Le ministère chrétien. Jusqu'à quel point doit-il être accepté ou rejeté?

Darby J.N.   ME 1869 page 281

 

On nous accuse de rejeter le ministère chrétien, et nous répondons simplement ceci, que nous ne rejetons qu'un ministère non chrétien.

Nous ne croyons pas que personne puisse arriver à la possession de ce ministère-là en conséquence d'une nomination faite par des autorités mondaines, ou par les suffrages du peuple, et c'est ici la substance de cette question. Sur le terrain de la Parole de Dieu, nous ne concédons ni à une autorité ni au peuple le droit d'appeler ou de choisir dans cette affaire. Dieu seul a ce droit. Néanmoins nous croyons que, pour le présent, le ministère chrétien est aussi nécessaire que le retour de Christ; et nous sommes aussi éloignés de mettre de côté le ministère chrétien, que nous sommes convaincus qu'il est réellement de Dieu. Mais nous ne comprenons pas que la seule volonté d'un gouvernement ou du peuple bien que tous doivent être respectés à leur place ait à s'ingérer dans une affaire aussi sainte, que le Seigneur seul règle d'après sa volonté.

Nous lisons que le Seigneur, monté au ciel, a donné «les uns apôtres, les autres prophètes, les autres évangélistes, les autres pasteurs et docteurs». C'est cela, mais non l'appel quelconque d'un gouvernement ou l'élection par le peuple, qui est l'unique source du ministère.

On affirme bien, d'un côté, qu'un gouvernement a le droit de nommer, et, d'un autre côté, que le peuple a le droit d'élire; mais nous nions l'un et l'autre. Christ confère le ministère, quand et comme il le trouve bon, et malheur à celui qui ne reconnaît pas un tel ministère! Mais si, comme on l'affirme dans une brochure, un homme a tout autant le droit de se choisir son propre pasteur, qu'il lui appartient de choisir son avocat devant un tribunal, ou son médecin en cas de maladie, alors Dieu paraît être, de fait, totalement exclu, et c'est à cela que nous faisons objection. Si Christ a conféré un don, le croyant est tenu d'en reconnaître l'exercice, et par là même la parole de Christ.

La preuve du don d'un évangéliste se montre dans les âmes converties par son activité, et l'église est obligée de reconnaître un tel homme. Si les membres de l'église sont dans un état spirituel, ils ne refuseront certainement pas, quand le don et la preuve que Dieu l'a donné existent, de le reconnaître. S'ils s'y refusent, ils pèchent contre Christ qui a envoyé cet évangéliste. Mais la nomination et le choix humain ont pour conséquence, qu'on a les regards dirigés sur quelqu'un qui — capable ou non — plaît à l'autorité, au patron ou au peuple, et qui, si l'église ne veut pas perdre les droits qui lui sont concédés, doit être reconnu comme la seule personnalité, en qui sont réunis tous les dons. De cette manière, un prédicateur devient ordinairement le pivot de tout l'ensemble du service religieux.

Nous ne faisons donc point d'opposition au ministère, mais bien au fait qu'une personnalité, dont la mission divine n'est pas prouvée, ose s'en charger; car lors même que tel ou tel don puisse exister chez quelqu'un, il ne possède pourtant pas tous les dons. Si un tel homme est visiblement qualifié pour être évangéliste, le ministère de pasteur ou de berger, pour lequel il n'a pas les moindres qualités, peut-il et doit-il lui être conféré? En vérité, nous déplorons sincèrement l'établissement d'un — bon ou mauvais — pasteur pour toute l'oeuvre du ministère. Et quelle est la conséquence? On déplace, pour ainsi dire, le cadre qui entoure le corps de Christ. Et la mission, dite intérieure ou dans notre pays, est-elle autre chose qu'un effort pour réparer les dégradations trop évidentes de l'édifice de ces corporations qui s'appellent églises?

La raison, pour laquelle nous jugeons le ministère tout à fait nécessaire dans la période actuelle, s'explique dans ces paroles: «Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, ne leur imputant pas leurs offenses, et mettant en nous la parole de la réconciliation» (2 Corinthiens 5). Ainsi la réconciliation du monde, la non-imputation des péchés et la fondation du ministère, — telles étaient les trois choses que Dieu en Christ opérait. Parmi les Juifs il n'en était pas ainsi; ils étaient un peuple formé par descendance, auquel comme tel des lois positives étaient données. Mais lorsque Dieu en Christ apparut comme Dieu réconciliateur, alors un ministère devint précisément le moyen nécessaire de mettre à exécution ce dessein de Dieu.

