La prière en commun

ME 1870 page 125

Lisez Matthieu 18: 19, 20; Actes des Apôtres 4: 23-31; 12: 5

 

La prière!… voilà un sujet d'une bien grande importance et sur lequel il vaut la peine de méditer. Ce n'est pas cependant que ce qui en est dit dans la Parole soit difficile à entendre; au contraire, ce qu'elle enseigne sur ce point est simple et à la portée des petits, des enfants. C'est peut-être pour cette raison que les frères ne sont pas prodigues d'écrits sur la prière. Dans les lignes suivantes, mon but principal n'est pas de donner un enseignement sur la prière, mais bien de nous exciter à prier; car ma conviction est que ce qui nous manque à cet égard, c'est beaucoup moins le savoir que le faire, moins la théorie que la pratique. Nous savons très bien, par exemple, que la Parole nous exhorte à prier sans cesse, à prier en tout temps, par toutes sortes de prières; et nous comprenons à merveille ces exhortations; mais prions-nous ainsi? Le savoir et le faire sont-ils toujours chez nous en harmonie, dans de bons et honnêtes rapports? Il y a assez de droiture parmi nous pour reconnaître qu'à cet égard nous manquons tous plus ou moins.

Il est question dans l'Ecriture de la prière individuelle et de la prière en commun. C'est seulement de cette dernière prière que je désire entretenir un instant mon lecteur. Les passages, notés en tête de ces lignes, nous parlent précisément de la prière en commun, et il me semble qu'ils sont bien propres à nous en faire sentir l'importance et à nous encourager à prier ensemble.

En Matthieu 18, nous avons deux promesses distinctes: «Où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux», dit le Seigneur. Grâces à Dieu, l'attention des frères a été fortement attirée sur cette promesse; ils s'y sont attachés et ils ont bien fait, car elle a une importance qu'on ne peut exagérer; elle est vraiment la ressource des fidèles dans ces jours fâcheux où la faiblesse et la confusion sont si générales. Mais à côté de cette si précieuse promesse, il y en a une autre qui ne l'est guère moins et que nous ne devons pas négliger: «Je vous dis encore que si deux d'entre vous sont d'accord sur la terre pour une chose quelconque, quelle que soit la chose qu'ils demanderont, elle leur sera faite par mon Père qui est aux cieux». L'importance de ces paroles ne peut échapper à personne. On est tout étonné, au premier abord, de la grandeur de cette promesse; on lit et relit en se demandant si l'on a bien compris, s'il faut prendre les paroles du Seigneur à la lettre; mais on finit par être convaincu, si l'on est droit, qu'il faut recevoir cette promesse avec la même simplicité que celle qui l'accompagne, sans l'amoindrir, sans y rien retrancher, car c'est de la même bouche fidèle qu'elle est sortie et dans le même moment.

Il est vrai qu'une sorte de condition est attachée à l'accomplissement de chacune de ces deux promesses. Il est certain, par exemple, qu'il faut que les deux ou trois soient réunis au nom de Jésus, pour que sa présence soit avec eux; si un autre motif les rassemble, ils n'ont pas le droit de compter sur l'accomplissement de cette promesse. Il est certain aussi que cette même condition est attachée à l'accomplissement de l'autre promesse; c'est-à-dire que, si ce n'est pas le nom de Jésus qui rassemble ceux qui prient en commun, ils ne peuvent pas légitimement s'attendre à ce que ce qu'ils demandent leur soit donné. En outre il y a cette autre condition: «Si deux d'entre vous sont d'accord». Nous avons à rechercher cet accord; mais nous n'y arriverons pas avant d'avoir la foi en la promesse elle-même. On ne peut jamais s'accorder pour faire ensemble une chose au succès de laquelle on ne croit pas. Croyons-nous donc, frères, que si deux ou trois s'accordent pour demander une chose quelconque elle leur sera donnée? S'il en est ainsi; si nous avons cette foi en commun, nous serons bientôt d'accord pour demander à Dieu une infinité de choses que par cela même que nous sommes chrétiens, nous savons être bonnes et selon la volonté de Dieu. Qui ne dira pas son Amen, par exemple, à une prière qui demandera que Dieu soit glorifié dans les siens — que les affligés soient consolés — les égarés ramenés — les ouvriers dirigés, encouragés — les pécheurs convertis etc. etc.?

