Qu'est-ce que l'Eglise et quel est notre devoir actuel?

ME 1870 page 141  Darby J.N.

 

Je reconnais pleinement qu'il y avait une certaine organisation dans les temps apostoliques et scripturaires; mais j'affirme que ce qui existe maintenant n'est point du tout l'organisation selon l'Ecriture, mais une invention humaine seulement, chaque secte s'arrangeant elle-même selon ses propres convenances, en sorte que, comme corps extérieur, l'Eglise est ruinée; et quoiqu'on puisse jouir de beaucoup de choses qui appartiennent à l'Eglise, je crois, d'après l'Ecriture, que la ruine est sans remède, et que l'église professante sera retranchée. Je crois qu'il y a une chrétienté professante extérieure, tenant une place des plus importantes et des plus responsables, et qui sera jugée et retranchée à cause de son infidélité (*).

 (*) Comp. Romains 11: 29; 1 Pierre 4: 1 et suivants; 2 Thessaloniciens 2: 3; Apocalypse 3: 16.

Le véritable corps de Christ n'est point cela. Il se compose de ceux qui, par le Saint Esprit, sont unis à Christ, et qui, lorsque l'église professante sera retranchée, auront une place avec lui dans le ciel. Est-ce que l'anglicanisme ne confond pas ces deux choses, lorsqu'il dit: «Le baptême dans lequel j'ai été fait membre de Christ, enfant de Dieu et héritier du royaume des cieux?» Mais l'Eglise, telle que nous la trouvons dans l'Ecriture, était extérieurement un corps uni et organisé: les chrétiens étaient une certaine classe de personnes, connue comme telle sur la terre, et il y avait dans chaque localité des anciens établis pour gouverner et pour surveiller, du moins parmi les églises des gentils, car nous ne voyons pas, d'une façon aussi claire, qu'il y ait eu au milieu des Juifs des charges régulièrement établies. Il n'y avait qu'une Eglise, une Assemblée formant un tout, et dans chaque localité un corps avec ses anciens, «l'église de Dieu» dans ce lieu là, une seule église réellement dans le monde entier, visiblement, extérieurement une. Si, de son temps, Paul avait adressé une épître à l'assemblée de Dieu qui était à tel ou tel lieu, il n'y aurait pas eu de difficulté pour savoir à qui la lettre appartenait. Si une épître portait la même adresse maintenant, où trouver le corps qui devrait la recevoir? La lettre tomberait au rebut. L'idée d'être membre d'une église est une chose inconnue à l'Ecriture: l'Ecriture parle de membres de Christ, parties d'un seul corps, une «main», un «oeil», etc.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y eût point d'organisation dans ce temps-là. Il y avait une organisation, mais il n'y avait pas, comme de nos jours, nombre de sectes volontairement constituées. L'organisation de Dieu est perdue dans le monde; elle a été supplantée, pendant des siècles, par le papisme. Des hommes se sont soustraits aux horreurs de celui-ci, chacun dans sa propre direction. D'abord il y eut des églises nationales, formées par le magistrat civil, — chose inconnue avant la Réformation; puis, lorsqu'on eut reconnu que ce système n'était pas scripturaire, il surgit d'innombrables sectes, dont chacune s'organisa à sa manière et eut ses membres. C'est cette sorte d'organisation, entièrement contraire à l'organisation qui est scripturaire, que nous rejetons; et nous ne prétendons pas recommencer l'Eglise et la fonder de nouveau; mais nous croyons que l'Ecriture nous donne toutes les directions nécessaires pour ces derniers et fâcheux jours de ruine générale, dans lesquels nous nous trouvons et qui sont si clairement annoncés dans le Nouveau Testament. Il y a, dans toutes les dénominations, des saints dispersés, qui ont «la foi des élus de Dieu». Mais Christ s'est donné lui-même pour «rassembler en un» les enfants de Dieu qui étaient dispersés (Jean 11: 52). Pourquoi sont-ils dispersés maintenant? Ils devaient être «UN» afin que le monde crût (Jean 17: 20, 21). Aujourd'hui, ils sont l'objet du mépris des hommes à cause de leurs divisions. L'Eglise, comme corps responsable sur la terre, est en ruine. Ses organisations, car il y en a plusieurs, ne sont pas de Dieu. Paul ne pourrait pas, en tout lieu, appeler les anciens de l'Eglise et leur dire: «Le troupeau sur lequel le Saint Esprit vous a établis surveillants» (Actes des Apôtres 20: 28). Là où un état de choses pareil existerait, je courrais joyeusement pour m'y soumettre. Je n'ai pas besoin de rappeler les chapitres 2 et 4 des Actes, quelque solennel qu'en soit le témoignage, pour montrer de quelle manière effrayante nous nous sommes écartés de notre premier état.

