Les choses révélées, jadis cachées

 ME 1870 page 174

 

«La gloire de Dieu est de celer une chose; et la gloire des rois est de sonder les affaires» (Proverbes 25: 2). C'est ainsi que parle Salomon, car Dieu révèle et l'homme est enseigné. Celui qui révèle peut choisir le moment convenable pour faire la révélation; jusque-là, ce qu'il sait demeure caché. Celui qui est enseigné sonde un sujet, afin d'augmenter sa provision de connaissances acquises. Comme le passage que nous avons cité (surtout la dernière partie) est devenu lui-même une illustration de la vérité qu'il expose, et cela d'une manière dont Salomon ne se douta probablement jamais! Car ces paroles, prononcées par lui avant qu'Israël fût séparé de Juda, ne furent sans doute insérées, — non plus que ce qui les suit — dans le livre des Proverbes, que lorsque Israël avait cessé d'être un royaume distinct sur la terre. Elles furent «copiées par les gens d'Ezéchias, roi de Juda» (chapitre 25: 1). Ce fut la gloire de ce roi de recueillir tout ce qu'il pouvait des paroles du plus sage d'entre les hommes remplis de sagesse, et auxquelles Dieu n'avait pas jusqu'alors donné de place dans ce livre.

Cependant la première partie du passage est pleinement confirmée quand nous regardons à d'autres portions des Ecritures, et que nous observons comment Dieu a tenu cachées certaines choses à l'homme, jusqu'à ce que le moment convenable fût là pour les révéler. Des siècles s'écoulèrent avant que Dieu plaçât entre les mains de son peuple la première portion écrite du volume du livre; et pendant quinze cents ans après cette époque, l'Esprit de Dieu ajoutait de temps en temps au volume sacré, jusqu'à ce que, à la mort de Jean l'évangéliste et le prophète, la plume inspirée fût mise de côté, l'étendue de la révélation de Dieu à son Eglise étant alors complète. Cette révélation, qui commence au livre de la Genèse par le récit de l'ancienne création, nous conduit jusqu'à la création nouvelle de toutes choses, nous donnant une esquisse des dispensations de Dieu envers l'homme et envers la terre dans le temps, séparant ainsi l'éternité du passé de l'éternité de l'avenir. Mais de même que la révélation parle peu de l'éternité de l'avenir, elle parle peu de l'éternité du passé; et même il nous faut pénétrer bien avant dans le livre et le parcourir presque jusqu'au bout, avant de trouver ce qu'il nous est permis de recueillir de ce qui se passa au commencement. Dieu révèle des choses à l'homme, mais chacune en sa saison.

L'histoire de la création en est un exemple. Pour la connaître nous consultons naturellement le commencement du livre de la Genèse, où nous voyons qu'elle forme le sujet spécial de la révélation. Mais tout ne nous est pas dit à la fois, car nous avons à chercher dans le livre de Job (chapitre 38: 7), pour apprendre que des créatures intelligentes ont été les témoins de l'établissement des fondations de la terre. Pour réprimander Job, qui parlait de choses auxquelles il n'entendait rien, l'Eternel fait mention des étoiles matinières qui chantent ensemble et de tous les fils de Dieu qui poussent des cris de joie, en voyant le pouvoir tout-puissant agissant envers cette terre qui est la nôtre. Comment donc Job, dont l'existence était si limitée en la comparant à celle de ces créatures, dont la science était si pauvre, osait-il penser à s'asseoir en jugement devant les actions et les motifs de son Créateur?

Quelque loin en arrière que ceci nous reporte, nous pouvons par la pensée nous placer dans une époque plus reculée encore, lorsque nous entendons la voix de la Sagesse engageant les hommes à prêter l'oreille à son enseignement, comme étant pleinement compétente pour les instruire (Proverbes 8). En nous présentant ses lettres de créance, pour ainsi dire, comme preuve des droits qu'elle revendique, elle nous dit: «L'Eternel m'a possédée dès le commencement de sa voie, même avant qu'il fît aucune de ses oeuvres. Quand il disposait les cieux… j'étais alors par devers lui etc.». Le livre de la Genèse ne nous donne aucun de ces détails: Dieu les a fait connaître quand il fut nécessaire; il communique la vérité à l'homme en sa saison. Et quand nous recueillons ces aperçus de la création, ne sentons-nous pas que tout ce que Dieu connaît à ce sujet ne nous est pas encore dit? Nous savons quelque chose, mais seulement ce que Dieu nous a révélé, et la manière dont il l'a fait suggère la pensée que, fût-il requis, il pourrait nous en dire davantage. Du trésor complet de la connaissance il nous est fait part à certains moments, d'une petite partie de ce qu'il renferme.

Si nous consultons l'épître de Jude nous trouvons d'autres exemples du fait, que Dieu cache une chose jusqu'à ce que le moment vienne de la déclarer. Il en est ainsi du péché des anges déchus, de la dispute de l'archange Michel avec le diable et de la prophétie d'Enoch, le septième homme après Adam.