Les deux passages des Actes, notés ci-dessus, nous montrent quelques chrétiens priant ensemble, s'accordant pour demander une chose à Dieu. Nous y voyons en outre que ce qu'ils demandent leur est accordé; de sorte que la promesse du Seigneur, en Matthieu 18, est véritablement démontrée, confirmée par ces exemples. Nous serions donc absolument sans excuse, si nous négligions de nous prévaloir de cette grande promesse et d'imiter ces exemples. Cette promesse!… l'estimons-nous à sa juste valeur? Nos coeurs s'y attachent-ils avec assez de puissance? — Nous comptons sur la promesse faite aux deux ou trois réunis au nom du Seigneur, et en cela nous faisons bien, très bien; mais pourquoi ne compterions-nous pas avec la même assurance sur l'autre promesse, sortie de la même bouche? L'une est-elle moins certaine, moins positive, ou moins importante que l'autre?

Ah! l'incrédulité! l'incrédulité! voilà bien ce qui nous affaiblit! Nous ne recevons pas avec assez de simplicité les simples paroles du Seigneur; nous ne savons pas tirer parti de la position dans laquelle la Grâce nous a placés; nous prions ensemble, cela est vrai, mais non pas toujours avec cette pleine assurance de foi et de confiance que ce que nous demandons nous sera fait. Or comme Jacques le dit: «Si quelqu'un de vous manque de sagesse, qu'il demande à Dieu, qui donne à tous libéralement et qui ne fait pas de reproches, et il lui sera donné; mais qu'il demande avec foi, ne doutant nullement; car celui qui doute est semblable au flot de la mer agité par le vent et jeté çà et là; or que cet homme-là ne pense pas qu'il recevra quoi que ce soit du Seigneur (Jacques 1). Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, je le ferai». C'est tout, ou quoi que ce soit; c'est tout ou rien, selon qu'on prie avec foi ou en doutant, et cela est vrai de la prière en commun comme de la prière individuelle.

Ce que nous sommes en droit d'affirmer, c'est que Dieu est fidèle et qu'il exauce toujours la prière que deux ou trois s'accordent à lui présenter; mais il est bon de rappeler ici que Dieu exauce à sa manière, selon ses pensées, selon sa sagesse et la parfaite connaissance qu'Il a de toutes choses. Nos vues et nos pensées relativement aux choses que nous demandons sont étroites, bornées, imparfaites; il n'en est pas ainsi des pensées de Dieu: Il voit de loin, Il embrasse d'un seul regard toutes les circonstances d'une âme, d'une assemblée, même de toutes les assemblées et du monde entier. Seul donc, Dieu connaît d'une manière absolue et parfaite ce qui est bon à chacun et à tous; et seul par conséquent il fixe avec sagesse le moment favorable pour accorder la demande qui lui est faite. Voilà un père et une mère qui demandent, avec instances et dans le plus parfait accord, la conversion de leur enfant; et malgré ces prières l'enfant s'enfonce toujours plus dans le bourbier. Si Dieu jugeait et pensait comme ce père et cette mère, c'est incontinent, immédiatement, qu'Il répondrait; mais ses pensées ne sont pas nos pensées et ses voies ne sont pas nos voies. Nous ne savons pas pourquoi Il tarde; mais Lui le sait; et notre affaire est d'attendre dans la confiance et la patience, priant toujours sans douter, car celui qui a fait la promesse est fidèle.