Lorsque le Saint Esprit descendit au jour de la Pentecôte, il forma l'Eglise en un seul corps. Le livre des Actes nous dit que le grand événement de ce jour-là fut le baptême du Saint Esprit promis; et nous apprenons par le chapitre 12 de la 1re épître aux Corinthiens, que nous «avons tous été baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps». Or, que ce corps fût un corps visible, publiquement manifesté et parfaitement uni, est évident, cela d'après le chapitre lui-même. L'un ne pouvait pas dire à l'autre: «Je n'ai pas besoin de toi». Si l'un des membres souffrait tous souffraient; si l'un était honoré tous se réjouissaient avec lui. Les dons variés étaient des membres divers de ce corps, le Saint Esprit distribuant ces dons à chaque membre individuellement «comme il lui plaisait»; et il y avait «diversités de services, mais le même Seigneur». Les dons étaient placés «dans l'Eglise», dans le corps tout entier. Il y avait des dons de guérison, de langues et d'interprétation de langues: tout cela sur la terre, car tous ces dons n'ont absolument aucun sens à moins d'être rapportés à l'Eglise ici-bas. Les personnes, individuellement, pouvaient disparaître, comme des soldats qui ont achevé leur service, et puis être remplacées par d'autres; mais l'armée restait, c'est-à-dire la seule Eglise, unie par un seul Esprit, le corps de Christ, en tant que manifesté sur la terre comme un tout ayant des apôtres, des prophètes, des aides, des gouvernements, des guérisons et des langues, selon qu'il plaisait au Saint Esprit. Ceci est incontestable. Quoi qu'il en soit advenu dans la suite, c'était l'institution de Dieu, le seul corps manifesté, avec ses dons ou ses membres divers.

Si l'on me dit que ce corps sera parfait, comme corps de Christ, dans le ciel, je l'admets et j'en bénis Dieu: je crois même que la fin du chapitre 1er de l'épître aux Ephésiens montre qu'il en sera ainsi. Mais ce fait glorieux ne détruit pas ce que nous trouvons en 1 Corinthiens 12, qui nous montre le corps établi comme un seul corps connu et visible sur la terre. Si l'on me dit, d'un autre côté, que cette unité n'a pas duré, qu'elle n'a été que l'expression momentanée d'un pouvoir qui a disparu, je ne le nie pas quant au fait même, quoique, pour ce qui est de l'unité extérieure, il ne soit guère vrai avant le milieu du troisième siècle, alors que les Novatiens surgirent du sein de la terrible corruption du corps professant, admise et décrite par Cyprien. Paul dit que le mystère d'iniquité «se mettait déjà en train» (2 Thessaloniciens 2); que «tous cherchaient leur intérêt particulier et non les choses de Jésus Christ» (Philippiens 2). Il nous dit (Actes des Apôtres 20) qu'après son départ il entrerait des loups redoutables qui n'épargneraient pas le troupeau, et que des hommes pervers s'élèveraient aussi du milieu des disciples pour entraîner des disciples après eux. Aussi longtemps que l'énergie de l'apôtre resta, le mal, quoiqu'il existât, trouvait son remède et était arrêté; mais après que cette énergie eut disparu par la mort de l'apôtre, le mal devait éclater et s'introduire; car Paul ne connaît pas de succession apostolique, mais il savait que son absence ouvrirait la porte à l'activité du mal. Il nous annonce prophétiquement que, dans les derniers jours, il surviendrait des temps fâcheux, où il y aurait une forme de piété, reniant la puissance de la piété; et il veut que celui qui a des oreilles pour entendre «se retire» de telles gens. Mais le chapitre 12 de la 1re épître aux Corinthiens, décrit parfaitement la constitution originelle de l'Eglise comme corps de Christ sur la terre, la constitution de Dieu. Si les choses ont changé, alors la constitution régulière et divine du corps de Christ sur la terre a disparu par le péché de l'homme: le loup est entré et a dispersé les brebis, parce que les bergers étaient des mercenaires. Que les saints ne soient pas troublés par ce que je dis ici, car personne ne pourra les ravir de la main du grand Berger; mais les brebis, envisagées comme un troupeau, ont été dispersées. Nous oublions que nous avons passé par les siècles ténébreux du papisme, par ces jours où la plus affreuse corruption, sur laquelle l'oeil du Dieu saint se soit jamais arrêtée, se couvrait du nom de l'Eglise de Dieu.

