L'expiation, sa nature et sa portée

ME 1871 page 366

 

La doctrine de l'expiation est d'une très grande importance. D'une part, il y a des chrétiens professants qui l'expliquent de manière à l'anéantir, ou qui la nient pratiquement; tandis que d'autre part, on prétend que l'expiation est tellement pleine, complète et efficace, qu'un jour tous les hommes seraient sauvés. Cela étant, il est d'autant plus nécessaire que le chrétien se rende bien compte, d'après les Ecritures, de ce qu'est l'expiation, et aussi de ce qu'elle n'est pas.

L'expiation est une doctrine fondamentale. Celui qui la nie, rejette ce qui est essentiel à l'Evangile. Il vaut donc la peine que nous nous rendions clairement compte de ce qu'est l'expiation, non seulement pour l'assurance de nos propres âmes, mais aussi pour pouvoir venir en aide à d'autres. Il est également nécessaire que nous soyons au clair sur ce que l'expiation n'est pas, parce que l'Ecriture nous révélant expressément que tous les hommes ne seront pas sauvés, il en résulte, que si l'expiation avait été faite également et complètement pour tous, elle se trouverait inefficace pour un grand nombre de personnes, et on pourrait se demander si et comment elle le sera pour d'autres et surtout pour nous-mêmes?

Examinons donc les Ecritures avec un désir ardent d'être enseignés, et en nous attendant au Saint Esprit pour qu'il nous instruise et que nous soyons bénis.

Il paraîtra singulier à plusieurs que le mot expiation ne se rencontre qu'une fois dans nos versions usuelles du Nouveau Testament, mais il en est de même pour le mot Trinité. Ce terme ne se trouve pas dans les Ecritures, qui cependant enseignent la doctrine de la Trinité aussi explicitement que possible.

En revanche, le terme «d'expiation» ou de «propitiation» se rencontre fréquemment dans l'Ancien Testament, et il peut être utile d'en chercher d'abord la signification dans cette partie de l'Ecriture sainte.

Le mot hébreu que nos versions traduisent soit par expiation soit par propitiation ou quelque autre équivalent, est kahphar. Il se présente pour la première fois dans le chapitre 6, verset 14 de la Genèse, à propos de l'arche: «Tu la calfeutreras de bitume par dedans et par dehors», ou: «tu la couvriras de bitume». Nous voyons ici que la signification littérale du mot est «couvrir», ce qui nous fera comprendre comment il est appliqué aux sacrifices, etc. Un passage, toutefois, jette plus de lumière sur la doctrine en question. Le voici: «Car l'âme de la chair est dans le sang: c'est pourquoi je vous ai ordonné qu'il soit mis sur l'autel, afin de faire propitiation (ou expiation) pour vos âmes; car c'est le sang qui fera propitiation pour l'âme» (Lévitique 17: 11).

Nous inférons de ceci que:

  1.  C'est le sang qui fait propitiation ou expiation.
  2.  Mais la vie est dans le sang; par conséquent: il faut que la vie soit donnée pour la vie.
  3.  Il y a donc là la substitution: un autre meurt; son sang fait expiation pour les péchés de celui qui offre le sacrifice, et ce dernier est libéré.

Le Lévitique, tout entier, nous montre que le sacrifice devait «faire la propitiation» pour l'homme coupable qui l'offrait. Naturellement, les sacrifices de l'Ancien Testament n'étaient que les types du seul grand sacrifice de l'Agneau de Dieu, comme nous l'apprend l'épître aux Hébreux.

Mais dans la déclaration ci-dessus, où est-ce que la pensée de «couvrir» se présente? Qu'est-ce qui est «couvert?».

Voyez, par exemple, à la première Pâque; Dieu avait ordonné que le sang fût mis «sur les deux poteaux et sur le linteau» de la porte des maisons… «Et je verrai le sang et je passerai par dessus vous, et il n'y aura pas de plaie à destruction parmi vous, quand je frapperai le pays d'Egypte» (Exode 12: 7, 13). Il est évident qu'ici, les Israélites étaient «couverts» par le sang et garantis ainsi de l'atteinte de l'ange destructeur.

Le même moi hébreu qui nous occupe (mais un substantif au lieu du verbe) est employé dans le sens de «rançon» ou de «satisfaction», lorsqu'on couvrait ou fournissait le prix exigé, ou que l'on payait l'amende. Ainsi quand un boeuf blessait un homme en sorte que la mort s'ensuivait, l'animal devait être tué, à moins que le propriétaire ne payât «le prix» qui lui était imposé (Exode 21: 30). Pour le meurtrier, il n'y avait pas de satisfaction: il devait être mis à mort (Nombres 35: 81). Le même mot encore dont nous parlons, se retrouve dans ce beau passage: «Garantis-le, afin qu'il ne descende pas dans la fosse, j'ai trouvé la propitiation» (Job 33: 24); et puis comme verbe, dans trois autres passages, où il est employé pour exprimer le pardon. «O Eternel, sois propice à ton peuple Israël». «Il fera expiation de sa terre» (Deutéronome 21: 8; 32: 43). «L'Eternel qui est bon, tienne pour faite la propitiation» (2 Chroniques 30: 18). Il est employé également comme verbe, quand il est parlé de la «colère qui est sortie de devant l'Eternel». «Aaron prit l'encensoir et y mit du feu de dessus l'autel, et y mit aussi du parfum, et il courut au milieu de l'assemblée, et se tint entre les morts et les vivants, et fit propitiation pour eux» (Nombres 16: 46-48). Et encore, dans ces deux passages: «Après que j'aurai été apaisé envers toi» (Ezéchiel 16: 63), et encore quand Jacob parle d'Esaü «J'apaiserai sa colère par ce présent» (Genèse 32: 20).

Le même mot, comme verbe, est employé aussi pour laver ou purifier: «Délivre-nous et pardonne-nous nos péchés» (Psaumes 79: 9). «Tu feras l'expiation de nos transgressions» (Psaumes 65: 3). — Et comme substantif féminin, il sert pour désigner le couvercle de l'arche, et est partout traduit par «propitiatoire».

