L'amour invariable de Dieu

ME 1870 page 301 - Réflexion de Julien, Anachorète de Norwich

 

L'amour invariable de Dieu. 1

Avertissement (*) 1

«Tout va bien» 2 Rois 4: 23. 1

 

Avertissement (*)

Ces réflexions furent originellement écrites par Julien, anachorète ou ermite de Norwich, en 1326. Elles furent plus tard, par la permission du supérieur, publiées par H. F. S. Cressy, moine.

Elles ont été récemment léguées en manuscrit, comme un témoignage «d'amour jusqu'à la fin», par une mourante à celui qui, dans le sentiment de leur valeur intrinsèque, s'est senti poussé à les réimprimer. Il demande à Dieu que les dernières heures de tous ceux qui les liront soient aussi pleines de paix et d'espérance, que le furent celles de cette bien-aimée soeur en Christ, qui, au milieu des souffrances corporelles les plus aiguës et les plus angoissantes, déclarait, d'une voix ferme et avec un regard rayonnant, qu'elle était PARFAITEMENT HEUREUSE.

 (*) Nous avons accepté cet article, traduit de l'anglais, en pensant que nos lecteurs verraient avec intérêt, un pauvre ermite comprenant si bien la grâce, il y a 540 ans, c'est-à-dire au milieu des profondes ténèbres et des affreuses superstitions du moyen âge, et que cet intérêt les ferait passer avec indulgence sur quelques idées que nous exprimerions autrement. (L'Editeur)

 «Tout va bien» 2 Rois 4: 23

«Je t'ai aimée d'un amour éternel; c'est pourquoi j'ai prolongé envers toi ma gratuité» (Jérémie 31: 3).

 «Toutes choses se termineront bien (*)» et même le plus petit détail ne sera pas oublié. Il peut y avoir bien des choses et bien des actions qui sont mauvaises à nos yeux, et il semble que beaucoup de mal doit en résulter, tellement qu'il nous paraît impossible que le résultat final puisse en être bon. Et là-dessus nous regardons et nous nous affligeons et nous menons deuil et nous ne parvenons pas à nous reposer, comme nous devrions le faire, dans la contemplation bénie de Dieu. Notre raison est si aveugle et si terre à terre que nous sommes incapables de comprendre la haute et merveilleuse sagesse, la puissance et la bonté de la bienheureuse Trinité. Mais Dieu dit: «Plus tard tu verras par toi-même que toutes les choses se termineront bien à la fin». Tout ce qui n'est pas bien sera rendu bien (**); c'est pourquoi la volonté de notre Seigneur Dieu est que nous cessions de tenir les yeux fixés sur le mal qui agit autour de nous et dont la contemplation nous empêche de jouir de Lui-même; mais que nous soyons en paix dans nos âmes et que nous nous reposions dans son amour.

(*) Les passages cités de l'Ecriture ne sont naturellement pas littéralement les mêmes que dans les versions actuellement en usage.

(**) Romains 8: 28.

Dieu veut que nous soyons extrêmement attentifs à tout ce qu'il a fait, car c'est ainsi qu'il veut nous apprendre à nous confier en lui et à croire à tout ce qu'il fera encore, et nous avons toujours plus besoin d'abandonner la préoccupation de nos propres actions et de nos propres volontés et de désirer d'être semblables à nos frères, les saints qui sont dans le ciel, où ils n'ont pas d'autre volonté que la volonté de Dieu.

