Epître aux Philippiens, chapitre 3

ME 1870 page 452  -  Darby J.N.

Voyez le Messager évangélique 1863, pages 172, 182. (pages de l’original)

 

Je continue un article précédent en vous envoyant quelques remarques sur le troisième chapitre aux Philippiens, qui m'a occupé dernièrement.

Dans cette épître le salut est envisagé comme un but placé devant le chrétien: non cependant comme une chose incertaine, mais comme une chose qu'il n'a pas encore atteinte. La seule chose qui soit en vue ici c'est la possession actuelle de la gloire, le nouvel état de l'homme, dans une gloire actuelle, en Christ monté en haut. Christ a saisi le croyant pour ce but, mais ce dernier tend encore à saisir le but. Christ vu dans cette gloire actuelle (dont nous venons de parler) et où de fait l'apôtre l'a vu; Christ, vu ainsi, résume tout. Paul désire être trouvé en Lui dans ce jour-là, car cela implique la justice, et tout le reste. Lorsqu'il se place devant Dieu, abandonnant tout ce qui est juif et qui pourrait l'élever, en un mot tout ce qui est humain, son unique pensée est d'être trouvé en Christ, Ceci nous présente la nouvelle condition de l'homme sous un jour très frappant. La position entière du chrétien est regardée comme à venir, parce qu'elle est considérée en résurrection et toute la question est de l'atteindre actuellement.

Par conséquent la justification, la justice elle-même, est vue comme une acceptation actuelle en Christ lorsque nous arrivons devant Dieu. Nous nous présentons devant Dieu en Christ. L'apôtre attend évidemment un état de résurrection et la gloire. Jusqu'à ce qu'il l'ait obtenu, il n'a pas encore atteint le but, il n'est pas parfait. L'état présent de l'homme, même en admettant qu'il a été vivifié par Dieu, est son premier état comme né d'Adam, et non pas simplement comme né pécheur — (car l'apôtre suppose ici que le chrétien est à part et au dessus du péché dans sa marche, qu'il vit toujours selon l'Esprit et avance vers la gloire, sans être occupé du péché) — mais il voit le chrétien désirant d'être introduit dans son nouvel état, identifié avec Christ dans la gloire. Quand même Paul aurait eu toute la justice dont est capable la chair ou le premier Adam, et dont la loi est la mesure, ce n'aurait jamais été là que le premier homme, non le second, — et il n'en voulait pas, car ce n'était pas Christ, justice de Dieu par la foi.

L'apôtre avait vu Christ, le second homme, le second Adam, accepté dans la gloire. Il avait été saisi par Lui, pour Lui devenir conforme, conforme à cet état entièrement nouveau de l'homme selon la justice de Dieu. Ce but avait chassé tout autre objet de son coeur. Rien de plus, rien de moins ne pouvait le satisfaire. Les deux natures étant incompatibles, il ne pouvait garder la position de l'ancien homme (même juste), et en même temps celle du nouveau. C'est pourquoi il regarde toutes les choses qui honoraient et accréditaient le premier homme, le moi, Paul, comme une perte et comme des ordures. L'homme ressuscité et glorifié est devant nous; mais il n'est pas considéré ici comme ce qui nous a justifiés. Il est bien vrai que étant morts avec Christ, qui a fait l'expiation pour nous et étant ressuscités avec Lui selon la valeur de cette oeuvre, en vertu de laquelle il est ressuscité — il est vrai, dis-je, qu'ainsi nous sommes justifiés et que notre acceptation est scellée devant Dieu. Mais ce n'est pas à ce point de vue d'acceptation juridique que la résurrection est considérée ici. Elle nous est présentée dans ce chapitre comme un état nouveau, dont il nous faut prendre possession dans la plénitude de ses résultats comprenant, cela va sans dire, la justice divine, mais encore tout le nouvel état complet de gloire. Ceci présente la nouvelle position à laquelle nous amène le christianisme sous un jour bien frappant. L'Apôtre en a fini ainsi avec l'ancien homme, avec l'ancien état tout entier, justice et tout le reste, et son regard est fixé sur l'homme nouveau, c'est-à-dire sur Christ Lui-même, en qui il voit sa propre place dans la gloire, sachant qu'il aura part «à la résurrection d'entre les morts comme Christ Lui-même y a eu part». Aussi il ajoute: «afin que je gagne Christ». — «Si en quelque manière je puis atteindre à la résurrection d'entre les morts».

Ceci nous amène directement au grand principe de notre chapitre: le désir intense et persévérant d'atteindre à cette gloire, à Christ Lui-même, et de ne prendre garde à rien d'autre, tout le reste n'ayant aucune valeur en comparaison de ce «prix». — Nous avons vu que le chapitre précédent présentait Christ dans son humiliation, formant nos coeurs à manifester comme Lui, la grâce dans nos voies et dans notre manière d'agir vis-à-vis des autres ici-bas. Ce chapitre-ci, en mettant sous nos yeux le second homme glorifié, communique à la vie spirituelle cette énergie qui nous élève au-dessus du monde, de tous ses mobiles, et de tout ce qui pourrait donner quelque importance au vieux moi. Il donne aussi au nouvel homme le juste et vrai objet d'affection qui élargit nos coeurs et les forme à la pensée du ciel pour les conduire ainsi sans distraction dans le sentier chrétien.

