant toujours; il entre dans son service public, n'ayant pas un lieu où reposer sa tête, ayant faim, ayant soif, lassé du chemin, mangeant, buvant, dormant; il prie, il aime, il pleure, il souffre, il meurt, il ressuscite, il est élevé dans la gloire: c'est bien «l'homme Christ Jésus!» Mais cet homme qui, à le voir, n'avait rien qui fit que nous le désirions, ce «Jésus de Nazareth» (Actes des Apôtres 10: 38), en qui Israël n'a pas vu de beauté et qui, pour un peuple aveugle, était simplement «le charpentier, fils de Marie, frère de Jacques et de Joses et de Jude et de Simon…» ou «Jésus, le fils de Joseph» (Marc 6: 3; Jean 6: 42), il pouvait dire de lui-même: «Avant que Abraham fût, je suis» (Jean 8: 58); il pouvait commander à la création, apaiser les vents et la mer, rappeler les morts du tombeau, faire par Lui-même la purification de nos péchés, laisser sa vie et la reprendre, et puis s'en aller au Père dans la gloire d'où il était venu; il était ce Jéhovah dont Esaïe avait vu la gloire et dont il a parlé (comparez Esaïe 6, et Jean 12: 37-41), ce Jéhovah du Psaume 8, qui entre dans le temple à Jérusalem, établissant sa louange par la bouche des petits enfants et de ceux qui tètent (comparez Psaumes 8: 1, 2 et Matthieu 21: 12-16; comparez Luc 20: 40). Israël ne l'a pas connu; mais nous, nous l'avons connu par la foi; le voile qui couvrait sa gloire ayant été déchiré depuis le haut jusqu'en bas dans sa mort; nous tous qui croyons, nous pouvons dire aussi: «Nous vîmes sa gloire…». Toutefois la gloire essentielle de sa personne comme Fils et l'incompréhensibilité de son être eu égard à l'union, en lui, de la divinité et de l'humanité, ne peuvent être sondées que par le Père seul, car «personne», dit-il lui-même, «ne connaît le Fils, sinon le Père» (11: 27).

Comme Fils, le Christ avait droit à tout; il pouvait dire, et la chose avait son être. Aussi le Tentateur, simulant un doute que semblait justifier l'humble et pauvre apparence du Sauveur, provoque Christ à donner une preuve de sa gloire de Fils, en usant de sa puissance et de l'autorité qui lui appartiennent comme tel, afin de se soustraire à ce qu'avaient de pénible les circonstances dans lesquelles il se trouvait: «Si tu es Fils de Dieu, dit-il, dis…» use de ton autorité, exerce ta puissance et satisfais ainsi à tes besoins. — Mais le Fils de Dieu n'était pas venu pour jouir de ses droits; il s'était fait Serviteur, il s'était anéanti, Dieu lui ayant formé un corps, afin d'être un homme obéissant, dépendant, n'ayant d'autre volonté que celle de faire la volonté de Celui qui l'avait envoyé, n'ayant d'autre ressource que celle que nous avons nous-mêmes, savoir Dieu et sa parole: et il ne sort pas de ce chemin. L'obéissance l'y a amené (voyez Psaumes 40: 6 et Hébreux 10: 5-7; Philippiens 2: 6, 7); l'obéissance et la dépendance l'y maintiennent (Psaumes 17: 4; Esaïe 50: 4 et suivants; Hébreux 10: 8; Philippiens 2: 8). Sa sagesse et son intelligence, c'est d'obéir. Satan lui dit: «Si tu es Fils de Dieu… commande»; il répond «Il est écrit: L'homme ne vivra pas de pain Seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu» (4: 4), et ainsi dépendant de Dieu auquel il s'attend, par la parole de ses lèvres, il fait tomber le trait de l'Ennemi.

Adam (il n'est pas sans importance de le remarquer, car le vrai caractère du péché apparaît ainsi) avait été tenté par une chose qui n'était pas, comme le meurtre ou le mensonge mauvaise par elle-même, mais qui n'était mauvaise que parce qu'elle était défendue. «La connaissance du bien et du mal» est une des perfections de Dieu (voyez Genèse 3: 5, 22) et Dieu en avait fait germer l'arbre au milieu d'Eden, à côté de l'arbre de vie (Genèse 3: 9); Mais, Dieu avait défendu à Adam d'y toucher (Genèse 3: 16, 17), et ainsi il avait mis l'obéissance d'Adam à l'épreuve. C'est l'obéissance simple d'Adam qui avait été en question dans le paradis, sa dépendance de Dieu, sa confiance en Lui, sa volonté de ne rien faire que la volonté de Dieu; et le péché d'Adam a été la désobéissance, l'activité d'une volonté non soumise à Dieu (comparez 1 Jean 3: 4 (*)). Or Christ aussi est tenté ici par Satan en rapport avec un besoin, dans la satisfaction duquel il n'y avait en soi pas de mal, mais par lequel le péché serait né, si la volonté de Christ ne s'était pas attendue à celle de Dieu. Christ avait faim; mais Christ dépend de Dieu en tout et pour tout; il ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Si Dieu se tait, il attend; si Dieu parle, il marche (comparez Nombres 9: 15-23). Dieu lui a «percé» ou «creusé les oreilles» (Psaumes 40: 6) et il est là pour dépendre de lui, pour faire sa volonté. Il n'y a aucun autre désir en lui, Il écoute, Il obéit; et contre celui qui marche ainsi, Satan est sans puissance. «Par la parole de tes lèvres, je me suis gardé de la voie du destructeur», de celui qui fait sa propre volonté (Psaumes 17: 4).

 (*) La traduction de ce passage dans les versions d'Osterwald et de Martin est gravement erronée; il faut le lire ainsi: «Quiconque pratique le péché pratique aussi l'iniquité (‡uom°a, une marche sans loi, l'absence de toute loi, et le péché est l'iniquité ‡uom°a)». En effet le péché existe indépendamment de la loi, celle-ci ne fait que le manifester en le traduisant en transgression positive: les hommes sont morts depuis Adam jusqu'à Moïse, quoiqu'il n'y eût point de loi, parce qu'il y avait du péché: ils ont tous péché (Romains 5: 13, 14), mais non pas transgressé une loi ou un commandement positif.

Christ pour vaincre se couvre de la parole de Dieu, comme d'un bouclier. Il se garantit par elle. Le passage qu'il rappelle, tiré du Deutéronome, se rapporte au don de la manne qui était l'expression des soins, tous les jours renouvelés, de Jéhovah pour son peuple dans sa marche à travers le désert. Israël aurait dû apprendre par elle que l'homme n'a pas besoin des ressources du monde, mais que Dieu et ses soins lui suffisent: «L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu» (voyez Deutéronome 8). La famine avait pousse Abram à quitter le pays de la promesse pour chercher du secours en Egypte; elle avait conduit Eli-Mélech et Naomi au pays de Moab; Israël, quand il avait eu faim et quand il avait eu soif, avait murmuré à Mara et au désert de Sin; il s'était soulevé contre Moïse et avait tenté Dieu à Massa et Meriba et plus tard à Kadès, au bout du désert; il avait été fatigué de la manne et l'avait trouvé «un pain léger» (Exode 15 24; 16: 2; 17: 2-7; Nombres 20: 1-5; 21: 4, 5); mais Jésus, quand il a faim au désert, ne quitte pas le chemin de l'obéissance en cherchant le soulagement par un exercice de sa volonté et dans un changement des circonstances; il n'use pas de l'autorité qui lui appartenait réellement comme Fils de Dieu pour se soustraire aux difficultés de sa vie d'homme. Non, il s'attend à Dieu et, au lieu de se laisser détourner ou fatiguer par les difficultés, il reçoit tout de son Père, et, dans sa dépendance, fait de tout une occasion d'obéissance. Telle est la perfection de l'homme ici-bas: c'est autre chose que simplement de la puissance. Pourquoi Jésus aurait-il changé les pierres en pain? Son Père ne lui avait pas dit de le faire, et cela lui suffisait (comparez Jean 5: 19, 20; 11: 6, 7), et aussi son Père prendrait soin de lui. Il devrait en être de même chez nous: nous devrions savoir demeurer constamment dans la dépendance et sous la direction de Dieu dans l'obéissance; et si, dans certains cas, comme il arrive chez nous, nous n'avons pas une intelligence claire de la pensée de Dieu, nous devrions, avant de rien faire, savoir attendre que Dieu nous manifestât sa pensée. Sans doute s'il y a de l'incertitude, c'est un signe de faiblesse et de manque de communion avec Dieu, — ce qui n'a jamais existé en Jésus; — mais la foi se montre chez nous, dans ce cas, en nous portant à attendre que Dieu nous ait manifesté sa volonté, «et puis à faire cette volonté quand il l'a manifestée. La chair s'inquiète et se précipite; la foi marche avec Dieu et elle est tranquille. «Rien ne manque à ceux qui le craignent», et sa parole est leur sauvegarde et leur bouclier devant l'Ennemi.

La seconde tentation a un autre caractère que la première: elle ne se rapporte pas aux besoins du corps; elle est ce qu'on pourrait appeler une tentation religieuse, la plus insidieuse de toutes. C'est pourquoi Luc qui, en général dans son récit, ne suit pas l'ordre chronologique, mais l'ordre moral par lequel les faits et les enseignements se lient les uns aux autres, place cette seconde tentation à la fin, comme couronnement de toutes les autres.

