Le caractère de famille et la religion de famille

 

Le caractère de famille et la religion de famille. 1

Le caractère de famille Genèse 11 – ME 1871 page 426. 1

La religion de famille Genèse 13 – ME 1871 page 441. 8

 

Le caractère de famille Genèse 11 – ME 1871 page 426

Il y eut, nous le savons, un jour de visitation pour la maison de Taré. Les descendants de Sem s'étaient profondément corrompus, et aux jours de Taré, le sixième ou septième homme après Sem, ils servaient de faux dieux; mais le Dieu de gloire apparut à Abraham, et, par son appel et la puissance de l'Esprit, sépara Abraham de cette corruption. Nous savons aussi que ce grand événement exerça une certaine influence religieuse dans la famille d'Abram; Taré son père, Saraï sa femme et Lot son neveu, se joignirent à lui, et ensemble ils sortirent de la Mésopotamie. Nachor cependant, un autre fils de Taré, ne subit pas cette influence: confortablement établi chez lui avec sa femme, il y demeura, lorsque Taré, Abram, Saraï et Lot quittèrent le pays de leurs pères.

Ces événements méritent toute notre attention, car ils se reproduisent encore de nos jours: Dieu se fait connaître à un membre d'une famille, et par lui une certaine religion, une certaine connaissance du Seigneur Jésus s'introduit dans la famille toute entière; quelques-uns demeurent en dehors de cette influence. Il va sans dire, que toute âme vivifiée doit avoir été individuellement l'objet de l'action secrète et efficace du Père et avoir été enseignée de Lui (voyez Jean 6: 44, 45); mais je parle ici de l'histoire ou du caractère manifesté d'une famille tout entière. Comme nous venons de le voir pour la famille d'Abraham, Nachor demeure insensible, au jour de la visitation: il continue d'habiter la Mésopotamie avec sa femme; ils y prospèrent; des enfants leur naissent, leurs biens et leurs possessions s'augmentent; ils font leur chemin dans le monde aisément et respectablement; mais ils ne croissent pas dans la connaissance de Dieu et ne rendent aucun témoignage à son nom, ou tout au moins un témoignage bien faible et peu clair.

Le caractère de la maison de Nachor est ainsi formé. La famille de ce parent d'Abraham n'est pas plongée dans les ténèbres grossières qui enveloppent le peuple de Canaan, ces descendants de Cham, au milieu desquels Abram était appelé maintenant à habiter; on trouve chez elle une certaine mesure de lumière, qu'elle doit à sa parenté avec Taré et Abram et à sa descendance de Sem; mais cette lumière est tristement voilée par l'attachement de la famille aux éléments du monde dont ils n'avaient pas voulu se séparer. Cette famille avait pris un caractère et une position qui la distinguaient. C'est là une chose très sérieuse et dont nous pouvons voir les principes se développer journellement au milieu de nous, et faire appel constamment à notre conscience.

Pendant un temps Nachor et les siens disparaissent entièrement: ils ne sont pas, comme on sait, les objets directs de l'attention de l'Esprit, mais étant alliés à Abram ils reviennent sur la scène plus tard; Abram reçoit de leurs nouvelles dans le pays lointain de son pèlerinage (chapitre 22).

Béthuel était le fils de Nachor, ou plutôt l'un de ses nombreux fils et celui qui est plus particulièrement mis en évidence. Il avait prospéré dans le monde, et quoique peut-être il fût lui-même un homme de peu d'énergie et de caractère, il avait un fils, nommé Laban, qui savait évidemment très bien mener ses affaires et se faire ici-bas à lui-même et aux siens une position agréable. Il paraît avoir connu la valeur de l'argent, comme on dit, car la vue de l'or eut la faculté de lui ouvrir la bouche pour lui faire souhaiter, même à un étranger, une très cordiale et pieuse bienvenue (chapitre 24). — Mais nous touchons ici à une époque de l'histoire de cette famille, qu'il nous importe de considérer avec une attention particulière.