Le péché est la plus rude verge dont une âme élue puisse être frappée; mais le Seigneur nous garde précieusement, lors même qu'il nous semble que nous sommes comme abandonnés. Dieu considère le péché comme une affliction et une douleur pour ses enfants, auxquels, en raison de son grand amour pour eux il n'impute aucun blâme (*). Notre Seigneur plein de grâce ne veut pas que ses serviteurs soient poussés au désespoir par leurs fréquents manquements, ni même par leurs graves chutes, car nos chutes n'empêchent pas qu'il ne nous aime. Sa paix et son amour sont toujours en nous, bien que nous ne soyons pas toujours dans la paix et dans l'amour. Dieu est le fondement de notre vie entière en amour et c'est un effet d'amitié souveraine de notre Seigneur miséricordieux, qu'il nous garde avec tant de tendresse pendant que nous nous trouvons dans notre péché: et qu'ensuite il nous touche (**) et nous le montre par la douce lumière de la miséricorde et de la grâce. Alors nous sommes poussés par le Saint Esprit à la prière et au désir du Christ; puis notre Seigneur se révèle à l'âme dans une amicale bienvenue, comme si elle avait été en peine et en prison, lui disant: «Mon cher enfant, je suis content que tu sois venu à moi dans ton infortune. J'ai été avec toi tout le temps et maintenant tu me trouves t'aimant toujours». C'est ainsi que nos péchés sont pardonnés et nos âmes reçues dans la joie, chaque fois que nous revenons à Dieu, par l'opération bénie du Saint Esprit et la vertu de la passion du Christ.

(*) Nombres 23: 21; 1 Jean 1: 9. – (**) Luc 22: 61.

Mais comme nous ne pouvons pas avoir la joie et la paix en perfection pendant que nous sommes ici-bas, il nous convient de vivre continuellement dans la prière, en désirant avec amour d'être avec notre Seigneur Jésus Christ, car lui-même désire nous amener à la plénitude de la joie.

Toutefois que nul homme ou nulle femme ne soit poussé par la Folie à conclure de toutes ces consolations spirituelles, en disant: S'il en est, ainsi, il est bon de pécher (*); ou à moins se condamner à cause de leurs péchés. Gardez-vous de cette pensée, car si elle surgit en vous, c'est de l'Ennemi qu'elle vient. Le même amour qui nous fournit ces ressources précieuses, nous enseigne et nous conduit à haïr le péché; et je suis assuré, par ce que j'éprouve moi-même, que plus l'âme discerne l'amour de notre Seigneur Dieu, plus elle abhorre le péché (**) et plus elle a honte de le commettre. A mes yeux, il n'y a pas de plus terrible enfer que le péché.

(*) Romains 3: 8. – (**) Tite 2: 11-15.

Christ lui-même est le fondement de toute loi pour les chrétiens. De même que son amour ne nous fait pas défaut à cause de notre péché, il ne veut pas que notre amour nous fasse défaut à nous-mêmes, ni à nos frères chrétiens; mais nous devons haïr le péché tel qu'il est et aimer les âmes infiniment comme Christ les aime.

Tout ce qui est bon, notre Seigneur le fait; tout ce qui est mal, il le supporte. Nos manquements sont une chose affreuse; nos chutes, une chose honteuse; notre mort, une chose affligeante; mais dans tout cela, le doux regard de l'Amour et de la Pitié ne se détourne jamais de nous, et l'oeuvre de la miséricorde ne cesse pas. La miséricorde est une qualité particulière de compassion, qui appartient à la Maternité dans son tendre amour; la grâce est une qualité particulière pleine d'adoration, qui appartient à la Seigneurie royale dans le même amour.

Dieu en Christ est notre paix même (*), il est notre sûr gardien lorsque nous-mêmes nous ne sommes pas en paix, et il travaille sans relâche pour nous conduire dans l'éternelle paix. L'âme est rendue une avec le Christ, quand, par l'oeuvre de la miséricorde et de la grâce, elle est devenue humble et débonnaire, et qu'elle est vraiment en paix avec elle-même; car dans le Christ, il ne se trouve pas de colère, ni pour un temps court, ni pour un temps long, car si Dieu était irrité pendant un temps quelconque, nous n'aurions ni vie ni existence. Dans cette vie mortelle, la miséricorde et le pardon sont le chemin qui nous conduit toujours à la grâce. Aux yeux de Dieu, l'âme qui sera sauvée n'a jamais été perdue et ne le sera jamais (**). Tous ceux qui seront sauvés par la précieuse incarnation et la passion du Christ, sont de l'humanité du Christ: il est la Tête, nous sommes les membres. Le jour et le temps sont inconnus, où toutes les infortunes passagères et toutes les douleurs prendront fin, et où notre joie et notre félicité éternelles seront accomplies. Mais c'est après ce jour que toute la compagnie du ciel soupire et languit.