Mais, dira-t-on, qui donc peut affirmer que nous soyons arrivés aux derniers temps? L'apôtre Jean nous le dit: «Il y a maintenant plusieurs Antichrists, par quoi nous savons que c'est la dernière heure» (1 Jean 2: 18). Pierre aussi nous apprend que «le temps est venu, où le jugement doit commencer par la maison de Dieu» (1 Pierre 4: 17). Jude nous fait savoir qu'il était obligé d'écrire au sujet du mal qui s'était déjà introduit, c'est-à-dire au sujet des personnes mêmes qui, comme classe, seraient jugées par Christ à son apparition, comme des corrupteurs et des adversaires. Dans les sept Eglises, nous trouvons Christ jugeant l'état dans lequel les églises étaient tombées. L'Eglise s'est-elle améliorée depuis lors? Les ténèbres du moyen âge et le protestantisme divisé, incrédule et égaré, nous le disent assez!

Que les chrétiens non plus ne s'étonnent pas de ce que la chute ait commencé si tôt! Il en a toujours été ainsi. L'amour patient de Dieu a supporté et sauvé; il a même connu les «sept mille», que celui qui était assez fidèle pour s'en aller au ciel sans passer par la mort, n'avait pas su trouver (1 Rois 19: 18): mais l'état extérieur des choses était corrompu, et le temps était venu pour le jugement. La première chose que nous lisions au sujet de l'homme, après qu'il eut été placé dans le paradis, c'est le récit de sa chute. Aucun enfant ne naquit à Adam innocent. La première chose que nous apprenions au sujet de Noé, après qu'il eut dressé l'autel d'actions de grâces, c'est qu'il tomba dans l'ivresse: les rênes du gouvernement, qui lui avaient été confiées, échappèrent de ses mains, et firent place au scandale, à la honte et à la malédiction. La première chose que nous trouvions, après que Dieu parla à Israël du milieu du feu, avant que Moïse fût descendu de la montagne, c'est qu'Israël fit le veau d'or: la loi dans son propre et vrai caractère ne parvint jamais jusqu'à l'homme; il l'avait déjà violée. Les tables de la loi furent brisées au pied de la montagne et n'entrèrent jamais dans le camp! Auraient-elles été à leur place à côté du veau d'or? Le premier jour de service, après leur consécration, les fils d'Aaron offrirent un feu étranger; et Aaron n'entra jamais dans le lieu très saint avec ses vêtements de gloire et de beauté (voyez Lévitique 16)!

Le premier fils de David tomba dans l'idolâtrie et le royaume fut ruiné. Le roi des gentils, auquel le pouvoir fut transféré, fit son image d'or et eut un coeur de bête, et tous les temps des gentils furent caractérisés par ce fait (Daniel 4).

Je ne doute pas que tout ce que nous venons de rappeler ici: l'homme, la loi, la sacrificature, le fils de David, la royauté sur les gentils, n'ait un jour son accomplissement ou ne l'ait déjà eu, en quelque mesure, dans le second Adam, le Christ: c'est là un autre sujet, très intéressant, mais que je ne puis traiter ici. En tant que confié à la responsabilité de l'homme, tout ce que Dieu a établi a failli: l'homme y a failli et a failli immédiatement. L'Eglise, comme le corps de Christ sur la terre, ne fait pas exception; et si, du temps de Jean, il y avait plusieurs antichrists, en sorte qu'on voyait que c'était «la dernière heure», et si Pierre déclare que le temps était venu pour que le jugement commençât par la maison de Dieu, et si Paul dit que des hommes pervers et séducteurs iraient en empirant (1 Jean 2: 18 et suivants; 1 Pierre 4: 17; 2 Timothée 3: 13), ce n'était là rien de nouveau, mais seulement le triste cours de l'homme dans toutes les choses que Dieu lui a confiées. Le premier homme est l'homme qui tombe. Mais cela n'altère pas le fait que Dieu créa l'homme «droit» (Ecclésiaste 7: 29), et que l'Eglise, comme corps de Christ fut établie dans l'unité avec tous les dons qui étaient nécessaires et profitables pour elle, pour son bien et sa prospérité (comme nous voyons 1 Corinthiens 12); mais que l'Eglise est tombée dans le papisme, la division et l'incrédulité. Aucune des prétendues églises de nos jours ne peut se dire le corps de Christ; aucune d'elles n'a la prétention d'être un corps non déchu: la grande seule Eglise universelle, telle qu'elle est décrite dans la Parole, l'était alors, elle était le corps de Christ.

