Pensées sur le livre du Cantique des Cantiques

 ME 1870 page 37

 

De tous les cantiques de Salomon, qui sont au nombre de 1005, un seul est parvenu jusqu'à nous. Tracé par l'Esprit de Dieu et recueilli dans le Livre sacré, lorsque d'autres écrits inspirés ont péri, il a survécu. Sans doute, nous pouvons le dire, il sera en consolation et en joie au résidu pieux du peuple de Dieu aux derniers jours, alors que les circonstances où passe l'épouse, décrites dans ce cantique, seront trouvées dépeindre, comme la parole prophétique de Dieu seule sait le faire, la condition du peuple dont le coeur aura été tourné vers le Seigneur, pendant le temps de la tribulation de Jacob, et de la domination de l'Antichrist. Cependant, tout en nous faisant assister aux exercices d'un coeur qui cherche l'objet qui seul peut le satisfaire, en même temps qu'à l'affection invariable de Celui qui est ainsi cherché, ce livre peut être lu avec profit pour nous-mêmes, car tandis qu'il nous montre la nature mobile de notre amour pour le Seigneur, il fait ressortir le caractère invariable de l'amour du Seigneur pour nous. Le but de cet article est de placer devant nos yeux la stabilité de cet amour, tel qu'il nous est présenté ici.

Le livre s'ouvre par les paroles de l'épouse. C'est sa voix que nous entendons au début: elle rompt, pour ainsi dire, le silence; et c'est aussi sa voix qui se fait entendre à la fin. Elle parle de soit bien-aimé, et s'adresse aussi à lui. Il lui parle et à elle seule et lui manifeste son amour, Elle commence par exprimer le désir de recevoir la preuve de son affection, car elle sait quel est son amour: «Qu'il me baise des baisers de sa bouche» (verset 1) et elle peut ajouter, comme un motif qu'elle met en avant: «Car tes amours sont plus agréables que le vin». Ce n'est pas à un étranger qu'elle s'adresse ainsi. «Les filles t'ont aimé», (verset 2) dit-elle encore. Il n'est pas rapporté dans quelles circonstances elle a appris à le connaître; il ne nous est rien communiqué de son passé à lui; mais elle nous apprend quelque chose de ce qui la concerne, elle. Elle a été dans l'épreuve (1: 5, 6.); les enfants de sa mère se sont mis en colère contre elle et lui ont fait garder les vignes. Quant à lui, il nous est dit quelles sont les charges dont il est revêtu; il est roi et pasteur, et comme tel Salomon est le représentant de Celui qui est béni éternellement.

A l'ouverture du cantique, l'épouse est occupée de deux choses, de son bien-aimé et d'elle-même; lui de son côté ne s'occupe tout le long que d'un objet unique, sa bien-aimée. Elle dit: «Je suis brune, mais de bonne grâce» et plus loin: «Je suis la rose de Saron et le muguet des vallées» (2: 1). Les premières paroles sont adressées à ses compagnes; elle adresse les secondes à son bien-aimé. La description qu'elle fait d'elle-même est exacte; elle n'exagère point; il l'assure qu'elle est belle (1: 7) et il continue en disant que, «tel qu'est le muguet entre les épines, telle est ma grande amie entre les filles» (2: 2), complétant ainsi, ce qu'elle dit d'elle-même. Elle est tout cela aux yeux du bien-aimé: il voit en elle de la beauté, malgré qu'elle ait été exposée aux rayons du soleil. Pourquoi se préoccuperait-elle d'elle-même? Elle est belle à ses yeux à lui et ce n'est pas tout; il voudrait qu'elle fût auprès de lui et elle le sait, car elle nous dit les paroles mêmes par lesquelles il l'invite (2: 8-13). Il ne peut être heureux sans elle, c'est pourquoi elle l'engage à venir avec lui; il désire aussi voir son visage, entendre sa voix. «Lève-toi, ma grande amie, ma belle, et t'en viens», dit-il; et que répond-elle? «Avant que le vent du jour souffle et que les ombres s'enfuient, retourne, mon bien-aimé, et sois comme le chevreuil, ou le faon des biches sur les montagnes de Bether» (2: 17). Elle voudrait l'avoir auprès d'elle, mais n'accède pas à sa demande de s'en aller avec lui. Le moment habituel du jour pour sortir n'est pas venu; l'heure convenable, pense-t-elle, n'est pas arrivée; elle veut juger par elle-même de l'opportunité, au lieu d'abandonner cela à son bien-aimé, comme elle aurait dû le faire; et n'étant pas allée avec lui ainsi qu'il l'en sollicitait, elle ne le trouve pas auprès d'elle comme elle l'aurait désiré. Son absence fait languir son coeur et elle sort à une heure indue pour aller à sa recherche. La question qu'elle fait au guet montre où est son coeur alors que, préoccupée de celui qu'elle aime, elle ne leur dit pas le nom de son bien-aimé (3: 3). Elle le trouve, et le contraint de s'en retourner avec elle, faisant ainsi connaître son amour, tandis que son amour à lui se manifeste en ce qu'il se laisse ainsi contraindre. Elle n'était pas venue quand il l'avait appelée: lui ne refuse pas d'aller avec elle. Il avait été traité par elle avec peu d'égards; elle ne devait pas savoir ce que c'était que d'être traitée ainsi par lui.

