ME 1869 page 32
Il me semble que pour
tout esprit sérieux, il vaut la peine de rechercher quelle est la cause (quelle
que soit du reste la mesure de notre foi) de l'ignorance que nous montrons si souvent
de la pensée de Dieu et de notre incapacité à «juger», comme, si aucune lumière
ne jaillissait de notre foi pour nous venir en aide.
La foi est la
confiance, que Dieu nous donne par son Esprit, en une révélation quelconque de
sa pensées et cette confiance est l'acceptation de la réalité positive de cette
révélation, de sorte que, par la foi, l'âme possède, pour ainsi dire, la
substance de la vérité qui est placée devant elle et dont elle est convaincue.
En cas ordinaire, je puis accorder une pleine confiance à la parole d'un
homme concernant des choses futures ou présentes; mais quand j'ai affaire à
Dieu, le cas est différent. Lorsque c'est la vérité de Dieu que je crois, j'ai
en moi-même la conviction de la réalité de choses auxquelles je dois moi-même
avoir ma part; et comme, dans le monde, je suis environné d'ombres et
d'incertitudes, par la foi je suis séparé ici de toutes influences naturelles.
De plus, je suis pénétré et absorbé par les réalités dont, par la foi, je
possède la substance dans mon âme.
En marchant dans la
puissance de cette foi, il s'ensuivra nécessairement la pensée des réalités sur
lesquelles elle repose, en contraste avec les prétentions et l'opposition
contre Dieu ici-bas; et cela me fournit véritablement
le moyen de discernement dont j'ai besoin; c'est là, pratiquement, la lumière,
car «là lumière est ce qui manifeste tout» (Ephésiens
5: 14).
Or je crois que je
puis avoir de la foi et que, malgré cela, je puis réaliser si peu la position
dans laquelle cette foi m'introduit, que je suis hors d'état d'établir un
contraste entre les choses divines placées devant la foi et les choses
terrestres, au milieu desquelles ma nature est appelée à se mouvoir; et si je
suis absorbé par les dernières ou inférieures, je ne serai pas capable de juger
entre les deux, car la différence en sera très peu perceptible pour moi; et
pouvoir discerner entre deux choses qui, en apparence, diffèrent aussi
peu que possible, est la grande pierre de touche du jugement.
Il est dit: «Si tout ton corps est éclairé, n'ayant aucune partie
ténébreuse, il sera tout éclairé, comme quand la lampe t'éclaire de son éclat»
(Luc 11: 36); c'est-à-dire, si vous êtes vous-même sous la direction de la
lumière, si elle a triomphé de chaque partie ténébreuse en vous, alors vous éclairerez
comme un chandelier éclaire; vous ne répandrez pas seulement la lumière autour
de vous, mais vous jugerez les ténèbres.
Or, c'est ici que se
trouve la cause de tout ce qui entrave l'action de la lumière en nous; — cette
lumière que nous recevons de notre foi, et qui agirait en nous librement s'il
n'y avait pas quelque part une «partie ténébreuse»; et de même que, dans
un cachot obscur et profond, une lampe n'éclaire pas aussi longtemps que sa
lumière n'a pas de tous côtés triomphé des ténèbres, de même aussi, tant que je
ne suis pas entièrement gouverné par la foi que j'ai reçue, je n'appliquerai et
je ne pourrai pas appliquer les pensées de la foi aux choses qui m'entourent,
et je ne serai pas en état de comparer les unes avec les autres, la «partie
ténébreuse» intervenant pratiquement et faisant dévier mon jugement. L'apôtre
Paul se serait sans doute aisément soumis à l'avertissement de l'Esprit, qui
lui disait de ne pas aller à Jérusalem, s'il n'y avait pas eu dans son coeur un désir naturel de s'y rendre, désir non
encore réprimé par la lumière de la foi qui habitait en lui et qui, plus tard,
le dirigea d'une manière si remarquable quand il écrivit l'épître aux
Ephésiens. L'obstacle vient toujours du côté de l'homme;
c'est pourquoi l'apôtre dit: «Ne vous conformez pas à ce siècle, mais soyez
transformés par le renouvellement de votre entendement, pour que vous éprouviez
quelle est la volonté de Dieu, bonne, agréable et parfaite» (Romains 12: 2).