(*) Ephésiens 2: 14. – (**) Ephésiens 1: 4.

Tous ceux qui sont sauvés sont en Jésus (*). Maintenant le Fils ne se tient pas devant son Père à sa gauche comme un serviteur, mais il est assis à sa droite dans un repos et une paix sans fin (**).

Nous avons en nous pendant cette vie un merveilleux mélange de bonheur et de malheur. Nous avons en nous le Seigneur Jésus Christ ressuscité (3*), et nous avons également en nous la misère et le mal, conséquences de la chute et de la mort d'Adam. Par Christ nous sommes continuellement gardés (4*); et par sa merveilleuse résurrection nous sommes élevés à l'assurance même du salut. En vertu de la chute d'Adam, nous sommes brisés dans notre esprit par le péché et par diverses souffrances, et nous sommes devenus si ignorants et si aveugles que nous pouvons à peine éprouver quelque joie; cependant dans notre coeur nous nous attendons à Dieu, et nous comptons avec foi obtenir miséricorde et grâce. Et c'est là la propre opération de Dieu en nous; dans sa bonté, il ouvre les yeux de notre entendement, par lesquels nous discernons tantôt plus, tantôt moins, selon que Dieu nous en donne la capacité. Tantôt nous sommes élevés à un état d'âme — tantôt nous tombons dans un autre. Tel est le mélange extraordinaire de ces deux natures en nous, que, souvent, c'est à peine si nous pouvons savoir, soit quant à nous-mêmes, soit quant à nos frères chrétiens, dans laquelle des deux nous nous trouvons, à cause de l'étrangeté de ces sentiments complexes (5*). Parfois nous sommes d'accord avec Dieu: nous sentons sa puissance en nous, nous désirons sincèrement d'être avec lui de tout notre coeur et de toute notre âme, et alors nous haïssons et nous avons en mépris nos mauvaises pensées et tout ce qui peut être une occasion de péché, soit pour l'âme soit pour le corps. — Et néanmoins, quand la douceur de cette puissance en nous nous est voilée, nous retombons dans l'aveuglement et par suite dans le malheur, la tribulation et dans diverses transgressions. Mais alors, voici quelle est notre consolation: — nous savons par notre foi que, par la vertu du Christ qui est notre Gardien, nous n'agréons jamais à ce triste état; au contraire nous en gémissons, nous y passons avec douleur et peine; et c'est ainsi que nous sommes dans ce conflit tous les jours de notre vie. Cependant Christ désire que nous croyions qu'il est constamment avec nous. Il est avec nous dans le ciel, vrai Homme, nous attirant à lui en haut; il est avec nous sur la terre, nous conduisant; et il est avec nous dans notre âme, où il habite éternellement, nous dirigeant et nous guidant.

(*) Colossiens 3: 3. (**) La gauche étant le côté du service; la droite, celui du pouvoir. (3*) Romains 8: 11.  (4*) 1 Pierre 1: 5. (5*) Galates 5: 17.

Nous devrions extrêmement jouir du fait que Dieu demeure dans notre âme, et plus encore, du fait que notre âme demeure en Dieu (*).

(*) 1 Jean 4: 15

Notre âme est assise en Dieu dans le repos même; notre âme se tient en Dieu dans une force assurée; et notre âme est miséricordieusement enracinée en Dieu dans un amour infini.

Christ a lié ensemble en Lui-même tous ceux qui seront sauvés; et en lui et par lui nous sommes retirés en puissance de la misère de cette terre et placés en grâce dans le ciel (*).

(*) Ephésiens 2: 6.

Notre Père dans le ciel, le Dieu Tout-Puissant, nous connaît, et il nous a aimés dès avant le commencement des temps (*); et à cause de son grand et merveilleux amour, dans les profonds conseils de la bienheureuse Trinité, le Père a voulu que la seconde Personne, son Fils bien-aimé, devînt, pour ainsi dire, notre Mère, notre Frère, et notre Sauveur. Nous avons notre être en lui, en qui se trouve le principe de la Maternité, avec toute la douce surveillance de l'amour qui s'ensuit sans jamais discontinuer. Le service d'une mère est le plus rapproché, le plus empressé, le plus sûr.