Remarquez ici (bien que nous allions précisément maintenant nous occuper du ministère), que dans la longue liste des dons énumérés dans ce chapitre 12 de la première épître aux Corinthiens, pour l'administration de toutes les bénédictions dans le corps, ni évêques, ni diacres n'apparaissent et qu'il en est de même dans le chapitre 4 de l'épître aux Ephésiens, où il est question des dons pour l'édification permanente du corps et pour le perfectionnement des saints. Mais nous reviendrons sur ce sujet. L'Eglise fut établie comme le corps de Christ, une sur la terre: aucun corps pareil ou unité pareille n'existe maintenant: l'Eglise est en ruine.

Mais l'Eglise, ainsi formée par le Saint Esprit venu du ciel a un autre caractère dans les Ecritures, elle est «la maison» ou «le temple de Dieu». Et je prie mon lecteur de remarquer que, sous ce caractère, l'Eglise nous est présentée sous deux aspects différents: selon le premier, elle est en parfaite sûreté, à l'infaillible abri de tout danger, l'oeuvre personnelle encore inachevée de Christ lui-même; selon le second, elle est en rapport avec la responsabilité de l'homme, une chose présente sur la terre.

Voyez ce que la parole de Dieu dit sur le sujet «Tu es Pierre (une pierre) et sur ce rocher J'édifierai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle» (Matthieu 16: 18). Ici nous avons Christ bâtissant, et aucun pouvoir de Satan ne pourra l'empêcher d'édifier l'Eglise jusqu'à son complet achèvement. Celui qui bâtit cet édifice, c'est Christ, et dans l'oeuvre d'édification il n'est jamais question d'instrumentalité humaine. Ainsi nous lisons dans Pierre: «Duquel vous approchant comme d'une pierre vivante, vous aussi comme des pierres vivantes êtes édifiés…» (1 Pierre 2: 4 et suivants). Des hommes peuvent annoncer la parole, mais le travail est de Christ, l'homme disparaît: «Duquel vous approchant, vous êtes édifiés». Le travail d'édification n'est pas de l'homme et l'édifice n'est pas achevé encore. Des pierres vivantes peuvent être ajoutées chaque jour jusqu'à ce que la dernière pierre du faîte ait été posée. Ceci, en un certain sens, est invisible, une oeuvre individuelle pour produire un temple à la fin. Ainsi encore Paul dit: «En qui tout l'édifice, bien ajusté ensemble, croît pour être un temple saint dans le Seigneur». Le temple s'élève par la grâce, il n'est pas achevé. Les apôtres et prophètes du Nouveau Testament étaient posés comme fondement, Jésus Christ étant la maîtresse pierre du coin. Les apôtres sont des pierres, et non des ouvriers.

Mais le chapitre 3 de la 1re épître aux Corinthiens nous présente un autre aspect de la maison: «Comme un sage architecte», dit l'apôtre, «j'ai posé le fondement, et un autre édifie dessus; mais que chacun prenne garde comment il édifie». Ici l'homme bâtit, et aussitôt la responsabilité de l'homme est introduite. Nous sommes placés devant quelque chose d'externe, un édifice visible: «Vous êtes l'édifice de Dieu». L'édifice est l'édifice de Dieu, mais c'est l'homme qui a bâti, et il peut bâtir avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses; oui, mais il peut bâtir aussi avec du bois, du foin, du chaume, et son oeuvre ne rien valoir et être tout entière brûlée et détruite. Trois cas sont supposés ici. Dans le premier, le «bâtisseur» et son ouvrage sont bons; et tous deux, je n'ai pas besoin de le dire, sont reconnus. Dans le second, l'ouvrier est vrai, mais l'ouvrage est mauvais; l'ouvrier est sauvé, mais son oeuvre est détruite. Dans le troisième cas, il y a un corrupteur, Dieu le détruit lui-même comme tel.