Le «serpent» est «le plus fin des animaux des champs que l'Eternel Dieu ait créés»: si le Fils de Dieu vient à lui comme homme dans la voie de l'obéissance, vivant de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, lui saura user de cette parole pour le tenter et le séduire, s'il était possible. Ce qui est bon et pur, ce qui est vrai, il le mêle à l'erreur et le corrompt. Il est «menteur», «le père du mensonge», celui en qui il n'y a pas de vérité et qui, quand il profère le mensonge, parle de son propre fonds (Jean 8: 44), et il se sert de tout pour séduire et pour tuer. Prenant la forme d'un «ange de lumière», il manie volontiers cette arme puissante qui, «pour la foi, est l'épée de l'Esprit»; et entre ses mains perfides elle devient plus dangereuse qu'aucune autre. Que d'imitateurs il a trouvés, que de ministres, dociles exécuteurs de ses desseins (voyez 2 Corinthiens 11: 13-15). Couverts de peaux de brebis, prenant les apparences de ministres de justice, ils sont des loups ravissants; leur parole ronge comme la gangrène. Les uns zélés pour la loi et les traditions des pères, élevant la chair sous le faux semblant de la mater et de la tuer, renversent l'évangile du Christ et les commandements de Dieu à cause de leur tradition; les autres, pleins «d'une connaissance faussement ainsi nommée», détruisent la foi et détournent les âmes de l'obéissance à la vérité; d'autres encore, hommes profanes, glissés parmi les fidèles, changent la grâce de Dieu en dissolution et font que la voie de la vérité est blasphémée, dans des jours fâcheux où, avec tous les vices des païens, règne la forme de la piété; ces hommes, n'ayant pas pour eux-mêmes l'amour de la vérité pour être sauvés et ayant rejeté la foi et une bonne conscience, — annoncent des doctrines perverses pour attirer des disciples après eux. Ils séduisent, et ils sont séduits; et tous, quels qu'ils soient d'ailleurs, ils se revêtent de quelque lambeau du manteau chrétien pour cacher le poison qu'ils apportent (voyez Matthieu 7: 15; Actes des Apôtres 19: 29, 30; 1 Timothée 1: 6, 7; 4: 1-3; 5: 3-5; 2 Timothée 2: 16-18; 3: 6-9, 13; 2 Pierre 2; 1 Jean 2: 18, 19; 2 Jean 7; Jude 4 et suivants). Le «Tentateur» s'en prend à Jésus sur le terrain sur lequel celui-ci s'est placé et s'est tenu en dépit de lui. Jésus avait détourné son trait par un: «Il est écrit»; alors le diable aussi cite l'Ecriture. Du désert où Jésus avait eu faim, il le transporte dans un lieu plus propice pour la nouvelle tentation qu'il va placer devant lui, «dans la sainte ville, sur le faîte du temple», le centre de tout le système religieux d'Israël; et il lui dit: «Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit: Il donnera charge de toi, à ses anges …» (4: 5, 6). Satan se souciait-il de la vérité? — Non, mais il est le «serpent ancien»; et si Jésus s'attache à la parole qui sort de la bouche de Dieu, lui, Satan, tordra cette parole en l'appliquant faussement et cherchera à détourner par elle le Messie, Fils de Dieu, du vrai sentier de l'obéissance dans lequel il se tient.

L'Ecriture, que le diable citait, était vraie; et là était la puissance perfide de la tentation. Mais l'application que Satan faisait de la parole était fausse. L'Ennemi cachait ses desseins sous une apparence d'intérêt et de soumission à la vérité. Nous devrions nous en souvenir!

Ce n'était pas la première fois qu'il s'approchait de l'homme sous ce faux semblant. Dans le paradis, il avait insinué à Eve: «Vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal»; et ce qu'il affirmait alors était vrai aussi par un côté, car Dieu connaît le bien et le mal, et il dit Lui-même après la chute: «Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, sachant le bien, et le mal» (Genèse 3: 5, 22).

Mais Satan cachait à l'homme ses vraies intentions, et le caractère et les conséquences funestes de l'acte auquel il le sollicitait: il trompait Eve sur ce qu'elle avait le plus d'intérêt à ne pas perdre de vue et à savoir. Ici, dans le désert, pareillement, Satan dit vrai en partie et tente Jésus par une chose qui, en elle-même, était excellente: il lui présente les glorieuses promesses faites au Messie (voyez Psaumes 91), mais en l'invitant à se prévaloir de ces promesses, sans tenir compte des voies de Dieu, en sortant du sentier de l'obéissance. Le Christ, en effet, ne venait pas maintenant pour jouir de ses droits messianiques comme Fils de David, Fils de Abraham, Fils de Dieu, né dans le monde; — l'état du peuple de Dieu et du monde ne le permettait pas; — mais il entrait dans un chemin dans lequel il devait d'abord faire la perte de tout pour abolir le péché, rétablir les bases des relations du monde avec Dieu et acquérir un droit plus glorieux à toutes choses, par son obéissance jusqu'à la mort. Comme Abraham avait offert son fils unique, l'héritier selon la promesse, à l'égard duquel il lui avait été dit: «En Isaac te sera appelée une semence», ayant estimé que Dieu pouvait le ressusciter d'entre les morts, et comme, en réponse à sa foi, après qu'il eut obéi, il l'avait reçu en figure par une sorte de résurrection (comparez Genèse 22; et Hébreux 11: 17-19), ainsi le Christ, la vraie semence de Abraham, pour l'accomplissement de toute la volonté de Dieu et pour que son obéissance dans le sentier de la foi fût complète, a dû laisser la vie de laquelle il a vécu ici-bas et a dû renoncer à tous les privilèges et toutes les promesses terrestres qui lui appartenaient comme tel, comme Messie, pour jouir de tout seulement dans une nouvelle vie, comme homme ressuscité dans la gloire acquise, plus excellente, de Fils de l'homme élevé au-dessus de toutes les oeuvres de Dieu. Il est «retranché d'abord et il n'a rien», comme nous lisons au chapitre 9 de Daniel, verset 26; et puis il vient comme Fils de l'homme avec les nuées des cieux et reçoit de l'Ancien des jours la seigneurie, l'honneur et le règne (Daniel 7: 13, 14). De la gloire terrestre et messianique du Psaume 2, il entre, en passant par les souffrances, dans la gloire céleste du Fils de homme du Psaume 8 (comparez Matthieu 16: 20-28 et 17: 22, 23; Luc 9: 20-27; Hébreux 1 et 2: 5 et suivants). Telles sont les voies de Dieu; et Christ, pourquoi sortirait-il du sentier qu'elles lui tracent, pour mettre Dieu à l'épreuve, comme s'il ne savait pas que Dieu est pour lui? Christ, transporté par Satan sur le faîte du temple, à Jérusalem, ne laisse pas le doute, quant à Dieu et à ses soins fidèles, entrer dans son coeur, ni ne se laisse induire à s'appuyer sur son amour et ses promesses pour abandonner la main qui le conduisait sûrement dans le chemin de la vie. Se jeter en bas, comme le Tentateur le lui suggérait, c'eût été douter de Dieu comme Adam dans le paradis, et tenter Dieu comme Israël au désert (comparez Exode 17: 1-7; Nombres 14: 22, 23; Psaumes 78: 18-25, 41-56); c'eût été douter de Dieu et mettre Dieu à l'épreuve, là où il ne conduisait pas maintenant; et Jésus répond: «Il est encore écrit: Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu» (4: 7; comparez Deutéronome 6: 16).

Si l'Ennemi use de la sainte parole de Dieu pour séduire, cette parole n'en demeure pas moins la sûre et constante sauvegarde du fidèle. Pour celui qui a «l'oeil net», elle est plus tranchante qu'aucune épée pour séparer le bien d'avec le mal, plaçant tout à découvert dans la lumière et rendre vaines toutes les ruses de l'Ennemi. Le fidèle sait qu'il peut compter sur Dieu et son secours en marchant dans ses voies; mais il sait que se prévaloir de privilèges et en appeler à Dieu en sortant de ses voies, c'est de l'orgueil et de la désobéissance, c'est tenter Dieu aussi bien que si l'on doutait de lui dans le sentier de l'obéissance. Jésus n'a d'autre sagesse que son obéissance (comparez Deutéronome 4: 6) il n'use d'aucune autre arme que de la parole de Dieu: il ne raisonne pas avec le diable. Celui-ci peut chercher à profiter d'un passage «difficile» pour embarrasser et tendre un piège; mais l'homme qui veut suivre Dieu, le Serviteur obéissant, n'est pas sans ressource: «Il est encore écrit!» Dieu garde les simples, les plus petits de ses enfants; il leur a donné sa parole pour guide et pour lumière aussi bien qu'à ceux qui, vu le temps, sont des hommes faits ou des docteurs; et s'il y a dans cette parole des choses «difficiles à comprendre» que les ignorants et les mal affermis tordent à leur propre perdition, et dont Satan cherche à se faire une arme pour nous faire déchoir de notre fermeté et nous faire égarer, Dieu garde «ceux qui tremblent à sa parole» par ce qui est à la portée de tous, par ce qui est très clair et sûr pour eux: «Il est ENCORE écrit: Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu». Dieu n'avait pas dit à Jésus de se jeter en bas (comparez Lévitique 10: 1); et quelque vrais que fussent, en leur lieu et place, le passage cité par le diable, et les promesses terrestres faites au Messie, Dieu avait dit: «Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu». Dès lors tout était simple: le Serviteur savait que l'amour et la sagesse, qui avaient donné la parole, avaient tracé par cette parole le chemin de la vie et de la bénédiction, et d'une gloire plus excellente que la gloire terrestre du Messie. S'il ne doutait pas des soins de son Dieu, pourquoi le mettrait-il à l'épreuve et s'appuierait-il sur sa grâce pour cesser d'obéir?

Le Seigneur, en ne raisonnant pas avec Satan sur le passage difficile qu'il lui présentait et en lui répondant par une autre parole de Dieu très simple et claire et à la portée de chacun, nous a laissé à tous un exemple, que nous soyons «enfants» ou «hommes faits» en Christ; et suivre cet exemple sera notre sauvegarde à nous aussi contre les ruses de l'Ennemi. Pour le fidèle, qui est droit de coeur, il y a toujours, en présence des raisonnements subtils et de la tentation «religieuse» de l'Ennemi, quelque: «Il est encore écrit», qui gardera ses pieds de chute et le maintiendra. Oui, grâces lui en soient rendues, Dieu garde les petits par ce qui est très simple; il garde celui qui a l'oeil net par ce qu'il connaît. Mais, d'un autre côté, cela n'implique pas que nous devions faire peu de cas de la connaissance et de l'intelligence spirituelles. En effet, si l'obéissance à ce qu'ils ont connu de la vérité est la sauvegarde des fidèles en tous temps, c'est aussi selon ce même principe que l'enfant devient homme fait, et que, celui qui a et qui tient ferme, et est fidèle dans ce qu'il a, reçoit encore. L'apôtre ne dit-il pas à ces mêmes Corinthiens qu'il avait mis en garde contre la connaissance qui enfle: «Ne soyez pas des enfants dans vos entendements; mais soyez de petits enfants en malice; mais dans vos entendements, soyez des hommes faits» (1 Corinthiens 14: 20). Et le Seigneur n'a-t-il pas lui-même posé ce grand principe: «Sanctifie-les par la vérité; ta parole est la vérité» (Jean 17: 17; comparez Ephésiens 5: 26). Dieu, qui nous a renouvelés en connaissance selon l'image de Celui qui nous a créés, veut aussi que nous croissions spirituellement par sa connaissance et que nous soyons transformés à l'image de Celui que nous contemplons à face découverte, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit (Colossiens 3: 10; 1: 9, 10; 2 Corinthiens 3: 18); il fait un reproche aux Hébreux de ce que, alors que vu le temps, ils auraient dû être des «docteurs», des «hommes faits», «ayant les sens exercés à discerner le bien et le mal», ils avaient de nouveau besoin qu'on leur enseignât les premiers rudiments des oracles de Dieu: il y avait des choses «difficiles à expliquer», et il fallait leur donner encore du lait au lieu de la nourriture des hommes faits, parce que: ils étaient devenus «paresseux à écouter» (comparez Luc 10: 39-42). Paul aussi ne se contentait pas de ce qu'il avait entendu dire de la foi et de l'amour des Colossiens, mais il priait pour eux et pour tous ceux qui n'avaient pas vu sa présence en la chair, afin que leurs coeurs fussent consolés, «étant bien unis ensemble dans l'amour et pour toutes les richesses d'une pleine certitude d'intelligence, pour la connaissance du mystère de Dieu, dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance» (Colossiens 2: 1 et suivants). Le même apôtre demandait pour ses chers Philippiens, que leur amour abondât de plus en plus, «en connaissance et toute intelligence», pour qu'ils discernassent ce qui est excellent (Philippiens 1: 9-11). Ailleurs, il exhortait les saints à ne pas être «sans intelligence», mais à comprendre quelle est la volonté de Dieu, qui avait fait abonder envers eux sa grâce «en toute sagesse et intelligence, nous ayant fait connaître le secret de sa volonté» et qui aussi avait donné des dons à l'Eglise, afin que nous croissions tous jusqu'à l'état d'hommes faits, à la mesure de la plénitude du Christ, pour que nous ne soyons plus des enfants, ballottés et emportés çà et là à tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes et leur habileté à user de voies détournées pour égarer (Ephésiens 5: 15-17; 1: 8-10, 17-18; 4: 11-16; comparez Colossiens 1: 9-12, 28, 29; Jean 5: 29; 2 Pierre 3: 14-17; etc.). Combien souvent, au contraire, ne voit-on pas Satan profiter de l'ignorance, comme du manque de simplicité des disciples de Christ, (comparez 2 Corinthiens 11: 1 et suivants) pour les séduire, les miner moralement, les diviser et détruire le témoignage qu'ils devraient rendre à Celui qui les a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière!