(*) 1 Pierre 1: 2.

Par notre mère terrestre nous naissons pour souffrir et mourir; par Jésus nous naissons pour le bonheur et une vie éternelle (*). Jésus nous a soutenus jusqu'à ce que la plénitude du temps fût là; alors il endura les douleurs les plus aiguës qu'il puisse y avoir et qu'il y aura jamais; ensuite il mourut en nous donnant la vie pour une félicité éternelle. Comme une mère nourrit son enfant, ainsi notre précieux Jésus nous nourrit de Lui-même (**). La bonne mère, qui connaît les besoins de son enfant, le garde avec une grande tendresse; et à mesure que l'enfant croît en âge et en stature, elle modifie son oeuvre, mais non pas son amour, et il en est ainsi du Seigneur Jésus. Quand nous sommes devenus forts par sa douce opération dans nos âmes, nous le recevons avec joie, et par sa grâce nous le servons. Et pourtant, après cela, il permet que quelques-uns d'entre nous tombent, et tombent, comme il nous semble, plus profondément que jamais nous ne le fîmes auparavant (3*). Alors nous croyons que tout est fini; mais il n'en est pas ainsi; car si nous sommes tombés par notre faute, il fallait que nous le vissions, sinon nous ne connaîtrions ni notre faiblesse et notre misère, ni l'amour admirable de notre Créateur et Rédempteur. Certainement après cette vie, nous saurons combien a été grande la culpabilité de notre péché pendant notre existence ici-bas; toutefois en même temps nous verrons qu'elle ne nous a jamais nui dans son amour éternel, ni n'a amoindri la valeur que nous avions à ses yeux; et le souvenir de notre état de péché nous donnera, pendant toute l'éternité, le sentiment le plus profond et le plus complet de l'amour merveilleux de notre Dieu (4*). Un autre avantage encore que nous recueillons de nos chutes, c'est la douceur et l'humilité du coeur, qui nous conduisent à rechercher les choses d'en haut, disposition à laquelle nous ne pouvons jamais parvenir sans cette humilité.

(*) Romains 6: 23. – (**)  Jean 6: 57. – (3*) Marc 14: 71. – (4*) Deutéronome 8: 2.

La mère peut permettre que son enfant tombe quelquefois, et qu'il se blesse de diverses manières, pour son propre profit; mais son amour ne permettra jamais qu'il lui arrive quelque mal réel. Il en est de même de notre bien-aimé Jésus, qui est à la fois Puissance, Sagesse, Amour; il ne permettra jamais qu'un seul de ses rachetés périsse (*). Souvent, dans la conscience de notre état de péché et de misère, nous avons peur et nous sommes honteux; mais alors notre Seigneur ne veut pas que nous nous enfuyions loin de lui; il veut que nous suivions l'exemple d'un enfant qui, lorsqu'il est malade ou effrayé, court promptement à sa mère et, s'il ne peut rien faire de plus, crie de toutes ses forces pour que sa mère vienne à son secours. Ainsi devrions-nous faire à l'égard de notre Seigneur, et nous pouvons être assurés qu'il agira envers nous comme une mère sage. S'il voit que cela nous est bon de mener deuil et de pleurer, il le permettra avec pitié et sympathie, jusqu'à ce que le moment soit venu de manifester son amour dans notre délivrance; c'est pourquoi nous devons avoir la confiance d'un enfant, qui compte toujours sur l'amour de sa mère dans l'heur et le malheur.

 (*) Jean 10: 28.

Le fleuve de miséricorde — le précieux sang du Christ — abonde pour nous rendre purs et nets (*); ses plaies bénies sont encore ouvertes pour nous guérir, et ses mains compatissantes toujours prêtes et actives autour de nous; comme celles d'une tendre nourrice qui n'a rien autre à faire qu'à veiller à la sécurité de son enfant.

