Dagon - 1 Samuel 5

 ME 1871 page 121

 

La beauté du christianisme et les bénédictions qu'il apporte sont des choses si généralement reconnues partout où le saint nom de Jésus a été prêché, que dans la mesure où l'homme naturel sait mettre un frein à ses passions, il veut se ranger sous la bannière de la croix. L'homme né d'Adam aime mieux les ténèbres que la lumière; c'est pourquoi le monde a toujours nécessairement la première place dans son coeur. Mais, pauvre être insensé qu'il est, il se souvient toutefois qu'il est mortel, et sa conscience le convainquant plus ou moins de péché, il prend le nom de Dieu sur ses lèvres, dans le vain et fol espoir que lorsque sa carrière d'égoïsme ici-bas sera terminée, il pourra la recommencer sous une autre forme dans le monde à venir. C'est là ce qui a donné lieu à la profession générale du christianisme dans une si grande partie du monde et qui a donné naissance à ce qu'on appelle la chrétienté ou les églises ou différentes dénominations chrétiennes. Les nations sont ainsi devenues soi-disant chrétiennes, tout en conservant tout ce qui est du prince de l'autorité de l'air, et en faisant servir à leurs propres fins la profession du nom de Christ. La plupart de ceux qui réfléchissent à ces choses, sont eux-mêmes plus ou moins convaincus, à leur propre jugement, de l'impossibilité absolue d'unir ensemble la lumière et les ténèbres, la justice et l'injustice, Christ et Bélial, le fidèle et l'infidèle (voyez 2 Corinthiens 6: 11); et cependant nous voyons chaque jour, qu'en dépit de tout, la stupide perversité du coeur humain persiste à vouloir les concilier. Le Seigneur, source de toute vérité, a dit: «Nul ne peut servir deux maîtres» (Matthieu 6: 24): et pourtant, au mépris de cette déclaration si positive, l'homme passe son temps à favoriser ce partage dans son service. La lumière, — si elle atteint un moment sa conscience, lui fait sentir la folie et la vanité de son attachement pour le monde; il continue néanmoins à aimer ce monde et à le suivre, cherchant à oublier ou à repousser tout ce qui pourrait se placer entre lui et son idole. Si même le Dieu de miséricorde, par un avertissement de sa grâce, réduit à néant tout son travail et lui découvre le véritable caractère de ce monde périssable et jugé, il sait trouver toujours à son malheur toute espèce de cause plutôt que la vraie, repoussant ainsi l'amour qui voulait le faire sortir de son rêve.

Ainsi en était-il des Philistins, comme nous pouvons lire au chapitre 5 du premier livre de Samuel. Placés dans le voisinage des enfants d'Israël, ils devaient être frappés de l'aspect extraordinaire sous lequel ceux-ci se présentaient aux yeux du monde. Peuple pauvre et comparativement chétif, ils avaient été délivrés de la puissante main de Pharaon et de la dure oppression de l'Egypte. Les puissances du ciel et de la terre avaient servi d'instrument pour leur bénédiction. L'Eternel lui-même avait été avec eux, de jour dans la colonne de nuée, et de nuit dans la colonne de feu; il leur avait donné le pain du ciel pour nourriture et de l'eau du Rocher qui suivait pour les abreuver. Le bruit de la présence du Seigneur de gloire au dessus du tabernacle et de l'arche de l'alliance, était parvenu jusqu'aux oreilles des Philistins, et ils avaient été forcés de voir la grande puissance qui se manifestait et qui accompagnait ce symbole de la présence divine. Il n'est donc pas étonnant que l'arche, cette source reconnue de force et de bénédiction pour les Israélites, ait attiré l'attention et le respect de ceux entre les mains desquels elle avait été livrée, et (leur première pensée étant l'élévation du moi, ce mobile gouvernant du monde) qu'ils aient mis la main sur ce qui, à leur point de vue, devait les élever. Ils placèrent donc l'arche dans la demeure de celui qui était l'objet de leur confiance, au premier rang après celui en qui ils s'imaginent que reposait leur force. Le Dieu d'Israël ayant montré sa puissance en protégeant et en gardant le peuple de son alliance, son secours ne pourrait-il pas être utile aussi à leur gloire à eux? Ils lui donnaient un trône dans le lieu de leur culte auprès de Dagon; mais Dagon restait le dieu de leur choix, celui à qui leurs coeurs étaient assujettis: et aussi longtemps que cette association pouvait exister, les Philistins consentaient à recevoir et à reconnaître le Dieu d'Israël. Du moment toutefois où Celui-ci fit valoir sa suprématie et revendiqua la juste autorité qui lui appartenait, leurs passions n'ayant plus leur libre cours, le dieu de ce monde fut préféré par eux. L'impuissance de leur idole «avait été cependant pleinement manifestée devant leurs yeux: la tête et les mains de Dagon gisaient par terre brisées, mais l'obstination des Philistins et leur propre volonté n'est furent que renforcées, en sorte qu'ils voulurent faire de l'instrument que Dieu avait choisi pour la destruction de l'idole l'objet d'une vénération plus grande, et que finalement, ils rejetèrent la source de toute vraie puissance et de toute bénédiction plutôt que de s'y soumettre. Ainsi il est bien manifeste que ceux qui se font des idoles leur sont semblables; ils se repaissent de cendres; leur coeurs abusés les font égarer; ils ne délivrent point leur âme ni ne disent: ce qui est dans ma main droite n'est-il pas une fausseté (Esaïe 44: 20)?