S'il y a une foi qui est morte par elle-même et une connaissance qui enfle (Jacques 2: 14-17; 1 Corinthiens 8: 1), il y a aussi la foi précieuse des élus de Dieu et «la connaissance de la vérité qui est selon la piété» et par laquelle toute pensée est rendue captive à l'obéissance du Christ (voyez 2 Pierre 1: 1; Tite 1: 1); en même temps, quels que nous soyons, enfants ou hommes faits, il demeure toujours vrai que «le secret de l'Eternel est pour ceux qui sont droits de coeur», pour ceux qui craignent l'Eternel, et que «si quelqu'un veut faire sa volonté, il connaîtra de la doctrine…» (Proverbes 3: 32; Psaume 25: 14; Jean 7: 17).

«Le diable le transporte encore sur une fort haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire; et il lui dit: Je te donnerai toutes ces choses si tu te prosternes et me rends hommage» (4: 9). C'est la troisième tentation; et pour elle, comme pour les précédentes, l'Ennemi a choisi son lieu: il ne laisse pas Jésus au désert, ni sur le faîte du temple dans la sainte ville, mais il le transporte «sur une fort haute montagne», pour lui faire embrasser d'un regard tout l'héritage du Fils de l'homme, comme jadis Dieu avait fait monter Moïse sur la montagne de Nebo, pour lui montrer, étendu à ses pieds, tout le pays de Canaan (voyez Deutéronome 34: 1-4). Et le diable lui dit: «Je te donnerai toutes ces choses! …». Il fait passer en un instant devant Jésus tous ces biens et cette gloire d'ici-bas, qu'il nous présente, à nous, en détail tous les jours, afin de décider le Seigneur à recevoir de ses mains l'héritage que Dieu a destiné au Fils de l'homme, au lieu d'attendre cet héritage de la main de Dieu dans un chemin de souffrance, dans un chemin pénible, mais nécessaire à la gloire du Père qui l'avait tracé (comparez Hébreux 11: 24-26). Le diable présente aux regards du Seigneur ces plaines du Jourdain qui firent descendre Lot dans Sodome; il présente un chemin facile, mais un chemin qui était l'oubli et le reniement de Dieu et de ses droits et de ses soins fidèles. «Je te donnerai toutes ces choses, si tu le prosternes et me rends hommage». Le Tentateur se démasque ainsi; il se montre «Ennemi» ou «Adversaire» (Satan), et le Seigneur le traite aussitôt comme tel: «Va arrière de moi, Satan, car il est écrit: Tu rendras hommage au Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul» (4: 10). Aussi longtemps que les intentions de celui devant qui il se tenait, n'avaient pas été ouvertement manifestées, Jésus, appuyé sur Dieu et sur sa parole, avait attendu. Il n'y a pas chez lui l'impatience de la chair: s'il est prompt à entendre le cri d'une âme qui fait appel à Lui, quoiqu'il puisse exercer la foi, il est lent à juger, attendant jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espoir. Quand Adam avait péché et quand l'iniquité de Sodome et de Gomorrhe s'était augmentée, Dieu était descendu pour voir si les choses étaient entièrement selon ce qui était venu à lui, car il est amour et il est le Dieu de patience; il est lent à la colère. Ainsi aussi Christ tarde, même devant le diable, jusqu'à ce que celui-ci se soit ouvertement montré tel en demandant pour lui la place et l'hommage qui n'appartiennent qu'à Dieu seul. Alors Christ le traite comme Adversaire: «Va arrière de moi, Satan…» et le diable le laisse (comparez 16: 23; Jacques 4: 7).

Luc, dans son évangile, ajoute à ce que nous lisons dans Matthieu quelques détails qui méritent notre attention: «Je te donnerai toute cette autorité, et la gloire de ces royaumes, car elle m'a été donnée, et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes …» (Luc 4: 6, 7; comparez Luc 22: 53 et Jean 19: 11; 14: 30). L'autorité de Satan et sa gloire dans ce monde sont le fruit de sa ruse et de la désobéissance de l'homme dont il a réussi à se faire écouter: elles sont usurpées; mais Dieu les a revêtues de la sanction de son juste jugement, en ne leur laissant toutefois jamais dépasser les limites que Lui-même leur a assignées. «Je te donnerai cette autorité, car elle m'a été donnée». L'autorité est donnée, mais elle est essentiellement subordonnée et limitée; elle a commencé et elle finira (voyez Genèse 3: 1, 14, 15; Job 1: 9-12; 2: 4-7; Luc 10: 18; Romains 16: 20; Apocalypse 12: 7-12; 20: 1, 2, 7-10).

Mais le caractère du diable et de la position qu'il a prise sont manifestés plus clairement encore dans le passage que nous venons de rappeler: «Je te donnerai cette autorité… car elle m'a été donnée; et je la donne à qui je veux». Le diable donne à qui il veut; il a une volonté à lui. Or, c'est là le péché, dans une créature. Dieu seul a le droit d'avoir une volonté; et l'obéissance, c'est-à-dire la soumission à la volonté d'un autre, la volonté de Dieu, est l'obligation naturelle de toute créature; et dans cette obligation gît le fondement de la différence qu'il y a entre le bien et le mal. Dès que l'obéissance cesse d'exister dans la créature, l'ordre de la création est troublé ou renversé. Aussi le Saint Esprit définit-il le péché comme l'action d'un homme sans frein ou sans loi quant à Dieu, comme l'action d'un homme qui a une volonté propre (1 Jean 3: 4); tandis qu'il est écrit ailleurs que «celui qui fait la volonté de Dieu, demeure éternellement» (1 Jean 2: 17). Toute volonté de créature est nécessairement l'obéissance ou bien la rébellion; et ce principe, bien compris, est d'une immense portée pratique.

Mais revenons à Matthieu. Quand Satan vient au-devant du fidèle en ennemi avoué de Dieu, comme dans la troisième tentation, le fidèle doit le traiter comme tel; il a le droit de le renvoyer comme Tentateur (comp. Deutéronome 13) pour poursuivre son chemin d'obéissance, selon cette crainte de Dieu qui s'exprime dans l'attachement et la soumission à sa Parole: «Va arrière de moi, Satan, car il est écrit: Tu rendras hommage au Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul». Ainsi avait fait Abraham devant les offres du roi de Sodome, disant: «J'ai levé ma main à l'Eternel, le Dieu fort souverain, possesseur des cieux et de la terre, si je prends rien de tout ce qui est à toi, depuis un fil jusqu'à une courroie de soulier, afin que tu ne dises pas: J'ai enrichi Abraham» (Genèse 14: 21-23). Eve, au contraire, avait failli en cela; elle avait regardé à un autre qu'à Dieu. Jésus, le vrai fidèle en Israël, attend tout de Dieu dans le Sentier de l'obéissance; il ne veut servir que Lui seul et ne rien recevoir que de Lui. C'est la main du Donateur qui, pour Lui, fait le prix du don. Il ne cherche rien pour lui-même; il ne cherche pas sa propre gloire; mais il sert Dieu seul, sans partage; il est là pour faire sa volonté à quelque égard que ce soit, pour le glorifier ainsi sur la terre au prix du sacrifice de lui-même; et de Lui seul il attend sa récompense; et pour quiconque marche ainsi avec «l'oeil net», Dieu et sa parole sont un sûr bouclier: «Ne crains point; je suis ton bouclier et ta grande récompense» (Genèse 15: 1). «Alors», dit notre évangile, «le diable le laisse, et les anges vinrent et le servirent» (4: 11; comparez Jacques 1: 12).

