La confession de péché

 ME 1869 page 432

 

La confession est la ressource qui se présente naturellement à une conscience convaincue de péché et qui cherche du soulagement. Par la confession, en effet, l'âme transfère, pour ainsi dire, le fardeau de son péché, quand elle n'est plus capable de le porter elle-même.

En principe, la confession d'un pécheur est la même que celle d'un saint: elle est produite par la découverte du péché et par le jugement que l'on en porte; et elle met en évidence la vérité du jugement du péché découvert. L'homme cherche le pardon, lorsque son péché a été mis au jour par un autre et qu'il ne peut plus demeurer caché; ou bien lorsqu'il en craint la manifestation et veut échapper au châtiment. Mais solliciter le pardon d'un Dieu offensé ou de son prochain offensé, ce n'est pas en soi-même une preuve réelle et suffisante d'un véritable repentir, ni d'un jugement vrai porté sur soi-même, bien qu'il soit possible que l'un et l'autre y soient de fait.

Cependant la confession, lorsqu'elle est sincère et spontanée, est la conséquence de ce que le péché est discerné et jugé, et détesté dans son caractère propre; et quand il en est ainsi, l'âme languit de s'en décharger par la confession, quelles que puissent être d'ailleurs les suites méritées qui en découleront pour elle. Dans une confession vraie, il n'y a ni le désir ni la pensée d'échapper au châtiment encouru; au contraire, on reconnaît pleinement que le jugement est mérité et on est prêt à l'accepter s'il est prononcé. C'est ainsi que le brigand expirant reconnaît sa culpabilité, et la justice du châtiment qui lui est infligé, en disant: «Et pour nous, nous y sommes justement, car nous recevons ce que méritent les choses que nous avons commises» (Luc 23: 41).

La confession d'un pécheur diffère, toutefois, pratiquement de celle d'un saint: le pécheur réveillé confesse sa culpabilité à un Dieu qu'il ne connaît pas et qu'il n'aime pas encore; mais une fois qu'il sent et connaît son péché et qu'il en éprouve la malédiction dans son coeur, ce sentiment est tellement pénible, qu'il se soumet à tout plutôt que de dissimuler plus longtemps son péché, et la confession est ce à quoi il a recours. «Quand je me suis tû, mes os se sont consumés, et aussi je n'ai fait que rugir tout le jour» (Psaumes 32: 3). Il reconnaît ce qu'il est, il déteste ce qu'il est, ses péchés se dressent devant lui, et derrière eux il voit la mort et le jugement. Dans un pareil état, les ressources humaines font défaut, la sympathie et les consolations de l'homme ne peuvent porter remède. Dieu seul est le refuge de la conscience convaincue de péché. Par la confession, le pécheur se livre, en quelque sorte, à Dieu, pour que Dieu agisse envers lui, comme il le jugera convenable. Il remet son fardeau au Seigneur, comme étant trop lourd et trop insupportable pour qu'il puisse le porter lui-même. «Je t'ai fait connaître mon péché et je n'ai point caché mon iniquité. J'ai dit: Je ferai confession de mes transgressions à l'Eternel» (Psaumes 32: 5). La pauvre âme, incapable de porter sa charge, la place devant ce Dieu inconnu jusqu'à ce moment, et l'homme découvre alors ce que Dieu est, et quelles sont les ressources d'amour, en même temps que de justice, qui se trouvent en Lui dans la croix de Christ. «Et tu as ôté la peine de mon péché» (Psaumes 32).

Dans la confession d'un saint il y a cette différence, qu'elle est faite à un Dieu que l'on connaît en grâce et comme un Père, et dans la conscience de «la seule offrande qui rend parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés» (Hébreux 10: 14), et du précieux sang de Christ «qui purifie de tout péché» (1 Jean 1: 7), En principe, ainsi que nous l'avons dit, cette confession est la même que celle du pécheur, c'est-à-dire, le résultat du péché découvert et jugé. «Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés» (1 Jean 1: 9); toutefois, en pratique, le saint se confesse à un Père qu'il connaît et en qui il se confie, bien qu'il puisse l'avoir déshonoré; et à un Dieu fidèle et juste, dans la présence duquel se tient notre Avocat, Jésus Christ, le Juste, dont le sang a fourni une provision infinie et sans bornes, et établi un fondement solide, sur lequel Dieu peut pardonner toute iniquité.

