Abraham et Lot

Genèse 18 – 19 par Darby J.N.  ME 1869 page 311

 

La destruction de Sodome et de Gomorrhe est une figure de ce qui aura lieu quand le Seigneur viendra. Les hommes se conduisaient comme si le monde devait durer toujours; et tel est encore maintenant le grand péché du monde et ce qui signale l'incrédulité du coeur (2 Pierre 3).

Les hommes prennent toutes sortes de mesures en vue de l'avenir; et cependant, depuis la mort de Jésus, le monde ne peut pas compter sur un seul jour. Dieu attend que l'iniquité de la terre arrive à son comble, qu'elle soit mise à découvert et entièrement manifestée, avant d'exercer le jugement, et le monde se prévaut de cette patience de Dieu: «Parce que la sentence contre les mauvaises oeuvres ne s'exécute point incontinent, à cause de cela le coeur des hommes est plein au-dedans d'eux-mêmes d'envie de mal faire» (Ecclésiaste 8: 11). C'est là toujours le principe et la façon d'agir de l'incrédulité; ce fut l'histoire des hommes avant le déluge et celle des villes maudites de la plaine (Luc 17: 26-30).

L'Eglise, le chrétien, n'ont proprement qu'un seul objet, savoir Christ dans le ciel; c'est pourquoi ils sont appelés à être séparés de coeur de toutes choses ici-bas, Abraham, en tant qu'il était étranger et forain sur la terre, est le type des fidèles (Hébreux 11). Il vit les promesses de loin; il en fut convaincu; il les saisit et fit profession d'être ici-bas un étranger; et à l'égard de tels hommes Dieu n'a pas honte d'être appelé «leur Dieu». Il aurait honte de reconnaître pour son peuple ceux qui font du monde leur patrie. «Et en effet s'ils se fussent souvenus de celle dont ils étaient sortis, ils auraient eu du temps pour y retourner. Mais maintenant ils désirent une meilleure patrie, c'est-à-dire une céleste; c'est pourquoi Dieu n'a point honte d'eux, savoir d'être appelé leur Dieu» (Hébreux 11). Abraham ne possédait qu'un sépulcre dans le pays de Canaan. Comme il suivait Dieu en général avec fidélité, Dieu prenait un intérêt particulier en lui. Abraham est appelé «l'ami de Dieu» (Jacques 2). Ses mouvements ne dénotent aucune incertitude: il sort d'Ur des Chaldéens; plus tard lui et les siens quittent Charan; «Ils partirent pour venir au pays de Canaan, auquel ils entrèrent» (Genèse 12).

La femme de Lot, au contraire («Souvenez-vous de la femme de Lot» Luc 17: 3), abandonne Sodome quant au corps, mais non de coeur, et le Sauveur remet en mémoire son jugement. Auquel des deux, d'Abraham ou de la femme de Lot, la chrétienté ressemble-t-elle? Le peuple de Dieu n'est pas dans une condition où Dieu puisse l'avouer, s'il ne dit pas ce qu'Abraham disait, s'il ne le dit pas en fait et en vérité.

Dieu communique sa pensée à Abraham et Abraham répond selon sa mesure à une pareille grâce de la part de Dieu. Il ne fait pas comme au chapitre 15: il ne demande ici rien pour lui-même, mais il intercède pour d'autres. Il n'y a pas de tableau plus charmant que celui qui ouvre le chapitre 18 de la Genèse; — ce tableau que l'incrédule profane par son misérable matérialisme, montrant ainsi combien il est moralement incapable d'apprécier la condescendance pleine de grâce de Dieu envers «son ami». «Abraham n'a pas fait cela», (Jean 8). Accoutumé aux voies et aux paroles de Dieu il a promptement conscience de la présence divine; toutefois il attend, avec une convenance parfaite qu'il plaise au Seigneur de se dévoiler lui-même, et en attendant il agit avec une instinctive et touchante déférence.