Une nouvelle puissance de l'Esprit de Dieu allait visiter la famille de Nachor. Comme je l'ai déjà fait observer, cette famille n'était pas dans les épaisses ténèbres où se trouvaient les Cananéens, ni sans doute, simplement idolâtre comme la maison de Taré (voyez Josué 24 : 2, 3), lorsque le Dieu de gloire avait appelé Abram. Elle avait été amenée à un certain degré de lumière, et avait pris par la profession qu'elle faisait une certaine position, comme nous pouvons l'inférer de la manière d'agir et des paroles d'Abram (chapitre 24: 4). La maison de Nachor, par sa profession, se distinguait aussi dans un certain sens, et se séparait de l'état de ténèbres, dans lequel était plongé le monde qui les entourait; il est important d'examiner la nature de la visitation du Saint Esprit au milieu d'elle, car l'Esprit est une puissance qui met à part et sépare. De même que l'appel du Dieu de gloire avait autrefois troublé l'état de choses chez Taré, de même la mission d'Eliéser trouble maintenant l'état de choses chez Béthuel: Abram avait alors été séparé de sa maison et de sa parenté, et Rébecca va l'être maintenant, nous apprenant ainsi cette sérieuse leçon, qu'une famille respectable qui fait profession de connaître Dieu, peut avoir besoin d'être visitée par la même énergie de l'Esprit, qu'une famille plus mondaine ou tout à fait idolâtre.

Oui, Dieu intervient, il entre dans la maison avec une puissance qui trouble et sépare et qui n'édifie ou n'encourage pas simplement. Le ministère d'Eliéser, serviteur de Dieu aussi bien que d'Abram, entra dans la maison de Béthuel pour en retirer Rébecca, et pour lui faire suivre le même chemin par lequel, deux générations auparavant, l'appel du Dieu de gloire avait conduit Abram. Il y a ici, je le répète, une leçon qui mérite toute notre attention: une famille honorable, des gens faisant une certaine profession de piété, est visitée de Dieu, et un nouvel acte de séparation est produit dans son sein.

Mais l'histoire qui nous occupe renferme une autre leçon encore. Rébecca, nous le savons, répond à l'appel qui lui est fait; mais son caractère est déjà formé; comme il en est de nous tous plus ou moins, avant que nous soyons amenés à Dieu. Arrive le moment où nous sommes vivifiés: nous répondons à l'appel du Seigneur, sous l'action puissante de son Esprit, et nous sommes ainsi séparés et mis à part, mais cet appel nous trouve ayant un certain caractère, une certaine forme ou tournure d'esprit, étant peut-être des Crétois (Tite 1), ou des frères ou des soeurs de Laban, ou quelque chose de semblable, et les «Crétois sont toujours menteurs». Le caractère et les sentiments que nous tenons de la nature, de l'éducation ou des habitudes de famille, nous suivent après que nous sommes nés de l'Esprit et nous les portons avec nous tout le long du désert, de la Mésopotamie à la maison d'Abram.

Cela aussi renferme une sérieuse leçon. C'est chose sérieuse en effet, que non seulement une famille professant une certaine connaissance de Dieu, soit visitée par Dieu en vue d'en séparer quelque membre et non pas pour édifier seulement; et c'est chose sérieuse aussi de voir que, malgré la puissance de l'Esprit, qui vivifie et sépare pour Dieu, la nature ou la force des habitudes, de l'éducation primitive et du caractère de famille, restent attachés à nous. L'histoire de Rébecca nous en fournit de tristes exemples. Je n'ai qu'à rappeler brièvement, quelle fut sa conduite dans les différentes phases subséquentes de sa vie, bien connue du reste, et tristement connue surtout par ce trait de famille, dont nous venons de parler et qui la distingue. Rébecca avait été élevée avec son frère Laban, homme mondain, intelligent et rusé, et évidemment l'élément actif et dirigeant dans la maison de son père; et le seul acte important auquel Rébecca soit appelée à prendre part, devient pour elle une occasion d'agir d'après les mêmes principes. Lorsqu'elle veut procurer à son fils Jacob la bénédiction de son père, ce levain de Laban est puissamment à l'oeuvre. Le trait de famille se manifeste d'une triste manière, et on voit combien la nature est prompte à agir et à suivre son cours. Le coeur de Rébecca était, d'une part, trop peu accoutumé à se reposer dans la toute suffisance de Dieu et trop enclin, de l'autre, à appuyer ses espérances sur ses propres expédients.