Ici, nous ne voyons pas tout parfait, bien ajusté ensemble et croissant pour être un temple saint, Christ étant celui qui bâtit; ce sont des hommes qui bâtissent, et nous avons devant nous un édifice présent, vu sur la terre, appelé «l'édifice de Dieu», mais exposé à avoir toutes sortes de matières introduites dans sa construction, et même à être corrompu par ceux qui se proposent le mal. Rien de ce que je dis ici n'est-il arrivé? Je ne doute pas que Christ n'ait à la fin son temple saint. Ce que Lui bâtit ne sera jamais renversé, mais croîtra pour être un temple saint. Que ce soit, dans ce caractère invisible, non pas certainement l'Eglise comme chose présente, établie, qu'il s'agrandisse en dépit des portes de l'enfer pour être un temple saint, je ne le nie pas; car, comme telle, l'Eglise n'est pas encore complète, mais une oeuvre s'opère pour la former par l'addition de pierres vivantes. J'ai la confiance que je suis, par grâce, une pierre dans ce temple, et j'ai la confiance que les critiques, auxquels je réponds ici, y ont place aussi.

Mais ce avec quoi nous avons affaire au point de vue de la responsabilité, ce qui nous occupe maintenant, c'est que l'homme a édifié, non pas l'Eglise invisible que Christ bâtit (celle-ci est sûre d'être parfaite), mais ce que les hommes, depuis Paul, le «sage architecte», ont édifié, ou même corrompu, ce que vous êtes, vous qui vous appelez nationaux, ou presbytériens, ou indépendants ou Wesleyens, ou baptistes, et qui êtes tous très visibles. Votre édifice est-il tel que l'homme responsable ici-bas puisse le reconnaître? Je ne doute pas un seul instant qu'il n'y ait, dans toutes vos dénominations, des pierres vivantes que Christ aura dans son temple et qu'Il a placées là déjà, de bien-aimés frères que je reconnais cordialement et joyeusement comme tels, membres de cette Eglise que Christ a aimée et pour laquelle il s'est donné lui-même, et que, comme partie de cette église, il se présentera glorieux. Je me réjouis de tout mon coeur de penser ainsi, et je suis assuré que c'est la vérité. Mais je distingue entre vous et ce que Christ bâtit pour se le présenter à la fin; et ma responsabilité se rattache, pour ce qui concerne les questions actuelles d'Eglise, non pas à ma relation avec l'Eglise invisible, mais à la question de savoir jusqu'à quel point la Parole me permet de vous reconnaître, vous et les diverses sectes qui se sont séparées de vous, qui ne sont pas et qui ne prétendent pas être cette Eglise invisible.