Il est intéressant à remarquer que, dans sa lutte avec le Diable, Jésus emprunte toutes ses réponses au livre du Deutéronome. Ce livre, qui renferme «l'alliance que Jéhovah commanda à Moïse de traiter avec les enfants d'Israël au pays de Moab, outre l'alliance qu'il avait traitée avec eux en Horeb» (Deutéronome 29: 1; comparez 1: 1, 3-5, 44-46) est adressé à Israël, après qu'il eut entièrement failli sous la loi, et lui révèle, de la part de Dieu, la condition nécessaire de sa bénédiction future, soit pour entrer dans le pays, soit pour y demeurer. Cette condition, c'est l'obéissance, mais non plus simplement l'obéissance littérale aux ordonnances de la loi, — car le peuple avait violé la loi de toute manière, — mais une obéissance plus élevée dont Paul fait ressortir le caractère au chapitre 10 de l'épître aux Romains, quand il met en contraste l'une avec l'autre, «la justice qui vient de la loi», et «la justice qui est sur le principe de la foi» (comparez Romains 1: 5). Or, Israël, au temps du Seigneur, portait encore écrit sur son front ce nom de «Lo-Ammi» (pas mon peuple) que Dieu, dans les jours d'Osée, y avait gravé, parce qu'Israël avait souillé l'héritage de Dieu par son idolâtrie et avait fait que le nom de Jéhovah était blasphémé parmi les nations (voyez Osée 1: 9). Le châtiment de sa désobéissance, si clairement prédite déjà par Moïse (voyez Deutéronome 31: 14-22; comparez Josué 24: 19, 20; etc.), pesait sur le peuple; mais Dieu, à l'avance, dans ce même livre du Deutéronome, qui parlait de la chute et du châtiment qui en serait la conséquence, avait ouvert une porte de salut pour ces jours-là, dans «l'obéissance de la foi» (voyez Deutéronome 30: 11-14; comparez Romains 10: 6-8). C'est pourquoi Jésus qui, comme Messie, était le représentant et le Berger d'Israël, se place sur le terrain sur lequel le Deutéronome introduisait le peuple: il entre «par la porte». Au lieu de faire comme les Juifs, et d'appliquer à un peuple en chute ce qui appartient à ce peuple en dehors de cet état, il tient compte du présent et, prenant le chemin de l'obéissance de foi, il emprunte au Deutéronome toutes ces citations de l'Ecriture, les mettant «comme un signe sur ses mains, comme un fronteau entre ses yeux» (Deutéronome 11: 18), en sorte que le diable est impuissant contre lui. Dieu ne faillit pas à ses promesses, ses dons et sa vocation sont sans repentir; mais rien de tout cela n'était pour Israël dans la désobéissance. Jésus en tient compte: en dépit de la ruse de l'Ennemi qui voudrait l'entraîner sur un autre terrain et dans un autre chemin, il ne se prévaut de rien sinon de ce que Dieu lui-même avait donné pour le peuple dans son état de chute actuel; il est ainsi non seulement l'homme obéissant, mais le Juif, vrai «Fils, appelé hors d'Egypte» (2: 15; Osée 11: 1), le vrai homme pieux en Israël, mis à l'épreuve et trouvé fidèle dans les conditions dans lesquelles le Deutéronome avait placé Israël, Satan restant sans puissance contre lui. Les Juifs, au contraire, animés d'un esprit tout opposé, se prévalant des promesses et se glorifiant de leurs privilèges nationaux, sans reconnaître leur déchéance complète, sont tombés sous la puissance et la conduite de Satan. Il y a là un principe d'une grande importance pratique pour tous les temps et spécialement pour des temps de chute et de ruine, tels que ceux dans lesquels nous vivons et dans lesquels «l'obéissance de foi», la confiance en ce que Dieu est dans sa bonté, reste toujours la ressource de l'homme pieux en présence des tentations de Satan. Mais quel autre que Dieu lui-même pouvait lier ainsi en même temps les choses nouvelles et les choses anciennes pour en faire un seul tout qui, dans son ensemble comme dans chaque détail, porte avec lui le cachet de son Auteur et de sa divine sagesse.

Si nous jetons maintenant un coup d'oeil sur les autres évangiles, nous verrons qu'à l'égard de la tentation aussi, chacun des écrivains inspirés est resté fidèle au point de vue particulier, sous lequel il nous fait connaître la glorieuse personne du Sauveur. Jean, on en comprend aisément le motif, ne fait aucune mention de la tentation au désert, comme il ne parle pas non plus de la conception ou de la naissance de Jésus, ni de sa généalogie, ni de la transfiguration, ni du combat et des souffrances de Gethsémané, ni de l'ascension: son sujet, c'est la gloire essentielle et divine du Fils de Dieu, du Verbe, et du Verbe fait chair: or la tentation se lie au côté humain de la personne du Christ, qui fait plus particulièrement le sujet des évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc, ou évangiles synoptiques. Marc, nous l'avons déjà fait remarquer à une autre occasion, passe très succinctement sur tout ce qui précède le service publie du Sauveur; il résume toute l'histoire de la tentation en quelques mots, disant: «Et aussitôt l'Esprit le pousse dans un désert. Et il fut là au désert quarante jours, tenté par Satan; et il était avec les bêtes sauvages; et les anges le servaient» (Marc 1: 12, 13). Luc qui nous montre l'homme Jésus, né Fils de Dieu, devait entrer dans plus de détails: il met d'abord l'humanité du Seigneur en un relief particulier, en faisant précéder son récit de la tentation par la généalogie de Jésus, comme Fils d'Adam. Celui qui était venu au baptême de Jean, sur qui l'Esprit était descendu et à qui le Père avait rendu témoignage qu'il était son Fils bien-aimé, était un homme, fils d'Adam, fils de Dieu, et cet homme, plein de l'Esprit, va rencontrer Satan au désert. Luc ne déclare pas seulement, comme Marc, d'une manière générale, que la tentation dura quarante jours, mais, avec Matthieu, il nous rapporte aussi le détail des trois grandes tentations, par lesquelles «toute la tentation» fut accomplie: «Jésus, plein de l'Esprit saint… fut mené par l'Esprit au désert, étant tenté par le diable quarante jours; et il ne mangea rien pendant ces jours-là; et après qu'ils furent accomplis, il eut faim. Et le diable lui dit, etc. …» (Luc 4: 1-13). Ces trois tentations finales toutefois nous sont données par Luc dans un ordre différent de celui que suit Matthieu. Matthieu, en effet, nous les rapporte dans l'ordre dans lequel elles se sont réellement accomplies, ainsi que le démontre la manière dont il introduit la seconde et la troisième; et puis clôt toute la scène et dit: «Alors le diable le transporte» et puis: «Le diable le transporte encore…» et plus loin: «Alors Jésus lui dit…» et enfin: «Alors le diable le laisse…» (4: 5, 8, 10, 11). Ces indications de temps font entièrement défaut dans le récit de Luc, où tout est entièrement disposé d'après l'ordre moral. La tentation, qui se rapporte aux besoins du corps, occupe, dans les deux évangiles, la première place; mais l'ordre des deux suivantes est renversé, Luc donnant d'abord celle qui se lie à la gloire du monde, et en dernier lieu seulement, la tentation spirituelle ou religieuse, parce que, dans l'ordre moral, elle est la plus insidieuse et la plus dangereuse de toutes. Matthieu, après avoir rapporté la parole de Jésus: «Va arrière de moi, Satan», nous dit: «Alors le diable le laisse et voici, les anges s'approchèrent et le servirent; «tandis que dans Luc nous lisons simplement que: «ayant accompli toute la tentation, le diable se retira d'avec lui pour un temps».

Il est remarquable que c'est sous la même triple face, sous laquelle Satan a tenté Jésus au désert, que Jean, dans sa première épître, résume «tout ce qu'il y a dans le monde» comme principe de vie et d'activité; «convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie» (1 Jean 2: 16), comme aussi le fruit qui séduisit Eve dans le jardin était «bon à manger»,  «agréable à la vue», et désirable, pour donner de la science» (voyez Genèse 3: 6).

Christ donc a été tenté. Il a été tenté par le diable au désert, et il a été tenté par lui d'une autre manière, nous le savons, à Gethsémané: «Il a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché» (Hébreux 4: 15), et dans le sentier dans lequel il a marché et dans le principe par lequel il a vaincu, il nous a laissé un exemple pour que nous suivions ses traces (1 Pierre 2: 21-25; 1 Jean 2: 6; Philippiens 2: 5-15; Ephésiens 5: 1, 2). Il ne s'est pas placé sur un terrain où nous ne puissions pas le suivre; il ne s'est pas prévalu de sa puissance ou de ses droits divins, ni de ses droits aux promesses faites au Messie ou de ses droits à l'héritage du Fils de l'homme, mais en entrant dans le monde il avait dit: «Tu m'as formé un corps… voici, je viens… pour faire, ô Dieu, ta volonté» (Hébreux 10: 5-8), et ayant pris cette place d'homme obéissant, il s'y maintient en dépit de tout, n'usant pas d'autres ressources que de celles que nous avons nous-mêmes et tous ceux qui veulent le suivre. Il s'appuie sur Dieu et sa parole (comparez Actes des Apôtres 20: 32) dans l'obéissance de la foi, et Satan est impuissant contre Lui et contre quiconque marche ainsi après Lui.