Combien n'importe-t-il pas par conséquent, que nous veillions sur nos habitudes et nos tendances particulières, afin de reprendre vertement la nature pour être sains et moralement purs dans la foi (Tite 1: 13), et aussi, au lieu de nous excuser sous prétexte que c'est la nature, de nous en méfier d'autant plus et de la modifier pour l'amour de Celui, qui nous a donné une vie et une nature nouvelles.

Tels sont les enseignements que nous fournit l'histoire de cette femme remarquable. En dehors de ce que nous venons de rappeler, nous ne savons pas grand-chose sur sa vie: est-ce parce que l'Esprit est contristé à son sujet et qu'il la laisse de côté? Quoi qu'il en soit, Rébecca ne recueille que la déception, de la semence qu'elle a semée. Tous ses plans et tous ses efforts ne mènent à rien de bon. Elle perd le fils qu'elle préférait, Jacob, et elle ne le revoit plus, après le long exil dans lequel tous ses plans et toutes ses peines n'ont servi qu'à l'envoyer.

Mais il y a plus: Jacob, dès ses premières années, fut élevé sous les mêmes influences. Pendant toute sa vie il fut un homme lent de coeur et calculateur. La manière dont il acquit le droit d'aînesse d'abord, et ensuite la bénédiction de son père, sa confiance dans ses propres combinaisons, plutôt que dans la promesse de l'Eternel, lors de la rencontre avec son frère Esaü; son séjour prolongé à Sichem et le fait qu'il s'établit là au lieu de poursuivre la vie d'un pèlerin sur la terre, comme l'avaient fait ses pères, — tout cela trahit l'action de la nature et l'oeuvre de l'ancien caractère de famille.

Combien il est donc nécessaire, que nous veillions sur la semence première semée dans le coeur; oui, et que nous veillions sur la semence première ou plus tardive que nous aidons à semer dans le coeur des autres! Les détails plus circonstanciés, que l'Ecriture nous transmet sur cette histoire, sont bien faits pour nous mettre en garde sous ce rapport.

La naissance d'Esaü et de Jacob nous est racontée à la fin du chapitre 25 de ce même livre de la Genèse; et quand les enfants deviennent de jeunes garçons, nous avons l'occasion, au chapitre 27, de jeter un coup d'oeil dans la vie domestique de la maison; mais ce que nous y découvrons, hélas! est profondément humiliant. C'était là une des familles de Dieu alors vivantes sur la terre et, sans contredit, la plus distinguée, celle en qui reposait l'espérance de la bénédiction de toute la terre et à laquelle, d'une manière spéciale, l'Eternel avait attaché son nom! Et que voyons-nous? Isaac, le chef, s'est laissé aller au courant des convoitises humaines: il aime son fils Esaü, parce qu'il mangeait de sa venaison! Il n'est pas nécessaire que nous nous arrêtions à considérer Esaü lui-même: comme enfant de la famille, il avait droit aux ressources de la maison et à l'affection et la sollicitude paternelles d'Isaac et de Rébecca, qui les lui accordaient sans doute; mais ce qui était affligeant et un vrai mal, c'est qu'Isaac fit de lui son fils préféré, parce qu'il aimait à manger de sa chasse. N'y a-t-il pas là un nouvel exemple du fait que nous méditons?

Isaac avait été élevé avec tendresse; il n'avait jamais quitté les côtés de sa mère, des vieux jours de laquelle il était le fils: cette éducation l'avait peut-être trop amolli et il se présente à nous comme un homme doux et qui prenait plaisir à satisfaire ses goûts. Mais quel triste tableau s'offre à nos regards, quel désordre dans cet intérieur! Allons-nous trop loin en disant que le père s'occupait de préférence de l'un des enfants, et la mère de l'autre? L'amour d'Isaac pour le gibier n'avait-il pas peut-être encouragé chez Esaü le goût de la chasse? et le savoir-faire de Rébecca, qu'elle avait acquis dans la maison de son frère à Paran et qu'elle avait apporté de là, n'avait-il pas contribué à former l'esprit et le caractère de son favori Jacob? Quel sujet de douleur et d'humiliation! Est-ce ici une maison pieuse, une famille où Dieu soit craint? Oui, Isaac, Rébecca, Jacob, sont des enfants de la promesse, des héritiers du royaume, et, considérés sous d'autres rapports et à d'autres moments de leur vie, ils nous édifient et nous réjouissent. Voyez Isaac, tel qu'il se présente à nous dans la plus grande partie du chapitre 26: sa conduite est très belle et tout à fait digne d'un homme voyageur et étranger sur la terre. Souffrant, il ne menace pas, mais se remet à celui qui juge justement; il est persécuté et il le supporte avec patience, et son autel et ses tentes témoignent de son caractère saint et étranger à ce monde. Voyez aussi Rébecca, au chapitre 24; par la foi, elle consent à traverser le désert seule avec son guide, parce que ses affections ont été portées sur l'héritier des promesses; elle quitte pays et parenté, ne se souvenant plus de son père, ni de la maison de son père. Mais ici, au chapitre 27, la scène nous fait rougir et nous sommes confondus, en voyant des héritiers de la promesse, des enfants de Dieu, agir comme ils le font.