S'il y a encore de la
conformité avec le monde, il y aura une «partie
ténébreuse» où la lumière n'a pas pénétré, et, en proportion, il y aura de
l'incapacité à «éprouver» quelle est la volonté de Dieu. Nos recherches à cet
égard seront bien simplifiées si nous voyons que ce n'est pas la faute de la
foi, pour m'exprimer ainsi, c'est-à-dire que cela ne provient pas d'un
défaut dans la nature ou la mesure de notre foi, mais de ce qu'il y a en nous une «partie ténébreuse»; — nous n'ajoutons pas à la
foi la «vertu» (2 Pierre 1: 5); il reste quelque attachement naturel pour le
monde dont notre foi n'a pas triomphé et qui obscurcit la lumière, nous
laissant sans direction pour nous-mêmes et sans utilité pour d'autres.
Nous avons un tableau
frappant des deux côtés de la question que nous étudions, dans l'histoire d'Isaac
et de Jacob, et de la foi par laquelle l'un et l'autre ont agi à la fin de leur
carrière. La foi d'Isaac est ainsi commentée par le Saint Esprit dans l'épître
aux Hébreux: «Par la foi, Isaac bénit Jacob et Esaü à
l'égard des choses à venir» (chapitre 11: 20). La foi d'Isaac ne fut donc point
en défaut, mais peut-on dire de lui que «tout son
corps fût éclairé?» N'avait-il aucune «partie
ténébreuse?» — Le chapitre 27 de la Genèse est là pour nous répondre;
et il nous révèle quelle était la condition morale d'Isaac au moment où sa foi
est ainsi reconnue par le Saint Esprit. Nous trouvons que lorsqu'il se
préparait à bénir son fils selon cette foi, il manifesta une convoitise du
présent siècle mauvais qui, comme nous le verrons, troubla son discernement. Ne
se souvenant plus de ce que Dieu avait dit à la naissance d'Esaü et de Jacob,
il s'était laissé gagner par les attentions présentes d'Esaü, et se
voyant sur le point de mourir il lui commande:
«Apporte-moi de la venaison et m'apprête des viandes d'appétit afin que j'en
mange; et je te bénirai devant l'Eternel avant de mourir» (Genèse 27: 7).
Nous pourrions
supposer que cette convoitise était de trop peu d'importance pour agir aussi
désastreusement, au point d'obscurcir le jugement d'Isaac et de l'amener à
faire usage des révélations faites à la foi, d'une manière directement
contraire à la parole de Dieu! Mais il en fut ainsi; et si une circonstance aussi minime peut conduire un
homme aussi loin, que ne fera pas une circonstance de quelque valeur? Cela nous
enseigne que, lorsque nous nous permettons une jouissance qui n'est pas de la
foi, il en résultera infailliblement qu'en voulant nous servir de la vérité,
celle-ci sera mal dirigée, car le fait seul d'avoir la foi n'assure pas une
application juste de la vérité. Si voire coeur
s'attache à ce qui est présent et qui n'est pas de la foi, car «les choses visibles ne sont pas de la foi», cette
préoccupation pervertira votre jugement et vous fera appliquer faussement une
vérité quelconque que votre foi aura saisie (*). Vous
rencontrerez constamment des chrétiens qui, possédant une vérité simplement par
la foi, s'en servent tout à fait à faux et sont hors d'état de lui donner son
application propre, par la seule raison qu'ils sont absorbés par telle ou telle
chose de ce monde qui, pareille à une «partie
ténébreuse», empêche la vérité d'avoir sa vraie et lumineuse puissance. Hélas! combien nous souffrons tous de ce mal! Mais il est
bon de voir pourquoi l'on souffre.
(*) Si je crois à
la venue du Seigneur et que j'agisse contrairement à ma croyance à cet égard,
est-ce que cela n'interceptera pas pour moi la lumière?
Si j'agis contrairement à ma foi, est-ce que par là je ne voile et n'éteins pas
la lumière de la foi.
Lorsque, par la grâce,
Isaac est ramené à la pensée de Dieu, son âme passe par une violente commotion.
«Il fut saisi d'un grand tremblement» (verset 33).
