Le camp et la nuée

Nombres 9: 15-23 par Mackintosh C.H.  ME 1869 page 221

«Or le jour où le pavillon fut dressé, la nuée couvrit le pavillon sur le tabernacle du témoignage; et le soir elle parut comme un feu sur le tabernacle, jusqu'au matin. Et il en fut ainsi continuellement: la nuée le couvrait; mais elle paraissait la nuit comme du feu. Et selon que la nuée se levait de dessus le tabernacle, les enfants d'Israël partaient; et au lieu où la nuée s'arrêtait, les enfants d'Israël y campaient. Les enfants d'Israël marchaient au commandement de l'Eternel, et ils campaient au commandement de l'Eternel; pendant tous les jours que la nuée se tenait sur le pavillon, ils demeuraient campés. Et quand la nuée continuait à s'arrêter plusieurs jours sur le pavillon, les enfants d'Israël prenaient garde à l'Eternel et ne partaient point. Et pour peu de jours que la nuée fût sur le pavillon, ils campaient au commandement de l'Eternel, et ils partaient au commandement de l'Eternel. Et quand la nuée y était depuis le soir jusqu'au matin, et que la nuée se levait au matin, ils partaient; fût-ce de jour ou de nuit, quand la nuée se levait, ils partaient; que si la nuée continuait de s'arrêter sur le pavillon, et y demeurait pendant deux jours, ou un mois, ou plus longtemps, les enfants d'Israël demeuraient campés, et ne partaient point, mais quand elle se levait ils partaient. Ils campaient donc au commandement de l'Eternel, et ils partaient au commandement de l'Eternel, et ils prenaient garde à l'Eternel, suivant le commandement de l'Eternel, qu'il leur faisait savoir par Moïse».

Il n'est guère possible de concevoir un tableau plus attrayant d'une entière dépendance de Dieu et d'une soumission complète à sa direction, que celui qui nous est présenté dans ces versets. Dans ce «grand et affreux désert» (Deutéronome 1: 19), il n'y avait pas trace d'un seul pas, pas une seule indication de la route à suivre; on ne pouvait donc attendre aucun secours de ceux qui avaient passé là auparavant, et les enfants d'Israël étaient complètement rejetés sur Dieu pour chaque pas qu'ils avaient à faire; il devaient s'attendre à lui sans cesse. Pour un coeur non soumis, pour une volonté non brisée, cette situation serait intolérable; mais pour celui qui connaît et qui aime Dieu, qui se confie et se réjouit en lui, rien ne saurait être plus heureux et plus doux.

Toute la question est celle-ci: Dieu est-il connu et aimé? A-t-on confiance en lui? Si tel est le cas on aimera à ne dépendre absolument que de Lui; sinon une pareille dépendance sera impossible à supporter. L'homme irrégénéré aime à se croire indépendant, à se figurer qu'il est libre; il aime à penser qu'il peut faire tout ce qu'il veut, aller où il veut, dire ce qu'il veut. Hélas! tout cela n'est qu'une illusion! L'homme n'est pas libre; il est l'esclave de Satan. Il y a plus de six mille ans bientôt que l'homme s'est vendu au grand possesseur d'esclaves, qui dès lors l'a retenu entre ses mains et l'y retient encore. — Oui, Satan retient dans des liens affreux l'homme naturel, l'homme inconverti, l'homme impénitent. Il le tient, pieds et mains liés par des chaînes et des fers, qu'on ne discerne pas sous leur vrai caractère, parce que Satan a su les dorer avec art. Satan gouverne l'homme par le moyen de ses convoitises, de ses passions, de ses plaisirs. Il crée des convoitises dans son coeur, auxquelles il satisfait ensuite par les choses qui sont dans le monde et l'homme s'imagine follement qu'il est libre parce qu'il peut se livrer à ce qu'il désire. C'est une erreur fatale et on le reconnaît tôt ou tard. — Il n'y a de liberté que celle dont Christ affranchit son peuple. C'est Lui qui dit: «Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous affranchira»; et: «Si donc le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres» (Jean 8: 32, 36).

Voilà quelle est la véritable liberté, celle que la nouvelle nature trouve en marchant par l'Esprit et en faisant les choses qui sont agréables aux yeux de Dieu. Dans le service de Dieu il y a une liberté parfaite; mais ce service implique la dépendance la plus absolue du Dieu vivant. Il en était ainsi du seul vrai et parfait Serviteur qui jamais ait foulé cette terre: il vivait dans une dépendance de Dieu constante. Chacun de ses mouvements, chacune de ses actions, chaque parole, tout ce qu'il faisait, tout ce qu'il s'abstenait de faire, étaient le fruit de la dépendance de Dieu la plus complète, et d'une entière soumission. Il marchait quand Dieu lui disait de marcher et se tenait tranquille quand Dieu lui disait de se tenir tranquille; il parlait quand Dieu lui disait de parler et se taisait quand Dieu lui disait de garder le silence.