Mais quand nous parlons de tentation et du modèle que Christ nous a laissé à cet égard, il faut nous garder de l'idée (trop juste, hélas! pour ce qui nous concerne) que la tentation est nécessairement liée à la présence d'une convoitise préexistante. En nous il y a des convoitises, «la convoitise» ou «la pensée» de la chair; et quant à nous, Jacques peut dire que quand quelqu'un est tenté, chacun est tenté, étant attiré et amorcé par sa propre convoitise; puis la convoitise, ayant conçu, enfante le péché (Jacques 1: 13 et suivants; comparez Romains 8: 5-7; Galates 5: 17-21). Jacques appelle tentation, ce mouvement de la convoitise en nous, convoitise déjà existante que la tentation ne fait proprement que réveiller. Mais, comme nous venons de le dire, il n'en est pas nécessairement ainsi toutes les fois qu'il s'agit de tentation. Adam, avant la chute, n'avait pas de convoitise; cependant il a été tenté, ou mis à l'épreuve: sa fidélité à la position dans laquelle Dieu l'avait placé a été éprouvée. Adam dans le paradis était un homme innocent sans la connaissance du bien et du mal; il jouissait de la bénédiction tant qu'il demeurait obéissant, car Dieu avait dit: «Tu mangeras de tout arbre du jardin; mais quant à l'arbre de la science du bien et du mal, tu n'en mangeras point, car dès le jour que tu en mangeras, tu mourras de mort» (Genèse 2: 16, 17). Mais le Serpent s'approchant, Eve, au lieu de résister et de fermer la porte de son coeur à la tentation qui vient du dehors, succombe et donne entrée à la convoitise, à une volonté qui n'a pas sa source en Dieu et qui n'a pas l'obéissance à Dieu pour seul propos: et c'est là le péché, pour une créature. «Le péché», dit l'apôtre, «est l'iniquité, c'est-à-dire l'existence et l'activité d'une volonté indépendante; et cette volonté, nous l'avons vue en Satan qui donne à qui il veut, et qui «pèche dès le commencement». Si Eve eût résisté, si Dieu était demeuré entre elle et ce que l'Ennemi lui présentait, elle eût obéi, non pas convoité; elle n'eût pas eu d'autre objet de son désir présent à sa pensée que celui-là seul de faire la volonté de Dieu; mais la convoitise est entrée dans son coeur par la tentation; et la faiblesse de la nature, de la créature en tant que créature, a été manifestée. Christ aussi a été tenté, c'est-à-dire mis à l'épreuve: «il a été tenté en toutes choses comme l'un de nous, à part le péché». Il n'y avait pas de convoitise en lui: «il n'a pas connu le péché» (2 Corinthiens 5: 21). S'il eût eu du péché en Lui, il eût connu le péché; mais il était «saint» (voyez Luc 1: 33); l'amour de son Père était son mobile pour faire la volonté de son Père quelle qu'elle fût; cette volonté était sa raison d'être morale ici-bas. «C'est pourquoi en entrant au monde, il dit: Tu n'as pas voulu de sacrifice, ni d'offrande; mais tu m'as formé un corps. Tu n'as pas pris plaisir aux holocaustes, ni aux sacrifices pour le péché, alors j'ai dit: Voici, je viens, il est écrit de moi au rôle du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté» (Hébreux 10: 5-10; comp. Psaumes 40; Esaïe 50; Jean 4: 31-34; Philippiens 2: 5-9; etc.). L'accomplissement de cette volonté l'a amené et conduit ici-bas; et au lieu que ce fût la convoitise, c'était la puissance de l'Esprit saint qui le plaçait au désert pour y être tenté par le diable. L'Ennemi a déployé contre lui toutes ses ruses, et plus tard toute sa puissance en tant que prince de la mort, pour le détourner du chemin de l'obéissance et pour l'engager, soit par l'attrait des choses qu'il lui présentait, soit plus tard par les difficultés et les souffrances qui se multipliaient autour de lui à avoir une volonté à Lui et à n'être plus simplement l'homme obéissant et dépendant, qui s'attendait à Dieu et ne voulait rien recevoir que de Dieu. Si Satan eût réussi, la relation morale de l'âme du Seigneur avec Dieu eût été rompue; Jésus n'eût plus été l'homme obéissant et rien autre; il eut abandonné son origine, son premier état. Mais il n'en a pas été ainsi, Dieu en soit béni: au contraire, tout ce qui, d'une manière ou d'une autre, a été placé devant lui pour l'attirer hors du sentier de l'obéissance ou pour l'arrêter dans ce chemin et le lui faire abandonner, tout, jusqu'à la coupe de colère qu'il a dû boire, est devenu pour lui occasion d'obéissance. Il a été tenté ou mis à l'épreuve en toutes chose, — et il a obéi; il s'est rendu obéissant jusqu'à la mort: quand il a eu affaire au péché et à la tentation, «Il est mort au péché une fois pour toutes» (Romains 6: 10) et il a fait ainsi de la mort, en s'y soumettant, l'acte d'obéissance le plus absolu et le plus complet.

Ni en Adam donc, l'homme innocent dans le paradis, ni en Christ, l'homme saint, oint du Saint Esprit, qui n'a pas connu le péché, la tentation n'a été liée à la présence d'une convoitise préexistante: pour l'un comme pour l'autre la tentation est venue du dehors. Et d'une manière générale, il en est proprement toujours ainsi quand il s'agit de tentation. Un pécheur n'est pas tenté; il est simplement un esclave séduit, et il se trouve dans le monde tel qu'il est dans son élément; la convoitise qui règne dans le monde et sa propre nature sont une seule et même chose, le péché n'étant que l'activité de cette nature. Il faut être hors de la puissance de Satan pour avoir affaire avec lui comme Tentateur ou Adversaire; et si, en nous chrétiens, il y a la convoitise, si nous portons, avec nous, ici-bas, jusqu'à la fin, une chair qui «convoite contre l'Esprit», nous ne sommes tentés, soit à cet égard, soit par Satan, que parce que, par la foi participant à la vie de Jésus, il y a en nous un autre moi, le vrai moi chrétien, le nouvel homme, créé selon Dieu en justice et vraie sainteté, un moi qui est la participation à la vie divine moralement, le fruit de la victoire de Christ sur Satan et toute la puissance du mal. Si nous sommes chrétiens, bien que la chair soit encore en nous, nous ne sommes néanmoins plus «dans la chair», mais «dans l'Esprit»; nous sommes morts au péché, à la loi et au monde et vivants à Dieu en Jésus Christ; nous sommes devant Dieu en Christ, affranchis du péché, délivrés de la puissance de Satan; de ces hommes en Christ dont l'apôtre pouvait dire: «Je me glorifierai d'un tel homme!». Et c'est comme tels que nous sommes tentés et en butte aux attaques de l'Ennemi. Satan se tient à côté de notre chemin pour nous solliciter par l'attrait, qu'ont pour notre chair les choses agréables de la vie d'ici-bas; ou bien il se place sur notre chemin pour nous effrayer par des choses pénibles, afin de nous détourner ou de nous arrêter et de nous faire abandonner «l'obéissance de Christ» (comparez 1 Pierre 1: 2; et Matthieu 11: 29, 30; et aussi Jean 4: 31-34; 5: 19, 20), non pas l'obéissance de quelqu'un qui se soumet à une défense quand il a une volonté contraire, quelque bien que cela soit d'ailleurs, mais la vraie obéissance filiale de celui qui a la volonté de son Père pour mobile et seul motif d'action et trouvé en elle son bonheur.

Jésus donc a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché, — sans qu'il y ait jamais eu en lui (et ce serait un blasphème d'en admettre la pensée) aucune convoitise, aucune autre chose que le seul et invariable propos de faire la volonté de son Dieu et Père: tous les efforts du diable n'ont servi qu'à mettre ce glorieux fait pleinement en évidence. Mais de plus, il est écrit de Christ, «qu'il a souffert, étant tenté»;  «quoiqu'il fût Fils, il a appris l'obéissance par les choses qu'il a souffertes» (Hébreux 2: 18; 5: 8), et ce côté aussi de la tentation mérite que nous le méditions. Le pécheur se trouve à l'aise dans le péché, loin de Dieu: la convoitise et sa nature sont chez lui une seule et même chose; au lieu d'être mis à l'épreuve ou tenté dans son sentier, par la présence, les artifices et la puissance du diable, il est simplement, comme nous l'avons dit, l'esclave du diable qui l'a pris pour faire sa volonté. Sa chair, mue par la convoitise, jouit en succombant. Si même sa conscience, en dépit de lui, le condamne et le tourmente, il ferait taire volontiers cette voix importune et il reste ce qu'il est: «étranger à la vie de Dieu», «l'esclave du péché», car celui qui pratique le péché est l'esclave du péché (Jean 8: 34) et il est «du diable» (1 Jean 3: 8). Mais le saint Fils de Dieu qui savait ce que c'était que le sein du Père et la pensée du Père, lui qui ici-bas pouvait parler de lui-même en disant: «le Fils de l'homme qui est dans le ciel» (Jean 3: 13), il a été mis en contact en venant dans ce monde avec tout ce qui n'était pas de Dieu, avec tout ce qui lui était contraire (comparez 1 Jean 2: 16); Satan a cherché à en profiter pour le détourner de son chemin; mais lui a fait de tout une occasion d'obéissance. Mais le coeur souffre ainsi; et c'est en souffrant qu'on est sans péché en pareil cas (comparez 1 Pierre 4: 1). N'était-ce pas une chose bien différente pour Christ que le libre exercice de son amour dans l'accomplissement de la volonté de son Père comme «viande» de son âme, ou bien d'avoir affaire avec le diable au désert ou plus tard à Gethsémané? N'était-ce pas autre chose pour lui de rencontrer Pierre sur son chemin, cherchant à le détourner de la croix, ou bien de se placer devant ses faibles disciples, en disant aux soldats: «Si c'est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci»; autre chose de recevoir le baiser de Juda, ou bien de se tourner vers le brigand sur la croix pour lui dire: «Aujourd'hui, tu seras avec moi en Paradis?» Oui, ouvrir les yeux des aveugles, nettoyer les lépreux, guérir ceux que le diable avait asservis à sa puissance, bénir les petits enfants, annoncer l'évangile aux pauvres, amener chez Simon la pécheresse à ses pieds, ouvrir au puits de Jacob le coeur d'une Samaritaine à la connaissance du Père; — dans la chambre haute, entretenir les siens du fruit de sa mort et en instituer le mémorial pour eux; répandre ainsi autour de lui la bénédiction dans la connaissance et l'amour du Père, c'était autre chose pour Christ que de se trouver au désert seul avec le diable, avec celui qui est menteur et meurtrier, là où il n'y avait rien qui pût être aimé, béni, cherché, sauvé, là où son corps même ne trouvait pas ce qui répondait à ses besoins. Dans son humiliation, le coeur du Sauveur se satisfaisait dans l'exercice de son amour, envers ses disciples, et envers le monde (comparez Jean 4: 31-38); — mais à part cela, et outre l'expiation qui avait un autre aspect aussi, toute la vie de Jésus a été une vie de souffrance. Il a trouvé sur son chemin l'opprobre, l'abandon, la trahison, l'indifférence, la haine, qui ont brisé et accablé son coeur; il a rencontré la mort, la colère et l'abandon de Dieu et en a mesuré et porté tout le poids dans son âme; mais outre ce qu'il souffrait ainsi, tout ce qu'il rencontrait dans le monde tendait à l'éloigner de Dieu et du sentier de l'obéissance: or, la sollicitation au mal fait souffrir en proportion de l'horreur qu'on a pour le mal. Mais Christ ne faisait et ne désirait faire que la volonté de son Père; il n'a jamais eu d'autre désir dans son coeur que celui-là, mais cela le faisait souffrir comme homme à l'égard de tout ce avec quoi il se trouvait en rapport ici-bas dans l'accomplissement de cette volonté, car le monde dans toute sa volonté à lui était sans Dieu en toute chose. Christ a ainsi appris l'obéissance par les choses qu'il a souffertes; il est entré dans un chemin qu'il a poursuivi selon Dieu jusqu'au bout; il a accompli toute la volonté de Dieu en sainteté et en amour au milieu du mal, introduisant ici-bas une vie nouvelle qui devait se manifester au milieu du mal, — non pas l'innocence du paradis, dans l'ignorance du bien et du mal, mais l'obéissance avec la connaissance du bien et du mal, dans une vie qui était tout entière l'expression de la vie divine au milieu du mal.

