Morts au péché, non pas à la création

 ME 1869 page 332

 

Quand Christ reviendra et prendra possession de ce monde, le gouvernera et le bénira, il entre sur la scène comme étant Lui-même ressuscité, mais on ne peut guère appeler ce monde alors la «nouvelle création». Le lien de vie en Christ avec ce monde a été brisé, c'est pourquoi nous devrions craindre un peu de parler de Lui comme étant lié avec ce monde à quelque époque que ce soit, quoiqu'il y soit venu comme un homme tenté, né de femme, à cause de la passion de la mort et participant (parapljs°wv) de la chair et du sang. Mais il dit: «Ils ne sont pas du monde comme moi je ne suis pas du monde»; et ailleurs: «Vous êtes d'en bas; moi, je suis d'en haut; vous êtes de ce monde; moi, je ne suis pas de ce monde» (Jean 17: 14; 8: 23).

Or si, dans la cène, c'est dans la mort que Christ nous est présenté et c'est de Lui que nous nous souvenons, — comme effet, cela implique que nous sommes morts à ce monde, car nous annonçons la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne. Mais je ne puis admettre d'une manière aussi absolue que chaque chrétien soit, selon l'Ecriture, mort à la vieille création. Nous attendons l'adoption, la rédemption de notre corps (Romains 8: 23). L'Ecriture présente comme une chose désirable qu'un homme vive absolument dans la puissance de l'Esprit et ne connaisse rien d'autre. Cependant: «Celui qui se marie fait bien» (1 Corinthiens 8: 38). De quelle création cela est-il? Et celui qui défend qu'on se marie fait une très mauvaise action (comparez 1 Timothée 4: 3).

Je vois deux choses: la première, c'est que la part de Dieu dans la vieille création est encore pleinement reconnue, le mariage comme «au commencement», les enfants, la nature aimable; — le Seigneur aima le jeune homme quand il le regarda (Marc 10); et puis, en second lieu, une puissance introduite qui est entièrement au-dessus et au dehors de la vieille création. Si quelqu'un vit entièrement selon cette puissance, c'est très bien, mais condamner absolument la première création, c'est condamner Dieu. Le péché est entré dans le monde et a souillé la création, il a apporté ainsi les difficultés, les soucis, l'affliction dans la chair. Cela est vrai; mais Dieu avait établi un ordre au commencement et Dieu reconnaît ce qu'il a établi jusqu'à ce qu'il introduise quelque chose de nouveau.

Que nous soyons morts au péché, au monde, à la loi, cela je le trouve dans l'Ecriture, mais non pas que nous soyons morts à la vieille création. C'est là la place de tout chrétien; il a à se tenir pour tel; mais Dieu ne dit pas qu'il soit mort à la vieille création, car elle est la création de Dieu. «Toute créature de Dieu est bonne» (1 Timothée 3: 4). Vivre au-dessus d'elle dans son état présent, c'est très bien, et mieux si cela nous est donné (1 Corinthiens 7: 7, 17; comparez Matthieu 19: 11); mais que nous soyons morts à la première création et que tout lien entre nous et elle soit brisé, n'est pas vrai, tant que nous sommes dans le corps. L'Ecriture ne parle pas ainsi, et l'Ecriture est beaucoup plus sage que nous ne sommes. Il y a une nouvelle création et comme étant en Christ nous sommes de cette création nouvelle, des prémices même de cette création, «de ses créatures» (Jacques 1: 18), ou, tout au moins, une nouvelle création: (cainÑ ct°siv) (2 Corinthiens 5: 17).

Cette expression: «c'est (non pas: il est) une nouvelle création», est très singulière; elle affirme seulement l'existence et le caractère de la nouvelle création pour quelqu'un qui est en Christ, mais ensuite, quand un peu plus loin nous lisons que Christ mourut, il n'est pas question qu'il soit mort à la vieille création, mais il est dit que Lui qui n'a pas connu le péché a été fait péché, et ailleurs que «en ce qu'il est mort, il est mort une fois au péché» (2 Corinthiens 5: 21; Romains 6: 10).

Il est sage et prudent de ne pas aller plus loin que ce qui est écrit. Que de nouvelles vérités et une grande puissance enflent nos voiles, c'est bien; mais elles pourraient porter nos esprits, si nous nous confions en elles et dans les conséquences que nous en tirons, contre des rochers cachés sous la surface. La parole de Dieu nous tient en échec ou plutôt nous garde dans la vraie et sûre voie. La première intention peut être juste, mais quand on lui laisse prendre un autre caractère et qu'on se fie à sa pensée, on peut tomber dans l'impiété ouverte, le résultat ordinaire de la confiance de l'esprit humain en lui-même.

Il est bien humiliant de penser comment toujours, d'abord, ce que Dieu a établi a été gâté et corrompu! Nous avons seulement la puissance du bien au milieu du mal jusqu'à ce que le Seigneur vienne: quand il n'y a pas la puissance, il y a le repos. Mais Philadelphie caractérise notre état: et à mesure que la vérité se répand, la fermeté dans la marche et l'attente de Christ (non pas seulement la doctrine de la venue) sera la pierre de touche. Le dévouement, la pensée du ciel sont les choses que nous devons rechercher. Les vierges folles étaient réveillées avec les vierges sages, mais non pas prêtes. Je ne doute pas que les doctrines que nous professons pénètrent et se répandent largement; mais c'est une autre chose d'avoir le coeur dans le ciel et de se retirer du mal sur la terre.