Faut-il que nous continuions à exposer le mal? Je le crois, car le coeur de l'homme n'est pas seulement vil et désespérément malin; il ose même introduire sa perversité jusque dans le sanctuaire, comme la fin de cette histoire nous le montre.

Longtemps après les jours de la Genèse, Dieu dit à Aaron: «Vous ne boirez point de vin ni de cervoise, toi ni tes fils avec toi, quand vous entrerez au tabernacle d'assignation» (Lévitique 10: 9), car la nature ne devait pas être excitée pour s'occuper du service de Dieu; Dieu ne voulait d'aucun stimulant pour elle; il ne voulait d'aucune activité de la nature, ni de rien qui fût produit par ce qui l'alimentait comme telle, pour l'accomplissement des devoirs du sanctuaire; les boissons fortes pouvaient satisfaire la chair et la mettre en activité; mais ce n'était pas là ce qui convenait à un sacrificateur.

C'est précisément dans une faute de ce genre qu'Isaac, hélas! paraît être tombé. «Maintenant donc, je te prie», dit-il à Esaü, «prends les armes, ton carquois et ton arc et t'en va aux champs et prends-moi de la venaison et m'apprête des viandes d'appétit comme je les aime, et apporte-les-moi, afin que je mange, et que mon âme te bénisse avant que je meure» (27: 3, 4). Isaac allait accomplir son dernier acte religieux comme sacrificateur et comme patriarche, et il recherche l'aliment de la nature, pour se ranimer et se rendre propre au service sacerdotal. Affreux sacrilège! En le voyant occupé ainsi de sa venaison, ne dirait-on pas qu'il est de ceux dont «le dieu est leur ventre»? Combien ce qui est de la nature souille aussi nos choses saintes; combien souvent l'excitation de la chair peut, chez nous aussi, prendre l'apparence du courant libre et puissant de l'Esprit! Nous pouvons nous en apercevoir dans nos lieux de réunion même et nous avons à nous en affliger; à le confesser comme un mal et une faiblesse et à y prendre bien garde; mais s'y préparer, mélanger soigneusement le vin et la cervoise, et de propos délibéré prendre le cordial, c'est assurément une abomination.

Nous savons quelle fraude Rébecca et Jacob pratiquèrent à cette occasion; je n'ai pas besoin d'y revenir. Je désire seulement faire remarquer, que la sainteté du Seigneur réduisit tout cela à néant, jusque dans les moindres détails. Rien de bon n'advint de cette ruse et de ces combinaisons: la sainteté de l'Eternel les consuma toutes. Isaac perdit son Esaü; Rébecca ne revit plus Jacob, car les quelques jours d'absence dont elle avait parlé, se changèrent en un exil de vingt ans; et le «supplanteur» habile fut dans le travail et dans la peine, un étranger loin de la maison de son père, pendant tous ces longs et tristes jours. Ainsi, soit que nous considérions les plans et l'habileté de Rébecca, ou le favoritisme matériel d'Isaac, tout est déception pour eux et est réprouvé par la sainteté du Seigneur.

Sérieuse, mais bien précieuse leçon: le Seigneur ne laisse passer inaperçue aucune souillure, même chez ses serviteurs les plus chers.