Ceci exprime, je pense, le bouleversement qui a lieu en nous quand la pensée et
la parole de Dieu reprennent leur autorité sur le coeur,
et que l'âme rentre profondément en elle-même. C'est alors que «le renouvellement de l'entendement» produit la
non-conformité avec le monde, et que l'on «éprouve quelle est la volonté bonne
et parfaite de Dieu». Aussi après ce moment, Isaac s'écrie au sujet de Jacob: «Je l'ai béni, et il sera béni!»
Dieu maintient
toujours sa vérité et sa grâce envers ses serviteurs;
mais le serviteur aura à passer par une profonde humiliation, aussitôt qu'il
voudra faire marcher ensemble les choses de la foi et «les choses qui se
voient». Puissions-nous être vigilants, et chercher à nous tenir dans les
régions de la foi, en sorte que nous ayons la conscience d'être guidés par la
pensée de notre Seigneur, dont nous serons alors en état de rendre témoignage.
Il en fut ainsi de
Jacob, comme nous le montre le chapitre 48 de la Genèse;
et le contraste est remarquable entre lui et Isaac dans ces époques analogues
de leur histoire. Lorsque Joseph amena à Jacob ses deux fils pour qu'il les
bénît, les yeux du vieillard étaient appesantis par l'âge, tellement qu'il ne
pouvait voir; mais au lieu d'être absorbé par les
choses d'ici-bas, toute son âme est la lumineuse expression de la pensée de
Dieu; et ce qu'il dit à Joseph, donne à connaître que, quelles que pussent être
les espérances des autres, pour lui il n'en n'avait plus ici-bas. «Or quand je venais de Paddan,
Rachel me mourut au pays de Canaan» (verset 7). — Ainsi que quelqu'un l'a dit,
ces paroles: «me mourut», révèlent le secret
d'un coeur qui a passé par le creuset de la
souffrance; qui, en esprit, a été amené jusque dans la mort et y a laissé
toutes ses affections naturelles dans ce qu'elles avaient de plus cher; qui est
content de les y laisser et ne cherche plus à les satisfaire sur la terre.
Combien cet état
diffère de celui d'Isaac! Jacob n'avait plus aucun
lien ici-bas, rien ne l'y attirait. De plus il était un adorateur, car
son âme était profondément occupée de la vérité que sa foi avait saisie; et en conséquence, il entre dans la pensée de Dieu
et dirige ses mains «de propos délibéré» (verset 14), corrigeant l'arrangement
de Joseph. Lorsque, par la foi, nous sommes dans la présence de Dieu, et
occupés de la vérité que nous réalisons par la foi, nous ne sommes pas
seulement des adorateurs, mais nous sommes en communion avec la pensée et la
volonté de Dieu. Nous «éprouvons» pratiquement cette
volonté, parce que nous sommes «renouvelés dans l'esprit de notre entendement»,
étant délivrés de toute préoccupation qui nous en empêcherait ou qui voilerait
pour nous cette volonté.
Avant de terminer, je
désire seulement faire remarquer encore, que le moyen simple et véritable
d'obtenir de la lumière d'une vérité quelconque est de la rattacher au
Seigneur, de telle façon que nous nous trouvions placés dans la région même de
la vérité, étant ainsi des adorateurs devant Lui en rapport avec elle.
L'effet en sera que la vérité agira sur nous de la part le Dieu, qu'elle
gouvernera nos sentiments et formera nos désirs selon sa propre nature. Alors
nous saurons lui comparer les prétentions de l'homme et juger en comparant,
parce que la lumière nous éclairera pour voir en quoi ces choses diffèrent.
C'est toujours de nous-mêmes en premier lieu, que nous devons faire le
sujet de notre expérience: le petit monde au dedans de
nous doit d'abord être jugé dans les principes que nous désirons ou que nous
devons juger dans le monde extérieur; car nous pouvons être assurés que nous ne
serons pas en état de juger la masse, si nous n'avons pas jugé l'unité,
le moi, qui n'est que le type et la miniature du monde dans son entier.
Souvent nous nous mettons à juger et à condamner le monde, mais tout vrai
disciple reconnaîtra qu'il n'aura de puissance pour le faire selon Dieu, que
dans la mesure où il sera parvenu à se juger lui-même devant Dieu dans la
soumission. Que le Seigneur nous dirige de manière à réaliser la vérité que
nous avons reçue par la foi, pour que nous éprouvions quelle est sa puissance
pour nous guider dans les circonstances où nous passons, et nous garder des
influences de ce présent siècle mauvais. Amen!