(*) 1 Jean 1: 7

C'est l'office du Christ de nous sauver; c'est sa gloire d'accomplir notre salut, et c'est sa volonté que nous le sachions; car il veut que nous l'aimions tendrement, et que nous comptions sur lui avec humilité et confiance. C'est ce qu'il nous fait voir dans ces paroles pleines de grâce: «Je te garde sûrement». Car, en manifestant sa sagesse, sa puissance, son amour, il nous garde aussi tendrement, aussi doucement et, quant à notre salut, aussi certainement, dans les temps de fragilité, de chute, de malheur, que lorsque nous sommes dans une paix et une tranquillité profondes. Son précieux amour ne permet pas que rien soit perdu pour nous, puisque toutes choses concourent à notre plus grand bien.

Quelques-uns d'entre nous croient que Dieu est Tout-Puissant et qu'il peut tout faire; qu'il est Tout-Sage et sait tout faire — mais croire qu'il est Tout-Amour et qu'il veuille tout faire, — voilà en quoi nous manquons (*). C'est l'ignorance sur ce point qui, à mon avis, est le principal obstacle à l'amour chez les enfants de Dieu.

(*) Romains 8: 32

Par suite de nos péchés passés, de nos péchés de tous les jours, de ce que nous ne gardons pas la pureté dans laquelle le Seigneur nous a placés, de ce que nous tombons souvent dans une iniquité si grande (chose honteuse à dire), il y a en nous une crainte qui nous attriste et nous sommes si abattus que nous ne pouvons discerner aucune ressource. Nous prenons quelquefois cette crainte pour de l'humilité; mais c'est un terrible aveuglement, et un mal; car la fidélité à aimer Dieu est, de toutes les dispositions chrétiennes, celle qui a le plus de prix aux yeux de la bienheureuse Trinité. Il n'y a pas de crainte qui soit agréable à Dieu, sinon la crainte respectueuse et filiale (*); or celle-ci est délicate, elle nous fait fuir tout ce qui n'est pas bien et nous jette sur le sein du Seigneur, comme un enfant se jette dans les bras de sa mère, de tout notre coeur et de toute notre âme, dans la conscience de notre faiblesse et de notre grand besoin, ainsi que de la bonté éternelle de notre Dieu et de son précieux amour; ne recherchant que lui pour notre salut, et nous attachant à lui avec la confiance de la foi. Aucune autre crainte n'est fidèle, bien qu'elle puisse prendre la couleur de la sainteté. Plus nous nous confions en Dieu, et plus nous le faisons avec assurance, plus aussi nous lui sommes agréables et plus nous glorifions le Seigneur en qui nous nous confions ainsi (**).

(*) 1 Jean 4: 18, 19. -  (**) Jean 5: 10-15.

Ce qu'une créature peut faire de plus sage, c'est d'agir conformément à la volonté et à la pensée de son plus grand et souverain Ami. Cet Ami précieux, c'est Jésus; et c'est sa volonté et sa pensée que nous nous tenions toujours près de lui, dans quelque condition que nous nous trouvions. Que nous soyons en chute, ou que nous soyons nets, nous sommes les mêmes dans son amour éternel. Que ce soit dans l'heur ou le malheur, il ne veut pas que nous nous éloignions de lui; mais bien qu'il soit constant, lui, nous sommes changeants et, par notre folie et notre aveuglement, nous bronchons souvent. Alors l'Ennemi nous tente, en disant: «Tu sais bien que tu es un misérable et un pécheur, et que tu es infidèle; tu ne gardes pas ta position; souvent tu promets à ton Seigneur que tu te conduiras mieux, et puis tu tombes de nouveau» (par négligence ou perte de temps, ce qui, à mon avis, est le commencement de la plupart des péchés). Le but de l'Ennemi en ceci est de nous inspirer une fausse terreur et, ainsi, de nous faire craindre de nous présenter devant le Seigneur plein de grâce, et de nous faire cesser de le contempler et de regarder avec bonheur à notre constant Ami (*). Tout ce qui est contraire à l'amour et à la paix est de l'Ennemi et de son parti.

 (*) 1 Jean 3: 21.

C'est par notre faiblesse et notre folie que nous tombons; c'est par la grâce et la miséricorde du Saint Esprit que nous sommes relevés et restaurés en joie (*). Si notre Ennemi tire quelque profit de notre chute, il perd bien davantage par notre restauration en amour et en humilité; et ce glorieux relèvement est une douleur et une souffrance si grandes pour lui, qu'il en est consumé d'envie sans relâche.

