Galates 6

Darby J.N.  – ME 1870 page 181

 

Rien n'est plus difficile que de sortir un homme de lui-même; c'est même une chose impossible, à moins qu'on ne donne à l'homme une nouvelle nature. L'homme se glorifie de tout ce qui lui apporte de l'honneur, de tout ce qui le distingue de son voisin. Peu lui importe ce dont il s'agit, car il s'estimera même quelque chose, peut-être, s'il est seulement de plus haute stature que tout autre: tout ce qu'il lui faut, c'est un piédestal pour son orgueil qui l'élève au-dessus des autres.

Quelques-uns se glorifient de leurs talents. Il y a de la diversité dans l'esprit des hommes; chez les uns il y a davantage de vanité, plus de recherche de la bonne opinion des autres; chez d'autres plus d'orgueil, une plus haute opinion d'eux-mêmes. Les richesses, la connaissance, tout ce qui distingue un homme, servira d'échelon à son orgueil, chacun se faisant ainsi un petit monde autour de lui.

Mais à côté des talents, de la richesse, de la naissance, il y a une autre chose encore de laquelle les hommes se glorifient, c'est leur religion. Prenez un Juif; vous trouverez qu'il se glorifie de ce qu'il n'est pas un Turc; prenez un chrétien de nom, il se glorifiera de ce qu'il n'est ni un païen ni un publicain.

L'homme se sert ainsi de la chose même que Dieu lui a donnée pour le sortir de lui-même, pour se faire valoir, Ceux qui sont abusés, au point de se prosterner devant l'idole de Jaggernaut, ont peut-être moins de sujets dont ils puissent se glorifier ou s'imaginer qu'ils peuvent se glorifier; mais quoi qu'il en soit, la mesure de vérité, appartenant à la voie que les hommes professent, est le motif même de la vanterie. Le Turc, par exemple, qui reconnaît le vrai Dieu, se glorifiera de sa religion vis-à-vis de ceux qui ne reconnaissent pas le vrai Dieu; le Juif, de son côté, lui aussi se glorifiera de sa religion: il possède la vérité et le «salut vient des Juifs» (Romains 3: 17-20; Jean 4: 22); le chrétien d'entre les nations aussi a la vérité, mais il s'en enorgueillit, et gâte ainsi tout. La subtilité de l'ennemi se montre en proportion que c'est de la vérité qu'il amène l'homme à se glorifier: et elle n'est pas si difficile à découvrir non plus, car si vous êtes fier d'être chrétien, tout est déjà dit. Il est clair que quand un vrai et sincère enfant de Dieu, marchant dans la puissance de la croix, se glorifie de ce qu'il connaît Dieu, c'est là une chose toute différente. Jonas était plein de cet orgueil-là précisément: il se glorifiait de ce qu'il était Juif et il ne voulait pas aller à Ninive comme Dieu le lui avait ordonné, parce qu'il craignait de perdre sa réputation. Qu'il aurait mieux aimé voir Ninive tout entière détruite, plutôt que de perdre son propre crédit comme prophète. Jonas était un vrai prophète, mais il se glorifiait de lui-même et il faisait de sa religion un motif pour s'enorgueillir.

Quelle que soit la chose dont vous pariez votre moi, — fût-ce même la connaissance des Ecritures, vous vous glorifiez dans la chair. La chose la plus insignifiante suffit pour que nous nous complaisions en nous-mêmes: ce que nous ne remarquerions pas chez un autre, est suffisant pour rehausser notre propre importance.

Se glorifier dans la religion est chose plus grave. Tout ce qui vient de l'homme ne peut être que de nulle valeur. Un homme ne peut pas se glorifier de ce qu'il est un pécheur. La conscience ne peut jamais se glorifier et il n'y a pas de vraie religion sans la conscience; — sans parler ici de la justice de Dieu. De quoi donc l'homme se glorifie-t-il dans la religion? Ce ne peut être jamais que de quelque chose de légal, car il faut bien qu'il y ait pour lui quelque chose à faire — de dures pénitences, quelque oeuvre difficile, n'importe à quel prix, pourvu que le moi en reçoive de l'honneur. Tous ceux qui veulent avoir une belle apparence dans la chair, ceux là vous contraignent d'être circoncis; — ils veulent que vous soyez circoncis, afin de se glorifier dans votre chair» (versets 12, 13). L'homme pouvait imposer des fardeaux difficiles à porter. Mais pourquoi le ferait-il? Parce que le moi a ainsi quelque chose à faire. L'homme qui se glorifie en lui-même peut posséder la vérité dans une certaine mesure, mais sa religion dans ce cas a toujours un caractère légal, parce que l'homme a besoin d'avoir quelque chose qu'il puisse faire pour Dieu. Se glorifier dans la chair n'est pas se glorifier dans le péché; mais, comme nous le voyons au chapitre 3 de l'épître aux Philippiens, c'est un orgueil religieux, c'est se glorifier de quelque chose en dehors de Christ.

