Extrait d'une correspondance

Oliphant J.S.   ME 1869 page 254

 

Il peut y avoir et il y a sans aucun doute des manquements dans la pratique en ceci comme dans bien d'autres choses; mais je ne pense pas que, comme principe ou comme règle de conduite, les frères qu'on appelle «exclusifs» refusent la cène à aucun chrétien marchant d'une manière conséquente avec sa profession de foi, et par cela seul qu'il se trouve attaché à l'un ou à l'autre des divers systèmes qui nous entourent. Une telle manière de faire serait l'abandon de la vraie largeur de l'Eglise de Dieu; ce qui ferait d'eux une «secte» dans le vrai sens du mot. Il est de la dernière importance de maintenir soigneusement le principe, que tout croyant, en tant que membre du corps de Christ, est entièrement libre de s'approcher de la table du Seigneur, et de participer à tous les privilèges et à toutes les responsabilités qui s'y rattachent; il est important, dis-je, de maintenir soigneusement ce principe et d'agir en conséquence. Mais ce que les frères font, et ce que, j'espère, ils feront toujours, c'est de prendre garde de laisser supposer à qui que ce soit que nous nous trouvons sur le même terrain que les autres occupent, et que, par conséquent, nous devons aller ici et là, parmi les différentes dénominations, ou, tout au moins, laisser croire à ceux qui désirent rompre le pain avec nous, qu'ils font bien ou sont libres d'agir ainsi. Or, voici précisément où le bât blesse, pour me servir d'une expression vulgaire; mais, croyez-moi, c'est bien ici qu'il doit blesser en effet, car c'est la vérité de Dieu qui est en question.

Nous n'avons pas la prétention d'être meilleurs que d'autres, ou d'être plus fidèles à la lumière que nous avons reçue; non, mais il s'agit ici de discerner la pensée de Dieu quant à l'unité du corps de Christ, de voir ce qui y est contraire, puis de s'en tenir simplement, et coûte que coûte, à ce qui est sa volonté.

Vous trouverez souvent (et d'après le peu que vous me dites de votre ami, c'est peut-être son cas) que d'autres chrétiens, même d'entre les plus spirituels, voudraient bien être identifiés avec les «frères» ainsi nommés, pourvu qu'on voulût les recevoir sur le terrain d'une liberté complète de leur part, et cela avec notre sanction et approbation, comme si cette marche était scripturaire, en se proposant de continuer à être en communion avec leurs systèmes respectifs. C'est là une ruse de l'adversaire, employée avec énergie ces derniers temps, et qu'il fait peser lourdement sur nous de tous côtés, afin d'annuler, si possible, le vrai caractère et le témoignage de l'Eglise de Dieu.

Nous n'avons pas l'idée de rétablir l'église dans son unité extérieure, telle qu'elle était au commencement; bien moins encore professons-nous de l'être; ce serait là une vraie arrogance; mais nous n'admettons pas et ne pouvons pas admettre que le terrain, sur lequel nous sommes (savoir l'unité de l'Esprit), trouve son expression en une marche telle que celle-ci, savoir: que des saints, de propos délibéré et de leur libre choix, s'identifient, un dimanche, avec un système qui nie cette unité d'une façon, puis, un autre dimanche, avec un autre système qui la nie d'une autre façon, et, qui, le troisième dimanche, veulent nous identifier avec eux dans leur position relâchée et leurs voies latitudinaires.