Aussi le ministère est réellement le caractère distinctif de la période actuelle. La grâce peut avoir, comme chez les apôtres, réuni les dons d'une manière merveilleuse dans un fidèle, mais ordinairement ils sont répartis dans différents vases du service. Ils sont au profit de l'Eglise, et celle-ci est obligée de les reconnaître, sinon elle renie le droit du Seigneur Jésus de distribuer ces dons pour le bien de l'Eglise, droit qu'il faut nécessairement qu'il possède, comme la puissance par laquelle lui, comme Réconciliateur, peut pardonner et ne point imputer les péchés. Chacun de ceux qui sont réconciliés, y étant préparé, est, autant qu'il en est capable, tenu d'annoncer la gloire de Christ, le Réconciliateur, à ceux qui l'ignorent. Il en est qui ont le don spécial de prêcher l'évangile; et naturellement ce n'est pas l'église ou l'assemblée qui est le lieu où doit s'exercer leur don, mais c'est le monde où ils annoncent l'évangile aux pécheurs. Personne n'a le moindre droit de parler dans l'église, si Dieu ne lui a point accordé de don, pour pouvoir l'édifier. Il n'y a point de place ici pour la nature ou pour la chair, qui a trouvé sa mort en Christ. Hors de Christ, elle est morte dans les fautes et les péchés; sa part est une perdition éternelle. Nous ne pouvons accorder au pécheur rebelle d'autre droit que celui de reconnaître qu'il est perdu. Christ a tout droit et tout pouvoir. La grâce ne concède jamais le droit de parler dans l'église, à moins qu'il ne serve à l'édification des frères. Ceux-ci découvriront bientôt s'ils sont édifiés par quelqu'un ou non; et dans le dernier cas l'incapacité de l'orateur, eût-il la sagesse d'un prince de Tyr (Ezéchiel 28), est pleinement manifestée, car le Saint Esprit parle constamment pour l'utilité de ceux auxquels il s'adresse.

Sans doute, les conjonctures peuvent être si fâcheuses que les hommes ne veulent plus supporter le sain enseignement et, dans ce cas, il n'y a pas d'autres ressource que l'intervention de la miséricorde, qui envoie une personnalité quelconque, douée pour ramener ceux qui s'égarent. L'église a le droit de tirer profit de tout ministère, de tout service, pour lequel Dieu a doué l'un ou l'autre des frères pour l'édification de l'ensemble. Celui à qui ce don manque doit naturellement se taire, car c'est Dieu qui seul peut bénir, et il montre que cette prérogative lui appartient, en accordant ses dons à qui il vent. Si quelqu'un est doué de Dieu, d'une manière particulière, en fait de connaissance et de sagesse, pour qu'il puisse, dans l'amour, avoir soin des âmes, et en fait de capacité, pour redresser ceux qui vivent dans le désordre, avec la puissance du Saint Esprit et pour dévoiler les artifices de Satan, son titre pour paître le troupeau de Christ sera bientôt reconnu, et la partie spirituelle de l'église sera bientôt disposée à s'attacher plutôt trop que trop peu à quelqu'un qui est donné pour la direction, la consolation et le soutien de ses frères.

Celui qui a un don a pour devoir de l'exercer selon la mesure dans laquelle il lui a été donné, dans un cercle étroit ou étendu. Si quelqu'un a reçu de Dieu avec abondance le don d'exposer justement la parole de la vérité, il peut, ne possédât-il pas celui de pasteur, exercer son don comme docteur avec autant de profit qu'un autre, qui s'acquitte d'un autre service au milieu des frères. Que l'un ait une parole de sagesse, un autre une parole de connaissance — l'église a droit à tout cela. Tout ce que Dieu a donné est donné pour le profit de l'église. Mais comment pouvons-nous jouir de ces dons, s'ils ne sont pas mis en activité? Il est certain que Christ demandera compte du talent confié. Mais il y a beaucoup plus à gagner que le simple exercice des dons confiés par Dieu; car, pour sûr, là où le Saint Esprit est reconnu, là se trouvera aussi la force de la communion; mais là seulement où le Saint Esprit est honoré, les âmes seront richement bénies de la force que donnent la communion et la grâce.

Ainsi nous reconnaissons pleinement le ministère chrétien; mais, sur le terrain de l'Ecriture, nous contestons qu'il se trouve entre les mains de ceux qui se croient autorisés à le conférer à leur gré à un homme individuellement, quelle que soit même la mesure de sa capacité. Se trouve-t-il des personnes qui possèdent un don permanent d'un caractère déterminé, c'est leur devoir de le mettre en activité, en adressant dans l'occasion une parole utile et profitable aux âmes. En est-il qui, par la grâce de Dieu, aient acquis de l'expérience pour la direction et le gouvernement de l'église, les saints seront conduits par l'Esprit de Dieu à se soumettre, pour leur propre avantage, à de tels hommes; oui, tous seront soumis les uns aux autres. Là où existe l'esprit de grâce et d'amour, tout ira bien; là où il n'est pas, le mal se montrera bientôt, si le Seigneur, dans sa miséricorde, n'intervient pas en envoyant quelqu'un qui avertisse les déréglés, et convainque les adversaires. Le Seigneur procurera certainement à l'église tout ce dont elle a besoin, alors même que, pour notre bien, il nous le fasse quelque peu attendre, pour nous apprendre que nous sommes dépendants de lui. Si nous avions les yeux fixés sur lui, nous ne rencontrerions pas autant de difficultés, car il agirait pour nous d'une manière, je dirais, plus visible.