Pour le saint, la confession est à la fois une ressource des plus miséricordieuses et un exercice des plus bénis, pour répondre à ses besoins ici-bas. Si nous considérons le croyant comme placé dans le monde (avec lequel, quant à la vieille nature, le lien n'est pas encore entièrement rompu), comment pourrait-il, lui, l'enfant de Dieu, le saint par appel, maintenir sa position et marcher en communion avec son Père et avec son Seigneur, s'il n'avait pas la confession de péché? Quel est le chrétien qui, connaissant quelque peu son propre coeur et les influences pernicieuses qui l'entourent, ne connaît pas aussi le soulagement et le repos qu'il y a pour l'âme dans un véritable esprit de confession? — Mais la confession d'un saint doit être sincère. Souvent nous nommons confession ce qui ne l'est pas. L'aveu, fait à la légère, d'un mal qui ne peut être dissimulé, l'assentiment forcé des lèvres ou du coeur, ne restaurent pas l'âme, ni ne la replacent là où sont la lumière, l'amour, la sainteté, c'est-à-dire dans la présence de Dieu. Le jugement de soi-même et la confession doivent aller plus avant qu'à la superficie, si nous voulons demeurer en communion avec Celui en qui il n'y a aucunes ténèbres; car il connaît à fond où nous en sommes dans nos âmes, et il aime la vérité dans le coeur. L'homme, qui n'est pas capable de lire dans le coeur de son frère, est appelé à lui pardonner «sept fois le jour» s'il retourne à lui, en disant: «je me repens» (Luc 17: 4); tandis que Dieu, qui est plus grand que notre coeur, connaît exactement ce que vaut notre confession et l'apprécie, et agit envers nous selon sa réelle valeur. Ici, je voudrais seulement répéter encore une fois, que si la confession de péché est vraie, il n'y a aucune pensée de vouloir échapper à de justes conséquences, ni de vouloir les adoucir. C'est notre privilège, nous le savons, de ne pas avoir à souffrir pour avoir mal fait, car «Christ a souffert une fois pour les péchés, le Juste pour les injustes, afin de nous amener à Dieu», et «celui qui a souffert en la chair s'est reposé du péché» (1 Pierre 3: 18; 4: 1).

Mais quand un saint bronche ou tombe et que «la discipline du Seigneur» arrive sur lui, qu'il est bon d'accepter la verge de la main du Père! qu'il est précieux de recueillir dans la communion de Celui qui veut nous rendre «participants de sa sainteté», et, si telle est sa volonté, de recueillir, dis-je, les fruits de ce que nous avons semé! Il en fut ainsi d'Héli: «C'est l'Eternel; qu'il fasse ce qui lui semblera bon» (1 Samuel 3: 18); et de David: «Qu'il me maudisse, car l'Eternel le lui a dit» (1 Samuel 16: 11); et il en sera ainsi de chacun des saints de Dieu, qui connaît, en quelque mesure, l'amour et la sainteté, l'un et l'autre parfaits, mais inséparables de notre Dieu et Père en Jésus Christ. Il y a une grande différence entre la confession, faite dans le but d'obtenir le pardon et d'échapper au châtiment, ce qui est réellement du papisme, et la confession pour être replacé en communion avec le Père, dans l'amour duquel nos coeurs ont appris à trouver leur seul repos.

Jusqu'ici nous n'avons parlé que de la confession à l'égard de Dieu; elle a cependant aussi son importance à l'égard de l'homme. Nous pouvons dire toutefois, selon la vérité, que la chose principale implique la moindre.

