Le docteur

Lisez l'épître aux Colossiens

Le docteur. 1

1. ME 1869 page 133. 1

2. ME 1869 page 153. 4

 

1. ME 1869 page 133

Le christianisme ne consiste pis dans la réception d'un certain symbole ou de certaines vérités particulières; il est une vie communiquée, éternelle quant à sa durée, active quant à son caractère, divine quant à sa nature, ayant pour fin la gloire de Dieu et le bonheur d'âmes immortelles.

Le chrétien donc peut avoir un champ de travail en dehors de l'Eglise, comme évangéliste, ou bien il peut avoir sa sphère d'activité dans l'Eglise, comme docteur. L'évangéliste est occupé à retirer des âmes hors du monde et à les amener dans le seul troupeau qui est l'Eglise; le docteur instruit les âmes qui sont déjà entrées, en les initiant davantage à la connaissance de la vérité telle qu'elle est révélée dans les Ecritures; car l'oeuvre du docteur consiste à enseigner ce qui a été révélé, non à communiquer une vérité nouvelle. Partout où il y a des pécheurs à sauver, l'évangéliste trouve un champ de travail; partout où il y a des saints de Dieu, il y a une sphère de service pour celui qui enseigne. Combien cette vérité n'a-t-elle pas été oubliée par toutes les sectes qui se sont formées dans le corps de Christ sur la terre! Des chrétiens de dénominations différentes seront d'accord pour reconnaître un évangéliste, comme étant un don de Dieu pour travailler dans le monde; mais combien y en aura-t-il qui soient disposés à reconnaître également que les docteurs sont établis de Dieu dans «l'Eglise», pour aider et instruire tous ceux qui croient au Seigneur Jésus? On se sent rafraîchi quand on laisse de côté l'esprit sectaire, si souvent manifesté de nos jours, pour contempler l'esprit fervent et vraiment catholique (*) du docteur tel qu'il nous est dépeint dans l'Ecriture.

(*) C'est-à-dire qui embrasse tout l'ensemble de l'Eglise de Dieu.

Paul était évangéliste pour prêcher cette «bonne nouvelle» qui est publiée à toute créature sous le ciel. Paul était aussi docteur, établi de Dieu dans l'Eglise, pour enseigner et avertir tout homme, afin qu'il présentât tout homme parfait en Christ. Paul n'avait jamais vu les saints de Colosses; mais parce qu'ils étaient des saints, il s'intéressait à eux, et il souffrait pour eux, à Rome, et s'en réjouissait (Colossiens 1: 24), accomplissant, pour sa part dans sa chair, ce qui manquait aux afflictions du Christ pour son corps qui est l'Eglise.

Paul avait reçu un service spécial pour «compléter la parole de Dieu», le mystère qui avait été caché, mais qui a été maintenant manifesté à ses saints, auxquels Dieu a voulu donner à connaître quelles sont les richesses de la gloire de ce mystère parmi les nations, c'est à savoir: «Christ en vous l'espérance de la gloire» (Colossiens 1: 25-27). Ce mystère lui étant confié, Paul ne pensait pas avoir accompli son oeuvre lorsque, au commencement, il complétait la parole de Dieu en faisant connaître le mystère. Dieu voulait que le mystère fût communiqué aux saints. Par Paul, l'apôtre, le ministre choisi de Dieu, l'évangile de Dieu était prêché dans toute la création; par Paul, le docteur, le mystère et les richesses de la gloire de ce mystère, étaient proclamés parmi les nations. Quel sujet à développer: «Christ en nous l'espérance de la gloire!» Les saints en général, et chacun d'eux en particulier, y avaient un égal intérêt. Bientôt «la gloire du Seigneur sera révélée, et toute chair ensemble la verra». Or ce que les Colossiens attendaient n'était pas simplement de voir la gloire, mais de se trouver eux-mêmes dans cette gloire. Quand la gloire sera révélée, la position des nations sur la terre sera subordonnée à celle des Juifs; mais pour ceux auxquels Paul écrivait, bien qu'ils fussent gentils de naissance, ces distinctions nationales entre les Juifs et les gentils n'existaient plus (3: 11); la gloire était leur partage; et Christ en eux, les richesses de la gloire de ce mystère, était «l'espérance de la gloire».