Mais il nous reste à voir la grâce revendiquer et prendre sa place triomphante. La sainteté de son caractère est établie de la manière la plus positive par le Seigneur, qui anéantit tous les avantages que le péché s'était promis de recueillir; — et alors la grâce règne.

Dans le grand mystère de la rédemption, la grâce triomphe dans la promesse, que la semence de la femme écraserait la tête du serpent, en même temps Dieu exécute tous les décrets de la sainteté contre le péché, car la mort intervint comme Dieu en avait menacé Adam et des châtiments tombèrent sur l'homme et sur la femme, et la malédiction sur le serpent. Il en est de même ici: Isaac n'atteint pas son but au sujet d'Esaü; Rébecca perd Jacob, et Jacob lui-même, au lieu d'obtenir, par ses propres moyens, le droit d'aînesse et la bénédiction, s'en va en exil loin du lieu de son héritage et de la scène de toutes les jouissances qu'il s'était promises; car les seuls et uniques gages du péché, c'est la mort. — Mais alors la grâce prend sa place et revendique ce qu'elle est: la sainteté consumante lui fraie la route pour monter sur son trône, et elle resplendit là, jouissant de la splendeur de sa propre gloire (chapitre 28).

Elle est glorieuse en effet. La misère même, à laquelle le péché a réduit celui qui est l'objet de toute cette grâce, ne fait que mieux ressortir sa magnificence. Quand le serviteur même de la maison était parti jadis pour un voyage semblable à celui de Jacob (chapitre 24), il avait eu ses chameaux, ses gens et tout ce qui pouvait lui être utile ou agréable dans son voyage à travers ce même désert; et maintenant le fils, l'héritier, l'époux, pour qui se préparaient les honneurs de la maison et les joies du mariage, est seul, sans amis, sang asile, délaissé, sans abri, n'ayant pour lit que la terre et pour oreiller les pierres du chemin. Mais la grâce, qui transforme les ombres de la mort en un matin lumineux, lui prépare un glorieux repos; il entend la voix de l'amour divin, et des mondes de lumière sont ouverts à ses regards dans ce lieu solitaire. Il rêve: il voit les hauts cieux rattachés à cette terre aride et sombre où il est couché, et les êtres célestes, sans se lasser jamais, entretiennent cette heureuse communication. Du sommet de la scène mystique, il entend le Seigneur du ciel lui-même, lui parler en paroles de promesse et de promesse seulement; il se voit associé ainsi à une gloire qui remplit tout et à des héritiers des miséricordes et des consolations, qui vont devenir sa part, à lui si égaré, si pauvre, si vil, jusqu'à ce moment où cette gloire apparaîtra! La sainteté de la grâce le laisse encore ce qu'il est, un pèlerin; mais les richesses de la grâce lui parlent de consolations présentes et de gloires futures et assurées.

Mais je me suis laissé entraîner au delà de mon sujet immédiat. — Il y a donc ce qu'on peut appeler le caractère de famille; et cette pensée, quand nous nous examinons nous mêmes, doit nous faire veiller avec jalousie sur toutes nos habitudes et sur tous nos penchants particuliers, et quand nous nous occupons des autres, elle doit nous rendre réservés et nous pousser à intercéder pour eux, nous disposant à faire valoir en leur faveur le fait qu'il y a un caractère de famille, une puissance des habitudes et de l'éducation primitives, qui agit plus ou moins en chacun de nous, tant que nous sommes.

Il ne peut être que salutaire pour nous de nous souvenir de ces choses. Toutefois, je ne voudrais pas omettre d'ajouter, que s'il est plus que probable que nous recueillons de notre famille un certain caractère et des habitudes auxquelles la naissance et le caractère nous ont déjà associés, nous avons à manifester maintenant le caractère auquel notre naissance et notre éducation dans la famille céleste nous ont associés depuis lors.

Au chapitre 8 de Jean, le Seigneur raisonne ainsi. Il montre que notre naissance, ou notre filiation, ou nos rapports de famille, doivent être démontrés par notre caractère et nos actions. «Si vous étiez enfants d'Abraham, vous feriez les oeuvres d'Abraham». Il faut donc que nous portions le caractère de famille de la famille de Dieu. Nous y sommes exhortés aussi. Nous sommes exhortés à ressembler à notre Père, si je puis dire ainsi. En nous recommandant l'exercice de l'amour et de toute bonté gratuite et désintéressée, le Seigneur dit: «Soyez parfaits comme votre Père qui est aux cieux est parfait», et l'apôtre nous redit après lui, lorsqu'il place devant nous le devoir d'aimer et de pardonner: «Soyez imitateurs de Dieu, comme de bien-aimés enfants».