Une semblable intimité n'était pas seulement parfaitement appropriée à l'état d'enfance de l'homme dans les bénédictions révélées de Dieu; mais elle était l'avant-coureur de celles-ci, et préparait Abraham pour apprendre les glorieux privilèges qui lui étaient réservés; elle le formait par-dessus tout à cette précieuse communion qui se réjouit dans le bonheur d'autrui et sympathise avec les souffrances d'autrui. Par cette intimité Dieu assurait Abraham de son intérêt et de la confiance qu'il avait en lui, et cela d'une manière à laquelle il ne pouvait pas se méprendre. «Et l'Eternel dit: Cacherai-je à Abraham ce que je m'en vais faire, puisque Abraham doit certainement devenir une nation grande et puissante, et que toutes les nations de la terre seront bénies en lui? Car je le connais et je sais qu'il commandera à ses enfants et à sa maison après lui, de garder la voie de l'Eternel pour faire ce qui est juste et droit, afin que l'Eternel fasse venir sur Abraham tout ce qu'il lui a dit» (Genèse 18: 17-19). — Abraham jouit des rapports les plus intimes avec Jéhovah qui lui révèle ses conseils; et qui non seulement lui parle de nouveau et avec plus de clarté, de la semence promise, mais il apprend de Dieu la destruction imminente de Sodome.

Maintenant Dieu a manifesté d'autres moyens plus riches et plus spirituels pour assurer nos coeurs de son amour; mais alors rien n'était plus approprié que ses voies envers Abraham. Dieu apparaît à Abraham dans la plaine de Mamré; il vient jusqu'à la porte de sa tente; il s'entretient et marche avec lui. Dieu voulait affermir le coeur de Abraham pratiquement, et il y réussit, nous n'avons pas besoin de le dire: l'intercession d'Abraham auprès de Jéhovah le prouve. — Pour nous, Dieu, dans son infinie grâce, a pourvu à quelque chose de meilleur encore: il est venu et s'est manifesté Lui-même en Jésus; et nous avons la certitude que, dans l'Homme Christ Jésus, nous avons quelqu'un qui intercède continuellement pour nous; oui, nous nous voyons en Jésus dans la présence de Dieu, et par le Saint Esprit nous avons une intimité avec Dieu, dont même Abraham ne jouissait pas et ne pouvait pas jouir, parce que le fondement sur lequel seul elle est rendue possible n'était pas encore posé. — Il est plus que probable que nous avons fait peu de progrès pour ce qui est de faire usage de cette proximité avec Dieu à laquelle nous avons été amenés. Cependant tel est notre privilège permanent; et bien que ce ne soit pas une chose palpable et visible, la réalité de cette intimité n'en est pas moindre. Les conseils de Dieu nous sont révélés dans sa Parole, et le Saint Esprit nous est donné, pour nous les faire connaître et nous en faire jouir. Ce qui nous manque, c'est la foi simple et ferme de Abrabam.

Abraham ne craint pas la présence de Jéhovah; une pareille crainte est l'effet du péché. Si nous avons vu la gloire de Dieu en la face de Jésus Christ, la présence divine nous devient douce et précieuse; nous y trouvons une force et une assurance complètes. Le connaître Lui est vraiment la vie éternelle, et sa présence nous rend heureux d'une joie la plus profonde possible.

Lorsqu'une âme est dans cet état de confiance, Dieu fait part de ses pensées, comme ici il traite Abraham comme son ami, lui communiquant même ce qui concerne le monde. Avec un ami nous ne parlons pas simplement d'affaires, mais de ce que nous avons sur le coeur. L'intercession est le fruit de la révélation de Dieu et de la communion avec lui. Abraham séparé du monde est sur la montagne avec le Seigneur, converse avec lui du jugement qui va tomber sur le monde à ses pieds. L'église est, d'une manière encore plus positive et plus entière, séparée du monde pour Dieu et aimée de Lui: Dieu confie à l'église ses pensées; non seulement ce qu'il veut faire pour elle, mais ce qui est réservé au monde. Le Fils de l'homme va juger les vivants aussi bien que les morts, et Dieu nous l'a dit.