Paul prêchait cette seule chose: il annonçait parmi les nations les richesses insondables du Christ et il complétait la parole de Dieu par la révélation du mystère caché dès les siècles et les générations, exhortant tout homme et enseignant tout homme, afin de présenter tout homme parfait en Christ (Colossiens 1: 28-29). Comme apôtre des nations, il travaillait sans relâche; il voyageait au loin; il était prêt à aller même en Espagne pour l'oeuvre de son Maître; cependant, il n'oublia jamais non plus ses «frères selon la chair», et ce fut à eux d'abord qu'il s'adressait partout et à Rome en particulier, lorsqu'il y vint comme prisonnier. Le champ particulier que le Seigneur lui avait assigné, comme apôtre des nations, n'eut pas pour effet de diminuer l'intérêt général qu'il portait à tous, ou de lui faire nourrir un esprit sectaire: il «avertissait tout homme», «et enseignait tout homme en toute sagesse»; et cela au prix de beaucoup de travail et de peine. Son coeur de toute manière était engagé dans l'oeuvre, parce que Christ avait la première place dans ses affections; il aimait tous les saints et s'intéressait à ceux même qu'il n'avait jamais vus, parce qu'ils étaient membres de Christ. Il travaillait en enseignent; il combattait dans ses prières (Colossiens 1: 29; 2: 1; 4: 12). Il recevait tous ceux qui venaient le voir à Rome, prêchant le royaume de Dieu et les choses qui regardent le Seigneur Jésus (Actes des Apôtres 28: 30, 31). Il portait sur son coeur, dans ses prières à Dieu, les saints qui étaient à Colosses et à Laodicée, et tous ceux qui n'avaient pas vu son visage, Epaphras aussi combattait toujours pour eux par ses prières (Colossiens 4: 12); mais lui était «des leurs», et leur avait communiqué la vérité de Dieu. Or Paul avait, pour les Colossiens et tous ceux qui n'avaient pas vu son visage dans la chair, un intérêt si profond qu'il se sentait poussé à combattre, lui aussi, pour eux par ses prières. Et qu'est-ce qu'il désirait pour les saints? Qu'ils prissent parti pour lui contre les docteurs judaïsants, qui cherchaient à miner son autorité dans les assemblées établies parmi les nations? Non, ce qu'il, cherchait, c'était la prospérité des saints, non pas qu'ils fissent cas de lui. Il désirait «que leurs coeurs fussent consolés, étant bien unis ensemble dans l'amour et pour toutes les richesses d'une pleine certitude d'intelligence, pour la connaissance du mystère de Dieu, dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance» (Colossiens 2: 2, 3). Le coeur d'un vrai docteur est ici mis au jour. Une connaissance superficielle de la vérité chez les saints ne pouvait pas le satisfaire; il désirait que leurs coeurs fussent encouragés, et qu'ils fussent tous bien unis dans l'amour, cette expression de ce que Dieu est; mais il désirait aussi pour eux «la connaissance». Unis dans l'amour pour toutes les richesses d'une pleine certitude d'intelligence, pour la connaissance du mystère de Dieu. L'apôtre était personnellement inconnu aux Colossiens, mais son amour pour tous les saints lui faisait désirer qu'ils fussent ainsi enrichis; parce qu'il voyait dans ce «mystère de Dieu» la seule véritable sauvegarde pour leurs âmes: «dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance». Il craignait pour eux qu'ils ne se laissassent séduire par des discours spécieux et dépouiller par la philosophie et par de vaines déceptions. Il se réjouissait en voyant le bon ordre et la fermeté des saints à Colosses; mais il désirait pour eux «une pleine certitude d'intelligence pour la connaissance du mystère de Dieu».