Maintenant, cher lecteur, poursuivons un peu les voies de Dieu envers son peuple, et voyons quelle est la nature de la bénédiction qu'il s'est plu à répandre sur ceux qui connaissent et qui craignent son saint nom. «Ichabod» est écrit sur la face d'Israël dispersé et dépouillé: l'arche de Dieu a été prise et la gloire a quitté le peuple (voyez Ezéchiel 10; 11). L'Eternel s'en est allé et est retourné en son lieu, jusqu'à ce qu'ils se reconnaissent coupables et qu'ils recherchent sa face (Osée 5: 15). L'esprit d'apostasie, qui se manifestait depuis longtemps et de diverses manières, a atteint son plein développement dans la crucifixion du Seigneur de gloire, et Israël est en dérision et en moquerie parmi tous les peuples; le royaume de Dieu lui a été ôté, et «la lumière de la connaissance de Dieu en la face de Jésus Christ» nous a été révélée, pour un temps, à nous, les gentils, afin de provoquer Israël à la jalousie (Romains 11: 11). La parole de notre bienheureux Seigneur au sujet d'Israël a reçu son accomplissement: le Seigneur de la vigne a fait périr misérablement ces méchants cultivateurs, et il a loué sa vigne à d'autres. Mais de quelle révélation infiniment plus glorieuse ce fait n'a-t-il pas été accompagné! et comment le Dieu Tout-Puissant, le Dieu d'amour, ne s'est-il pas fait connaître maintenant aux fils des hommes? L'oeil ne pouvait voir ces choses, l'oreille ne pouvait les entendre; elles ne pouvaient pas monter au coeur de l'homme, mais Dieu les avait préparées. Ce n'est pas ici de la relation de serviteur du Roi des rois qu'il est question, quelque haute et bénie qu'elle soit; ce n'est pas de la gloire du monde, même aux jours où la terre sera remplie de la justice comme les eaux couvrent le fond de la mer; non, mais de la gloire inexprimable de Jésus lui-même dans le ciel, de la position bienheureuse d'enfants, de cohéritiers avec Lui et de membres d'un même corps. Dieu a découvert les gloires de son propre royaume, et il annonce qu'elles sont la part de tous ceux qui croient: le libre don de son amour dans le Seigneur Jésus, qui a été navré pour nos forfaits et froissé pour nos iniquités. Il invite tous les hommes à venir librement, avec confiance, sans argent et sans aucun prix, à la croix de Jésus, pour voir et trouver là la pleine rémission de leurs péchés par le sang qui a été versé, et pour se réjouir désormais par l'Esprit d'adoption dans l'heureuse liberté des enfants de Dieu.

Mais comment celle miséricorde sans égale a-t-elle été accueillie? comment le Dieu de tout amour a-t-il été traité? Ayant devant elle une perspective illimitée de gloire et de bénédiction, qu'est-ce que l'église professante lui a rendu en gratitude et en amour? Le Dieu de toute grâce a-t-il eu dans son affection la place à laquelle il avait droit? Ceux qui ont dit «Seigneur, Seigneur», se sont-ils renoncés eux-mêmes et ont-ils pris leur croix chaque jour pour le suivre? Ou bien le Dagon de ce monde a-t-il été sous une forme ou une autre l'objet de leur recherche et de leur adoration? Se prévalant de la patience de Dieu, n'ont-ils pas poursuivi leurs plans d'agrandissement terrestre; et avec son nom sur les lèvres, n'ont-ils pas poursuivi les désirs de leurs coeurs? «La convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie», bien loin d'être crucifiés, sont entretenus et favorisés, et tous les jours on voit ceux-là même qui font une profession plus particulière de la vérité telle qu'elle est en Jésus, courir après le pouvoir, la gloire et l'amitié d'un monde qui est «inimitié contre Dieu», maintenant ardemment et de propos délibéré tous ces détails de la bourgeoisie de ce monde qui gît dans le mal et est sous la domination du Méchant, au lieu d'y réaliser et d'y manifester le caractère d'étrangers et de forains, qui montrent clairement que leur conversation est dans les cieux, d'où aussi ils attendent Jésus Christ comme Sauveur (Jean 17: 16; Hébreux 11; Philippiens 3; Jacques 4: 4; 1 Jean 2: 15-17). Que reste-t-il donc à faire au Dieu de toute vérité pour venger son saint nom, et maintenir sa propre gloire? Il l'a déjà solennellement déclaré, cher lecteur; il a annoncé ce que nous croyons qui est en train de s'accomplir, c'est-à-dire, que par un jugement et une destruction plus terribles, il jettera dehors les cultivateurs aux soins desquels la vigne a été maintenant confiée et qui ont méchamment fait servir ses richesses à la satisfaction de leurs convoitises et de leurs propres vues égoïstes. «Car si ceux-là n'ont pas échappé qui ont refusé Celui qui leur parlait en oracles sur la terre, combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de Celui qui parle ainsi des cieux; duquel la voix ébranla alors la terre; — mais maintenant il a promis, disant: Encore une fois je secouerai non seulement la terre, mais aussi le ciel» (Hébreux 12: 25, 26). Ils ont rejeté les messages répétés de son amour; et dans ces derniers jours, au lieu d'avancer vers le bien, comme quelques-uns dans leur ignorance l'espèrent peut-être encore follement, «il viendra des temps fâcheux», la consommation de leur péché se manifestant en ce qu'ils ont une forme de piété, en en reniant la puissance (2 Timothée 3). Ils n'ont donc plus à attendre que le jugement; et «comme ont été les jours de Noé, ainsi sera aussi la venue du Fils de l'homme». — «Car le Seigneur Jésus sera révélé du ciel avec les anges de sa puissance en flammes de feu, exerçant la vengeance contre ceux qui ne connaissent pas Dieu, et contre ceux qui n'obéissent pas à l'évangile de notre Seigneur Jésus Christ, lesquels seront punis d'une perdition éternelle de devant la présence du Seigneur et de devant la gloire de sa force» (2 Thessaloniciens 1: 7-10). Le Fils de l'homme ayant sur sa tête une couronne d'or et dans sa main une faucille tranchante, l'appliquera et moissonnera, quand la moisson de la terre sera mûre; et les grappes de la vigne de la terre seront vendangées et jetées dans la grande cuve de la colère de Dieu. Et la cuve sera foulée hors de la ville, et de la cuve sortira du rang jusqu'aux mors des chevaux (voyez Apocalypse 14).