(*) Psaumes 23: 3.

Notre remède, soit dans le péché, soit dans l'affliction, est de connaître notre misère et notre faiblesse et de courir vers notre Seigneur; car plus nous sommes en détresse, plus il est nécessaire que nous le touchions. Nous devrions dire dans notre coeur: «Je sais que j'ai mérité cette peine, mais mon Seigneur est Tout-Sage, il me châtiera avec sagesse; — il est Tout-Bon et il m'aime tendrement». Lorsque nous acceptons avec patience et avec joie le châtiment que le Seigneur nous envoie, c'est une louable humilité chez une créature pécheresse, effet unique de la miséricorde et de la grâce du Saint Esprit. Nous verrons qu'il est très facile de tout supporter, si nous trouvons notre plaisir en notre Dieu et en tout ce qu'il fait.

La pénitence que l'homme s'impose à lui-même, je ne la vois pas dans la Parole de Dieu; mais ce que j'y vois bien distinctement est ceci, c'est que nous devons humblement et patiemment supporter la discipline que Dieu lui-même nous inflige, dans l'esprit de Celui qui était humble et obéissant dans ses souffrances bénies, car lorsque nous avons l'esprit de Christ, alors nous souffrons avec lui (*).

 (*) Philippiens 2: 5-11.

La terre est une prison; la vie est une discipline; mais la volonté de Dieu est que nous nous réjouissions dans notre remède (*), et ce remède, c'est que notre Seigneur est avec nous, qui nous garde et nous conduit vers la plénitude de la joie. C'est à notre infinie consolation, que Celui qui sera notre félicité quand nous serons là-haut, est notre Gardien pendant que nous sommes ici-bas; — notre Chemin et notre Ciel en fidélité et en amour.

(*) Philippiens 4: 4.

Courons donc vers notre Seigneur et nous serons consolés; touchons-le et nous serons nettoyés; attachons-nous à lui et nous serons en sûreté et à l'abri de tout mal.

Notre Seigneur, dans sa miséricorde, nous fait voir notre péché et notre faiblesse, en se montrant lui-même plein de grâce; car notre péché est si noir et si horrible, que Dieu, dans sa bonté, ne veut pas nous le faire voir sinon à la lumière de sa miséricorde (*). Il est si effrayant, que nous ne pourrions pas supporter de le voir, tel qu'il est; c'est pourquoi Dieu nous en mesure la vue, en nous apprenant à nous connaître nous-mêmes, sans quoi nous n'aurions pas une vraie humilité, et sans celle-ci nous ne sommes pas en sûreté. Cette connaissance, nous ne l'acquérons pas par nous-mêmes, ni par nos ennemis spirituels, car ceux-ci ne voudraient pas nous faire tant de bien: si cela dépendait d'eux, nous ne nous connaîtrions qu'au jour de notre mort; aussi avons-nous toute raison de rendre grâces à Dieu de ce qu'il nous fait voir ce que nous sommes, pendant le temps de la grâce et de la miséricorde.

(*) Psaumes 103: 13, 14.

Par la foi, nous savons que le Fils de Dieu a pris notre nature, et lui seul; que lui seul a accompli les grandes oeuvres qui concernent notre délivrance (*), et nul autre que lui; et de plus, que lui seul demeure maintenant en nous, nous gardant à travers la vie, et nous amenant à sa félicité éternelle. Et il le fera aussi longtemps qu'il y aura sur la terre une âme, devant entrer dans le ciel; de telle sorte que, s'il n'y avait sur la terre qu'une seule âme qui se trouvât dans ce cas, il demeurerait avec cette âme seule, jusqu'à ce qu'il l'eût conduite chez lui dans la gloire.

(*) Hébreux 10: 14; Romains 6: 23.

Quand nous tombons dans le péché, que nous abandonnons la pensée de Christ et la garde de notre âme, alors Christ se charge, lui, de nous-mêmes; puis il s'occupe à nous ramener à lui, pour qu'il ne soit plus laissé seul. Il n'est ici-bas qu'à cause de nous. Quand nous nous aliénons de lui par le péché, la défiance ou la négligence, nous laissons le Seigneur seul, pour autant qu'il est en nous. Toutefois, bien qu'il en soit fréquemment ainsi de nous, sa miséricorde ne veut pas que nous soyons seuls; mais il est toujours avec nous; il nous excuse avec tendresse et nous garde devant lui sans reproche (*).