Telles sont les principales acceptions du mot kahphar dans l'Ancien Testament: elles jettent certainement beaucoup de lumière sur la doctrine de l'expiation. Au premier abord, il peut sembler étrange que pour faire connaître et pour démontrer l'expiation par des exemples, Dieu ait choisi un mot dont la racine signifie «couvrir»; mais notre étonnement se dissipera, si nous nous souvenons qu'un péché ne peut jamais être rendu non avenu. Quand je commets un péché, il sera toujours vrai qu'à tel jour de tel mois de telle année j'aurai commis ce péché. Sans doute il peut être également vrai que la peine que mérite ce péché portée par Christ, ait été couverte pour toujours, et que Dieu cesse de se le rappeler; que la souillure qu'il m'a apportée soit lavée et que ma conscience en soit parfaitement purifiée; néanmoins pensée solennelle! — ce péché ne peut jamais devenir non avenu. «Bienheureux est celui… dont le péché est couvert» (Psaumes 32: 4; Romains 4: 7).

Ne pourrions-nous pas, d'après ce qui précède, définir en peu de mots, l'expiation de la manière suivante: la vie est donnée et acceptée comme satisfaction pour «la vie» perdue? — en ajoutant que la doctrine de l'expiation, envisagée dans toute sa portée, embrasse davantage encore (comme nous l'ont montré les différentes applications du mot hébreu ), savoir le plan de Dieu sauvant l'homme par le sacrifice de Christ? — Nous en parlons pour le moment d'une manière abstraite, nous réservant d'examiner plus loin à qui l'expiation est applicable et à qui elle est effectivement appliquée.

Quelques passages du Nouveau Testament montreront que la doctrine dont nous parlons y est enseignée également; seulement ce n'est plus dans des types et des ombres, mais dans le grand et seul Antitype, qui est le Seigneur Jésus Christ.

«Sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission» (Hébreux 9: 22).

«Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est répandu pour plusieurs en rémission des péchés» (Matthieu 26: 28). «Ayant fait la paix par le sang de la croix» (Colossiens 1: 20). «Le Fils de l'homme est venu pour donner sa vie en rançon pour plusieurs» (Matthieu 20: 28). «Le sang de Jésus Christ son Fils nous purifie de tout péché» (1 Jean 1: 7). «Tu nous as achetés pour Dieu par ton sang» (Apocalypse 5: 9). «Voilà l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde» (Jean 1: 29). «Notre pâque, Christ, a été crucifié pour nous» (1 Corinthiens 5: 7), sans parler de bien d'autres passages que le lecteur se rappellera.

Avant de passer à une autre partie de notre sujet, il peut être utile de jeter un coup d'oeil sur les termes dont l'Ecriture se sert en rapport avec le sujet qui nous occupe.

1°  L'acceptation. Une offrande «sera sans tare pour être agréée» (Lévitique 22: 21). Celui qui offre «posera sa main sur la tête de l'holocauste, et il sera agréé pour lui, afin de faire propitiation pour lui» (Lévitique 1: 4). «Celui qui me trouve (la sagesse) trouve la vie, et il attire la faveur (ou l'acceptation) de l'Eternel» (Proverbes 8: 53). Christ était agréable comme «un agneau sans défaut et sans tache» (1 Pierre 1: 19). Dieu «nous a rendus agréables dans le Bien-aimé» (Ephésiens 1: 6). Christ, comme le sacrifice parfait, a été accepté; et l'homme, qui en Adam avait été chassé de la présence de Dieu (Genèse 3: 24), peut être maintenant amené à Dieu et être accepté, être rendu agréable en Christ.

2°  La rémission. C'est l'acte de relâcher, de mettre en liberté, et par conséquent, lorsqu'il s'agit de l'homme, c'est le pardon, qui produit la délivrance. La rémission ou la libération s'applique à des personnes, comme on le voit au chapitre 4 de Luc, verset 18: «Pour publier aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour mettre en liberté ceux qui sont foulés». «Quiconque blasphémera contre l'Esprit saint, n'aura jamais de pardon» (Marc 3: 29). — Elle s'applique aussi a des péchés, qui sont la cause de la captivité et de la sentence de mort: Christ a dit: «Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est répandu pour plusieurs en rémission des péchés» (Matthieu 26: 25). «Quiconque croit en Lui, reçoit la rémission des péchés» (Actes des Apôtres 10: 43). «En qui nous avons la rémission des péchés» (Colossiens 1: 14). La rémission est donc la délivrance de la sentence de mort, pour ceux qui croient; et aussi elle devient le pardon des péchés qui faisaient tomber sur eux la condamnation.

3°  La rédemption ou le rachat. Dieu a racheté Israël de Egypte (Exode 6: 6; 15: 13); et il le rachètera de nouveau d'entre les nations; c'est pourquoi, dans le livre d'Esaïe, Jéhovah est souvent appelé le Rédempteur d'Israël. Nous qui croyons, nous avons en Christ «la rédemption par son sang» (Ephésiens 1: 7), «nous avons obtenu une rédemption éternelle» (Hébreux 9: 12). Nous soupirons en nous-mêmes, dit l'apôtre, et nous attendons «l'adoption, la délivrance (ou rédemption) de notre corps» (Romains 8: 25). C'est une réelle délivrance d'une condition d'esclavage avec l'introduction dans un état de liberté et de bénédiction. Le croyant a la rédemption, maintenant, toutefois non pas quant à son corps, car cette rédemption-là, bien que certaine, est encore à venir.

Il faut remarquer cependant qu'il y a dans la rédemption deux parties distinctes, que nous rendrons peut-être intelligibles de la manière suivante. Supposez qu'un homme par ses crimes, dignes de mort, soit tombé sous le pouvoir d'un tyran cruel. Il faudra, pour que cet homme soit pleinement libéré, d'abord que la loi ait reçu satisfaction et que la sentence prononcée ait reçu son exécution sur quelqu'un qui meure comme substitut du coupable; et puis, la position vis-à-vis du juge étant ainsi réglée, il faudra que quelqu'un rachète l'homme de son esclavage et l'arrache d'entre les mains de son maître. La première délivrance pourrait être appelée la rédemption par le sang; la seconde, la rédemption par puissance.