Dieu montre au monde la plus grande patience. Il attend; il n'est pas tardif comme quelques-uns estiment qu'il y a du retardement, mais il est patient envers nous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance (2 Pierre 3). Si son amour est déployé envers nous d'une manière plus spirituelle et qui dépasse ce que goûtèrent les pères, sa longue attente envers le monde coupable est aussi plus marquée.

Si un homme était appelé à gouverner le monde il ne pourrait pas supporter une heure son ingratitude et sa perversité. Dieu amène son ami à entrer, à un certain degré, dans sa propre patience; et même il la reproduit pour ainsi dire en lui. Les anges, sous une forme humaine, regardent et marchent vers Sodome; mais Abraham se tint encore devant l'Eternel. — Telle est aussi la part de l'église, savoir de se tenir devant le Seigneur et d'apprendre de lui ses desseins et ses pensées. L'église est familière avec son amour pour elle et avec la conscience de cet amour. Elle intercède pour le monde, dans l'espoir qu'il y a encore lieu à la miséricorde. Le coeur vit au-dessus des circonstances au milieu desquelles il se trouve et compte sur l'amour qui est en Dieu. Si nous ne pouvons pas intercéder pour quelqu'un, le péché est plus fort que notre foi. Quand nous sommes pratiquement près de Dieu, l'Esprit qui voit le péché intercède pour le pécheur.

Abraham se tut (versets 32, 33), «et l'Eternel s'en alla quand il eût achevé de parler avec Abraham»; mais il fit au delà de ce que Abraham avait demandé. Il retira Lot de Sodome et le sauva. Rien ne pouvait se faire avant que Lot fût en sûreté (Genèse 19: 16-22). L'oeil de Dieu était sur lui. Quelle bénédiction de pouvoir compter sur son amour pour les justes!

Abraham persévéra dans son intercession, quoiqu'il n'ait pas su discerner la plénitude de la miséricorde de Dieu. Nous ne savons pas, comme Dieu le sait, tout ce que Dieu va faire; cependant nous pouvons intercéder avec foi. Abraham s'enhardit à mesure qu'il demande; sa confiance grandit et en définitive il connaît Dieu bien mieux qu'auparavant. La paix de Dieu gardait son coeur. Le fruit de tout cela nous est présenté au chapitre 19 (versets 27, 28), où nous voyons Abraham se rendre de bon matin au lieu où il s'était tenu devant le Seigneur, et regarder vers la plaine qui fumait maintenant comme une fournaise. De loin et de haut il contemple les effets de la destruction. Telle est notre position si nous sommes célestes; c'est ainsi que nous voyons le jugement des méchants.

Lot et ses filles avaient été épargnés; sauvés comme à travers le feu, non à leur bonheur, mais par les soins fidèles et la tendre miséricorde du Seigneur. C'était son infidélité, qui avait amené Lot à Sodome; c'étaient ses convoitises non mortifiées pour les choses agréables du monde. «Et Lot élevant ses yeux vit toute la plaine du Jourdain qui, avant que l'Eternel eût détruit Sodome et Gomorrhe, était arrosée partout, — comme le jardin de l'Eternel. — Et Lot choisit pour lui toute la plaine du Jourdain» (Genèse 13); ensuite «il dressa ses tentes jusqu'à Sodome»; plus tard il «demeura dans Sodome» (Genèse 14); et la veille de la destruction de la ville, «il était assis dans la porte de Sodome» (Genèse 19); à la place d'honneur, là! Triste exemple du croyant dont les pensées sont aux choses de la terre dans le chemin du déclin! De pareils hommes déshonorent le Seigneur et se transpercent eux-mêmes de beaucoup de douleurs.