Rome, où Paul était prisonnier, était éloignée de Colosses; mais l'oeil pénétrant de l'apôtre découvrait de loin un mal dont peut-être les Colossiens n'avaient pas conscience. Ils avaient la foi en Christ; ils avaient manifesté de l'amour envers tous les saints. La parole de la vérité de l'évangile leur était parvenue; ils l'avaient reçue, et elle avait fructifié en eux. Paul pouvait parler d'effets passés de cette prédication, et plus que cela, car il pouvait dire: «Qui porte du fruit et croît de même que parmi vous, depuis le jour que vous avez entendu et connu la grâce de Dieu en vérité» (voyez Colossiens 1: 3-6). Epaphras lui avait fait connaître leur amour dans l'Esprit. Qu'est-ce qui pouvait donc leur manquer? Qu'est-ce que Paul pouvait désirer pour eux? Les versets 9 à 12 du chapitre 1, nous le disent: ils ne voyaient pas, semble-t-il, les dangers qui les entouraient (voyez Colossiens 2: 8-23) et perdaient de vue ce qui seul pouvait leur donner d'y faire face, S'ils avaient eu les yeux «oints d'un collyre» pour discerner ces choses, il n'eût pas été nécessaire de leur signaler les dangers qu'ils couraient, et s'ils avaient été sur leurs gardes, tenant ferme le vrai remède à opposer au mal, l'apôtre n'eût pas eu besoin de leur faire connaître ce remède. Mais c'est la part du «docteur» de découvrir la tendance d'une certaine marche spirituelle et d'y appliquer l'enseignement qui convient à la situation. Comme docteur, Paul voyait où les Colossiens, s'ils n'étaient pas avertis, pourraient être entraînés; et, divinement enseigné lui-même et appelé à enseigner les autres, il leur signale ce qu'ils avaient à faire: «Comme donc vous avez reçu le Christ Jésus, marchez en lui, enracinés et édifiés en lui et affermis dans la foi, selon que vous avez été enseignés, abondant en elle avec actions de grâces» (Colossiens 2: 6, 7).

Telles sont les directions de l'apôtre aux saints de Colosses. Plus loin, il leur montre comment, en appliquant ces directions, ils feraient face à tous les dangers. Il les résume ici, et place devant eux un objet: «Christ Jésus le Seigneur»; il fixe leur attention sur une révélation qui se rapporte à lui. «Comme vous avez reçu le Christ Jésus», dit-il, «marchez en Lui». Les Colossiens n'avaient rien de nouveau à recevoir; ils avaient seulement à retenir et à mettre en pratique ce qui leur avait été communiqué par le ministère d'Epaphras. Tout cela est très précieux de nos jours; car ce qu'Epaphras, un serviteur de Christ, avait enseigné aux saints était tout ce dont ils avaient besoin. La plénitude de ce qu'il leur avait apporté, chacun d'aux avait à l'apprendre pour lui-même; mais la révélation qu'il leur avait communiquée renfermait toute la vérité. «Comme vous avez reçu»; dit-il, et: «comme vous avez été enseignés». Paul leur rappelle ce qui leur avait été enseigné, la vérité communiquée par lui et par d'autres à l'Eglise. Epaphras l'avait placée devant eux; et Paul, qui complétait la parole de Dieu, n'a rien de plus à leur faire connaître. De vérités nouvelles, jusqu'ici non révélées, sur le Seigneur Jésus, l'apôtre ne dit rien, pas plus qu'il ne fait entrevoir un développement à venir. Ce que les saints avaient reçu, ils avaient à le retenir, et, comme ils avaient reçu Christ Jésus le Seigneur, ils devaient «marcher en lui, enrichis et édifiés en lui…» (Colossiens 2: 6, 7). Paul ferme la porte à tout ce qui n'est pas Christ. Comme docteur, il explique ce que sont les richesses et la gloire du mystère; il montre qu'il n'y a rien qui soit nécessaire, rien qui ait une vraie valeur pour les âmes, en dehors de Christ. La philosophie, les vaines déceptions, la prétention à connaître des choses cachées aux autres, l'observance des rites judaïques, tout cela, de quelque part que cela vînt, si on le recevait, séparait du «Chef», «duquel tout le corps fourni et bien uni ensemble par des jointures et des liens croît d'un accroissement de Dieu» (Colossiens 2: 19).