Si un chrétien, sain quant à la doctrine, et sans reproche quant à sa conduite morale et à ses associations, désire rompre le pain avec nous (pourvu qu'on ait un témoignage satisfaisant de ceux qui le connaissent), personne n'a le droit de le refuser, ou de lui faire aucune difficulté; on ne pourrait pas non plus l'éloigner parce qu'il continuerait à être attaché à des systèmes orthodoxes; cependant il ne s'ensuit pas non plus que nous ne devions pas chercher à l'éclairer et à l'enseigner mieux. Mais, hélas! voilà précisément en quoi consiste notre incommode exclusivisme; voilà ce que les chrétiens, qui aiment la «liberté» dans ces choses, mieux qu'ils ne comprennent les intérêts de Christ qui s'y trouvent compromis, ne veulent pas tolérer. — En y regardant de près, je suis persuadé que, sans le savoir, un grand nombre de chrétiens s'occupent trop des intérêts et des droits des saints, dans cette question de communion; je veux dire trop en comparaison aux intérêts et aux droits du Christ. Tous deux sont vrais, mais chacun doit être mis à sa place. Christ et ses droits en premier, et ceux-ci étant sauvegardés, les autres suivront nécessairement. — Ce qui caractérise maintenant la part des chrétiens plus spirituels et actifs, c'est qu'il existe chez eux une prépondérance d'intérêt d'un côté en faveur des pécheurs, et de l'autre en faveur des saints: c'est-à-dire que, soit évangéliquement, soit ecclésiastiquement, leurs travaux commencent du côté humain et non du côté divin; les intérêts de Dieu et de son Christ sont en grande partie perdus de vue, pour ne rien dire de plus.

Vous dites que votre ami admet qu'il serait inconséquent de recevoir «constamment» à la table du Seigneur quelqu'un qui continuerait à aller ici et là; mais y a-t-il dans l'Ecriture deux manières de recevoir, l'une moins importante, moins définie et moins responsable que l'autre? ou un chrétien est sur le terrain de l'Eglise de Dieu, ou il n'y est pas. S'il n'y est pas, on doit l'instruire sérieusement, et, si possible, lui faire comprendre, avant qu'il prenne pratiquement cette position avec nous, qu'une fois qu'il l'a prise, il se constitue transgresseur en l'abandonnant ensuite. — Mais qu'il comprenne ou non, vous n'avez aucun droit de lui refuser sa place, si d'ailleurs il est qualifié pour cela; si cependant il est éligible pour rompre le pain une fois, ce ne pourra être que sur cette base qu'il le sera toujours, et le fait de son refus de renoncer au dénominationalisme, n'ayant pas été un obstacle au commencement, pourquoi le serait-il en quelque temps que ce soit? Non seulement il a droit à la table du Seigneur comme membre de Christ, mais il y a actuellement pris place, et à moins qu'il ne s'en rende indigne d'une autre manière, il est libre de prendre part à tous les privilèges et à toutes les responsabilités de cette position.

Oh! dira-t-on, mais après tout il y a longtemps que l'unité de l'Esprit est rompue, et il nous faut, en tout amour, retenir, qu'en fait de communion d'Eglise, une chose est à peu près aussi bonne qu'une autre; qui donc oserait s'arroger un exclusivisme tel qu'on le voit prévaloir dans certains endroits? A cela ma réponse est simple. Je nie tout à fait que l'unité de l'Esprit ait été rompue, ou qu'elle puisse l'être. C'est un fait absolu et inaltérable que les saints de cette dispensation ont été baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps. Dans Ephésiens 4, les saints sont exhortés à garder cette unité, non pas dans la rupture, mais à la garder dans le lien de la paix. Ils devaient montrer cette unité, non pas seulement extérieurement, mais dans leur état d'âme; mais elle existait pour être gardée, et elle existe encore, bien que nous soyons gravement en défaut pour ne l'avoir pas gardée et manifestée dans le lien de la paix,