A qui donc est-ce que je parle en ce moment? Ces lignes sont-elles entre les mains d'un homme qui s'est contenté jusqu'à présent de l'une ou l'autre des formes du christianisme, et dont le coeur et les affections sont encore engagés dans les choses de la terre? Ah! pensez-y bien! ce n'est pas là la position où doit se trouver celui qui fait profession de tout devoir à Christ. Dieu qui sonde les reins dit: «Mon fils, donne-moi ton coeur!». Etes-vous un enfant de Dieu? Croyez-vous que la rédemption a été accomplie par le sang de la croix? Où donc vos affections devraient-elles être placées, sinon sur les choses d'en haut, là où Christ est assis à la droite de Dieu? Qui a droit à toute l'adoration, à tout le dévouement de vos coeurs sinon Celui qui nous a lavés de nos péchés dans son sang et qui nous a fait rois et sacrificateurs pour Dieu son Père? Ne restez donc plus au nombre de ceux qui ont le bruit de vivre et qui sont morts. Le jugement va tomber sur la dispensation actuelle et qui touche à son terme; mais un résidu sera sauvé sur lequel un Père plein de grâce a fait reposer son amour et par lequel il manifestera sa louange. Eloignez-vous donc de toute forme de mal, de toute association avec l'apostasie croissante; séparez-vous, et ne touchez à aucune chose souillée (2 Corinthiens 6: 17, 18; 7: 1; 2 Timothée 2: 20-22; 3: 1-5; Apocalypse 18: 4-6). Le Seigneur veut que les siens soient comme des luminaires au milieu des ténèbres (Philippiens 2: 14-16), et qu'à cette fin, ils soient pour un temps dans le monde mais non pas du monde. Son Eglise devait être comme une ville située sur une montagne (Matthieu 5: 14-16), convainquant le monde de péché, de justice et de jugement, pleine de courage pour témoigner contre lui dans un esprit d'humilité et d'amour; — car ce n'est qu'ainsi que vous serez un vrai témoin de Celui à qui vous faites profession d'appartenir. «Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites!».

Est-ce que je parle au contraire à quelqu'un qui veut vivre par l'Esprit, marcher par l'Esprit, qui trouve son bonheur en Jésus et qui ne recherche pas la conformité avec le monde? Dans ce cas, cher frère ou chère soeur, où devrions-nous être trouvés, vous et moi, pendant que mûrit autour de nous l'apostasie à laquelle est réservée l'obscurité des ténèbres pour toujours? N'est-ce pas dans le pavillon de Dieu, dans le secret de son tabernacle, à l'ombre de ses ailes, cherchant là notre refuge jusqu'à ce que les calamités soient passées; possédant nos âmes par notre patience, demeurant en Jésus, afin que nous puissions avoir confiance et n'être pas confus à sa venue; et, dans l'esprit humble et obéissant de celui qui sait que par lui-même il n'est qu'ignorance et que faiblesse, mais qu'il peut toutes choses en Christ qui le fortifie, — étant «fermes et inébranlables, abondant toujours dans l'oeuvre du Seigneur, sachant que notre travail n'est pas vain dans le Seigneur» (1 Corinthiens 15: 58)?

«Bienheureux est l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, et qui ne s'arrête pas dans la voie des pécheurs, et qui ne s'assied pas au banc des moqueurs!…».