Tel était Jésus quand il vivait dans ce monde, et nous, comme participants de sa nature, de sa vie, ayant son Esprit demeurant en nous, nous sommes appelés à marcher comme il a marché, et à vivre jour après jour d'une vie de dépendance de Dieu. C'est de cette vie, sous une de ses phases particulières, que ce chapitre de l'Exode nous offre un type fidèle et beau. L'Israël de Dieu — l'assemblée dans le désert — cette armée d'étrangers et de voyageurs — suivait le mouvement de la nuée. Pour savoir où aller, les enfants d'Israël avaient à regarder en haut, et c'est ce qui convient à l'homme. L'homme fut créé avec la face tournée vers le ciel, en contraste avec l'animal dont la structure le tient baissé vers la terre (*). Les Israélites ne pouvaient pas former de plans; jamais ils ne pouvaient dire: «demain nous irons à telle place». Ils dépendaient absolument des mouvements de la nuée.

(*) Le mot grec pour homme (ˆnqrwpov) signifie: qui a la face tournée en haut.

C'est ainsi qu'il en était du peuple d'Israël et il devrait en être de même de nous. Comme eux nous traversons un désert, un désert moral, où il n'y a pas trace d'un chemin et où nous ne saurions comment marcher, ni de quel côté nous tourner, si nous n'avions pas cette précieuse parole, si profonde et d'une portée si grande, proférée par la bouche de notre Seigneur: «Je suis le chemin» (Jean 14); direction divine, vivante et infaillible. Nous avons à le suivre, Lui. «Je suis la lumière du monde; celui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie» (Jean 8: 12). Nous ne sommes pas appelés à agir d'après la lettre de certaines règles et ordonnances, mais à suivre un Christ vivant, à marcher comme il a marché, à faire comme il a fait, à imiter son exemple en toutes choses. Voilà l'activité chrétienne, la marche chrétienne; c'est avoir le regard attaché sur Jésus, avoir les détails, les traits de son caractère imprimés dans notre nouvelle nature, réfléchis et reproduits dans notre vie et nos allures habituelles.

Cela amènera naturellement l'abandon de notre volonté propre, de nos intentions à nous, de nos plans, de tout, en un mot, ce qui est de notre propre pensée. C'est la nuée qu'il faut suivre; c'est de Dieu qu'il faut dépendre, de lui seul. Il ne faut pas que nous disions: «Je veux aller ici ou là, faire ceci ou cela, demain, la semaine prochaine». Chacun de nos mouvements doit être placé sous la puissance, régulatrice de cette parole péremptoire, — souvent, hélas! tracé et articulée avec légèreté: «Si le Seigneur le veut!».

Puissions-nous mieux le comprendre! mieux savoir ce que c'est que d'être conduits par la main de Dieu. Que de fois nous nous imaginons et nous affirmons avec confiance que la nuée se dirige dans le sens vers lequel tendent nos désirs. Nous voulons faire une chose, prendre une certaine route, et nous tâchons de nous persuader que notre volonté est celle de Dieu; et ainsi, au lieu d'être guidés par lui, nous nous trompons nous-mêmes. Notre volonté n'est pas brisée, par conséquent nous ne pouvons pas être dirigés comme il le faut, car pour être dirigés du bon côté, dirigés de Dieu, notre volonté doit être entièrement soumise. «Il fera marcher dans la justice les débonnaires, et il leur enseignera sa voie» (Psaumes 25: 9). Et: «Je te guiderai de mon oeil» (Psaumes 32: 8).

Pesons sérieusement l'exhortation que nous donne ce Psaume: «Ne soyez point comme le cheval, ni comme le mulet, qui sont sans intelligence, desquels il faut emmuseler la bouche avec un mors et un frein, de peur qu'ils n'approchent de toi». Si nous tenons nos regards tournés vers le ciel, afin de saisir le mouvement de «l'oeil» divin, nous n'aurons pas besoin «du mors et du frein»; mais c'est en cela précisément que nous manquons d'une manière déplorable. Nous ne vivons pas assez près de Dieu pour discerner le mouvement de son oeilla volonté agit. Nous voulons faire ce qui nous plaît et nous en recueillons nécessairement les fruits amers. Ce fut le cas de Jonas. Dieu lui avait commandé d'aller à Ninive, mais il voulait se rendre à Tarsis, et les circonstances semblaient favoriser ce désir, la Providence paraissait indiquer ce chemin. Hélas! Jonas eut à séjourner dans le ventre de la baleine, que dis-je? dans «le sein du sépulcre» où «les roseaux se sont entortillés autour de sa tête» (Jonas 2); et étant là, il connut l'amertume qu'il y a à écouter sa volonté propre. Il eut à apprendre dans le «coeur de la mer» ce que signifiait réellement «le mors et le frein», parce qu'il n'avait pas voulu se laisser conduire par la douce direction de «l'oeil».

Mais notre Dieu est plein de grâce, de patience et de tendresse. Il veut enseigner et diriger ses pauvres enfants faibles et égarés; il n'épargne pour cela aucunes peines. Il s'occupe de nous sans relâche pour nous garder de nos propres voies pleines de ronces et d'épines, et nous faire marcher dans ses sentiers à lui qui sont joie et paix.