Ici vient se placer une autre partie de l'Ecriture. Si la corruption s'est introduite dès les jours des apôtres, comme nous voyons que cela a eu lieu, et si l'état de l'Eglise doit être jugé, et que celui qui a des oreilles doive écouter ce que l'Esprit lui dit, n'avons-nous pas de directions pour de pareils temps? Nous en avons certainement. La deuxième épître à Timothée traite de ces temps de confusion et de corruption, comme la première nous parle de l'ordre de l'Eglise visible. Dans le chapitre 2 de cette seconde épître à Timothée, je lis: «Le fondement de Dieu demeure ferme, ayant ce sceau: Le Seigneur connaît ceux qui sont siens». Ceci suppose, en une grande mesure, quoi qu'il en soit, que la vraie Eglise, les membres de Christ, sont invisibles. Le Seigneur les connaît. Il n'en était pas ainsi dans l'origine. Au commencement: «Le Seigneur ajoutait à l'Eglise (l'assemblée) ceux qui devaient être sauvés» (Actes des Apôtres 2: 41, 47). Ils sont publiquement manifestés comme ajoutés à l'Eglise chrétienne, l'Assemblée à Jérusalem. Or nous lisons: «Le Seigneur connaît ceux qui sont siens». Nous admettons l'invisibilité, du moins de beaucoup des membres de Christ: le Seigneur les connaît. Mais est-ce tout? Non, nous avons affaire avec la profession visible, et l'Esprit de Dieu continue, disant: «Que quiconque prononce le nom de Christ se retire de l'iniquité». Je dois me retirer de tout ce qui est iniquité, et assurément dans la maison de Dieu non moins qu'ailleurs. Ce second point est le côté responsable du sceau de Dieu. Le fait que le Seigneur connaît ceux qui sont siens, ne m'appelle pas à autre chose qu'à m'incliner devant lui comme devant une vérité. Mais le second côté du sceau me dirige, quant à mon chemin dans l'Eglise visible, — ceux qui prononcent le nom du Seigneur, et j'ai à me retirer de l'iniquité. Mais il y a, de plus, ce que je puis appeler la direction ecclésiastique: dans une grande maison je dois m'attendre à trouver des vaisseaux à déshonneur, et j'ai à m'en purifier, afin que je sois un vaisseau à honneur, propre au service du Maître. J'ai à faire la différence dans la grande maison, entre un vase et un autre et à poursuivre la foi, l'amour, la patience, avec ceux qui invoquent d'un coeur pur le nom du Seigneur. Ainsi, lorsque l'Eglise est devenue semblable à «une grande maison», je dois agir individuellement, en sorte d'éviter le mal, et rechercher ceux qui ont un coeur pur pour marcher avec eux: et le troisième chapitre, où il est question de ceux qui ont la forme de la piété sans la puissance, me dit: «Détourne-toi de telles gens».

En vain vous venez me dire que je ne dois pas juger.

Je suis appelé à écouter ce que l'Esprit dit aux Eglises (*), je suis tenu de me retirer de l'iniquité, de me purifier des vaisseaux à déshonneur, tenu de m'éloigner de la forme de la piété dans le corps professant, où la puissance de la piété n'est pas; et quoique j'admette qu'il soit défendu de juger les motifs individuels, cependant, pour ma propre marche, je dois juger le mal, ou bien je ne m'en détournerai pas. Si le papisme est un mal, je m'en retire: je ne condamne pas tous ceux qui s'y trouvent, car je suis persuadé qu'il y en a plusieurs qui iront au ciel. Je crois qu'il en sera de même de protestants de différentes sectes; mais si leurs systèmes ne sont pas selon l'Ecriture, je me détourne d'eux.

(*) Voyez Apocalypse 2: 7, 11, 17, 20; 3: 6, 13, 22.

C'est réellement un très mauvais principe que de dire, d'une manière absolue, que nous ne pouvons pas savoir qui sont les chrétiens. Sans doute il y en a beaucoup que nous pouvons ne pas connaître, à cause des ténèbres et de la confusion qui existent, et nous devons nous en remettre pour eux au jugement de Dieu, qui, Lui, les connaît; mais ne vouloir reconnaître personne comme chrétiens est un principe désastreux, parce que je ne puis pas aimer comme frères ceux que je ne reconnais pas pour tels. «Par ceci», dit le Seigneur, «tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres». Et l'on vient me dire que je ne puis pas savoir qui sont ceux qui doivent être aimés ainsi! Si le fait était vrai, la preuve distinctive que l'on est disciple de Christ a cessé d'exister. Où seraient les affections de famille, si nous avions à dire à nos enfants qu'ils ne peuvent savoir qui sont leurs frères et leurs soeurs? Mais le fait en lui-même montre la différence absolue qu'il y a entre l'état présent des choses et l'état apostolique sanctionné de Dieu. Alors, l'amour des frères, comme classe distincte de personnes, est présenté comme une preuve de christianisme, aussi bien que l'obéissance pratique et la justice (voyez les épîtres de Jean): «Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons les frères» (1 Jean 3: 14, de même que 10 et 16). «Celui qui n'aime pas son frère demeure dans la mort». Les frères, ce n'était pas tout le monde, mais une classe connue de personnes. Paul recommande dans l'une de ses épîtres, que la lettre soit «lue à tous les saints frères»; et il veut qu'ils se saluent l'un l'autre par un saint baiser; tout comme il dit: «Tous les saints vous saluent».