Paul dit: «Comme vous avez reçu le Christ Jésus, marchez en Lui»; Jean, un autre docteur et apôtre, dit pareillement: «Pour vous donc, que ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous» (1 Jean 2: 24; comparez 2 Timothée 3: 14-17; 2 Pierre 3: 1-3; Jude 3, 17). Ces deux docteurs et apôtres, bien que l'un «complète la parole de Dieu» et que l'autre nous dise: «la révélation de Jésus Christ que Dieu lui a donnée, pour faire connaître à ses esclaves les choses qui doivent arriver bientôt», dirigent les âmes vers ce qui a été révélé au sujet de Christ, comme étant tout ce dont elles ont besoin, et tout ce que Dieu veut donner. Et encore aujourd'hui, comme alors, c'est vers ce qui était connu aux jours d'Epaphras, vers ce qui a été entendu dès le commencement, que le «docteur» doit maintenant diriger les pensées des coeurs des saints, et qu'il doit puiser, en le tirant des Ecritures, ce par quoi il édifiera les âmes dans la vérité.

2. ME 1869 page 153

Avec l'Eglise pour champ de travail et la parole de Dieu, d'où il tirait tous ses enseignements, pour dépôt, le docteur des temps primitifs apprenait à exposer justement la parole de la vérité, et à l'annoncer aux âmes selon qu'elles pouvaient l'entendre. Il se conformait en cela au commandement de l'Ecriture, que nous pouvons lire (2 Timothée 2: 15), et à l'exemple du Maître lui-même (voyez Marc 4: 33).

Pierre, le jour de la Pentecôte, exposa justement la parole de la vérité, alors qu'il s'abstient de dire, en citant la prophétie de Joël, que «ce jour» était accompli; et lorsqu'il s'arrêta au milieu du dernier verset de sa citation, suivant l'exemple du grand Docteur qui, dans la synagogue de Nazareth, ne cite que la première moitié du verset 2 du chapitre 61 d'Esaïe sans donner la seconde (Luc 4: 19). Paul savait agir de même quand il enseignait: dans son épître aux Romains, il dit: «Vous êtes morts à la loi par le corps du Christ»; tandis qu'en écrivant à Timothée, il dit: «Nous savons que la loi est bonne si quelqu'un en use légitimement» (1 Timothée 1: 8). Jacques nous offre un autre exemple de la même sagesse, lorsqu'il parle de la «loi parfaite» qui est «celle de la liberté», l'expression de la pensée de Dieu pour la créature, qui, pour le nouvel homme, est la parfaite liberté.

D'un autre côté, les premiers docteurs du christianisme parlaient aux âmes selon ce qu'elles étaient en état de supporter, comme avait fait le Seigneur avec la multitude et avec ses disciples (Jean 16: 12; comparez Marc 4: 33). Paul agissait ainsi avec les Corinthiens et les Hébreux (1 Corinthiens 3; Hébreux 5: 11, 12). Mais ici, il y a une différence. Le Seigneur, au chapitre 16 de l'évangile de Jean, n'adresse pas de reproches à la multitude, ni ne blâme les disciples de leur incapacité à entendre et à recevoir ce qu'il avait à leur dire. Mais Paul blâme et les Corinthiens et les Hébreux, et avec raison, parce que, dans ces jours-là, le Saint Esprit était sur la terre dans l'Eglise, pour conduire les croyants «dans toute la vérité» (Jean 16: 13; comparez 1 Jean 2: 20, 27). Tout ce que Paul aurait donc pu leur enseigner aurait été à sa place et de saison, bien que, vu leur état respectif, hors de propos pour eux. La condition morale des Corinthiens, qui étaient «charnels», et l'état d'enfance des Hébreux empêchaient l'apôtre de les occuper de ces vérités particulières au christianisme, qu'il eût autrement placées devant eux. Il y a des degrés d'avancement spirituel: il y a des «pères», des «jeunes gens», et des «enfants» en Christ (voyez 1 Jean 2). Il y a des conditions et des circonstances particulières, dans lesquelles des âmes, et même des assemblées peuvent se trouver, qui exigent du discernement spirituel chez celui qui enseigne, et une direction divine pour qu'il sache comment répondre aux besoins devant lesquels il se trouve, et comment édifier et venir en aide de la manière la plus convenable. Tychique était porteur de deux lettres de Rome, l'une, l'épître aux Ephésiens, était si l'on s'en tient au texte des deux plus anciens manuscrits, une lettre circulaire adressée «aux saints qui sont fidèles dans le Christ Jésus» (1: 1), qui devait être lue dans diverses assemblées; l'autre était une lettre spécialement adressée aux Colossiens, exposant la vérité telle qu'elle convenait à leur état, et qui devait être lue aussi par l'assemblée de Laodicée.