Comment résumer maintenant, avant de passer à un autre sujet, les glorieux résultats de la tentation du Seigneur? La perfection morale de l'homme Jésus, dans sa position et sa marche ici-bas, manifestée; Satan surmonté, repoussé, et rendu impuissant; — un modèle à suivre présenté à nos yeux, — un chemin de sainteté, au milieu du mal, tracé; un Chef de salut, Souverain Sacrificateur, Grand Pasteur des brebis, consommé! Oui, Satan, avec tous ses efforts contre Jésus, soit au désert, soit ailleurs, n'a pu faire que mettre en évidence le principe et la perfection morale de sa position et de sa marche d'homme ici-bas. Satan a été démontré impuissant contre Christ, et a été vaincu; et Dieu, dans «l'obéissance de Christ», nous a présenté un modèle a suivre, nous a tracé un chemin et nous a révélé le grand principe qui met à couvert de tous les traits de l'Ennemi et rend victorieux de toutes ses machinations. Puissions-nous le comprendre et marcher sur les traces du Seigneur, bien persuadés que ce chemin d'obéissance, quelles que soient les afflictions qui s'y rattachent, est un bon chemin, le chemin de la vie et du salut dans le repos et le bonheur éternel de la maison du Père, Nous avons, nous aussi, à combattre avant d'entrer dans le repos; nous avons à tenir ferme contre les artifices du diable, car, comme chrétiens, notre lutte n'est pas comme celle d'Israël en Canaan, contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les autorités, contre les dominations de ces ténèbres, contre les puissances spirituelles de méchanceté qui sont dans les lieux célestes; et Dieu, contre ces ruses et ces artifices, nous a donné «l'armure complète de Dieu» (voyez Ephésiens 6: 10 et suivants), afin qu'après avoir tout surmonté, nous puissions tenir ferme. Si Satan se démasque et vient contre nous en Adversaire: «Résistez-lui, nous dit Jacques, et il s'enfuira de vous» (comparez 1 Pierre 5: 8, 9), car il est un ennemi vaincu. Nous ne sommes pas sans ressources devant lui; la main du Père nous conduit, la lumière de la Parole nous éclaire, nous avons la force et les secours de l'Esprit; nous pouvons nous confier aux soins de Celui qui, ayant appris l'obéissance par les choses qu'il a souffertes, a vaincu et a été consommé comme Chef de salut, pour être le Souverain Sacrificateur, Grand Pasteur des brebis. Il a passé lui-même par la tentation et les souffrances et, en étant en rapport avec Dieu comme homme à l'égard de ces choses, il a appris, dans l'obéissance de la foi, comment la grâce et la communion de Dieu opèrent dans une âme d'homme pour la soutenir, la restaurer, la fortifier, et a acquis ainsi par les souffrances, en se rendant obéissant jusqu'à la mort, le langage du Savant pour savoir assaisonner la parole à celui qui est accablé de maux. Du haut du ciel, du sein du repos et de la gloire, il nous montre le chemin qui l'y a conduit, à travers les souffrances, mais dans la force de l'Esprit et la joie de la communion de son Père; et il nous dit à chacun, comme il a dit à Pierre en se tournant vers lui: «Suis-moi…» et puis encore: «Toi, suis-moi» (Jean 21: 19-22). «Vous aurez de l'affliction dans le monde; mais ayez bon courage, j'ai vaincu le monde» (Jean 16: 23; comparez 10: 27-30).

Toute la tentation étant accomplie, «Alors», nous dit Matthieu, «le diable le laisse»; il le laisse pour un temps; — «et voici, les anges vinrent et le servirent» (4: 11; Luc 4: 13). C'est comme Elim après Mara (comparez aussi Jacques 1: 12).

Une nouvelle phase de la vie du Seigneur s'ouvre maintenant devant nous (4: 12 et suiv.). Au chapitre 3, Matthieu nous l'a présenté, prenant place au milieu des fidèles rassemblés par la voix de Jean Baptiste et s'associant à eux; et dans cette position, le ciel s'ouvrant, le Saint Esprit était descendu sur lui, en même temps que la voix du Père Lui rendait témoignage, disant: Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir». Au commencement du chapitre 4, le Saint Esprit l'a conduit au désert au-devant du Tentateur: sa triple gloire de Fils de Dieu, de Messie et d'homme obéissant est mise à l'épreuve, quant à la position qu'il vient prendre. Il triomphe de tout dans la dépendance de Dieu, et par l'obéissance à sa parole. Tout l'effort de Satan n'aboutit qu'à la propre défaite de celui-ci et à la manifestation de la réalité des titres et de la perfection de la voie de Celui qui venait pour délivrer son peuple. Maintenant le diable le laisse, et Jésus entre dans son ministère public au milieu d'Israël; il y entre entouré des témoignages que nous venons de rappeler, Dieu le conduisant dans cette voie que les Ecritures avaient à l'avance tracée pour lui.

A cette occasion encore, nous pouvons remarquer combien Matthieu poursuit fidèlement le plan que le Saint Esprit lui a proposé. Il présente le Messie à Israël, mais il l'introduit sur la scène d'une manière qui jugeait l'état du peuple en même temps qu'elle était faite pour répondre à l'attente et parler au coeur de tout vrai Israélite, afin d'amener ainsi la bénédiction promise, qui ne pouvait s'accomplir que par une oeuvre morale et restauratrice dans les âmes de ceux qui devaient en jouir.

Jésus, le Messie, entre donc publiquement et officiellement dans son service; le moment et le lieu de cette entrée, sa manière et les circonstances qui l'accompagnent sont gouvernés par l'ordre des voies de Dieu envers Israël. Le Messie se lève lorsque le témoignage du Précurseur, qui devait préparer son chemin, a eu son cours: ayant ouï dire que Jean avait été livré, Jésus se retire en Galilée; et ayant quitté Nazareth, il va demeurer à Capernaüm… et dès lors il commence à prêcher et à dire: «Repentez-vous, car le royaume des cieux s'est approché» (4: 12-17). Matthieu laisse absolument de côté tout ce qui, dans le service actif du Seigneur, a précédé l'emprisonnement de Jean Baptiste; il ne fait aucune mention de la scène si riche et précieuse pour nous qui se passa dans Nazareth et qui nous est rapportée au chapitre 4 de Luc; il ne parle pas davantage de tout ce que Jean raconte successivement quant à ce qui arriva à Béthanie (*) (Jean 1: 28, 29), et puis en Galilée (Jean 1: 44), à Cana et à Capernaüm (Jean 2: 1, 12), et à Jérusalem et au pays de Judée et en Samarie (Jean 2: 13; 3: 22; 4: 1-5) jusqu'au moment où Jésus remonte en Galilée et vient encore à Cana et à Capernaüm (Jean 4: 43-46; voyez Jean 1: 19 à 4: 43). Mais, comme nous l'avons dit, il introduit Jésus sur la scène publique de son service quand le héraut devant sa face a terminé le sien, il nous montre le Messie accomplissant la parole de la prophétie, s'entourant de disciples, prêchant l'évangile du royaume et guérissant toutes sortes de maladies parmi le peuple, répandant sa renommée tout autour de lui, pour monter ainsi sur la montagne et y proclamer solennellement à ses disciples, devant les foules qui l'ont suivi, les principes et le caractère du royaume dont il annonçait la venue et qu'il était là pour établir.

(*) «Beth-Bara» selon la texte reçu.

La prophétie a tracé le chemin du Messie: «Jésus, ayant ouï dire que Jean avait été livré, se retira en Galilée; et ayant quitté Nazareth, il alla demeurer à Capernaüm qui est sur le bord de la mer, sur les confins de Zabulon et de Nephthali, afin que fût accompli ce qui avait été dit par Esaïe le prophète, disant: Terre de Zabulon, terre de Nephthali, le chemin de la mer, au-delà du Jourdain, Galilée des nations: le peuple assis dans les ténèbres a vu une grande lumière; et à ceux qui sont assis dans la région des ténèbres et dans l'ombre de la mort, la lumière s'est levée sur eux» (4: 12-17; Esaïe 9: 1, 2). Ces paroles d'Esaïe nous reportent aux premiers chapitres du livre de ce prophète (5-12), là où, après avoir rappelé tout ce qu'il avait fait pour sa vigne, «la maison d'Israël et les hommes de Juda», Jéhovah qui avait planté sa vigne de ceps exquis et qui ne lui avait épargné aucun soin, la prend elle-même à témoin de son ingratitude et lui annonce les jugements qu'il va faire tomber sur elle. Il avait attendu qu'elle produirait des raisins et elle n'avait produit que des grappes sauvages; et maintenant, dans son gouvernement, il va la fouler et la réduire en désert; il étend sa main en jugement contre son peuple et fait peser sa colère sur lui. Les malédictions se succèdent et s'accumulent, à partir du verset 8 du chapitre 5; mais malgré tout ce qu'elles apportent, la main de Dieu reste étendue; sa colère ne cesse point; elle suit son cours jusqu'au chapitre 10 (voyez 5: 25; 9: 12, 17, 21; 10: 4), où enfin «l'Assyrien», qui est proprement la «verge» de Dieu pour le châtiment de son peuple, est brisé lui-même et le résidu béni, en sorte que le Saint Esprit peut clore cette portion de la prophétie par la description de la bénédiction milléniale que nous fournissent les chapitres 11-12. Mais au milieu même de cette histoire prophétique des destinées d'Israël, nous voyons le cours des malédictions et de la colère divine interrompus tout à coup au chapitre 6, par l'intervention souveraine de Dieu lui-même, «l'Eternel des armées», dans la révélation de sa gloire que Jean nous dit être celle de Christ (comparez Esaïe 6 et Jean 12: 37-43), et dans la promesse de la propitiation qui serait faite pour le péché, et puis au chapitre 7, dans la promesse de l'enfant miraculeusement né d'une vierge et qui unirait dans sa personne l'humanité et la divinité, car son nom serait appelé «Emmanuel», «Dieu avec nous»; ensuite, il n'y a pas de fin à son règne sur le trône de David pour l'affermir à jamais en jugement et en justice. Toute l'histoire des Juifs en rapport avec le Christ est renfermée en résumé dans ces chapitres. Israël reste sourd d'abord; il n'a pas d'yeux pour voir la gloire de Celui qui le visite, ni de coeur pour comprendre sa grâce, et il ne se soucie pas plus de l'enfant que des avertissements de Dieu: c'est pourquoi il est endurci pour un temps comme peuple, et l'Assyrien, ce bâton de la colère divine, le frappe de ses coups (voyez particulièrement 6: 9-13, comparez avec Jean 12: 37-43; et puis 8: 6-8). Il cherche bien sa force dans des confédérations en s'alliant aux nations, mais Dieu lui cache sa face; Jéhovah Lui-même méconnu, méprisé et rejeté est une pierre d'achoppement aux deux maisons d'Israël; un résidu seul rassemblé autour de Lui est sauvé et béni (8: 9-22; comparez 1 Pierre 2: 4-10; 3: 14, 15; Hébreux 2: 13). Ce résidu craint Jéhovah qui devient lui-même un sanctuaire pour lui, et il peut dire: «Dieu est avec nous». Ce que Dieu présentait au peuple, le peuple le rejette, et le résidu fidèle seul en jouit. Il attend l'Eternel qui cache sa face de la maison de Jacob et il se confie en lui. «Empaquette le témoignage, cachette ma loi parmi mes disciples». «Me voici, moi et les enfants que l'Eternel m'a donnés». «Que s'ils disent: Enquérez-vous des esprits de Python et des diseurs de bonne aventure… le peuple ne s'enquerra-t-il pas de son Dieu; ira-t-il pour les vivants aux morts? A la loi et au témoignage! — et s'il ne parle pas selon cette loi, il n'y aura pas de lumière pour lui»: en haut, en bas, tout sera obscurité. C'est pourquoi le prophète continue au chapitre 4, en disant: «Cependant l'obscurité ne sera pas telle qu'elle fut dans son angoisse, alors que, premièrement, il affligea légèrement le pays de Zabulon et le pays de Nephthali, et que, ensuite, il l'affligea plus grièvement sur le chemin de la mer, au delà du Jourdain, dans la Galilée des nations. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière; à ceux qui habitent au pays de l'ombre de la mort la lumière a relui», révélant ainsi que, lorsque tout serait obscurité et affliction, sous l'oppression des Romains, alors le Messie, méconnu et rejeté de ceux qui auraient dû discerner sa gloire et le reconnaître, se lèverait comme une grande lumière en dehors des limites proprement dites du pays assigné aux douze tribus, dans cette «Galilée des nations», où Juifs et gentils étaient mêlés et où le langage même du peuple trahissait son abâtardissement. La détresse d'Israël sous le joug des Romains, quelque grande qu'elle fût, serait atténuée ainsi par la lumière de la présence du Messie. Ensuite, car l'oeil du prophète embrasse toutes les voies de Dieu envers Israël jusqu'à la fin, le Messie serait reçu, et il n'y aurait point de fin à l'accroissement de l'empire et à la prospérité de son règne sur le trône de David et sur son règne à jamais, car si, dans son gouvernement, Dieu jugeait et endurcissait pour un temps et faisait peser sa colère sur un peuple rebelle, il accomplissait pourtant dans sa souveraineté, en son propre temps, pour sa propre gloire, ses conseils de grâce, ses dons et sa vocation étant sans repentir (comparez Ezéchiel 36: 16-32; et Romains 11: 25 et suivants).