Mais bientôt de faux frères se glissèrent furtivement au milieu des saints, mais il en existait de vrais au milieu desquels ils purent s'introduire ainsi. Quelques-uns apostasièrent et se retirèrent aussi, afin qu'il fût manifesté qu'ils n'étaient pas tous des nôtres. Les saints étaient réunis dans chaque localité en une assemblée, de sorte qu'ils pouvaient ôter du milieu d'eux le méchant (1 Corinthiens 5). On ne peut lire le Nouveau Testament sans voir que les chrétiens étaient une classe distincte, bien connue, de personnes connues l'une de l'autre, connues comme frères, et parmi lesquels, en contraste avec le monde, l'amour fraternel devait demeurer. Celui qui en faisait partie dans une localité, en faisait partie dans toutes les autres; il prenait une lettre qui le recommandait comme frère, s'il allait dans une assemblée où il fût inconnu. Dire que nous ne pouvons pas nous connaître, même si quelques-uns sont cachés, c'est nier toutes les affections chrétiennes auxquelles nous sommes astreints et dire que l'état tout entier du christianisme a complètement et fatalement changé. Il y avait une classe de personnes, «les leurs» (Actes des Apôtres 4: 23), qui se réunissaient comme un corps uni dans le monde entier, les croyants en Christ, quoique de faux frères pussent s'introduire au milieu d'eux. La puissance intérieure de leur unité, c'était le Saint Esprit. L'unité était l'unité de l'Esprit: «un seul esprit» et «un seul corps». Le symbole et le centre extérieur de l'unité, c'était la cène du Seigneur: «Nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous sommes tour participants d'un seul pain» (1 Corinthiens 10).

Or, quelle est, relativement à ce point, la position de l'anglicanisme, de la dissidence et des frères dits de Plymouth? Un de nos adversaires dit que les deux premiers systèmes reçoivent les personnes d'après leur profession, et qu'il ne connaît pas d'exemple où l'on ait permis à une personne reconnue adultère ou trompeuse de prendre part à la cène. Mais la théorie de l'anglicanisme est tout autre. Ce système fait ce dont il accuse les Frères: il confond, de la manière la plus funeste, le corps professant extérieur et l'Eglise invisible. Il enseigne que «dans le baptême, j'ai été fait membre de Christ, enfant de Dieu et héritier du royaume des cieux». Ces membres de Christ, qui ont reçu, nous dit-on, la rémission des péchés par une régénération spirituelle, doivent être amenés à l'évêque par leurs parrains et leurs marraines pour être confirmés, aussitôt qu'ils peuvent dire le «credo», l'oraison dominicale et les dix commandements, et qu'ils ont appris ce qui est brièvement exposé dans le catéchisme de l'église. Ils sont donc enfants de Dieu par le baptême et, comme tels, après avoir été confirmés, ils peuvent prendre la cène. Ils sont devenus membres de Christ par le baptême au commencement, quand ils sont incapables d'en rien comprendre; et ils sont amenés au sacrement lorsqu'ils ont reçu une instruction suffisante. En théorie, tout le peuple est supposé faire partie de l'Eglise, étant sorti du papisme à l'époque de la Réformation pour prendre place là: pendant longtemps on forçait les gens à être de cette église; et s'ils n'en sont pas aujourd'hui, c'est par leur propre volonté, et on les regarde comme étant dans le schisme et la dissidence. Le moyen pour être membre de Christ n'est point la foi et le Saint Esprit, ni la profession; mais un sacrement.

Parler d'adultères dévoilés qui sont tenus à distance, cela ne justifie rien et ne sert qu'à montrer la faiblesse et le peu de délicatesse quant au mal, de la précaution. On est fait membre de Christ, enfant de Dieu, membre de ce qui est appelé l'église d'Angleterre, non par la foi, comme l'enseigne l'Ecriture relativement à la position d'enfant de Dieu (voyez Jean 1: 12, 13; Galates 3: 26); non pas par le baptême du Saint Esprit, comme l'Ecriture enseigne pour ce qui concerne le privilège d'être membre de Christ, — mais par un sacrement. Dévoilés ou non, ils sont membres de Christ, sans aucune foi personnelle professée par eux. La vérité est que tous les réformateurs, — anglicans, luthériens, presbytériens — ont admis la régénération baptismale (régénération faussement ainsi nommée, car l'expression de régénération n'est pas employée en ce sens dans l'Ecriture); quelque peine que les presbytériens se donnent pour démontrer le contraire, les preuves en sont on ne peut plus évidentes, à la fois dans Calvin et dans leurs propres livres symboliques. Les Ecossais, les Hollandais, et d'autres, ont tous cette doctrine dans leurs écrits. La seule différence qu'il y ait entre eux sur ce point, c'est que les presbytériens enseignent que la grâce invisible n'est pas si absolument liée au signe qu'elle soit réellement la part de qui que ce soit, excepté des élus; mais ceci ne fait que démontrer d'autant plus qu'ils croient que la grâce est ainsi conférée là où elle est effective. Luther, dans son catéchisme, insiste sur son application à tous, et le catéchisme d'Angleterre fait de même dans les termes les plus détestables.