La rédemption d'Israël hors d'Egypte nous présente l'un et l'autre de ces deux aspects de la rédemption. Il fallait pour garantir le peuple contre l'ange destructeur, que l'agneau fût immolé, et que le sang fût mis sur les linteaux des portes; et pour que les Israélites fussent délivrés, il fallait que les Egyptiens fussent vaincus. Quant à la première partie, on peut dire: «Dieu se pourvoira lui-même de bête pour l'holocauste»; et: «C'est le sang qui fera propitiation pour l'âme» — c'est la rédemption, par le sang, de la colère de Dieu contre le péché. Dans la seconde partie, la puissance et la force sont attribuées au Rédempteur: «L'Eternel est un vaillant guerrier… Ta droite, ô Eternel, s'est montrée magnifique en force; ta droite, ô Eternel, a froissé l'ennemi» (Esaïe 15: 5, 6). «Quant à notre Rédempteur, son nom est l'Eternel des armées» (Esaïe 47: 4).

Or, la mort de Christ a ce double aspect dont nous parlons. L'homme est l'esclave de Satan, et Christ rachète hors de ses mains ceux qui sont sauvés, non pas en payant une rançon à Satan, mais en triomphant de lui. Dieu dit à Satan: «Elle (la semence de la femme, Christ) te brisera la tête». Mais en le faisant, Christ fut meurtri (Esaïe 53: 5), comme Dieu le dit également à Satan: «Tu lui briseras le talon» (Genèse 3: 15). L'apôtre déclare expressément que Christ mourut: «afin que, par la mort, il rendît impuissant celui qui avait la puissance de la mort, c'est-à-dire, le diable; et qu'il délivrât tous ceux qui, par la crainte de la mort, étaient assujettis toute leur vie à la servitude» (Hébreux 2: 14, 15); et d'autre part nous lisons: «Vous avez été rachetés… non par des choses corruptibles argent ou or, mais par le précieux sang de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache» (1 Pierre 1: 18, 19). L'un de ces rachats est accompli par Christ comme agneau qui a été immolé, l'autre par puissance, par Christ vainqueur; tous deux se rencontrent dans sa mort; tous deux ont pour effet la délivrance.

Telle est la rédemption; et nous disons: «Christ a opéré la rédemption sur la croix», dans ce sens, que par sa mort il a accompli ce qui procure la délivrance.

La pleine rédemption, dans le cas d'Israël, délivrait Israël non seulement de l'ange destructeur et de l'oppression des Egyptiens, mais elle sortait le peuple de Dieu complètement d'Egypte et le plaçait dans le pays de Canaan. Il en est de même pour le croyant maintenant: la rédemption non seulement le retire de dessous la colère de Dieu et la domination de Satan, mais elle le sort entièrement de son ancienne position en Adam, et lui donne une position en Christ, faisant de lui «un homme en Christ».

4°  L'expiation, dans son sens restreint: «Et il ne se fera pas d'expiation pour le pays, du sang qui y a été répandu, que par le sang de celui qui l'aura répandu». C'est toujours le même mot que nous avons déjà examiné (kahphar), et qui est souvent rendu par «propitiation faite» ou «purification faite». Ainsi nous disons que la mort de Christ a été un sacrifice expiatoire, c'est-à-dire, que Christ est mort pour d'autres comme substitut pour faire l'expiation de leurs péchés.

5°  La réconciliation est l'opposé de la haine et de l'inimitié: «Que la femme ne soit pas séparée de son mari; et si elle est séparée, qu'elle demeure sans être mariée, ou qu'elle se réconcilie avec son mari» (1 Corinthiens 7: 10). «Et vous qui étiez autrefois étrangers et ennemis quant à votre entendement, dans les mauvaises oeuvres, il vous a maintenant réconciliés» (Colossiens 1: 21). «Etant ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils» (Romains 5: 10). Nous qui croyons, nous ne sommes pas sauvés de la perdition pour être abandonnés à des pensées de haine contre Dieu: non; l'inimité est entièrement chassée de nos coeurs, nous sommes parfaitement réconciliés avec Dieu, et nous l'aimons; l'amour de Dieu a fait la paix à l'égard de ce que nous étions et nous assure à l'égard de notre avenir, nous rendant heureux dans le temps actuel.

Notez bien que l'inimitié est toute entière de la part de l'homme, nullement de la part de Dieu. Nous ne lisons pas dans la Parole que Dieu soit réconcilié avec l'homme; c'est l'homme qui est réconcilié avec Dieu. Dieu a aimé le monde; Dieu a tant aimé le monde qu'il a envoyé son Fils unique pour mourir, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle, ce qui est tout l'opposé d'avoir de l'inimitié contre l'homme: «Dieu s'irrite tous les jours contre les méchants». Il est aussi parlé de son «courroux», de son «indignation», de sa «colère», mais ce n'est pas là de l'inimitié. L'inimitié est de la malveillance et de la haine envers un autre. Nous en voyons un exemple chez Saül à l'égard de David. Saül cherchait la vie de David, et il dit: «Qui est-ce qui, ayant son ennemi, le laisserait aller sans lui faire de mal» (2 Samuel 24: 20)? Mais David avait laissé Saül s'en aller en paix. L'inimitié était toute du côté de Saül, et non du côté de David. De même il n'y a pas d'inimitié du côté de Dieu pour l'homme. «Dieu est amour»; et «en ceci a été manifesté l'amour de Dieu pour nous, c'est que Dieu a envoyé son Fils unique au monde, afin que nous vivions par lui» (1 Jean 4: 8, 9). Dieu a donné son Fils pour être le Sauveur du monde (Jean 4: 42). Sa patience est salut; il ne veut pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance; mais Jésus peut dire: «Ils m'ont rendu le mal pour le bien, et la haine pour l'amour que je leur portais» (Psaumes 109: 5). «La pensée de la chair est inimitié contre Dieu». La réconciliation, par conséquent, c'est l'homme réconcilié avec Dieu.