Puissions nous donc nous appliquer à rechercher le caractère de famille de la famille de Dieu! Que le vieil homme diminue en nous et que le nouvel homme grandisse et maintienne sa place! Veillons avec soin sur le caractère, quel qu'il soit, que les liens et les habitudes de la nature ont formé en nous et tenons-nous en garde contre lui; et que le caractère de notre nouvelle, céleste vie, soit cultivé et manifesté par nous, à la louange de Celui qui nous a réengendrés pour être vivants pour Lui et avec Lui, nous tirant de la mort dans laquelle nous étions.

La religion de famille Genèse 13 – ME 1871 page 441

Le chapitre que nous avons sous les yeux nous fournira des occasions de sonder notre coeur. Que Dieu m'accorde la grâce de m'en occuper avec discernement et pour le profit des âmes qui liront ces pages!

Sem, parmi les enfants de Noé, était le rejeton sacré; la religion se rattachait à lui plutôt qu'à ses frères, et c'est de lui que descendit le peuple choisi. Cependant, dans le cours de quelques générations seulement cette famille religieuse se corrompit, et au bout de moins de trois cents ans, et peut-être beaucoup plus tôt, les descendants de Sem servaient d'autres dieux. Nous voyons le même fait se reproduire constamment jusqu'à nos jours: des familles et des églises, jadis connues par leur zèle et leur service, ont dégénéré et sont tombées dans une affreuse corruption.

Mais l'Esprit de Dieu, dans la souveraineté de la grâce, visite un fils de Taré, descendant de Sem au huitième degré. L'appel du Dieu de gloire parvint à Abram et le sépara de la corruption existante, lui faisant quitter son pays, sa parenté et la maison de son père, afin de le façonner pour être un «ouvrage» nouveau pour le Seigneur (Actes des Apôtres 7: 2).

Abram, paraît-il, fit connaître cet appel à sa famille, et (comme il arrive souvent parmi nous), cette communication exerça une certaine influence parmi les siens. La religion de famille a sa source là: la puissance de l'Evangile agit d'abord dans un membre, et puis elle étend son influence sur d'autres. Le Seigneur l'a voulu ainsi, et c'est un mauvais symptôme lorsque les choses suivent un autre cours. Dans la famille d'Abraham il en fut ainsi. Taré, père d'Abram, se met en route. Nachor, par contre, un autre fils de Taré, ne subit que peu l'influence dont nous parlons, et lui, sa femme et ses enfants restent là où ils sont, pendant qu'Abram, sa femme et Lot, fils de Haran, fils de Taré, se mettent en route pour le voyage auquel Abram avait été divinement appelé, et dont Taré, père d'Abram, paraît prendre la direction.

Mais avant de poursuivre, je voudrais demander si en toutes choses Abram, ici, s'est laissé conduire par Dieu. C'est à lui que l'appel avait été adressé; la puissance de l'Esprit était venue sur lui. La famille d'Abram, sans doute, pouvait être amenée sous l'action de la même puissance ou en subir l'influence, toutefois n'appartenait-il pas à Abram de prendre la place, que l'Esprit lui avait clairement assignée? Abram n'a-t-il pas pris «conseil de la chair et du sang» avant que Taré se trouvât placé à la tête de ce grand mouvement, qui procédait de l'Esprit saint? Cela est possible; je le suppose même; et ainsi s'expliquerait le retard du séjour à Caran et la mort de Taré dans ce lieu, puis la manifestation d'une nouvelle intervention du Seigneur, pour faire monter Abram de Caran au pays de Canaan (11: 31; 12: 4).