De plus, comme fait distinct, le rassemblement de compagnies de croyants n'est pas nouveau. Tous les dissidents professent faire ainsi. Ils peuvent s'être jetés dans le monde et dans la politique avec plus d'acharnement que le nationalisme, et, dans une grande mesure, être tombés dans le rationalisme; mais ils professent de faire des églises de croyants (sauf peut-être les Wesleyens qui ont une constitution à eux). Mais ils font des églises des associations volontaires, et ceux qui s'associent ainsi sont membres de ces prétendues églises, chose complètement inconnue dans l'Ecriture. Être membre d'une église est une chose que l'Ecriture ne connaît pas. Tous les chrétiens sont membres de Christ (1 Corinthiens 6: 15-17; 12: 12, 13, 27); et il ne peut y avoir d'autre corps que le corps de Christ. Nous tous qui avons l'Esprit de Christ, nous sommes membres de son corps, de sa chair, de ses os. Le baptême, même comme figure, n'a rien à faire avec la communication de la vie ou la position de membre: celui qui était autrefois un enfant d'Adam pécheur est baptisé pour la mort de Christ. La cène est l'expression (à part d'autres vérités précieuses) de l'unité du corps de Christ. Chaque saint est membre de cette unité-là; et c'est sur ce principe que «les Frères» se rassemblent, en supposant naturellement que la personne qui vient n'est pas dans un cas où elle doive tomber justement sous la discipline. Le nationalisme fait de toute la nation (s'il le peut) des membres de Christ par le baptême à la naissance de chacun; les dissidents font des membres d'églises par association volontaire sous diverses conditions particulières; «les Frères» reconnaissent le seul corps de Christ formé par le Saint Esprit, et ils s'assemblent sur ce principe, pour rompre le pain, ne reconnaissant d'autres membres que des membres de Christ, et croyant qu'il y a de ces membres de Christ dans toutes les sectes qui ont la doctrine de Christ, mais qui se rassemblent, les Eglises nationales selon un principe de sacrements pour tout le monde, les dissidents comme membres volontaires d'églises particulières établies par eux-mêmes, l'un de ces systèmes comme l'autre étant inconnu à l'Ecriture. «Les Frères» ne confondent pas l'église professante extérieure avec celle que Christ se présentera à lui-même (la première sera jugée et retranchée, la seconde aura sa place avec Christ dans les cieux); mais ils voient, dans l'Ecriture, un corps reconnu sur la terre. Ils voient que tout est en ruine, et que, sur le principe de corps professants existants, il faudrait qu'ils demeurassent dans le nationalisme qui est faux dans tous ses principes, ou qu'ils se joignissent à une secte et ne fissent pas partie d'une autre secte; qu'ils fussent membres d'une secte, ce qui ne se trouve nulle part dans l'Ecriture. Ils croient que l'état des choses est un état de ruine, mais que Dieu y a pourvu dans sa Parole, et qu'ils peuvent se réunir sur le principe de l'unité du corps de Christ, lors même qu'ils ne seraient que deux ou trois, et trouver Christ au milieu d'eux, selon sa promesse, — heureux de se trouver avec tout enfant de Dieu qui marche pieusement et qui invoque d'un coeur pur le nom du Seigneur. Ils ne peuvent pas forcer l'unité, mais ils peuvent agir sur le principe de l'unité. Dieu seul, ils le savent bien, peut l'amener en détachant les chrétiens du monde, et en rendant Christ précieux et tout pour eux.