Une des beautés du christianisme consiste en ce qu'il nous donne, par le moyen de notre parfaite réconciliation en Christ, le pur repos d'affections parfaitement heureuses dans une relation établie — et, avec ce repos, l'objet le plus élevé d'une espérance, qui nous sollicite à une activité incessante. Ce sont les deux éléments qui forment la nature humaine pour le bien; nous les trouvons tous deux dans le sens le plus élevé, dans le sens divin, en Christ.

Mais revenons à notre chapitre, qui traite du dernier de ces principes.

Nous avons le plus plein élément de satisfaction pour nous-mêmes dans la gloire, le prix de notre vocation céleste, la résurrection d'entre les morts, mais tout égoïsme en est banni. Ce qui revêtait le moi d'honneur, n'est, comme nous l'avons vu, qu'une perte, quelque chose qui servait à élever le vieil homme. L'objet du chrétien est Christ; ce fait implique que le premier homme est entièrement mis de côté; — il élève l'homme, mais non le moi, contrairement à l'incrédulité moderne, qui en exaltant l'homme, exalte simplement le moi. Le christianisme donc, tout en élevant l'homme jusqu'à la gloire céleste et à l'excellence divine, met complètement de côté le moi. «Ce qui m'était un gain, dit l'apôtre, je l'ai regardé comme une perte à cause du Christ». La science est un gain pour le moi. Etre Français, Anglais, avoir ma propre justice, comme titre d'honneur devant le monde ou devant Dieu, tout cela est du moi. Je suis ce que d'autres ne sont pas. Il est évident que le monde a besoin de pareils mobiles; il n'en possède pas d'autres. Ils produisent l'énergie, mais non l'avancement moral, puisque le moi reste le ressort, le centre de l'activité humaine. Un poète a dit: «Comme le caillou trouble un instant le lac tranquille, ainsi l'amour de soi-même ne sert qu'à éveiller l'âme vertueuse».

Un cercle assez large peut se former autour du moi, mais le moi en reste toujours le centre, ainsi que nous pouvons le voir, même dans les choses religieuses: les fils de Zébédée demandent d'être assis l'un à la droite et l'autre à la gauche de Jésus dans son royaume. Ceci était du moi, qui ambitionne une bonne place au détriment des autres. Nous ne trouvons rien de pareil dans notre chapitre: «afin que je gagne Christ» c'est-à-dire la plus haute bénédiction, les affections les plus bénies, mais qui toutes tournent le coeur loin du moi vers Christ.

Mais poursuivons. L'objet que l'apôtre avait devant lui transportait les affections vers ce qui en soi-même était d'une suprême excellence, vers l'objet même des délices de Dieu le Père. Dieu nous a donné de nous délecter dans le juste objet de ses délices. Combien tout ceci parle puissamment de notre véritable réconciliation avec Dieu; non seulement d'une réconciliation judiciaire, dont nous avons si besoin, mais encore de l'élévation de notre nature morale jusqu'à la mesure des délices mêmes de Dieu et de la communion avec Lui, quoique, je n'ai pas besoin de le dire, nous restions toujours et avec joie ceux qui reçoivent et Lui toujours le divin donateur, mais en Christ l'unique et seul objet de délices.

Dans la créature, quoiqu'il y ait en elle une nature qui y réponde, l'état moral de l'âme cependant est formé, et caractérisé par l'objet de ses affections.

Ici nous sommes faits participants de la nature divine et nous possédons un objet divin, mais nous n'en jouissons pas encore maintenant dans le repos. Ce sera là notre état céleste. Nous vivons au milieu d'un monde par lequel Satan cherche à nous séduire en agissant sur le vieil homme. Mais Christ devant nous, en espérance, éveille nos affections avec énergie, en nous remplissant de gratitude et de courage parce qu'il nous a saisis. Comme il a commencé par nous délivrer de tout retour égoïste vers notre propre importance, il nous conduit maintenant en avant en nous tenant au-dessus des objets de ce monde par l'attraction absorbante de Christ. Nous sommes gardés dans l'humilité, par la conscience de n'avoir pas encore atteint le but, et dans l'énergie des affections sanctifiées, parce que c'est Christ que nous avons à atteindre. Nous sommes délivrés du monde par la puissance absorbante d'un objet divin agissant sur le nouvel homme. — Cet objet donne de l'unité dans l'intention et par là-même une puissance que rien ne peut distraire, en même temps que le jugement se forme uniquement d'après la manière dont chaque chose se rapporte à Christ.

Ainsi tout est estimé au point de vue le plus élevé par une mesure parfaite et cela dans nos affections, — quoique en réalité dans les choses morales, le véritable jugement moral ne puisse exister autrement.