Tout cela est plein d'enseignement pour nous. La religion de famille est une belle et précieuse chose; mais l'ordre et les liens que Dieu a établis dans la famille et les droits de la nature ne doivent jamais prendre la place des droits de l'Esprit. Il est très beau de voir Corneille, ou tout autre homme, placé dans les mêmes circonstances, amener ses amis et ses parents sous l'influence de la puissance qui visite sa maison; mais si la chair et le sang, si les relations humaines, viennent troubler l'action souveraine de l'Esprit, nous pouvons nous attendre à une halte à Caran, ou à mi-chemin, et à la nécessité d'un nouvel appel, en un sens un second appel, pour replacer l'âme de nouveau dans le chemin de Dieu. Il est bon de remarquer et de méditer ces choses pour notre profit et notre instruction.

Quoi qu'il en soit, sous cette action nouvelle de l'Esprit, Abram reprend son voyage et Saraï sa femme et Lot son neveu, orphelin, l'accompagnent. La religion de famille se montre ici encore, car Lot se trouvait dans les limites de l'influence générale, dont nous avons parlé. Nous ne lisons nulle part, que Lot ait été directement appelé, ou qu'il ait personnellement offert un sacrifice, non qu'il ne faille voir en lui qu'un homme qui fait seulement profession de piété, ou qui se joint au peuple de Dieu dans un but intéressé. Non, Lot était un homme juste et il avait une âme vivante, qui pouvait être affligée et qui s'affligeait des actions iniques des criminels (2 Pierre 2: 7, 8); seulement il n'y a, dans son entrée dans la maison de la foi, aucune expression d'énergie personnelle; la chose s'accomplit pour ainsi dire en famille, comme nous voyons encore qu'il arrive tous les jours autour de nous. Et cela est bon. C'est une chose heureuse, quand Saraï la femme, ou Taré le père, ou Lot le neveu, s'en vont avec les Abrams des derniers jours, car rien de tout cela n'arrive sans l'action et l'enseignement du Père. Lot était un élu, aussi sûrement que l'était Abram, mais la puissance de l'appel de Dieu n'est pas manifestée en lui comme elle l'est en Abram; et ces choses, nous ne pouvons manquer de les remarquer encore de nos jours. Ce que nous voyons en Abram était une chose essentiellement et caractéristiquement personnelle, tandis que chez Lot c'était une chose caractéristiquement de famille; et en conséquence, à la première occasion où Lot fut appelé à agir d'une manière indépendante, sa faiblesse fut mise à découvert.

Abram laisse à Lot le choix du pays, et Lot fait son choix. Ce n'est pas simplement en ce qu'il choisit la meilleure part, que notre coeur condamne Lot, c'est en ce qu'il fait un choix quelconque. De toute façon Abram avait droit à choisir le premier; par l'âge et la parenté, la première place lui appartenait; il était la personne principale dans tout ce qui concernait la sortie d'Ur et l'entrée dans le pays de Canaan. Lot n'avait fait que s'attacher à lui. Abram agissait noblement et généreusement en cédant son droit à celui qui était plus jeune que lui et son neveu; mais Lot demeure insensible à cette bonté. Il accepte et il entreprend de faire le choix, et comme on doit s'y attendre après un pareil début, il choisit d'après un principe entièrement mondain: il prend pour ses troupeaux et son bétail la plaine arrosée, quoiqu'il s'approche ainsi de la ville corrompue (versets 10-13).

Cette première épreuve témoigne donc contre Lot d'une manière bien affligeante; elle montre quelle faible entrée la foi et le royaume de Dieu avaient eu dans son coeur. La conduite d'Abram est toute différente: la voix du Dieu de gloire avait pénétré profondément dans son âme et l'avait détaché de ce monde, auquel Lot demeurait encore lié. Toutes ces choses ne sont-elles pas écrites pour notre instruction aussi?

Mais Lot découvre bientôt, que le monde dont il a fait choix n'est que déception. «La plaine arrosée partout» se change en peu de temps en un champ de bataille, et si Abram ou le Dieu d'Abram n'avait pas été là, Lot aurait perdu là sa liberté et tout ce qu'il possédait. Mais il est plus triste encore d'avoir à rappeler, que ce premier désappointement n'a pas délivré son coeur de ses affections profanes, et qu'il retourne à Sodome pour y demeurer jusqu'à ce que la main de Dieu lui-même le force à en sortir. Si, quand la plaine bien arrosée est changée en un champ de bataille, Lot n'a pas voulu reconnaître le caractère de la ville qu'il avait choisie pour sa demeure et s'en éloigner, il doit l'apprendre quand Sodome se change en monceaux de ruines brûlantes au jour du Seigneur.