On voit combien cette prophétie du commencement du chapitre 9 d'Esaïe vient se placer à propos dans le récit de Matthieu, alors qu'Israël châtié gémit sous le joug pesant des Romains, et que le Précurseur ayant été jeté en prison, le Messie va paraître publiquement sur la scène dans l'exercice de son ministère au milieu d'Israël. Jérusalem et ses chefs l'ont méprisé ou persécuté, Israël s'est montré aveugle et sourd; seuls, des mages d'Orient l'ont recherché; le roi né des Juifs a dû trouver une retraite dans l'obscurité de Nazareth; il a vécu là, comme un charpentier (comp. Marc 6: 3) pendant trente ans ignoré de tous; aussi, maintenant qu'il se lève comme une grande lumière, ce n'est pas en Judée et à Jérusalem, le centre du système juif, qu'il paraît; la ville orgueilleuse est privée de la présence du Messie et c'est au loin, comme du dehors d'Israël, des confins de Zabulon et de Nephthali, dans la Galilée des nations, qu'il fait briller sa gloire: Là, dans cette terre, jusque-là ensevelie dans les ténèbres des nations, au milieu de ce qu'il y a de plus méprisé, une grande lumière se lève: le Messie commence son service public et le rassemblement du résidu. Quoique non encore manifesté comme tel, il est déjà, en contraste avec Israël selon la chair, «le vrai cep» (Jean 15: 1) à qui la vie et la bénédiction se rattachent.

«Dès lors, Jésus commença à prêcher et à dire: Repentez-vous, car le royaume des cieux s'est approché» (4: 17). En même temps, nous venons de le dire, il rassemble autour de lui ce résidu qui, avec Lui, doit être un signe et un miracle en Israël de par l'Eternel des armées qui cache sa face de la maison de Jacob et au sujet duquel l'Eternel avait dit: «Empaquette le témoignage; cachette la loi parmi mes disciples»; accomplissant ainsi cette autre parole du prophète: «Me voici, moi et les enfants que Dieu m'a donnés» (comparez Hébreux 1: 13) (*). C'est pourquoi Matthieu nous donne dès maintenant l'appel de Pierre et d'André, de Jacques et de Jean: Jésus, marchant sur les bords du lac de Galilée, les trouve occupés à leur métier de pêcheurs, et il les appelle, disant: «Venez après moi, et je vous ferai pécheurs d'hommes» (4: 18-22). Et eux, ils ne consultent pas la chair, ni le sang, et laissant père, filets, nacelle, ils s'attachent à Lui et le suivent.

(*) Il est remarquable, pour le dire ici en passant, que Pierre et l'épître aux Hébreux qui s'adressait au résidu juif croyant, rassemblent ce résidu ou nous le montrent uni à Christ, Jéhovah, le Messie rejeté, selon les principes posés dans le chapitre 8, versets 9-22, d'Esaïe qui y est cité à plusieurs reprises (voyez 1 Pierre 2: 4-10, le verset 8 en particulier; 3: 14- 15; Hébreux 2: 11 et suiv. en particulier le verset 13). La sagesse de Dieu et l'ordre merveilleux de ses voies se montrent ici encore d'une manière bien frappante.

Par Jean, chapitre 1: 35-43, nous apprenons que, bien avant ce moment où les quatre disciples mentionnés ici ont tout laissé pour suivre Christ, André, l'un des disciples de Jean le Baptiseur qui s'étaient attachés à Jésus et avaient demeuré un jour avec Lui, avait amené Simon son frère vers Jésus; et Jésus, en témoignage de la relation qui s'était ainsi établie entre Simon et Lui, avait appelé Simon d'un nouveau nom: «Tu es Simon, le fils de Jonas; tu seras appelé, Céphas qui est interprété Pierre». Dès lors, quoiqu'il n'eût discerné encore en Jésus que «le Messie», Pierre connaissait Christ et il avait la vie et toutes choses en Lui. Mais pour suivre Christ comme serviteur, il fallait plus que cela, il fallait discerner la gloire profonde de sa personne, la gloire du Dieu vivant et Créateur, venu ici-bas en grâce, qui, tout en rassemblant autour de Lui, seul centre et source de vie et de bénédiction, avait la puissance et l'autorité pour faire, de quiconque il appelait, un serviteur. En effet, autre chose est la révélation de Christ à l'âme pour la vie, et autre chose l'appel spécial du Seigneur pour devenir «pêcheur d'hommes». La foi au Messie donnait à Pierre la vie et le salut, faisant de lui un homme nouveau associé à Christ, en témoignage de quoi Christ le nomme d'un nouveau nom, mais Pierre reste chez lui occupé de son métier; la révélation de la gloire divine de Jésus venu sur la terre en grâce, fait de Pierre un serviteur: à l'appel du Dieu Sauveur, il quitte tout et suit Jésus (comparez Jean 1: 42, 43 avec Luc 5: 8-11). Paul a reçu, à la fois, «grâce et apostolat», quand il a plu à Dieu qui l'avait appelé par sa grâce, de révéler son Fils en lui afin qu'il l'annonçât parmi les nations (voyez Romains 1: 5; Actes des Apôtres 22: 14, 15; 26: 15-18; Galates 1: 15-18). En règle générale, celui à qui Dieu révèle son Fils est appelé à le servir dans la vocation où il a été appelé (1 Corinthiens 7: 18-24); mais à côté de cela, il y a un appel particulier et une grâce spéciale qui séparent un homme de tout le train naturel de cette vie pour en faire un «serviteur» dans un sens plus complet. Quand le Seigneur appelle ainsi quelqu'un et lui dit: «Suis-moi», ses droits priment naturellement ceux de tout autre: il ne convient pas qu'on regarde en arrière et qu'on consulte la chair et le sang; il ne faut pas dire: «Permets-moi premièrement d'aller ensevelir mon père», ou bien: «Seigneur, je te suivrai; mais permets-moi premièrement de prendre congé de ceux qui sont dans ma maison». «Laisse les morts», dit Jésus, «ensevelir leurs morts, mais toi, va et annonce le royaume de Dieu»; «nul qui met la main à la charrue et qui regarde en arrière n'est propre pour le royaume de Dieu» (comparez 8: 21, 22 et Luc 9: 59 et suivants). La connaissance de Celui qui appelle fait qu'en abandonnant tout pour le suivre, on peut aussi s'en remettre à Lui pour ceux qu'on laisse et pour toutes choses: les Rubénites, les Gadites et la demi-tribu de Manassé, qui ont dû abandonner, pour un temps, femme et enfants pour passer en armes devant leurs frères, afin de leur venir en aide pour la prise de possession du pays de Canaan, n'ont pas eu à en souffrir; l'Eternel a pris soin et d'eux et des leurs et de tout ce qui leur appartenait (comparez Josué 1: 12 et suivants; 22: 1-9; Deutéronome 33: 8-11; Psaumes 69: 8, 9).

Les détails des premières relations du Seigneur avec Pierre, tels qu'ils nous sont donnés par chacun des évangélistes, font ressortir de nouveau l'ordre moral parfait qui règne d'un bout à l'autre dans les Ecritures et qui rattache les détails au sujet général et au fil du discours de chacune des parties. Matthieu, qui amène ici le Messie sur la scène publique de son ministère, nous donne immédiatement l'appel officiel de Pierre et de ses trois autres compagnons pour être «pêcheurs d'hommes». Marc, qui s'occupe spécialement de la vie de Jésus comme Serviteur, fait de même: dès que, Jean ayant été livré, Jésus vient en Galilée et prêche, il attache à Lui les quatre disciples (Marc 1: 14-20). Jean nous raconte la première rencontre de Pierre avec le Seigneur; il nous dit comment il fut amené à Jésus pour être associé à Lui dans une vie nouvelle, dont son nouveau nom est le témoignage, car Jean a écrit son évangile afin que nous croyions que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant nous ayons la vie par son nom (Jean 1: 35-43; et 20: 30, 31). Luc, au chapitre 5: 8-11, à la fois découvre dans la pêche miraculeuse la gloire de Celui qui visitait le monde en grâce et l'effet de cette révélation dans l'oeuvre morale intérieure, qui formait Pierre pour être un pêcheur d'hommes en lui faisant tout laisser pour suivre Jésus (Luc 5: 8-11).