Un autre élément, bien qu'il ne soit pas le plus élevé de notre sujet, mérite cependant notre attention: il y a lorsque le monde se présente à nous, la puissance du contraste. Pour tout cela il faut certainement l'action du Saint Esprit; mais je parle de la manière dont celui-ci agit, non de sa source dans la grâce. On est ainsi supérieur aux difficultés et c'est la force de l'expression «en quelque manière que ce soit» que nous trouvons ici. L'apôtre n'a aucun doute, mais il veut dire que, quoiqu'il en puisse coûter, quelque chemin qu'il soit obligé de prendre, il est content pourvu qu'il atteigne le but; oui, je puis me réjouir dans la souffrance et la mort, car je serai d'autant plus semblable au Christ que je désire atteindre!

Remarquez ici que l'apôtre recherche en premier lieu la puissance de la résurrection, afin que, connaissant la divine énergie de cette nouvelle vie qui le transporte en esprit hors de la vie d'ici-bas, les souffrances et la mort de la première vie, comme fruits du dévouement à Christ, fussent seulement la conformité à Lui-même.

Ainsi donc, fût-ce au travers même de la mort, Paul atteindra la gloire du nouvel état dans lequel Christ est entré par la résurrection; (l'état n'est pas nouveau pour Christ personnellement, mais pour l'homme, pour la nature humaine, que par grâce Il a prise et introduite avec Lui dans la gloire). Ce fait donnait à la marche de l'apôtre son plein caractère, quant à l'activité de chaque jour. Ayant en vue cet état de résurrection d'entre les morts, il ne pouvait jamais se flatter d'avoir atteint le but, ni d'être parfait dans cette vie-ci, car pour lui, être parfait signifiait être tel que Christ en gloire. Paul poursuivait désirant atteindre et posséder ce à quoi Christ l'avait destiné. Deux choses en résultaient: c'est qu'il ne poursuivait rien d'autre et n'avait point d'autre objet. Il poursuivait celui-ci sérieusement, sans partage. Ce n'était pas seulement qu'il désapprouvât certaines choses et restât inactif, mais la puissance absorbante d'«une» chose l'avait délivré de toutes les autres. Celle-ci fixait son coeur et l'éloignait de tout le reste.

Mais l'objet auquel son âme était attachée était toujours devant lui, chaque jour plus brillant à ses yeux, mais pas encore en sa possession, de sorte que son regard fixé toujours droit devant lui, ne pouvait s'abaisser sur le terrain qu'il traversait. Il oubliait les choses qui étaient derrière lui et tendait avec effort vers celles qui étaient devant. L'homme qui voudrait s'arrêter pour contempler le terrain qu'il a parcouru dans une course, n'avancerait pas et serait bientôt dépassé. Le moi reprendrait sa place; la manne engendrerait des vers; le coeur perdrait de vue son objet.

Nous voyons dans cette marche de l'apôtre un effet bien remarquable de l'énergie que fournit «un oeil simple». Paul regarde exclusivement à ce qui est céleste. Sa vocation est en haut; ses espérances et ses pensées y sont attachées: «Ne regardant pas», dit-il, «aux choses visibles, mais à celles qui ne se voient point». Cela donne des habitudes et un caractère célestes à l'homme tout entier. Sa conversation est dans les cieux; toutes ses relations dans la vie sont là-haut. La reconnaissance et l'élévation morale en sont le résultat. C'est l'appel de Dieu, son appel en haut, dans le Christ Jésus. Le coeur est rendu intelligent quant à sa source et à ses voies. Je ne m'arrêterai pas sur ce que l'apôtre place en contraste avec ceci. Ayant leurs pensées aux choses terrestres les hommes sont occupés de ce qui n'amène aucun progrès, mais qui, au contraire, les éloigne de ce qui est céleste, pur et divin. Ils vont plus loin; ils sont ennemis de la croix, car la croix était la mort au monde. Elle a marqué la place de ce qui est divin et céleste dans le monde. Tandis que le saint se glorifie dans la mort au monde, celui qui y vit en esprit, est ennemi de la croix. Sa fin est la destruction.

Il reste un événement à attendre pour réaliser complètement cette espérance du chrétien: c'est la venue de Christ. Nous avons cette espérance, «ce trésor dans des vases de terre»; mais Christ viendra et changera le corps de notre humiliation afin de le rendre conforme à son corps glorieux. Alors, ce que nous possédons en espérance, en désir, qui forme nos coeurs d'après leur objet, sera accompli en gloire. Nous serons semblables à Christ et avec Lui.

Tel est le caractère de l'énergie qui nous délivre de tout ce qui est du monde et nous donne la victoire sur le monde, fixant nos affections sur les choses d'en haut, non sur celles qui sont sur la terre, faisant de Christ Lui-même, tel qu'il est là-haut, l'objet brillant et béni de nos âmes.

Le temps me manque aujourd'hui pour rien dire du chapitre 4, qui nous parle du calme et de la supériorité aux circonstances, qui caractérise le chrétien dans ce monde, par la foi en Christ.