6°  La propitiation. La propitiation se rapproche de «l'expiation» dont elle est en quelque sorte un autre aspect; il n'en est fait mention que deux fois dans le Nouveau Testament. «Il est la propitiation pour nos péchés; et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour le monde entier» (1 Jean 2: 2). Dieu a «envoyé son Fils pour être la propitiation pour nos péchés» (1 Jean 4: 10). Un mot analogue, qui a la même racine en grec et que nous trouvons en Romains 3: 25 et Hébreux 9: 5, est employé par les Septante dans l'Ancien Testament, pour désigner le «propitiatoire» ou couvercle de l'Arche. «Lequel Dieu a présenté pour propitiatoire par la foi en son sang»; et «Faisant ombre sur le propitiatoire». Le mot grec rendu, Hébreux 2: 17 et qui se retrouve dans Luc 18: «Faire propitiation pour les péchés du peuple», est encore de la même famille.

Etre une propitiation, c'est être le moyen par lequel Dieu est mis à même d'être favorable à quelqu'un. Nous disons faire la propitiation, dans le sens de satisfaire aux exigences de Dieu, et de manière à ce qu'il soit à même d'être favorable à quelqu'un. Dans les deux passages de la première épître de Jean que nous avons cités, Christ est la propitiation «pour les péchés», c'est-à-dire que Christ est le moyen par lequel Dieu peut se montrer favorable et miséricordieux à notre égard en ce qui concerne nos péchés.

7°  La Rançon. «Qui s'est donné lui-même en rançon pour tous» (1 Timothée 2: 6). «Pour donner sa vie en rançon pour plusieurs» (Matthieu 20: 28; Marc 10: 45). C'est un mot de la même famille que celui de «rédemption», et qui se rapporte au prix que l'on paie pour racheter un captif, tout comme celui de rédemption signifie une délivrance réelle de la captivité. Satan tenait en esclavage l'homme déchu. Christ a annulé sa puissance; toutefois, en accomplissant cet acte il laisse sa vie; et ainsi la vie de Christ est le prix qui a été payé, selon qu'il est écrit que le Fils de l'homme est venu: «pour donner sa vie en rançon pour plusieurs»; «en rançon pour tous» (1 Timothée 2: 6).

Tous ne sont pas rachetés (car «être racheté» est quelque chose de plus que le simple fait du paiement de la rançon), parce que l'homme préfère l'esclavage de Satan à la liberté de Dieu. Satan tient donc encore l'homme en esclavage; et, moralement pour ce qui concerne la masse des hommes, il n'y a aucune différence maintenant d'avec le temps où Satan n'était pas vaincu et rendu impuissant, car il demeure vrai que «vous êtes les esclaves de celui à qui vous obéissez». Les hommes obéissent à Satan: par conséquent ils sont ses esclaves. Mais si, par la grâce de Dieu, quelques-uns se tournent vers Christ, Satan ne peut pas les en empêcher: son pouvoir est annulé. Le jugement seulement n'est pas encore exécuté à son égard; mais «le Dieu de paix brisera bientôt Satan sous vos pieds» (Romains 16: 20). Christ a vaincu Satan, et il a pu dire: «Maintenant le prince de ce monde est jeté dehors» (Jean 12: 31).

C'est ainsi que Christ a donné sa vie; — il s'est donné Lui-même, en rançon pour tous.


En résumé: les diverses applications du mot hébreu kahphar, dans l'Ancien Testament, et les différents termes que nous venons d'examiner dans le Nouveau Testament, nous amènent à cette conclusion que l'expiation dans un sens général, comme doctrine, renferme la rançon et la rédemption, l'expiation dans son sens restreint, la propitiation, l'acceptation, la rémission et la réconciliation. Elle est le plan de Dieu pour sauver l'homme par le sacrifice de Christ, et pour la réconciliation de toutes choses.

Il nous reste maintenant à considérer ce qui, dans ce «plan» s'étend à l'humanité tout entière, et dans quelle mesure il est restreint à ceux qui croient.

La portée de l'expiation, a divisé l'Eglise de Dieu en deux grands partis, le Calvinisme, qui maintient «la rédemption particulière», et l'Arminianisme, qui combat en faveur de «la rédemption universelle», chacun des deux partis ayant sur ce point son système de doctrine; toutefois, ni l'un ni l'autre ne sont dans le vrai quand on les place en face de la Parole. Le Calviniste, par exemple, prétend que par «le monde», on doit entendre «le monde élu»; tandis que l'Arminien soutient que, le remède ayant été «donné pour tous», il appartient à l'homme de s'en servir ou de le rejeter; et qu'il y a encore assez de bien dans l'homme pour qu'il puisse de lui-même se tourner vers Dieu et recevoir l'Evangile.

La confusion qui règne dans l'esprit des chrétiens provient, sans doute, en grande partie de ce que, considérant la mort de Christ sous un seul aspect, ils s'efforcent ensuite de trouver la réponse à cette question: «Est-ce que Christ est mort pour tous les hommes ou seulement pour une partie d'entre eux?». Or, nous avons déjà vu que la mort de Christ a des aspects variés; et ne peut-il pas être vrai que, selon quelques-uns de ces aspects, Christ est mort pour tous les hommes, et que selon certains autres, il n'est pas mort pour tous les hommes?

Mais poursuivons notre étude du plan du salut, si cette expression nous est permise.

A cause dit péché, l'homme fut chassé de la présence de Dieu (Genèse 3: 24); or, Dieu a les yeux trop purs pour voir le mal, et il ne saurait prendre plaisir à regarder l'iniquité (Habakuk 1: 13): comment donc Dieu et le pécheur peuvent-ils se rencontrer?