Ensuite nous avons une description de l'épouse telle qu'elle vient du désert; elle est attrayante. Puis les filles de Jérusalem sont engagées à s'avancer et à contempler le roi Salomon, avec la couronne dont sa mère l'a couronné, au jour de ses épousailles, et au jour de la joie de son coeur (3: 11). Tous sont occupées de lui et lui, de qui s'occupe-t-il? Pense-t-il à sa grandeur? Sa pensée est-elle concentrée sur sa couronne? Il est occupé d'elle, de sa bien-aimée et d'elle seule. C'est à elle qu'il pense, il est épris de sa beauté et de son amabilité. Elle avait failli, mais son amour à lui ne pouvait pas faillir. «Te voilà belle, ma grande amie, te voilà belle, tes yeux sont comme ceux des colombes» (4: 1). Avant d'écouter ce qu'elle avait à dire d'elle-même, il exprime ce qu'elle est sans qu'elle le lui demande, et ce qu'il a dit au chapitre premier (verset 14), il le répète au commencement du chapitre 4. Combien peu elle devait s'attendre à ceci, après la manière dont elle avait agi! Mais il fait plus encore: jusqu'alors il n'avait parlé que des yeux de celle qu'il aime, maintenant il donne une description complète de son épouse. Rien ne lui échappe: il connaît chacun de ses traits et tous lui plaisent. C'est ainsi qu'il dit: «Tu es toute belle, ma grande amie, il n'y a point de tache en toi» (4: 7). De beaux produits de la nature et de l'art peuvent seuls donner une idée de son aspect, et les plus précieuses épices, cultivées alors, sont énumérées et entassées pour faire comprendre combien elle est suave. Quelles délices il trouve en elle! Qu'il doit être vrai et profond cet amour qui s'occupe ainsi d'elle telle quelle est! A ses yeux à lui, elle est tout ce qui est beau, tout ce qui est désirable, et il le lui dit lui-même. Elle savait combien il désirait l'avoir auprès de lui; elle apprend de ses lèvres ce qu'elle est à ses yeux.

Une autre occasion lui est offerte de répondre à la prière du bien-aimé: de quelle manière en profite-t-elle? Il l'appelle du dehors, non pas pour qu'elle vienne à lui, mais pour qu'elle lui ouvre la porte et lui donne entrée dans la chambre où elle se trouve. Peu de temps avant elle l'avait fait entrer dans la chambre de sa mère. Il est dehors, et il lui décrit son état: «Ma tête est pleine de rosée et mes cheveux de l'humidité de la nuit» (5: 2). Sans doute qu'elle s'empressera de lui ouvrir. — Elle entend sa voix, elle comprend ce qu'il lui dit, et malgré cela elle demeure où elle est. «J'ai dépouillé ma robe», lui dit-elle, «comment la revêtirai-je? J'ai lavé mes pieds, comment les souillerai-je?» (verset 3). Le moi intervient et l'empêche d'ouvrir la porte. D'abord nous l'avons vue préoccupée de son apparence extérieure, maintenant elle pense à la peine qu'elle devra se donner. Quand le bien-aimé lui parla la première fois, elle lui fit entendre que son invitation était prématurée; maintenant elle lui dit que sa visite est hors de saison. Faut-il nous étonner de ceci? Est-ce que beaucoup d'entre nous n'ont pas agi pratiquement comme elle?

De nouveau il se retire: il ne pouvait agir différemment, car elle doit être rendue attentive à la froideur qu'elle montre. Il veut toutefois lui donner l'assurance du caractère invariable de son amour à lui; si elle change et lui montre de la froideur, lui ne peut pas changer; et quand elle ouvre la porte, il s'en est allé, mais est-ce là tout ce qu'elle trouve? Non; dans son amour, le bien-aimé a laissé derrière lui un signe d'affection qu'elle comprit parfaitement. «Je me suis levée», dit-elle, «pour ouvrir à mon bien-aimé et la myrrhe a distillé de mes mains, et la myrrhe franche de mes doigts, sur les garnitures du verrou» (verset 5), D'où cela provenait-il? «Mon bien-aimé a avancé sa main par le trou de la porte» (verset 4). Il avait mis du parfum sur les garnitures du verrou, en témoignage de sa tendresse qui était toujours la même, bien qu'elle fût froide envers lui. Quelle preuve pouvait-elle donner de son amour? Le départ du bien-aimé disait combien elle s'était montrée indifférente, tandis que la myrrhe, qui distillait de ses doigts, témoignait de son amour à lui!

Elle va à sa recherche une seconde fois dans les rues, et sa négligence la place derechef dans une position peu convenable. Le guet la rencontre et la rend honteuse en lui prenant son voile et ses compagnes instruites de la position où elle se trouve, lorsqu'elle envoie par elles un message à son bien-aimé, dans le cas où elles le verraient. Elle aurait pu lui parler face à face, mais elle ne l'a pas voulu, et maintenant elle a été exposée à ce que les gardes des murailles lui ôtent son voile, et elle est réduite à solliciter le secours de ses compagnes pour retrouver son bien-aimé. A leur question au sujet de celui-ci, elle répond aussitôt par une description complète de celui qu'elle aime. Il avait vu de la beauté en elle, elle en voit également en lui. Souffrant, comme elle le fait, de la conduite qu'elle a tenue à son égard, elle se retrouve à ses côtés une fois de plus (car il était disposé à se laisser rencontrer par elle), et il n'est pas changé car, ainsi qu'auparavant, c'est lui qui le premier prend la parole. Il n'attend pas qu'elle dise comment sa faute peut être atténuée, mais il lui parle, non pour lui faire des reproches, ou pour la condamner, mais pour l'assurer des charmes qu'elle a à ses yeux. «Ma grande amie, tu es belle comme Tirtsa, agréable comme Jérusalem, redoutable comme des armées qui marchent à enseignes déployées» (6: 4). Comme toujours, il n'a qu'un seul objet qui fasse ses délices, c'est elle-même. «Qu'il y ait soixante reines», dit-il, «et quatre-vingt concubines et des vierges sans nombre, ma colombe, ma parfaite, est unique» (versets 8, 9). Que son amour était parfait? Dès le début du cantique il avait un objet dont rien ne pouvait le distraire; elle était indigne d'être ainsi aimée, mais lui ne pouvait pas changer. Il la recherchait, la désirait; elle seule était sa colombe, sa parfaite, il n'y avait personne qui pût lui être comparé. A la fin du cantique elle saisit l'occasion de montrer le prix qu'il a à ses yeux, et elle dit: «Ma vigne qui est à moi, est à mon commandement. O Salomon! que les mille pièces d'argent soient à toi, et qu'il y en ait deux cents pour les gardes du fruit de la vigne» (8: 12). Mais est-ce de ceci qu'il se soucie? Les mille pièces d'argent le satisferont-elles? Ecoutons sa réponse: «O toi qui habites dans les jardins, les amis sont attentifs à ta voix; fais que je l'entende» (verset 13). La voix de la bien-aimée lui était plus agréable que quelque présent d'argent qu'elle pût lui apporter. C'était sa voix qu'il voulait entendre; rien autre ne pouvait lui plaire; et ce qu'il avait dit au chapitre 2, verset 14, il le dit une dernière fois ici. Le dernier souhait qui nous est rapporté de lui est celui d'entendre la voix de la bien-aimée: «Fais que je l'entende». En Celui qui est véritablement préfiguré ici, il n'y avait pas de changement.

Il peut être utile de faire voir par quelques mots, et pour autant que le livre nous l'indique, où les interlocuteurs alternent.

Chapitre 1: 1-6, c'est l'épouse qui parle; 7 à 10, le bien-aimé; 11 à 13, l'épouse; 14, le bien-aimé; 15, l'épouse. Chapitre 2: 1, l'épouse; 2, le bien-aimé; 3 — 3: 5, l'épouse; 6-11, les compagnes probablement de l'épouse, 4: 1-15, le bien-aimé; 16, l'épouse. Chapitre 5: 1, le bien-aimé; 2-8, l'épouse; 9, les compagnes; 10-16, l'épouse. Chapitre 6: 1, les compagnes; 2, 3, l'épouse; 4-12 le bien-aimé. — Au verset 13, les compagnes disent: «Reviens, reviens, ô Sulamite! reviens, reviens, que nous te contemplions». Elle répond: «Que contempleriez-vous en la Sulamite?» etc. Chapitre 7, du verset 1 à 9 jusqu'à ces mots «bon vin», c'est le bien-aimé qui parle; alors l'épouse l'interrompt «en faveur de mon bien-aimé» et continue jusqu'au chapitre 8, verset 4. Puis les compagnes demandent: «Qui est celle-ci qui monte du désert» etc.? L'épouse répond: «Je l'ai réveillé sous un palmier» etc. et poursuit jusqu'au verset 7; 8 et 9 sont dits par les compagnes ou les frères de l'épouse, selon quelques-uns; 10-12, l'épouse; 13, le bien-aimé; 14, l'épouse. — On prétend aussi que 2: 7; 3: 5 et 8: 4 est le langage du bien-aimé, ce qui n'est pas suffisamment fondé.