Mais à part la condition spirituelle des âmes qui peut les empêcher de recevoir la vérité, il peut y avoir aussi, comme nous l'avons dit, des circonstances particulières qui influent sur la direction à suivre dans l'enseignement. Nous en avons un exemple dans l'épître de Jude. Comme un homme enseigné de Dieu et qui est ainsi capable de juger des choses selon ce qu'elles sont et non selon ce qu'elles paraissent, Jude aurait voulu écrire aux saints «du salut qui leur était commun»; mais il avait reconnu qu'il fallait plutôt leur écrire pour les exhorter à «combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints». Le mal qui arrivera à son comble dans l'apostasie ouverte de la chrétienté, il le discernait déjà au milieu des fidèles; il voyait «certains hommes qui s'étaient glissés parmi les fidèles» et qui mangeaient avec eux; et il écrit au sujet de ces hommes pour avertir les saints. Il montre à ceux-ci qu'Enoch, déjà avant le déluge, avait prophétisé de ces hommes, et que les apôtres de Christ avaient dit qu'il y aurait des moqueurs dans les derniers temps. Jude donc n'écrivait pas quelque chose de nouveau; mais ce que les fidèles savaient une fois et qui avait été prédit, et il voulait leur montrer comment tout cela avait commencé de s'accomplir. Ecrire aux saints du salut qui leur était commun eût été selon le coeur de l'apôtre: mais il était nécessaire qu'il leur écrivît pour les exhorter à «combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints».

Ici apparaît un autre caractère des docteurs de ces premiers temps. Ils étaient infatigables et ne se lassaient pas d'enseigner; s'il le fallait, ils ne craignaient pas de revenir toujours sur les mêmes vérités, comme disait Paul dans son épître aux Philippiens (chapitre 3): «Vous écrire les mêmes choses, n'est pas pénible pour moi, et c'est votre sûreté». L'erreur des judaïsants était mûre presque partout: Paul l'avait souvent combattue; et aussi souvent que cela serait nécessaire, il le ferait encore; et «c'est votre sûreté», dit-il. Il ne tient pas compte de lui-même, mais ce qui l'occupe, c'est l'intérêt des autres. Pierre agit dans le même esprit: «Je ne négligerai pas de vous rappeler toujours ces choses quoique vous les connaissiez et que vous soyez affermis dans la vérité présente. Mais j'estime qu'il est juste de vous réveiller en vous rappelant ces choses, tandis que je suis dans cette tente» (2 Pierre 1: 12, 13). La prospérité des saints exigeait cet intérêt et ces soins incessants, et Pierre y persévérait. Il savait combien le coeur de l'homme est naturellement appesanti, et il était prêt à dépenser son temps et ses forces pour répéter aux saints les mêmes choses, aussi souvent que cela serait nécessaire, «tandis que je suis dans cette tente», dit-il. Il ne pensait pas perdre sa peine ou mal employer son temps en leur rappelant les «paroles qui ont été dites autrefois par les saints prophètes» et le commandement des apôtres du Seigneur et Sauveur (2 Pierre 3: 2), et c'est à cette parole écrite, — aux prophètes de l'ancienne dispensation, et aux commandements des apôtres du Seigneur et Sauveur, qu'il les ramenait constamment. N'est-ce pas là le vrai esprit d'un docteur? Discernant l'état d'âme du disciple, il travaille sans relâche à le faire progresser; s'oubliant lui-même, il répète souvent les mêmes choses, quelque peu agréable que cela soit à l'homme naturel, jusqu'à ce que la leçon soit apprise, ou que la mort mette fin à l'oeuvre. Les apôtres qui travaillaient ainsi ne s'étaient-ils pas, en quelque mesure, approprié l'esprit du Seigneur tel qu'il apparaît au chapitre 14 de l'évangile de Jean? Philippe dit à Jésus: «Montre-nous le Père, et cela nous suffit», car Jésus avait fait ressortir auparavant, comment on pouvait connaître que le Père était en lui et lui dans le Père: «Croyez les oeuvres, avait-il dit, afin que vous connaissiez et que vous croyiez que le Père est en moi et moi en lui» (Jean 10: 38). Il répète la même chose en réponse à la question de Philippe: «Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de par moi-même; mais le Père qui demeure en moi, c'est lui qui fait les oeuvres. Croyez-moi que je suis dans le Père, et que le Père est en moi; sinon croyez-moi à cause des oeuvres elles-mêmes» (Jean 14: 10-12).