En premier lieu, il faut que le caractère de Dieu soit maintenu vis-à-vis de la rébellion de l'homme. — Quand une ville s'est soulevée contre l'obéissance qu'elle devait à son souverain légitime, il y va de la vie pour les citoyens de cette ville; le roi arrive avec une grosse armée pour détruire la ville; mais il est miséricordieux; et, plutôt que de mettre à mort tous les habitants, il exige que douze d'entre les chefs de la rébellion lui soient livrés en reconnaissance de sa souveraineté. Ces hommes sont livrés entre ses mains et mis à mort. Le caractère du roi est revendiqué et maintenu ainsi; la paix est déclarée et le roi fait son entrée dans la ville, en faisant grâce à qui il veut; mais il jugera et punira aussi qui il veut, d'entre ceux qui sont encore rebelles, et qui ont enfreint individuellement les lois générales de la ville.

Ainsi pareillement, Christ revendique le caractère et les droits de Dieu, en face de la rébellion de l'homme en général. «Toute la plénitude s'est plue à habiter en Lui et à réconcilier, par lui, toutes choses avec lui-même, ayant fait la paix par le sang de sa croix» (Colossiens 1: 19, 20). Le chemin est ouvert désormais, et le fondement sur lequel Dieu et l'homme doivent se rencontrer, est posé. Mais où peuvent-ils se rencontrer?

Le premier exemple qui nous soit donné à cet égard, est celui d'Abel. Caïn avait apporté du fruit d'une terre maudite, et Dieu ne pouvait avoir égard à son offrande. Mais Abel offrit un sacrifice sanglant; il reconnaît le péché et le jugement qui pèsent sur l'homme et il s'approche avec du sang; une vie donnée pour la vie, et Dieu pouvait avoir égard à cela. Dieu peut rencontrer Abel dans le sacrifice, et lui donner une assurance au sujet de ses péchés (Hébreux 11: 4). Il en fut de même de Noé, qui en sortant de l'arche, bâtit un autel à l'Eternel: «Et il offrit des holocaustes sur l'autel, et l'Eternel flaira une odeur d'apaisement; — et Dieu bénit Noé et ses fils» (Genèse 8: 20; 9: 1).

La dispersion de Babel arriva bientôt après; et sans doute chaque peuplade emporta avec elle la connaissance du fait que c'était par un sacrifice qu'il fallait s'approcher de Dieu, car on retrouve chez tous les peuples de la terre l'idée d'un sacrifice. La connaissance première s'est corrompue, sans doute, de bien des manières; les sacrifices ont été offerts à «d'autres dieux», et ont dégénéré en sacrifices humains, car Satan devait chercher à éloigner l'homme de toute idée de s'approcher de Dieu, et en induisit quelques-uns à adorer son image à lui, sous la forme du serpent.

Mais lorsque Dieu se choisit un peuple pour Lui-même, il exposa plus pleinement toute sa pensée: le lieu de rencontre entre Lui et l'homme fut placé à la porte du tabernacle: «Ce sera l'holocauste continuel en vos âges, à l'entrée du tabernacle d'assignation devant l'Eternel, où je me trouverai avec vous pour te parler. Je me trouverai là pour les enfants d'Israël» (Exode 29: 42, 43).

Dans le Nouveau Testament, ce lieu de rencontre, c'est Christ comme médiateur. Un médiateur est quelqu'un, qui peut se placer entre deux personnes, qui ne peuvent pas autrement s'approcher l'une de l'autre, mais qui peuvent se rencontrer dans le médiateur: Il y a «un seul médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme Christ Jésus» (1 Timothée 2: 5). Il s'agit ici des hommes en général. Il y a donc un lieu où le pécheur peut se présenter pour parler à Dieu au sujet de ses péchés.

Mais afin de pouvoir être ce Médiateur, Christ dût devenir homme, s'abaisser Lui-même et mourir A la porte du tabernacle où Dieu rencontrait les enfants d'Israël, il devait y avoir un «holocauste continuel». C'est dans l'odeur de bonne senteur de Christ, comme sacrifice, que Dieu peut rencontrer le pécheur au sujet de ses péchés.

Considérons maintenant sous quel caractère Dieu rencontre le pécheur en Christ.

Le propitiatoire nous le dit: «Et tu poseras le propitiatoire au-dessus de l'arche, et tu mettras dans l'arche le témoignage que je te donnerai. Et je me trouverai là avec toi, et je te dirai de dessus le propitiatoire… toutes les choses, etc.» (Exode 25: 21, 22).

Lors de la naissance de Christ, les armées célestes chantèrent: «Gloire à Dieu dans les lieux très-hauts, et sur la terre paix et bon plaisir dans les hommes» (Luc 11, 14); et l'apôtre peut dire: «La grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes» (Tite 2: 11), nous apprenant que Dieu rencontre le pécheur en grâce, en miséricorde, en bon plaisir, — en Christ. Pour cela, il a fallu la mort de Christ. Le propitiatoire devait être aspergé de sang» (Lévitique 16: 14, 15).

Ainsi, Dieu n'a pas seulement fourni un lieu où il peut rencontrer le pécheur en grâce, mais son désir est que tous y viennent vers lui. «Christ est la propitiation pour nos péchés, et non pas seulement pour les nôtres, mais aussi pour le monde entier» (1 Jean 2: 9; 4: 10). «Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, ne leur imputant point leurs offenses, et mettant en nous la parole de la réconciliation…». Sur le fondement du sacrifice offert, ceux qui sont ambassadeurs pour Christ supplient pour Christ, «réconciliez-vous avec Dieu» (2 Corinthiens 5: 19, 20). Dieu «veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité… Car il y a un seul Dieu et médiateur… l'homme le Christ, qui s'est donné en rançon pour tous» (1 Timothée 2: 4-6).

Ce dernier passage nous montre quel est le désir de Dieu, non pas sa volonté dans le sens de décret. Quand il s'agit de ses décrets, Dieu dit: «Mon conseil tiendra, et je mettrai en exécution tout mon bon plaisir» (Esaïe 46: 10); tandis que pour ce qui est de son désir, Dieu a toujours rencontré chez l'homme le dédain et le refus: «Que de fois ai-je voulu, moi, rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu» (Matthieu 23: 37)!