Maintenant si ces frères, quels qu'ils soient, nient que cette unité existe et que les saints aient à la garder, nous n'avons pas lieu de nous étonner que pour eux une chose soit aussi bonne qu'une autre. Ils n'ont, quant à l'unité, rien de divin à défendre, et ne voient pas la nécessité de combattre non plus. Ils voudraient nous voir abandonner la vérité que nous avons apprise, et, pour l'amour de la paix, nous réduire nous-mêmes à n'être plus qu'une pure secte, ainsi que les autres dénominations l'ont fait, et continuer ainsi, tranquillement, comme elles. Mais non! celle-là était la vraie mère de l'enfant, qui poussa un cri d'horreur en entendant Salomon ordonner de le partager. L'autre n'avait rien à perdre par là, et pouvait y consentir, mais cela ne fit que mettre au jour la réalité du cas. Elle n'avait rien à perdre! La vraie mère avait un intérêt vivant dans un enfant vivant dont la vie lui était ce qu'elle avait de plus précieux: elle ne pouvait ni ne voulait consentir à un tel compromis. Ainsi en est-il avec ceux qu'on nomme les «exclusifs». Ils ont, je voudrais plutôt dire, le Seigneur a — quelque chose à perdre par un compromis, et ils ne peuvent y consentir. Tenons ferme. Nous ne serons jamais réellement utiles à nos frères en rabaissant notre terrain, ou en cessant de maintenir la vérité de Dieu quant au caractère et au témoignage de l'Eglise.

Recevons autant de chrétiens qu'il en voudra venir, en leur disant finalement ceci: c'est qu'en venant ils se placent sur un terrain qui, soit qu'ils en aient conscience ou non, condamne formellement tout dénominationalisme; mais s'ils veulent venir, qu'ils viennent. «Qu'ils se retournent vers toi; mais toi ne retourne pas vers eux» (Jérémie 15: 19). Si cela a l'air de prendre un terrain bien élevé, nous ne saurions qu'y faire, nous n'oserions combattre pour un autre. La meilleure manière de les empêcher de retourner à ce qu'ils ont abandonné, c'est de leur donner quelque chose de meilleur. Le ministère du Christ, exercé les uns envers les autres dans la puissance du Saint Esprit, ne peut manquer de lier ensemble ceux qui sont siens.

Dans les remarques ci, dessus, j'ai laissé de côté une question de fausse doctrine, que Dieu a permis de nous troubler, il y a quelques années. Cela a été nécessaire, afin de nous réveiller quant à la question de communion; ça a été aussi un moyen d'éprouver le terrain sur lequel nous nous trouvions, et il s'est trouvé que, pour quelques-uns, le fait de s'assembler simplement comme «chrétiens» avait perdu sa vraie signification scripturaire. A leur sens ce n'était plus que ceci, savoir: qu'être chrétien suffisait et que nous n'avions nullement la responsabilité de faire aucune autre question. Un chrétien aurait pu soutenir toute espèce de fausses doctrines, ou être soupçonné de le faire, et néanmoins, parce qu'il était chrétien, il avait droit à prendre place à la table du Seigneur. D'autres, voyant le mal de ce principe, ne voyaient pas que s'identifier, de propos délibéré, dans la fraction du pain, avec un troupeau où on savait qu'une mauvaise doctrine, quant à la personne du Seigneur, était reçue et enseignée, rendait l'individu coupable, bien qu'il n'en fût pas lui-même imbu. Ils ne prenaient pas garde à 2 Jean 10, ou ils en niaient l'application. Ils enseignaient que le fornicateur de Corinthe devait être ôté, non parce que sa présence souillait l'assemblée, mais, seulement de peur qu'il ne corrompît les autres! Hélas! c'est bien là méconnaître le caractère de l'assemblée, comme étant le lieu de la présence de Christ. Lisez Nombres 19.

Jude nous exhorte à avoir pitié des uns, faisant la différence; autant que je puis le savoir, on a toujours insisté là-dessus, et on l'a fait. Mais lorsque nous voyons des chrétiens, étant par ignorance liés avec ceux qui laissent une porte si grande ouverte au mal, nous nous efforçons et, je l'espère, nous nous efforcerons toujours de leur faire comprendre leur danger, et le déshonneur qui est fait au nom du Seigneur Jésus.