Ici nous ajoutons de plus que si chaque ministère ou chaque don est une bénédiction pour l'église et doit être reconnu, c'est néanmoins le privilège manifeste de deux ou trois chrétiens de s'assembler au nom de Jésus, — pourvu que ce ne soit pas dans un esprit de division — pour rompre le pain, n'y eût-il même ni ministère ni don parmi aux. Comme chrétiens ils possèdent ce privilège. Il va sans dire que tous les dons sont pour l'avantage des saints, et qu'ils doivent être joyeusement accueillis et être employés pour l'utilité commune; mais on ne doit nullement les confondre avec le privilège, réellement permanent, de la communion et avec les devoirs mutuels, qui sont le constant partage de tous. La nécessité — et l'on en est malheureusement venu jusque-là — d'avoir un pasteur pour le service dans l'église ou dans l'assemblée, n'est qu'un reste de la chute de l'église; quoique là aussi où beaucoup de croyants sont assemblés, ceux qui servent dans l'assemblée rompent le pain. Le ministère n'a assurément pas besoin de confirmation devant le monde et par le monde; et pourtant on en fait, de nos jours, une condition pour être un ecclésiastique. Mais dans ce cas les signes et le cachet de l'apostasie — l'union de l'église avec le monde — se montrent au grand jour, et nous méprisons et rejetons hautement l'établissement d'un ecclésiastique dans ce sens, dans cet esprit. La nature seule ou la chair — nous en sommes convaincus — aime une telle position. L'autorité d'oser servir dans l'église ne dépend que de la compétence que Christ confère; sa reconnaissance de la part de l'Eglise est, en conséquence, une responsabilité dont le sérieux est digne d'être pris en considération. Si l'Esprit de Dieu est présent, il réglera tout ce qui est nécessaire pour le service et saura découvrir et écarter l'erreur. Si nous parlons d'une autorité pour le service dans l'église, c'est certainement une grande responsabilité d'exercer cette autorité selon la parole de Dieu; et sans doute Christ en demandera compte et jugera nos négligences à cet endroit. Toute reconnaissance de la part de l'Eglise peut être, en soi et à cause de l'ordre, fort en place; mais aucune faculté pour servir ne peut être conférée par là. Malheur à l'église, si elle ne reconnaît pas ce que Christ a donné! Le Seigneur peut, s'il lui plaît, mettre à part quelqu'un pour un service particulier quelconque; s'il le fait, il préparera lui-même la voie pour cela, et cette voie se montrera bonne et sera justifiée par les enfants de la sagesse. Qu'une semblable mise à part pour la bénédiction constante de l'église ne soit pas absolument requise, l'histoire de l'église à Antioche nous le montre.

Dieu opère, malgré notre faiblesse et notre folie, par sa force, plus profondément et plus puissamment que ne peut le faire l'arrangement arbitraire des organisations humaines. Qu'il nous dispose à attendre son temps et ses voies pour chaque don et chaque direction du Saint Esprit! Son Esprit est souverain absolu et se montrera comme tel, bien que les hommes établissent des canaux pour conduire les frais courants de la vérité divine. Peut-être que quand les eaux submergent ces canaux et en détruisent les rives, il en reste une nourriture et une onction précieuse, pendant que le canal, auquel on voue la plus grande sollicitude, n'entraîne plus dans son lit que du sable et des pierres, qui troublent le ruisseau, et ne servent plus qu'à rompre les digues élevées par la sagesse de l'homme. Nous sommes bien persuadés que le Seigneur, si nous sommes patients et soumis, procurera beaucoup plus de bénédiction que nous n'en avons vu jusqu'à présent. Eu égard à ceux que le Seigneur a qualifiés pour le profit de l'Eglise, et qui, comme cela ne peut se faire que par l'Esprit, sont employés et soumis à l'autorité de Dieu, nous reconnaissons de tout notre coeur un ministère dans chaque don actif au service de Dieu, don que Christ a accordé pour l'utilité et l'édification de son église. Si Dieu appelle quelqu'un et lui communique un don quelconque, celui-là est incontestablement un serviteur, et il est tenu de servir avec ce don. Nous ne prisons pas trop haut notre sagesse dans ces choses, mais nous les voyons dans l'Ecriture Sainte, et nous croyons que Dieu est honoré quand nous nous soumettons sans cesse à ses pensées et à ses voies.