Ainsi donc, dans ce sens et dans ces limites-là, la mort de Christ a été pour tous les hommes; il a revendiqué le caractère de Dieu en face du péché; il est un médiateur pour tous; un propitiatoire pour tous; une propitiation pour tous (c'est-à-dire ce par quoi Dieu peut se montrer favorable envers tous); il est le moyen de la réconciliation pour tous; il s'est donné en rançon pour tous; de sorte que, sous ces divers aspects, nous pouvons dire: «Christ est mort pour tous», «Christ a répandu son sang pour tous, etc.»; et ainsi s'expliquent une foule de passages qui parlent de la mort de Christ au point de vue universel.

Remarquez, de plus, que la question des «péchés» n'est pas introduite ici. C'est du pécheur lui-même qu'il s'agit, et c'est lui qui est invité à s'approcher du médiateur et à être réconcilié.

Mais quel a été le résultat de tout ceci? de tout ce que Christ a fait pour l'humanité? D'après le passage que nous avons cité de 2 Corinthiens 5: 19, 20, Dieu était en Christ réconciliant le monde avec lui-même; et ayant posé dans la mort une base sur laquelle le pécheur pouvait venir à Lui, il envoya son messager, suppliant les hommes d'être réconciliés avec Lui: son désir était qu'ils fussent sauvés. Or, depuis le commencement, l'homme a refusé d'écouter Dieu ou d'être réconcilié avec lui: il préfère l'esclavage du péché et de Satan. «Il n'y a personne qui ait de l'intelligence; il n'y a personne qui recherche Dieu» (Romains 3: 11). Même, quant à Israël, Dieu dit: «J'ai crié, et il n'y a eu personne qui répondit; j'ai parlé, et ils n'ont point écouté» (Esaïe 66: 4). C'est ce que nous dit encore la parabole du grand souper (Luc 14: 18); tous les invités unanimement s'excusent. Dieu dit aux méchants: «Ils sont comme l'aspic sourd qui bouche son oreille, qui n'écoute pas la voix des enchanteurs, la voix du charmeur, fort expert en charmes» (Psaumes 8: 4, 5). Christ «vint chez soi et les siens ne l'ont pas reçu»; et il dut dire aux Juifs: «Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie» (Jean 1, 11; 5: 40).

Mais Dieu avait prévu tout cela et il y a pourvu par l'élection, c'est-à-dire en faisant dans sa souveraineté choix de quelques-uns pour la vie éternelle, et en les amenant à croire en Christ. «Et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle, crurent» (Actes des Apôtres 13: 48). «Et ceux qu'il a préconnus, il les a aussi prédestinés… Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés» (Romains 8: 29, 30). «Il nous a élus en lui avant la fondation du monde» (Ephésiens 1: 4). «Et ils seront tous enseignés de Dieu. Quiconque a entendu le Père et a appris de lui, vient à moi» (Jean 6: 45). L'élection, par conséquent, au lieu d'être une pierre d'achoppement pour le chrétien, doit produire en lui la plus chaleureuse gratitude. Sans elle, personne n'accepterait l'évangile, de nos jours aussi.

Mon lecteur croirait-il, peut-être, que la sentence prononcée par Dieu sur tous les hommes sans exception, comme nous l'avons vu dans les passages cités plus haut, ne s'applique pas à lui? Il connaîtrait bien peu son propre coeur. Le Seigneur a positivement déclaré que l'homme ne peut pas venir à Jésus, à moins que le Père qui l'a envoyé, ne le tire (Jean 6: 44). Et alors! quelle grâce, que Dieu en choisisse quelques-uns pour la vie éternelle! Quelle grâce, puis-je le dire, qu'Il nous ait choisis, vous et moi?

L'évangile, néanmoins, doit être annoncé; il doit être prêché à toute la création dans le monde entier (Marc 16: 15; comparez Colossiens 1: 23). On doit dire aux hommes que «Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle» (Jean 3: 16); on doit leur dire hautement, que Christ est mort et qu'il est ressuscité, et qu'il est maintenant dans la gloire; enfin, comme nous l'avons déjà vu, on doit supplier les hommes d'être réconciliés avec Dieu. C'est ainsi que l'évangile devrait être prêché, à la fois subjectivement et objectivement, avec toute la diversité de développements qui se trouve dans l'Ecriture; — prêché librement et pleinement à tous, indépendamment de toute question d'élection.

L'évangéliste ne doit pas, non plus, se laisser décourager par la pensée de l'élection; bien au contraire. Quand il se trouve en face d'un auditoire, se confiera-t-il dans la puissance de son éloquence, de sa faculté de persuasion, de ses supplications, de ses avertissements, pour en amener quelques uns à la foi, — ou dans quelque chose qui serait en eux pour répondre à ses appels, ou plutôt ne regardera-t-il pas à la grâce de Dieu et ne se confiera-t-il pas dans le fait que plusieurs sont prédestinés à la vie éternelle; qu'ils seront tirés par Dieu et certainement sauvés? Qu'il se souvienne que, comme nous l'avons vu, sans l'élection, sans une intervention souveraine de Dieu, aucun de ses auditeurs n'accepterait l'évangile; or il ne sait pas combien d'entre eux feront partie de cette bienheureuse élection, mais Dieu veut se servir de ses serviteurs pour appeler et amener à lui ses élus. Qu'il ait donc confiance en Dieu, qui certainement amènera tous ses élus.

«Et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle, crurent».

Dans l'Ancien Testament déjà, nous voyons qu'il y avait un lien entre celui qui faisait l'offrande et la victime. «Si son offrande pour un holocauste est de gros bétail, il offrira un mâle sans tare; il l'offrira de son bon gré à l'entrée du tabernacle d'assignation, devant l'Eternel; et il posera sa main sur la tête de l'holocauste, et il sera agréé pour lui, afin de faire propitiation pour lui» (Lévitique 1: 3, 4). Dans l'offrande pour le péché, celui qui offrait «posera sa main sur la tête du veau» (Lévitique 4: 4); et au jour de l'expiation, «Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël et toutes leurs fautes, selon tous leurs péchés; et il les mettra sur la tête du bouc» (Lévitique 16: 21).