Mais les apôtres ne se contentaient pas de pourvoir aux exigences du présent: leur intérêt pour les saints les faisait penser à l'avenir. En cela aussi ils suivaient l'exemple de leur Seigneur. «Je m'étudierai», écrit Pierre, «à ce qu'après mon départ vous puissiez en tout temps vous rappeler ces choses» (2 Pierre 1: 15). Paul avertit les anciens d'Ephèse que des loups redoutables entreraient parmi eux, et que d'entre eux-mêmes se lèveraient, après son départ, des hommes qui annonceraient des doctrines perverses (Actes des Apôtres 20: 29, 30). Aux Thessaloniciens, il parle de l'Antichrist qui doit venir. A Timothée il décrit l'apostasie des derniers temps et la méchanceté des derniers jours (1 Timothée 4; 2 Timothée 3). Ce n'est pas à contrecoeur que ces docteurs s'acquittaient de leur service: leur coeur y était engagé. La grâce les avait poussés dans le service; l'amour les remplissait de dévouement pour les saints. Ainsi, tout en étant disposés à recevoir des fidèles des secours pécuniaires ou autres, leur récompense n'était pas sur la terre: leur espérance, leur couronne de joie, c'étaient leurs enfants spirituels, dans la présence du Seigneur Jésus Christ à sa venue (1 Thessaloniciens 2: 19, 20).

Paul ne pensait pas seulement à l'avenir, comme nous venons de voir, mais il exhortait Timothée à commettre les choses qu'il avait entendues de lui, devant plusieurs témoins, à des hommes fidèles, capables d'enseigner aussi les autres (2 Timothée 2: 2); et il nous disait ce que doivent être des docteurs qui ne sont ni apôtres, ni prophètes, apportant des révélations de la part de Dieu.

Il y avait des gens qui estimaient que la piété était un moyen de lucre, qui enseignaient pour un gain déshonnête ce qui ne convient pas (1 Timothée 6: 3-5; 2 Timothée 4: 3, 4; 3: 6-9; Tite 1: 10, 11). L'homme de Dieu devait fuir ces choses: placé dans l'Eglise, et étant aussi dans le monde, parce qu'il était sur la terre il devait être un modèle pour les croyants dans l'Eglise, et agir de telle sorte que ceux de dehors, ou ceux qui s'opposaient à lui, n'eussent rien de mauvais à dire de lui (1 Timothée 4: 12; 2 Timothée 2: 24; Tite 2: 7, 8); il devait, dans son enseignement, être soumis à la parole de Dieu. Nous ne trouvons pas la moindre allusion à une révélation future quelconque qui dût modifier ou changer l'enseignement de l'apôtre; pas un mot sur l'insuffisance de l'Ecriture, pas un doute sur sa valeur d'un bout à l'autre! «Toute écriture est divinement inspirée et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et parfaitement accompli pour toute bonne oeuvre» (2 Timothée 3: 16, 17). Les déclarations des apôtres impriment à l'Ecriture le sceau d'une autorité permanente, et excluent toute idée de recourir ailleurs sous quelque prétexte que ce soit, pour satisfaire aux besoins des saints. Timothée devait conserver le modèle des saines paroles qu'il avait entendues de Paul (2 Timothée 1: 13); il devait proposer aux frères les choses dont l'Esprit parlait expressément (1 Timothée 4); en vue des temps fâcheux qui allaient venir, il devait persévérer dans les choses qu'il avait apprises, et prêcher «la parole» (non pas ses pensées ou ses idées à lui) en temps et hors de temps.

Quelle place appartient à la parole écrite et quelle importance Dieu attribue à cette parole! Quelque variés que soient les agents qu'il emploie, les paroles avec lesquelles Dieu a jugé bon de révéler sa pensée, ne sont pas les paroles de la sagesse humaine, mais celles qu'enseigne le Saint Esprit, (1 Corinthiens 2: 13), et ces paroles étaient l'épée dont on se servait dans les premiers temps du christianisme, comme aujourd'hui encore elles sont la seule arme pour le combat (Ephésiens 6: 17).