«Mais qu'il ne m'arrive pas à moi, dit l'apôtre, de me glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde m'est crucifié et moi au monde» (verset 14). Dans la croix l'homme n'a rien en dehors de Christ de quoi se glorifier. La croix n'est pas ma croix, c'est «la croix de notre Seigneur Jésus Christ», et la seule part que j'aie eue dans la croix de Christ, ç'a été le péché. Mon péché avait affaire avec la croix, car c'est lui qui y a amené Christ: et ce fait met l'homme dans la poussière. Cette croix, qui sauve l'homme et en laquelle Dieu prend son plaisir, l'homme n'a pas pu aider d'un de ses doigts à la porter. «La folie de Dieu est plus sage que les hommes» (1 Corinthiens 1: 25). La seule et unique part que j'aie à la croix, c'est, je le répète, mon péché.

De plus, sans la croix nous sommes totalement perdus. L'amour divin me traite comme un pécheur entièrement perdu; et plus je vois cet amour parfait et divin, plus je vois combien je suis un être vil, méprisable, souillé et perdu. J'ai pris plaisir à me souiller, je suis un misérable esclave, entraîné à la souillure. La croix, quand je discerne ce qu'elle est, détruit ma «vanterie»; et de plus, elle porte la vérité dans le coeur, car elle ne me montre pas seulement combien je suis mauvais, mais elle fait que je suis heureux de confesser mon péché, au lieu de vouloir l'excuser. Ma conscience est réveillée et je dis: «Je suis coupable d'avoir aimé toutes ces choses». L'amour ouvre le coeur et me rend capable d'aller à lui, et de lui dire combien je suis méchant. Je trouve ainsi ma joie à rappeler tout ce qu'il a fait, tout ce que je lui dois et c'est là la reconnaissance. Mon coeur confesse sa perversité; il n'y a pas de fraude, — aucune jouissance dans le péché assurément, mais de la joie dans le remède.

Dieu aussi trouve sa joie dans la croix. «Ayant fait la paix par le sang de la croix» (Colossiens 1: 20), Dieu nous donne de nous réjouir avec lui dans la valeur de la croix. En premier lieu, nous voyons en elle l'amour inexprimable de Dieu, — non pas un amour produit comme le nôtre par un objet digne d'être aimé; non — «mais Dieu a constaté son amour à lui envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs. Christ est mort pour nous» (Romains 5: 8). L'amour à la croix était l'amour agissant dans sa propre énergie, — de par lui-même seulement; — un amour si proprement divin qu'une âme, qui s'y attendrait comme à une chose toute naturelle, ne pourrait pas être propre à être un objet pour cet amour. L'oeuvre de Dieu et les voies de Dieu sont manifestées d'une manière que l'homme ne pouvait pas et ne devait pas imaginer. Je suis un pauvre misérable pécheur, et je découvre à la croix l'amour de Dieu, en ce que Dieu donne son propre Fils. Quand Dieu pardonne, il y a dans ce pardon l'énergie positive et active de l'amour, donnant ce qu'il y a de plus excellent, ce qui lui tient de plus près, pour le péché, la chose la plus éloignée de lui, et le donnant pour être «fait péché». Quand je tourne mes yeux vers la croix, je vois l'amour parfait et infini, Dieu donnant son Fils pour être «fait péché». Je vois aussi une sagesse parfaite et infinie (2 Corinthiens 5: 21; 1 Corinthiens 1: 18 et suivants).

Ayant une conscience, je ne puis jouir de l'amour de Dieu sans voir Dieu s'occuper de mon péché. Dieu peut être bon pour un passereau, cela est vrai, mais Dieu peut-il me recevoir dans mes péchés? Peut-il accepter une offrande imparfaite? Comme dit Michée: «Pourrai-je donner le fruit de mon ventre pour le péché de mon âme» (6: 7)? Caïn apporte le fruit de son propre travail, sans aucune conscience de péché; il montrait par cet acte la dureté de son coeur et un complet oubli de son péché. J'apprends à la croix ce qu'est mon péché. Je ne puis regarder à cela comme Dieu le voit, sans apprendre Dieu. L'homme a assez oublié Dieu pour s'élever contre Celui qui était le remède de Dieu pour sa misère. Alors il faut que le jugement soit exécuté; l'autorité de Dieu doit être maintenue: «Il était convenable pour lui… que, amenant plusieurs enfants à la gloire, il consommât le chef de leur salut par les souffrances» (Hébreux 2: 10). Est-ce que les anges doivent voir l'homme s'élever contre Dieu sans que Dieu en prenne souci? Non; c'est pourquoi: «Il était convenable pour lui, à cause de qui sont toutes choses et par qui sont toutes choses que, amenant plusieurs enfants à la gloire, il consommât le chef de leur salut par les souffrances». Dieu est un juste juge, et il faut que le jugement soit exécuté. On voit à la croix le jugement aussi bien que l'amour. Il n'y a pas simplement une nature sainte se chargeant du péché, mais Christ qui subit le jugement dû au mal. Il y a l'impitoyable colère de Dieu contre le péché, mais en même temps l'amour parfait de Dieu pour le pécheur. A la croix, la majesté de Dieu, à laquelle nous avions insulté, est vengée; le Fils lui-même s'incline devant elle; car s'il doit maintenir l'éclat de la gloire de son Père, il faut qu'il maintienne son caractère; de cette manière la vérité de Dieu fut démontrée à la croix: «Les gages du péché, c'est la mort» (Romains 6: 23). L'homme avait oublié ce que Dieu avait dit à Adam, mais Christ se lève, le témoin de Dieu, dans un monde comme celui-ci, que ce que Dieu a dit est vrai. «Les gages du péché, c'est la mort»; et l'amour, par lequel Dieu attire l'homme à lui, démontre cette même chose en même temps.