Il y a donc identification entre celui qui vient à Christ, et Christ comme sacrifice. «Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous-mêmes» (Jean 6: 53). Si je n'ai pas Christ comme sacrifice, par la foi en lui, je n'ai pas la vie. — «Qui croit au Fils, a la vie éternelle; et celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui» (Jean 3: 36). «Si vous ne croyez pas que c'est moi, vous mourrez dans vos péchés» (Jean 8: 24).

La substitution quant aux péchés ainsi introduite, le sacrifice était accepté en remplacement de la mort de celui qui faisait l'offrande; ainsi le sacrifice de Christ est accepté en lieu et place du croyant, portant la colère que méritaient ses péchés, et le croyant est pardonné!

Ce qui précède va beaucoup plus loin que ce que nous avions trouvé dans la série de passages que nous avons examinés plus haut, et qui parlaient de Christ comme médiateur, et même comme propitiation ou rançon (bien que toutes ces choses appartiennent également au croyant); car on ne peut pas dire que Christ a porté le châtiment, que méritent les péchés d'un homme inconverti qui meurt dans ses péchés: cet homme portera lui-même son châtiment. On ne peut pas dire davantage que Christ a satisfait à la justice quant aux péchés du monde; sinon, comment l'homme pourrait il être jugé, plus tard, à cause de ces mêmes péchés?

Or l'Ecriture ne parle pas de substitution relativement au monde; la substitution n'a de réalité et d'effet que pour le croyant. Ceci nous conduit à une autre série de passages, qui ne se rapportent qu'aux rachetés; ils sont caractérisés par les expressions: «nous», «notre», etc. En effet ils ont été écrits par un chrétien à des chrétiens: «Car Il a fait Celui qui n'a pas connu le péché, être péché pour nous» (2 Corinthiens 5: 21). «Lui-même a porté nos péchés» (1 Pierre 2: 24). «Christ ayant été offert une fois pour porter les péchés de plusieurs» (Hébreux 9: 28) «Le sang de Jésus Christ son Fils nous purifie de tout péché» (1 Jean 1: 7). «Ayant été maintenant justifiés par son sang nous avons la paix avec Dieu» (Romains 5: 9). «Tu nous as achetés, pour Dieu, par ton sang» (Apocalypse 5: 9). «Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, ayant été fait malédiction pour nous» (Galates 3: 13). «Notre pâque, Christ, a été sacrifiée pour nous» (1 Corinthiens 5: 7).

D'après ces passages et d'autres encore qui se présenteront au lecteur, il lui sera facile de voir que l'Ecriture considère la mort de Christ sous différents points de vue, dont quelques-uns restreignent le bénéfice de cette mort à ceux qui croient, bien que, sous d'autres aspects, la mort de Christ soit d'une application universelle. Dans ce dernier cas, elle est à l'adresse de tous, dans sa portée applicable envers tous, mais elle est appliquée ailleurs à ceux-là seulement qui croient. L'Ecriture fait la même distinction à l'égard de la justification: «Une justice de Dieu, par la foi en Jésus Christ, envers tous et sur tous ceux qui croient; car il n'y a pas de différence, car tous ont péché et n'atteignent pas à la gloire de Dieu» (Romains 3: 22, 23).

De même aussi pour la réconciliation. «Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même». Mais le monde n'a pas été réconcilié, car il refuse de recevoir Christ; en conséquence, la réconciliation est réellement la part de ceux-là seulement qui croient et qui peuvent dire: Dieu «nous a réconciliés avec lui-même par Jésus Christ» (2 Corinthiens 5: 18). Ainsi encore, Romains 5: 18, 19, nous lisons: «par une seule justice accomplie [les conséquences de cette justice furent] envers tous les hommes en justification de vie»; toutefois, quant à l'application efficace de l'acte, les sauvés seuls en ont la jouissance: «par l'obéissance d'un seul, plusieurs seront constitués justes». Enfin, nous l'avons déjà fait remarquer, Christ comme médiateur, comme propitiation, comme propitiatoire; il est «envers» tous. Tous sont invités à s'approcher, gratuitement, et la promesse est donnée qu'aucun de ceux qui viennent ainsi à lui ne sera mis dehors. Toutefois la bénédiction est «sur» ceux-là seulement qui croient. Celui qui est élu pour la vie éternelle participe par grâce au bénéfice plein et entier de l'oeuvre de Christ. La colère de Dieu, que méritaient ses péchés, a été portée par Christ, et lui, est pardonné; il est justifié de toutes choses; son inimitié contre Dieu est détruite et il est pleinement réconcilié avec Dieu.; il est né de nouveau, une nouvelle création; il est délivré du péché, du monde, de Satan; il est tiré de sa position dans le premier Adam et il est placé dans une position nouvelle en Christ; le Saint Esprit habite en lui, et il est assis dans les lieux célestes en Christ: il est passé de la mort à la vie!

Il convient que nous disions ici un mot «du péché» et des «péchés»; car il faut distinguer entre le péché comme racine et principe mauvais dans l'homme et les actes de péché, les péchés réellement commis par un homme. Supposons deux hommes irrégénérés, dont l'un est, extérieurement, d'une conduite irréprochable, comme Paul avant sa conversion, tandis que l'autre est notoirement un homme pervers. Tout le monde fera la différence entre les péchés de ces deux individus; et cependant le principe ou la racine du péché, sera le même en chacun d'eux; car tous deux descendent du premier Adam et sont également nés dans le péché et conçus dans l'iniquité.

Or, le croyant est délivré à la fois de la racine et du fruit. «Christ a porté nos péchés en son corps»: voilà pour le fruit. «Dieu ayant envoyé son Fils en ressemblance de chair de péché et pour le péché, a condamné le péché en la chair», voilà pour la racine. Le croyant n'a donc pas à chercher des excuses, puisque cette délivrance a été accomplie pour lui, par Dieu, afin que la justice de la loi fût accomplie en nous, «qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l'Esprit» (Romains 8: 4); bien que, hélas! nous bronchions tous!

Quelques-uns ont avancé que Christ avait fait bien davantage à ce point de vue et qu'il avait porté et aboli le péché, mais non pas les péchés du monde entier; ou, comme on s'exprime souvent: que Christ avait ôté le péché originel.