Tout péché, lorsqu'il est discerné et jugé selon Dieu, est d'abord jugé par rapport à Dieu. David s'écria, au sujet de ce qui avait si profondément outragé tous les devoirs envers l'homme: «J'ai péché contre Toi, contre Toi proprement, et j'ai fait ce qui déplaît à tes yeux» (Psaumes 51: 4); mais cela n'amoindrit pas les obligations qui découlent des relations des hommes entre eux, pas plus que le commandement: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu» ne supprime ou ne remplace le second commandement, qui lui est semblable: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Lorsque, par conséquent, l'âme est exercée selon Dieu au sujet du péché, celui-ci sera vu et considéré sous toutes ses différentes faces. Ce qui, dans le péché, affecte notre position et notre relation à l'égard de Dieu sera jugé tout premièrement; mais aussi tout ce qui affecte nos relations avec les hommes ne sera pas traité avec indifférence; et ce dernier point demande un exercice et un examen de soi-même bien plus approfondis, de même qu'un complet dépouillement de nous-mêmes, car notre coeur cherche à éviter, si c'est possible, tout ce qui peut nous abaisser aux yeux des autres, soit de l'homme comme tel, soit de nos frères chrétiens. Que de fois n'avons-nous pas entendu dire à quelqu'un qui avait péché et qui, dans une certaine mesure, l'avait aussi reconnu: «J'ai confessé mon péché à Dieu, il n'y a pas de nécessité à le confesser à un homme». Il se peut, en effet, qu'il n'y ait pas de nécessité; seulement le simple fait de mettre la chose en question peut donner lieu de soupçonner qu'il pourrait y avoir là-dessous quelque manquement envers nos semblables, ce qui demanderait un aveu devant eux aussi bien que devant Dieu.

«Confessez vos offenses l'un à l'autre» (Jacques 5: 16): c'est là la substance, et la moelle de bien des choses qui sont détaillées au long dans la loi. L'obligation de faire restitution et de reconnaître le tort qu'on pouvait avoir fait, est clairement enseignée par la conscience naturelle et par la loi; or l'évangile nous enseignerait-il moins de renoncement à nous-mêmes? Non sans doute; il met devant nous, au contraire, une leçon d'une portée bien plus grande, puisque nous y apprenons que le moi est jugé et tenu pour mort, et que Christ seul doit vivre et agir en nous. Au reste nous sommes convaincus que, pour une âme divinement enseignée, l'opinion des hommes n'est rien en comparaison de l'approbation du Dieu saint. De plus, Dieu et mon propre coeur connaissent, au sujet de moi-même, des secrets que nul autre, soit dans le ciel, soit sur la terre, ne connaît. Dieu et moi nous connaissons un état de péché et de corruption si profond que, lorsque la pensée en monte dans le coeur, je suis prêt à admettre que ce que les hommes pourraient dire de moi de pire serait encore dix mille fois au-dessous de ce que je mérite. Or, nous ne sommes pas appelés à dévoiler les choses cachées qui nous sont connues, que nous avons jugées et confessées, que Dieu connaît et qu'il a jugées et pardonnées; mais lorsqu'il arrive que, par mon péché, j'ai peiné ou blessé quelqu'un ou quelques-uns de mes frères, soit dans la chair soit dans l'esprit, la conscience du mal que j'ai fait doit triompher de toute pensée de vouloir le cacher ou m'excuser ou me justifier, et je dois être aussi prêt à le dévoiler devant l'homme auquel je dois une confession, que devant le Seigneur lui-même.

Que le Seigneur nous enseigne le dépouillement de nous-mêmes, et nous rende ainsi capables de conserver une bonne conscience devant Dieu et devant les hommes. Nous devons marcher devant les hommes comme devant Dieu, toujours en état de nous regarder l'un l'autre en face, dans l'assurance que nous ne cachons à personne rien de ce qui lui est dû, et que, même dans notre coeur, nous ne recélons rien que nous aurions à faire connaître par la confession.