Jésus, dans Matthieu, commence donc à prêcher quand Jean le Baptiseur se tait: tel est l'ordre des voies de Dieu à l'égard d'Israël. Le Christ reprend le témoignage là où Jean l'a laissé et comme celui-ci il dit: «Repentez-vous, car le royaume des cieux s'est approché». Il n'appelle pas Israël à revenir à la loi, mais il annonce le royaume qui vient; il en manifeste la puissance, en proclame le caractère, et se sert de la gloire de ce royaume pour peser sur les consciences et amener à la repentance ceux qui ont une oreille pour entendre. «Et Jésus allait par toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues et prêchant l'évangile du royaume et guérissant toutes sortes de maladies et toutes sortes de langueurs parmi le peuple. Et sa renommée se répandit par toute la Syrie, et on lui apportait tous ceux qui se portaient mal… et des démoniaques et des lunatiques, et des paralytiques, et il les guérissait tous. Et de grandes foules le suivirent de Galilée et de Décapolis, et de Jérusalem et de Judée et de delà le Jourdain…» (4: 17-25).

Matthieu ici, comme en tant d'autres occasions, laisse de côté l'ordre chronologique des événements: il réunit ensemble, à l'entrée de la carrière publique du Messie, les différents éléments qui sont nécessaires pour caractériser la position qu'il vient prendre au milieu d'Israël. Il rapporte d'abord simplement le fait que Jésus se lève en Galilée, s'entourant de disciples et prêchant l'évangile du royaume; et puis il rassemble premièrement les actes généraux de puissance qui accompagnent la prédication de cet évangile pour nous donner ensuite, dans le grand discours connu sous le nom de «discours sur la montagne», les traits caractéristiques du royaume des cieux. Les prédications et les nombreuses guérisons, dont la simple mention est condensée dans les versets 23 et 24, ont dû nécessairement embrasser un certain laps de temps, et sont introduites plutôt caractéristiquement que comme ayant été accomplies dans ce moment-là et avant tous les événements qui suivent, comme aussi il semble hors de doute, non seulement que tout le «discours sur la montagne» est bien clairement postérieur à l'appel des douze, parmi lesquels Matthieu lui-même n'est introduit, dans son propre évangile, qu'au chapitre 9, verset 9, mais encore que ce discours n'a jamais été prononcé tel quel, sans interruption en une seule fois, car nous en retrouvons, dans Luc, différentes parties séparées du grand corps du discours et rattachées aux faits qui en ont été l'occasion et auxquels un lien moral les liait (voyez Luc 6: 12-49; 11: 1-13, 29-36; 12: 13-31, 54-59).

Tels sont les traits généraux de la présentation publique du Messie à Israël dans l'évangile de Matthieu. Jésus, le Messie, fils de David et fils de Abraham, suivi de ceux qu'il appelle pour être avec Lui un signe à Israël, fait lever sa lumière loin de Jérusalem et de la Judée, dans la Galilée des nations. Accomplissant la prophétie, «ministre de la circoncision, pour la vérité de Dieu aux pères», il vient, plein de grâce, avec la puissance du royaume, apporter la bénédiction avec Lui, et il annonce la venue prochaine de ce glorieux «royaume des cieux», promis dans Daniel en particulier (2: 44), tant de siècles auparavant. C'est «l'évangile du royaume» (comparez 4: 17, 23; 9: 35; 10: 7; 24: 14), c'est-à-dire la proclamation de la venue prochaine du royaume promis, que Jésus prêche, non pas «le règne de l'évangile», comme on entend dire souvent, ni «l'évangile de la grâce de Dieu», tel que l'apôtre Paul le prêchait (voyez Actes des Apôtres 20: 24, et comparez 1 Timothée 1: 11-17) et qu'il l'expose, en particulier, dans la seconde épître aux Corinthiens, chapitre 5: 11-21. La parole du prophète, les signes, les prodiges et les miracles qui accompagnent la prédication du royaume par le Christ, lui rendent témoignage de la part de Dieu; ils sonnaient la trompette de rassemblement pour Israël (comp. Nombres 10: 1-10; 29: 1; Lévitique 23: 23-25) et la renommée de Jésus se répandait partout. De grandes foules le suivent de Galilée, de Décapolis, de Jérusalem, de Judée et d'au delà du Jourdain: alors le Messie-Roi monte sur une montagne et, devant les foules, expose à ses disciples les principes du royaume dont il annonce la prochaine venue.

Luc suit un ordre tout différent dans la manière dont il introduit Jésus sur la scène au milieu d'Israël. Il ne commence pas par David et Abraham, et les titres royaux de Celui qui est le Messie promis, Jésus Emmanuel, le fils de la Vierge; il n'amène pas les mages d'Orient pour adorer, le petit enfant, le Roi né d'Israël; il ne met pas comme Matthieu, en présence l'un de l'autre, d'abord le Messie-Roi et Hérode et tout Jérusalem, et ensuite, après que Jean a été livré, la lumière qui se lève dans la Galilée des nations et les ténèbres et le jugement qui pèsent sur Jérusalem. Il nous montre le résidu fidèle qui attendait la consolation d'Israël, visité par la grâce souveraine dans la personne de ce Jésus qui, conçu du Saint Esprit, né de femme, a dans ce monde comme tel droit au titre de Fils de Dieu. Annoncé d'abord à ces fidèles inconnus du monde et de ceux qui le gouvernent, il naît au milieu de leurs louanges et des louanges du ciel, «un Sauveur, le Christ, le Seigneur», «un grand sujet de joie qui sera pour tout le peuple». Il grandit au milieu d'eux avec tous les caractères qui peuvent gagner et réjouir un coeur d'homme, et quand il sort de l'obscurité, c'est en Galilée et à Nazareth, dans la synagogue qu'il se lève comme l'Oint du Seigneur pour publier l'an agréable du Seigneur. «L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres; il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur froissé; pour publier aux captifs la délivrance et aux aveugles le recouvrement de la vue; pour mettre en liberté ceux qui sont foulés et pour publier l'an agréable du Seigneur» (voyez Luc 4: 14 et suivants; comparez Esaïe 61: 1, 2). Il n'y a point de miracles ni de guérisons à Nazareth; il n'y est pas question, comme dans le discours sur la montagne, de la justice de Dieu et de la perfection liée à la révélation du nom du Père, qui donnent leur caractère au royaume et sont nécessaires à ceux qui y seront bénis; mais la grâce d'en haut qui apporte la salut apparaît à tous les hommes; elle est là pour tout ce qui souffre ici-bas, se rattachant sans doute à Israël en grâce par le résidu fidèle, car «le salut vient des Juifs», mais manifestant déjà son vrai caractère en rapport avec l'état moral du peuple; comme aux jours d'Elie et d'Elisée, méprisée et rejetée en Israël, elle se répandra sur les nations. Dans Matthieu, Hérode et Jérusalem rejettent le Messie-Roi, et la citation d'Esaïe (Matthieu 4: 14-16) montre Israël sous le jugement; dans Luc, au contraire, la citation d'Esaïe (Luc 4: 17-19) nous montre la grâce visitant le peuple, et puis les Galiléens rejetant cette grâce, à laquelle ils rendent eux-mêmes témoignage. Jésus s'arrête dans la lecture du prophète là où celui-ci va parler de «la vengeance de notre Dieu», car il n'était pas venu maintenant pour parler de colère et de jugement, mais de la grâce de Dieu envers les pécheurs; et c'est cette grâce que les Galiléens rejettent en la reconnaissant et qui s'étendra sur les nations. Luc ne s'occupe pas du Messie et de sa présentation à Israël, mais de ce que Dieu était en Christ pour l'homme, de ce que l'homme a été pour Dieu, et de l'effet de la grâce dans les coeurs. L'appel de Pierre, par la place qu'il occupe dans chacun de ces deux évangiles, et la manière dont il y est rapporté, se lie admirablement, nous l'avons déjà fait remarquer plus haut, au sujet général et au fil du récit de chacun d'eux respectivement.

Dans l'évangile de Jean, d'un bout à l'autre, la gloire divine du Fils de Dieu, sa gloire personnelle, est mise en évidence; le «Verbe» a été fait chair et il a habité au milieu de nous dans la gloire d'un Fils unique, faisant connaître Dieu, révélant le Père, Lui qui en même temps est «l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde» et «Celui qui baptise de l'Esprit saint». Mais le Fils de Dieu n'est pas de ce monde; il vient d'en haut et il est ici-bas un étranger: dès le commencement, Jean rend témoignage que le monde ne l'a pas connu, et que les siens, Israël, ne l'ont point reçu. Quelques-uns seulement, en petit nombre, s'attachent à Lui, et recevant, par la foi en Lui, le droit d'être enfants de Dieu, deviennent étrangers dans ce monde comme Lui; ils ne sont nés, ni de sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. Jean, en effet, ne parle pas seulement, comme Matthieu, du royaume des cieux et du caractère et de la conduite qui conviennent aux disciples; il ne nous montre pas seulement, comme Luc, la grâce de Dieu et les sentiments nouveaux qu'elle suscite dans un coeur d'homme; mais il présente Dieu et la nécessité d'une nouvelle vie, pour être en relation avec Lui dans ce royaume de Dieu, qu'on ne peut voir, et dans lequel on ne peut entrer qu'en étant «nés de nouveau», «né d'eau et de l'Esprit». «Tu es Simon, le fils de Jonas; tu seras appelé Céphas, ce qui est interprété Pierre»: un nouvel homme demande un nouveau nom. Il faut aussi, la gloire de Dieu l'exige, la mort du Fils de Dieu, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle. Christ, dans l'évangile de Jean, ne prêche pas; il converse avec les Juifs ou avec les foules, il entre en relation personnelle avec les âmes. Le Berger entre dans la bergerie qui est Israël; il appelle et rassemble ses propres brebis; il marche devant elles et les mène dehors, et il amènera aussi les autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie, savoir celles qui sont d'entre les nations, et il met sa vie pour les brebis. Il est sorti d'auprès du Père et il est venu dans le monde, — et puis il laissera le monde et s'en ira au Père et il y préparera une place avec Lui pour les siens.

Quant à Marc, nous l'avons déjà dit, il nous présente Christ «le Serviteur» dans son service actif dans l'évangile: une introduction sommaire de quelques versets seulement nous amène à ce moment où, «après que Jean eut été livré, Jésus vint de Galilée, prêchant l'évangile du royaume de Dieu et disant: Le temps est accompli, et le royaume de Dieu s'est approché. Repentez-vous et croyez à l'évangile…». On peut dire que le récit de Marc commence proprement quand Jésus se met à prêcher l'évangile et appelle Simon et André et les deux fils de Zébédée à le suivre pour devenir pêcheurs d'hommes: les quelques lignes qui précèdent ne sont qu'une courte préface.