C'est pourquoi il importe d'examiner dans quel sens donc Christ est «l'Agneau qui ôte le péché» du monde.

Remarquez que le passage ne dit pas: «les péchés», mais «le péché du monde» et que dans 1 Jean 2: 2, il n'est pas dit qu'il soit la propitiation pour les péchés du monde entier; mais qu'il est la propitiation «pour le monde entier», car ces mots: «les péchés du», ont été ajoutés au texte de l'Ecriture par certains traducteurs.

Il ne s'agit donc pas des péchés du monde, ni de la racine du péché, assurément; car nous rencontrons cette racine chez tous les hommes, dès leur plus tendre enfance, lors même que cette enfance est entourée des influences les plus pieuses. Aussitôt que l'enfant commence à agir, il commence à pécher. Des circonstances délétères, sont là, sans doute, pour exciter et augmenter le fruit précoce; mais aucune circonstance n'a pu empêcher ce fruit corrompu de se produire. Nous ne sommes pas simplement les produits des circonstances; nous avons une tendance au mal; nous avons une nature mauvaise, que nous héritons de nos premiers parents. Christ n'a donc pas ôté la racine du péché pour l'homme en général; et il n'est pas dit non plus qu'il le fera jamais. Au premier chapitre des Colossiens, où il est parlé de la réconciliation de toutes choses, celles qui sont sous la terre, (là où est la place des méchants), ne sont pas comprises.

Quelle est donc, je le répète, la signification de cette parole: «Voilà l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde». Le mot traduit ici par monde est employé quelquefois dans l'Ecriture (et par les auteurs profanes également) pour désigner toute la structure du ciel et de la terre matériels, à cause de son ordre et de sa beauté admirables (voyez Matthieu 13: 35; 25: 34; Luc 11: 50, et dans le premier chapitre de Jean: «Le monde fut fait par lui». Nous lisons dans Colossiens 1: 20, que celui en qui toute la plénitude s'est plue à habiter, s'est plu aussi à réconcilier, par Christ, toutes choses avec lui-même, tant celles qui sont sur la terre, que celles qui sont dans les cieux; Hébreux 9: 23, nous dit que les choses célestes elles-mêmes devaient être purifiées par de meilleurs sacrifices que le sang des taureaux et des boucs; — la terre elle-même est profondément souillée par les péchés de bientôt six mille années; et «toute la création ensemble soupire et est en travail jusqu'à maintenant» (Romains 8: 22).

Mais l'Univers tout entier du ciel et de la terre, doit être délivré du péché. Le diable sera précipité hors du ciel (Apocalypse 12: 9) où il se présente maintenant comme l'accusateur des frères (Job 1; 2; Apocalypse 12: 10) et la terre aussi sera purifiée du péché, de l'oppression, de l'effusion du sang, de tout mal en un mot; car «le Fils de Dieu a été manifesté non pas seulement afin qu'il ôtât nos péchés, mais afin qu'il détruisît les oeuvres du diable» (1 Jean 2: 5, 8). Nous attendons «de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice habite» (2 Pierre 3: 13). Celle où nous vivons sera nettoyée par Christ, qui la rétablira dans la relation qu'elle avait avec Dieu avant que l'homme eût failli et que la terre fût maudite; et le fondement sur lequel ceci aura lieu, se trouve dans la mort de Christ.

Dieu avait placé Adam dans le jardin d'Eden et il l'y visitait et s'y entretenait avec lui; mais il fut obligé de l'en chasser, et plus tard, en dépit de sa longue patience, d'exterminer toute chair. Depuis ce moment jusqu'au déluge, Dieu abandonna en quelque sorte l'homme à lui-même, quoiqu'il ne se soit pas laissé sans témoignage. Après le déluge, Dieu bénit Noé et ses fils, qui formèrent le noyau de l'humanité actuelle, et constituèrent ce qu'on appelle «le monde». Depuis lors, toutefois, Dieu n'a pas parlé au monde comme tel, jusqu'au jour de l'incarnation de Christ. On pouvait naturellement discerner Dieu dans les oeuvres de la création, dans sa Providence, dans ses jugements. Ainsi que nous le savons, Dieu avait parlé à Israël et, par lui, indirectement, aux nations avoisinantes; Dieu avait aussi parlé par ses prophètes tantôt à l'un, tantôt à l'autre, comme par exemple à Ninive, à Nébucadnetsar, etc. Mais il ne nous est dit nulle part qu'il se soit adressé au monde comme tel, jusqu'à ce que les anges annoncèrent la naissance du Sauveur, Quand les anges annoncèrent cette naissance, les armées célestes dirent: «Gloire à Dieu dans les lieux très-hauts; sur la terre paix, bon plaisir dans les hommes». Le monde fut placé par là aussi sous une nouvelle responsabilité, comme il est écrit: «Dieu donc, avant passé par-dessus les temps de l'ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu'ils se repentent parce qu'il a établi un jour auquel il doit juger en justice le monde habitable par l'homme qu'il a destiné pour cela» (Actes des Apôtres 17: 30, 31).

En envoyant son Fils, Dieu est sorti des limites d'Israël, il a parlé et il parle au monde en général; c'est le jour de la miséricorde, bientôt ce sera le jour des jugements; de sorte que l'évangile n'est pas une chose indifférente pour celui qui l'entend, car c'est Dieu qui parle à l'homme et l'homme est responsable d'écouter et d'obéir. C'est pourquoi l'évangile est, soit une odeur de vie pour la vie, soit une odeur de mort pour la mort.

C'est aussi par Christ que Dieu accomplira la restauration de toutes choses, à l'exception toutefois de celles qui sont sous la terre — les méchants — comme nous le disent Colossiens 1: 20 et Ephésiens 1: 10; la terre tout entière étant nettoyée et délivrée du péché. C'est là, à ce qu'il nous semble, la signification de ce beau passage: «Voilà l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde». Notre péché — si nous croyons — y est compris naturellement, car nous formerons une partie de cet éternel état sans péché. Que toute la louange en revienne à la miséricorde infinie de Dieu.