(*) Ephésiens 1: 4; Colossiens 2: 10.

L'honneur le plus grand que nous puissions rendre à Dieu, c'est de vivre heureux, nous réjouissant dans son amour pendant cette vie de discipline qui est la nôtre, car il nous regarde avec tant d'amour, qu'il voit que notre vie ici-bas est, en effet, une discipline. Notre désir après lui est une discipline durable qu'il opère en nous d'abord et qu'ensuite il nous aide, par sa grâce, à supporter.

La volonté de notre Seigneur est que, pendant notre passage à travers cette vie, nous détournions nos pensées du mal que nous ressentons, pour les porter vers cette félicité sur laquelle nous comptons. Soit que nous tombions, soit que nous soyons relevés, nous sommes constamment gardés dans cet amour, par lequel nous avons été élus de toute éternité (*).

(*) Romains 8: 28-30.

En contemplant Dieu nous ne tombons pas, et en nous contemplant nous-mêmes nous ne demeurons pas debout; cependant tant que nous sommes dans cette vie, il est nécessaire que nous tenions les yeux fixés sur les deux à la fois. La contemplation de Dieu nous maintient dans la joie et dans le véritable amour de Dieu; la contemplation de nous-mêmes nous garde dans la crainte de Dieu et dans l'abaissement de nous-mêmes. Notre bon Seigneur voudrait que nous tinssions surtout nos regards fixés sur lui, et que cependant nous ne laissions pas entièrement de nous regarder nous-mêmes, jusqu'au moment où nous serons ravis en haut, là où nous habiterons avec le Seigneur Jésus selon le désir de nos coeurs, et où nous serons remplis d'une joie sans fin, en le voyant tel qu'il est (*).

(*) 1 Jean 3: 1-3.

La foi est une lumière qui procède, avec amour, du jour éternel, c'est-à-dire de Dieu notre Père, et dans laquelle le Saint Esprit nous conduit à travers cette vie passagère. Cette lumière nous est mesurée avec discrétion, et nous est nécessaire dans les ténèbres. La lumière est la source de notre vie, — la nuit est la source de nos souffrances et de nos infortunes. Mais notre infortune prendra fin; soudain nos yeux seront ouverts, et notre lumière sera parfaite à notre vue éclaircie. Cette lumière, c'est Dieu — Père — Saint Esprit, et le Christ Jésus notre Sauveur.

Aussi véritablement que, après cette vie, nous serons éternellement dans la joie de Dieu, lui rendant louanges et actions de grâces, aussi véritablement avons-nous existé de tout temps dans la préconnaissance de Dieu, et nous a-t-il connus et aimés dès avant le commencement. Dans l'amour sans commencement (*) dans lequel il nous créa, dans ce même amour il nous garde; et il ne permet jamais que quoi que ce soit nous nuise au point d'empêcher notre bonheur. Aussi quand la fin sera là, et que nous serons tous élevés dans le ciel, nous verrons clairement en Dieu bien des choses qui nous sont cachées maintenant. Alors aucun de nous ne sera porté à dire: «Seigneur, s'il en avait été ainsi, tout aurait été bien»; mais tous nous dirons d'une seule voix: «Seigneur, béni sois-tu; car il en est ainsi, et tout est bien ainsi. Maintenant nous voyons que toutes choses ont été faites selon ton propos arrêté». Dans tout ce que notre Dieu a fait, il nous a aimés; cet amour ne s'est jamais ralenti, il ne s'affaiblira jamais, et par cet amour, il a fait concourir toutes choses à notre profit. Dans notre création il y eut un commencement; mais l'amour, par lequel Dieu nous créa en Christ, n'a pas eu de commencement, et c'est dans cet amour que nous eûmes notre commencement. Tout cela nous le verrons en Dieu éternellement.

DEO GRATIAS.

 

(*) 1 Jean 4: 10.