Terrible jugement! Fin honteuse d'un croyant dont les pensées sont aux choses de la terre! Quel avertissement pour nous! C'est un salut comme à travers le feu, une fuite hors d'une maison en flammes, une fin ignominieuse. Prenons à coeur cette solennelle leçon, et veillons pour être gardés du premier regard de convoitise vers la riche plaine de Sodome! (14-19).

De grandes et sérieuses leçons ressortent pour nous de tout ce qui précède, soit pour nous encourager, soit pour nous avertir. Nous y voyons que la religion de famille est une chose très belle et qu'une piété vraie peut être formée ainsi, comme il advint dans la maison d'Abram; mais nous apprenons, en même temps, que chacun de ceux qui se trouvent sur la scène, doit s'appliquer à cultiver avec soin la puissance de la piété d'une manière très personnelle, pour que sa religion ne trahisse pas le peu de profondeur d'une simple influence de famille ou d'une impression générale, dont bientôt il ne reste plus de trace.

L'exemple d'Abram, comme je l'ai fait observer, a exercé son influence sur toute la famille du patriarche; il n'en fut pas de même pour Lot, car sa femme conserva en elle l'esprit de Sodome et jusqu'à cette heure elle est comme un phare, pour l'avertissement des voyageurs sur leur chemin; ses deux filles se souillent et deviennent les mères de deux peuples tellement corrompus, qu'une interdiction spéciale leur ferme, à jamais l'entrée de la maison de Dieu; ses gendres pensent que Lot est insensé et qu'il plaisante, et ils se moquent de lui, quand il leur parle de jugement.

Pensons-y sérieusement. Si notre religion ou la confession que nous faisons de Christ s'est développée sous l'influence de l'atmosphère de la famille, Dieu nous avertit par les exemples sur lesquels nous venons de nous arrêter, d'être vigilants et de rechercher une puissance de piété profonde et personnelle, dans une sainte crainte et connaissant la faiblesse de la racine de cette plante précieuse.

D'un autre côté aussi, si cette profession de Christ n'a pas autour de nous, comme chez Abram, exercé une influence plus ou moins grande, nous avons toute raison de nous humilier et de craindre qu'il n'en soit ainsi, parce que comme Lot, nous n'avons pas nous-mêmes manifesté la foi dans sa puissance victorieuse et séparatrice.

Les quelques pages du livre sacré qui nous ont occupé, nous présentent des enseignements d'une grande et sainte importance au sujet de la piété de famille. Il nous dit que nous devrions être des instruments pour la répandre; mais que, si nous sommes nous-mêmes les objets de son influence, nous avons particulièrement à veiller sur nous et à nous défier de nous-mêmes; car le même infaillible Esprit qui dit: «Que chacun éprouve sa propre oeuvre et alors il aura de quoi se glorifier par rapport à lui-même seulement et non par rapport aux autres» (Galates 6: 4), dit aussi: «Pères, n'irritez pas vos enfants, mais élevez-les dans la discipline et sous les avertissements du Seigneur» (Ephésiens 6: 4). La religion de famille est ainsi honorée par le Seigneur, mais la puissance profonde et personnelle de la piété est aussi encouragée et fortifiée. Les pères doivent faire connaître la vérité à leurs enfants (Psaumes 78), mais tout homme doit être né de nouveau, sinon il ne verra pas le royaume de Dieu.

Il est beau de voir «une foi sincère» habitant génération après génération dans une même famille, comme chez Loïs la grand-mère, Eunice la mère et le fils Timothée; mais il est beau aussi de voir, dans la troisième de ces générations, les larmes et les afflictions, qui nous disent que leur religion n'est pas une piété d'imitation ou d'éducation, ni simplement l'effet d'une influence de famille, mais qu'elle est la puissance précieuse et vivante d'un royaume, que Dieu lui-même a établi dans le coeur.

«Les choses que nous avons ouïes et connues et que nos pères nous ont racontées, nous ne les cèlerons pas à leurs enfants; et ils raconteront à la génération à venir les louanges de l'Eternel et sa force, et les merveilles qu'il a faites» (Psaumes 78: 3, 4).