Dans la 2e épître de Pierre, il nous est dit qu'un châtiment attend les anges déchus, car la punition assurée des péchés forme le principal sujet de cette épître. Jude nous apprend quel fut le péché de ces anges: «Ils n'ont pas gardé leur origine». Mais pourquoi leur existence est-elle tenue secrète jusqu'à une époque aussi avancée dans l'histoire du monde? D'où vient que ce qui se passa, je crois, avant la création de l'homme, n'est révélé qu'après que l'expiation a été faite? Le caractère du péché des anges est le même que celui de la chrétienté apostate: ils ont abandonné leur premier état. Les hommes, aux derniers jours, mépriseront la domination. Hommes et anges ont rejeté la position de soumission dans laquelle Dieu les avait placés. Or cette tendance s'étant manifestée au temps de Jude, l'Esprit se sert de lui pour avertir les âmes. Le mal germait alors par l'introduction secrète dans l'assemblée d'hommes impies qui changeaient la grâce de Dieu en dissolution et reniaient notre seul Seigneur et Maître, le Seigneur Jésus Christ. Le péché de ces hommes est grand: mais si la terre avait jusqu'alors été étrangère à une iniquité aussi audacieuse, le ciel avait été témoin de quelque chose de semblable, lorsque les anges déchus abandonnèrent la place que Dieu leur avait primitivement assignée: et leur histoire est mentionnée afin de servir d'avertissement pour le temps présent.

Cependant si le caractère du péché de ces hommes se retrouve dans celui des anges déchus, ils sont repris de leur arrogance et de leur présomption par la conduite de l'archange Michel. Nous assistons ici à une contestation entre lui et le diable, contestation qui eut lieu non pas avant la création d'Adam, comme l'événement dont nous venons de parler, mais — bien que l'homme n'en eût pas conscience — après qu'Israël avait été appelé à être le peuple choisi de Dieu. Les hommes dont parle Jude injuriaient les dignités; tandis que Michel l'archange «n'osa pas proférer de jugement injurieux», bien qu'il eût affaire à une dignité déchue, c'est-à-dire le diable. Il voulait maintenir l'autorité de Dieu et dit: «Que le Seigneur te censure»! — c'était l'affaire du Seigneur, non pas celle de l'archange. Ces hommes prétendaient exclure Dieu et agir d'une manière devant laquelle l'archange reculait.

Ils s'étaient glissés furtivement parmi les croyants, trompant les saints sur leur véritable caractère, quoiqu'ils ne pussent pas tromper le Seigneur. Dieu les avait vus, ils les avait décrits, et même avait prédit leur fin par son serviteur Enoch. Cependant si nous consultons la biographie de celui-ci dans le livre de la Genèse, il ne nous est rien dit de cette prophétie, et nous n'aurions pas su qu'Enoch eût jamais été employé comme prophète. C'est Jude qui nous découvre ce fait; il nous communique les paroles mêmes de la prophétie, et ainsi nous avons sous les yeux ce que des hommes d'avant le déluge ont entendu et connu, et nous écoutons un langage qui a dû être familier à quelques-uns d'entre eux. Aussi longtemps que Dieu s'occupait d'Israël comme d'un peuple distinct, séparé des autres peuples, les Gentils n'étaient pas généralement placés en évidence, sauf quand ils étaient en rapport avec Israël. Toutefois, maintenant que Dieu agit envers le monde entier et qu'il répand sa colère sur les impies, la prophétie d'Enoch reprend sa place parmi les révélations de Dieu et, pour la première fois, est rappelée dans le livre de Sa Parole. C'était une vérité «de saison» pour les âmes du temps de Jude, de sorte que, bien qu'existant depuis plus de trois mille ans, elle ne fut remise en lumière après le déluge que lorsque le moment fut venu, où elle devait servir comme un avertissement au sujet de ce qui allait arriver.

Avec quelle simplicité ces révélations du passé nous sont données! Elles ne sont point là comme des découvertes que l'écrivain vient seulement de faire, mais comme des faits que Dieu n'a jamais oubliés.

Ces exemples du fait que Dieu tient les choses cachées jusqu'au moment où la révélation doit en être profitable, doivent parler au coeur de l'homme et le faire hésiter avant qu'il s'asseye en jugement devant son Créateur, mettant en doute s'il est suffisamment informé de tout ce qu'il a besoin de savoir, comme si les actes et le caractère du Seigneur avaient à être jugés à la barre de l'opinion humaine! Combien l'homme sait peu de chose avant qu'Adam se promenât dans le Jardin! Qu'il est ignorant aussi de ce qui peut se passer autour de lui entre des esprits invisibles aux regards de l'homme! Qui d'entre les enfants d'Israël fut témoin de la contestation que Jude mentionne? Qui d'entre eux en avait conscience? Notre ignorance de ce qui s'est passé dans les âges primitifs nous est prouvée d'une manière frappante par ta prophétie d'Enoch, que Dieu nous a communiquée après un intervalle de tant d'années. En lisant ces détails du passé, l'homme doit comprendre qu'il y a une histoire que Dieu seul connaît; et d'autres êtres créés dont nous savons peu de chose; et peut-être aurons-nous un jour à apprendre une histoire du temps présent dont nous ne connaissons rien. En face de ces lueurs sur ce qui a été avant nous, combien il nous convient d'être humbles et dociles devant les voies de Dieu, au lieu de juger avec orgueil les actes du Créateur qui connaît tout!