Rien n'est plus doux que de vivre dans une habituelle dépendance de Dieu, de se tenir près de lui moment après moment, de s'attendre et de se tenir collé à lui pour toute chose, d'avoir toutes ses sources en lui. C'est le vrai secret de la paix et d'une sainte indépendance de la créature. L'âme qui peut dire selon la vérité: «Toutes mes sources sont en Toi» (Psaumes 87), est élevée au-dessus de toute confiance dans l'homme, de toute espérance humaine, de toute perspective terrestre. Ce n'est pas que, de mille manières, Dieu ne fasse usage de la créature pour nous servir, nous ne voulons pas dire cela — Dieu se sert certainement de la créature; seulement si nous nous appuyons sur elle au lieu de nous appuyer sur lui, nous sentirons bientôt la langueur et la stérilité envahir notre âme, Il y a une grande différence entre l'usage que Dieu fait de la créature pour nous bénir et celui que nous en faisons pour nous appuyer sur elle à l'exclusion de Dieu. Dans le premier cas, Dieu est glorifié et nous sommes heureux; dans l'autre, Dieu est déshonoré et nous sommes déçus.

Il serait bon de réfléchir sérieusement et attentivement à cette différence, car nous croyons que l'on n'y prend pas garde suffisamment. Nous nous figurons souvent que nous nous appuyons sur Dieu et que nous regardons à Lui, tandis que, si nous sondions avec intégrité le fond des choses en nous jugeant dans la présence immédiate de Dieu, nous découvririons qu'en réalité, le levain de la confiance dans l'homme se trouve en nous dans une grande mesure. Que de fois nous parlons de vivre par la foi, de nous confier en Dieu seul, lorsqu'en même temps, si nous descendons dans notre coeur, nous voyons que nous nous attendons en grande partie aux circonstances, que nous regardons aux causes secondes, etc.

Lecteur chrétien, veillons à cela. Tâchons d'avoir le regard fixé uniquement sur le Dieu vivant et non sur l'homme, «dont le souffle est dans ses narines» (Esaïe 2: 22). Attendons-nous à Dieu — constamment — avec patience. Si nous ne savons comment agir, adressons-nous simplement et directement à Lui. — Si nous ne savons quel chemin prendre, de quel côté nous tourner, que faire en un mot; souvenons-nous que Jésus a dit: «Je suis le chemin», et suivons-le. Avec lui tout sera lumineux, évident et certain. Il ne peut y avoir de ténèbres, de trouble, d'incertitude, lorsque nous suivons Jésus, car il a dit et nous devons le croire: «Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres»; par conséquent si nous sommes dans l'obscurité, il est évident que nous ne marchons pas après lui. Aucunes ténèbres ne peuvent couvrir le sentier paisible où Dieu conduit ceux qui, d'un oeil simple, cherchent à suivre Jésus.

Quelqu'un en parcourant ces lignes dira peut-être: «Quant à moi, j'avoue que je ne sais quel chemin prendre, ni comment agir». — Nous lui demanderons seulement: «Est-ce que tu suis Jésus? Dans ce cas tu ne peux avoir aucun doute. — Si tu suis la nuée, la direction est aussi claire que Dieu peut la rendre». C'est là que gît toute la question. La perplexité et l'incertitude sont presque toujours la conséquence de ce que notre volonté est en activité. Nous voulons faire une chose que Dieu ne veut pas que nous fassions; aller là où Dieu ne veut pas que nous allions; nous prions à ce sujet et nous n'obtenons pas de réponse; nous prions encore et encore, mais sans résultat. D'où cela vient-il? Simplement de ce que Dieu veut que nous nous tenions tranquilles — que nous demeurions à la place où nous sommes. C'est pourquoi, au lieu de mettre notre cerveau à la torture et de nous fatiguer à chercher ce qu'il faut faire, ne faisons rien et attendons-nous à Dieu.

C'est là le secret du repos et d'une paisible élévation d'âme. Si un Israélite dans le désert avait eu l'idée de faire un mouvement en dehors de la dépendance de Jéhovah; s'il avait pris sur lui de marcher quand la nuée était immobile ou de s'arrêter quand elle marchait, nous pouvons nous figurer quelle en aurait été pour lui la conséquence; et il en sera toujours ainsi pour nous. Quand nous nous agitons lorsqu'il faut nous tenir tranquilles, ou que nous nous tenons tranquilles quand il faut agir, la présence de Dieu ne sera pas avec nous. «Ils campaient au commandement de l'Eternel, et ils partaient au commandement de l'Eternel». Ils étaient maintenus dans une dépendance constante de Dieu, la position la plus heureuse dans laquelle puisse se trouver un homme; mais on doit s'y trouver pour pouvoir en comprendre la douceur. C'est une réalité qui doit être connue; ce n'est pas simplement une théorie dont on peut discourir. Puisse-t-elle être une réalité dont nous fassions l'expérience pendant toute notre vie.