Et puisqu'il s'agit de la prière en commun, c'est-à-dire, en général, de la prière dans les assemblées, je me permettrai de dire quelques mots sur une pensée que j'ai souvent entendu exprimer: On parle de la prière comme d'un don que quelques-uns possèdent et que d'autres ne possèdent pas. Il est clair qu'il ne peut être question que d'un prétendu don de prier en public à haute voix; car on ne conçoit pas un chrétien ne priant pas du tout, faute de don; mais on trouve beaucoup de frères qui ne prient jamais à haute voix dans les assemblées parce que, dit-on, ils n'ont pas ce don-là. Or cette pensée est fausse et dangereuse. Elle est fausse, car elle ne peut être justifiée par la Parole; elle est dangereuse par les conséquences qui en découlent. Si la prière n'est pas un don, prier dans une assemblée ne peut pas être l'exercice d'un don. On ne prie pas dans l'assemblée pour l'enseigner ou l'exhorter, et cependant combien de prières paraissent ne pas avoir d'autre but! Qui n'a pas entendu des propos comme celui-ci: «Un tel a fait une bonne prière»? Oublions-nous donc que lorsque nous sommes réunis, ce n'est pas «un tel» qui prie, mais l'assemblée? Trouvons-nous, en Actes 12, que Jean ou Jacques ou André aient bien prié»? Nullement! Mais nous y trouvons que l'ASSEMBLÉE faisait d'instantes prières à Dieu pour «Pierre». C'est l'Assemblée qui priait, et non Jean ou Jacques; la prière, là, n'était pas un acte individuel, mais un acte collectif; ce n'était pas l'exercice d'un don; c'était une assemblée, composée de plusieurs individus réunis au nom de Jésus, tous d'accord, n'étant qu'un coeur, qu'une âme, pour demander une seule et même chose!

Si celui qui prie le fait dans le but d'instruire, d'édifier ou d'exhorter l'assemblée, la prière est, je crois, une chose manquée, quand bien même celui qui prie arracherait par sa ferveur ou son éloquence des larmes de tout l'auditoire. Si faisant partie d'une assemblée, je dis: «un tel a bien prié, il a édifié l'assemblée», mon langage dénote que je considère la prière comme un don, comme l'exercice d'un don auquel je ne participe pas. J'ai écouté prier, j'ai joui de la prière, j'en ai été édifié, mais… je n'ai pas prié moi-même, l'assemblée n'a pas prié, c'est «un tel»!

N'est-ce pas aussi à cette fausse vue (que la prière est un don), qu'il faut attribuer, du moins en partie, deux maux dont souffrent bien des assemblées? Je veux parler des prières trop longues et du nombre trop restreint de frères qui prient à haute voix dans les assemblées. Ceux qui prient habituellement, ne sont-ils pas excités à le faire longuement, par ce fait qu'ils savent très bien que le nombre est petit de ceux qui prient à haute voix? Encore si dans ces longues prières, on ne trouvait que des actions de grâces et des demandes simplement faites; mais combien souvent à ces choses excellentes, ne se mêle-t-il pas une sorte de méditation, l'exposition, peut-on dire, de certaines vérités, très précieuses, il est vrai, mais qui ne constituent ni une demande, ni une action de grâces (*)?