Il y a plus encore dans la croix. Par elle, Dieu accomplit tous ses desseins. Il amène «plusieurs enfants à la gloire» (Hébreux 2: 10); et comment pouvait-il introduire ces pécheurs souillés dans une même gloire avec son Fils? Parce que Dieu a si pleinement accompli l'oeuvre, que lorsque nous serons dans la gloire avec Christ, nous formerons une partie de la manifestation de cette gloire. C'est pourquoi il dit: «Afin qu'il montrât dans les siècles à venir les immenses richesses de sa grâce, par sa bonté envers nous» (Ephésiens 2: 7) — une Marie Madelaine, un Brigand sur la croix, des trophées de cette grâce, pour toute l'éternité! Et comment pouvait-il les placer dans un tel lieu avec son propre Fils? Sa propre gloire et son amour ont surmonté tout notre péché et l'ont entièrement aboli: Dieu lui-même l'a fait.

Pour nous, par conséquent, la croix a fait deux choses: elle nous a donné la paix de la conscience et non pas ce que l'homme peut voir en dehors et ensuite gâter. Non; «il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés». Tout le péché est effacé et aboli. — Je puis donc me glorifier dans la croix, car mes péchés n'existent plus.

Il y a plus: nous avons maintenant «connu Dieu» (Galates 4: 9), mais plutôt nous avons été «connus de Dieu», pauvres misérables créatures que nous sommes, pour être faits les vases d'un pareil amour et d'une pareille grâce! La conscience a l'assurance et la paix, et plus que cela, elle a une confiance qu'Adam dans l'innocence n'aurait jamais pu avoir. Il y a communion et paix dans mon âme, et une autre chose encore: une intelligence claire des voies de Dieu. M'approcherai-je de Dieu à travers une série de cérémonies et de génuflexions, pour ajouter quelque chose à la perfection qui m'est donnée par la croix? Vous ne connaissez pas la croix; vous ne savez pas ce que Christ, — ce que Dieu — a fait par la croix, si vous essayez d'autres moyens pour vous rendre meilleurs. «Le More changerait-t-il sa peau» (Jérémie 13: 23)? Si une fois vous connaissez la croix, vous ne pouvez pas user de tous ces efforts pour satisfaire et tranquilliser votre conscience. Quand vous connaissez la croix, les affections spirituelles sont en liberté. Quand je vois la croix, je puis aimer Dieu. Si je l'ai offensé, je puis aller directement à lui et le lui dire; — je suis son enfant et ma relation avec Lui n'est pas altérée par mon péché, bien que le péché trouble ma communion: Ma communion est avec le Père et avec le Fils, — c'est là mon bienheureux privilège.

Quand je puis me glorifier dans la croix, je ne me glorifie plus en moi-même; car je ne suis rien qu'un pécheur. Christ nous a approchés de Dieu par la croix, car il a souffert, le juste pour les injustes. Est-ce que nous nous glorifions dans la croix du Seigneur Jésus christ, ou bien dans la vanité ou dans notre moi? Si vous ne vous glorifiez pas dans la croix, c'est à votre propre détriment, pour ne pas dire que c'est votre péché, car il est impossible que vous voyiez jamais l'amour de Dieu, la sainteté de Dieu, la sagesse de Dieu, la vérité de Dieu, comme vous les voyez à la croix: C'est là où vous êtes que vous pouvez apprendre la croix, car vous n'avez pas à monter quelque chemin difficile pour y atteindre; la croix est venue à vous là où vous êtes. Vous n'avez pas à attendre que vous soyez meilleurs pour vous approcher. Vous ne pouvez pas vous approcher quand vous êtes meilleurs, quoique la croix vous rende meilleur. C'est comme un pécheur que vous devez venir à la croix. L'apôtre vint comme «le premier des pécheurs» (1 Timothée 1: 15); alors, il dit: «le monde m'est crucifié et moi au monde» (Galates 6: 14), La nature même qui se rattache au monde est ce qui occasionna la mort de Christ, c'est pourquoi quand je me glorifie dans la croix, je suis crucifié au monde!