(*) Ceux qui prient ou croient prier ainsi oublient une chose de toute importance, savoir, que prier dans une assemblée, c'est être la bouche de cette assemblée pour parler à Dieu; pour lui dire: «Nous te bénissons», ou «Nous te demandons». C'est donc méconnaître le caractère ou la nature de ce ministère que de s'en servir, disons mieux, d'en abuser pour exposer des doctrines, pour enseigner (est-ce qu'on enseigne Dieu?), pour développer quelque point traité ou omis dans la méditation de la Parole qui a précédé. Aussi est-il parfois impossible à plusieurs de mettre leur Amen à cette contrefaçon de la prière. Disons encore un mot sur une lacune, qui se fait, hélas! remarquer dans certaines assemblées et dont nous avons à nous humilier profondément. Je veux parler de l'absence trop fréquente de toute intercession dans les réunions de culte. Nous sommes là réunis comme frères pour rompre le pain, pour annoncer la mort du Seigneur, et aussi pour rendre témoignage à cette vérité que nous, qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous sommes tous participants d'un seul pain; et souvent, après le culte proprement dit terminé, aucune voix ne s'élève en faveur de nos membres, de nos frères, avec lesquels nous venons de reconnaître que nous sommes un seul corps; aucune intercession pour ceux d'entre eux qui souffrent, qui sont dans l'affliction, dans les difficultés, dans les combats ou dans les pièges de l'Ennemi! En serait-il ainsi dans un repas de famille dont quelques membres seraient éloignés, ou absents par la maladie? Est-ce qu'on les oublierait? Mes frères, que faisons-nous donc, en pratique, de l'unité du corps, de la solidarité, de la sympathie? — Qu'on nous comprenne bien: nous ne voudrions pas que la prière d'intercession devint une forme ou une formule, une liturgie, une affaire de remplissage; nous aimerions mieux qu'il n'y en eût point, s'il devait en être ainsi; mais nous voudrions qu'elle fût toujours un besoin senti et pressant pour nos coeurs en communion avec tous nos frères, et qu'ainsi nous prissions au sérieux la recommandation de l'apôtre de prier «pour tous les saints». En tous cas, l'absence d'intercession témoigne d'une grande misère spirituelle, de peu de communion avec les pensées du Seigneur, de peu d'intérêt pour l'Eglise de Dieu et de peu d'amour fraternel: c'est une déplorable disparate avec ce qu'on est venu faire et proclamer à la table du Seigneur, et il est, à la fois, triste et humiliant de sortir d'une assemblée de culte où l'intercession a fait défaut. Relisez sur ce sujet important les pages 117 à 119 du précédent numéro, et Dieu veuille en appliquer, avec la puissance du Saint Esprit, toute la vérité à nos consciences et à nos coeurs. Nous en avons besoin. (Note de l'Editeur)

Quoi qu'il en soit les frères qui prient à haute voix ont à prendre garde à ne pas trop prolonger, à ne pas s'imaginer qu'ils seront exaucés en parlant beaucoup. Pourquoi un frère, qui n'aurait qu'un désir à exprimer, qu'une demande à présenter, ne le ferait-il pas, même dans une seule phrase?

En effet, lorsqu'un petit nombre de frères prient à haute voix dans les assemblées, la prière tend à dégénérer et à perdre son caractère; et une foule de besoins sont négligés et ne sont pas présentés à Dieu. Cela est facile à comprendre: tel besoin est mieux connu par tel ou tel frère, et plus particulièrement sur son coeur, que sur celui de tel ou tel autre; et si celui qui a une connaissance spéciale du besoin se tait, sous prétexte qu'il n'a pas le don de prier en public, le besoin sera négligé. Est-il nécessaire d'ajouter qu'en parlant ainsi, je n'ai nullement la pensée que tous les frères soient appelés à prier dans les assemblées et doivent le faire. Si quelqu'un ne peut pas prier avec l'intelligence et de manière à ce qu'il soit compris et que l'assemblée puisse dire amen, qu'un tel se taise, selon 1 Corinthiens 14. Si j'appelle l'attention sur ce point, c'est parce que je suis convaincu que beaucoup de frères qui pourraient prier avec intelligence et être compris ne le font pas et que c'est là une perte très regrettable.

Au reste, comme je l'ai dit, mon but avant tout est de nous exciter et de nous encourager à prier ensemble. Si nous pensons aux besoins, ils se présentent nombreux et pressants; et la Parole est là, d'un autre côté, qui nous dit de présenter tous ces besoins à Dieu en priant avec foi sans douter: «Je vous dis encore que si deux d'entre vous sont d'accord sur la terre pour une chose quelconque, quelle que soit la chose qu'ils demanderont, elle leur sera faite par mon Père qui est aux cieux; car où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux».