Christ a-t-il été rejeté ici-bas, et quelles sont les conséquences de sa rejection?

ME 1872 page 121 

 

Beaucoup de chrétiens admettent aujourd'hui que Christ, selon le témoignage des Ecritures, doit revenir, mais ils ne discernent pas le caractère de cette seconde venue du Sauveur, faute d'avoir bien saisi la cause et la manière de son départ. N'est-il pas évident, en effet, que si Christ, qui est venu au monde comme le Sauveur promis, a été rejeté ici-bas, le monde qui a refusé de le recevoir n'a plus à attendre que le jugement? Au contraire, si Christ n'a quitté cette terre que parce qu'il lui plaisait de s'en retirer, et sans que l'homme se soit opposé à lui ou l'ait rejeté, l'homme ne peut pas être rendu responsable d'un acte auquel il n'a eu aucune part. Christ a-t-il donc été rejeté, oui ou non, et quelle est, si elle est avérée, la portée de sa réjection sur toute notre position et notre marche ici-bas?

Au temps de l'Ancien Testament, le Seigneur souvent visitait la terre et puis s'en retirait, sans qu'aucun blâme ou aucune condamnation tombât sur ceux auxquels il était apparu, et qu'il quittait ensuite. En a-t-il été ainsi quand Christ visita le monde? — Non, le Nouveau Testament tout entier nous apprend que Christ, quand il est venu au monde, a été rejeté. Il s'en alla parce que le monde ne voulut pas de lui. On feint de l'ignorer; ou voudrait l'oublier; la conscience effrayée cherche à en éviter l'aveu, à cause des conséquences qu'elle entrevoit et auxquelles vainement elle cherche à se soustraire.

Christ a été rejeté! Nul ne peut le méconnaître. Son départ de ce monde ne fut point un acte volontaire de s'éloigner; mais les hommes refusèrent de le recevoir. «Il vint chez soi» — à Israël, — «et les siens ne l'ont pas reçu». A sa première manifestation à Nazareth, alors que tous venaient de rendre témoignage aux paroles de grâce qui sortaient de sa bouche, ils le mènent sur le bord escarpé de la montagne pour l'en précipiter, et bientôt le sort de Jean-Baptiste, tué par Hérode, fit entrevoir clairement ce qui était réservé au Fils de l'homme, devant qui il avait marché. Le chemin du Sauveur, les évangiles nous le montrent, fut du commencement jusqu'à la fin celui d'une réjection continue; il rencontra le mépris et la contradiction des hommes; pour tout son amour, il trouva la haine: «Celui-ci est l'héritier, venez, tuons-le, et l'héritage sera à nous». Ainsi, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent, et Dieu l'ôta à ce monde, et l'éleva à la droite de la Majesté dans les cieux, jusqu'à ce que ses ennemis soient mis pour le marche-pied de ses pieds. Ses ennemis ont contesté ses droits et les ont foulés aux pieds. L'inimitié du coeur de l'homme contre Dieu s'est montrée contre Lui; les Juifs en furent les premiers témoins. Comme un échantillon, coupé d'une pièce d'étoffe, montre la nature de la pièce entière, ainsi le peuple juif, l'homme favorisé, — ceux qui étaient près, mirent en évidence l'opposition et la mauvaise volonté de l'homme contre Christ. Les Juifs conspirèrent contre Lui, et les gentils s'associèrent à eux en se faisant les exécuteurs de leur conseil. «Les rois de la terre se sont trouvés là, et les chefs se sont réunis ensemble contre le Seigneur et contre son Christ. Car, en effet, dans cette ville, contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, se sont assemblés et Hérode et Ponce Pilate, avec les nations et les peuples d'Israël» (Actes des Apôtres 4: 26, 27). Le Fils de Dieu, «le dernier» que Dieu put envoyer à l'homme sur la terre (Luc 20: 13), un homme parmi les hommes, passa de lieu en lieu faisant du bien, guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance (Actes des Apôtres 10: 34-43), le plus grand bienfaiteur au milieu des hommes, qui a fait parmi eux les oeuvres qu'aucun autre n'a faites; et les hommes l'ont haï: «ils ont vu et haï et Moi, et mon Père; ils m'ont haï sans cause» (Jean 15: 22-25). Les Juifs et les gentils, naturellement ennemis, — s'accordèrent pour le rejeter; il fut crucifié et mis à mort par des mains iniques (Actes des Apôtres 2: 22, 23). Ami, peuple, chefs, sacrificateurs, tous s'unissent contre lui, et le pouvoir confié par Dieu à l'homme pour maintenir l'ordre sur la terre se fit l'instrument de la mort du Juste, du propre Fils de Dieu, l'héritier de toutes choses.

Quelqu'un raisonne et avance peut-être, que Dieu, dans sa grâce, a fait servir la mort de Christ au salut des pécheurs, comme si la grâce qui donnait Christ atténuait le péché qui le rejetait.

D'autres diront que la société chrétienne tout au moins ne peut pas être identifiée avec ceux qui rejetèrent le Fils de Dieu. La chrétienté, en effet, s'efforce de se décharger de cette culpabilité en se couvrant du nom de Christ, en adoptant la croix comme symbole et comme moyen de salut, et les hommes se bercent de l'idée qu'ils ne sont pas coupables de la mort de Christ et qu'ils sont sans rapport avec ceux qui le crucifièrent. Mais en prenant le symbole de la croix, ne témoignent-ils pas contre eux-mêmes, comme les Juifs bâtissant les tombeaux des prophètes, qu'ils sont d'une même race avec eux: «Ainsi vous êtes témoins contre vous-mêmes que vous êtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes» (Matthieu 23: 31)? Qu'ils le nient ou qu'ils veuillent le cacher, ils sont par la race à laquelle ils appartiennent, et par la position qu'ils prennent, moralement associés au crime du monde: le sang du juste est sur eux. Mais si, par la grâce de Dieu, je crois en Christ, je ne suis plus un avec ceux qui le rejettent; je répudie l'acte des hommes qui l'ont crucifié. Il mourut pour moi et moi, étant sauvé par son sang, je suis crucifié avec Lui. La croix n'est pas seulement pour moi la porte pour échapper, mais elle devient en même temps la ligne de démarcation et de séparation entre moi et le monde (Galates 6: 14). Je ne puis être l'ami du monde, qui a rejeté Christ (Jacques 4: 4). Je désavoue la nature de cet homme de laquelle, en Adam, je participe moi-même. J'en vois la fin à la croix et je refuse toute coopération et toute association avec le monde qui se réjouit de l'absence de Jésus. Si, par grâce, j'ai trouvé que Celui qui a été rejeté est mon Sauveur et que, par sa mort, il m'a délivré de la responsabilité et du péché qui pesait sur moi, je vois aussi que je suis mort avec Lui et moralement affranchi d'être l'homme qui a crucifié Christ. Je suis mort avec Lui (Romains 6: 3, 4; Colossiens 2: 20; 3: 3, 4) et je ne fais pas partie du monde qui l'a rejeté et dont il m'a retiré (Galates 1: 4, 5; 6: 14; Jean 15: 19-25; 17: 6, 14-18); j'abandonne la vie, en fait de position et d'honneur ici-bas, parce que je suis sur la terre et dans un monde d'où Celui qui est ma vie, maintenant dans le ciel, a été rejeté et chassé.

Ce fait si simple est en même temps si absolu dans sa portée que ceux mêmes qui l'admettent, entrevoyant le renoncement qu'il exige de leur part, n'envisagent volontiers pratiquement l'absence du Seigneur que comme une absence volontaire de sa part, et ne voient dans la croix que le moyen de salut pour l'homme, sans aucune pensée du péché qui y cloua le Fils de Dieu. On se fait ainsi une position plus facile dans le monde, car quel est l'homme qui, pénétré du fait que le monde a rejeté Christ, voudrait s'allier à celui-ci directement ou indirectement, ou siéger avec le pouvoir qui partage la responsabilité de sa réjection. Même pour ce qui est de la simple justice, où est-elle, si Celui qui avait le meilleur et seul droit a été rejeté? Et comment un homme chercherait-il son plaisir ou une part de pouvoir là où Celui qui avait droit à tout, Lui, le Seigneur, a été crucifié? Son premier devoir n'est-il pas de désavouer toute participation avec le monde coupable de la réjection du Seigneur de gloire, et de se poser comme le témoin et le champion de ses droits en le servant et en le suivant, portant son opprobre (Jean 12: 25, 26; Hébreux 13: 13). Christ a été rejeté, et Dieu l'a fait asseoir à sa droite jusqu'à ce qu'il mette tous ses ennemis pour le marche-pied de ses pieds. Sans doute la grâce du Dieu de miséricorde a fait tourner la croix à la gloire de son nom et au salut des pécheurs, mais la miséricorde n'excuse point l'homme, alors même qu'elle ouvre une porte de salut là où l'homme mettait le comble à son iniquité.

Oui, Christ a été rejeté. Pourquoi autrement la présence du Saint Esprit, qui rend témoignage de Celui dont le monde n'a pas voulu? Pourquoi son corps mystique ici-bas, l'Eglise, le grand mystère? Pourquoi l'invitation aux fidèles de l'attendre, pourquoi la voix de l'Epouse qui dit: Viens? (Apocalypse 22: 17). Pourquoi sortir à sa rencontre? (Matthieu 25: 1, 6). Pourquoi l'annonce de ce terrible jour où, quand la grande patience de Dieu aura pris fin, le Seigneur Jésus sera révélé du ciel avec les anges de sa puissance, en flammes de feu, exerçant la vengeance contre ceux qui ne connaissent pas Dieu et contre ceux qui n'obéissent pas à l'évangile de notre Seigneur Jésus Christ (2 Thessaloniciens 1), ce jour où «toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de Lui»? (Apocalypse 1: 7).

La croix est le jugement du monde (Jean 12: 31-33; 3: 19). Mais la croix du Christ rejeté a des conséquences aussi pour ceux qui confessent son nom. Elle les associe à un Maître rejeté, les appelant à le suivre dans le chemin, portant son opprobre (Jean 15: 18 et suivants). La réjection des serviteurs de Dieu n'est pas une chose nouvelle ici-bas: chacun d'eux, à des degrés divers, en a eu sa part, depuis Abel le juste jusqu'à aujourd'hui. La masse rejette le fidèle. Ainsi Joseph fut rejeté par ses dix frères. Mais Jacob et Benjamin, dans la séparation et l'isolement du coeur, menèrent deuil sur celui qui leur avait été ôté. La douleur cessa-t-elle, et le vide fut-il combla jusqu'à ce qu'ils le revirent? Non! — quand, après des années d'affliction, Jacob apprend qu'il est vivant, c'en est trop pour lui: «Le coeur lui défaillit, car il ne les crut pas». Sur les onze frères, dix avaient rejeté et livré à la mort ou à l'esclavage les délices du père. Et Jacob et Benjamin, s'ils avaient connu l'action des dix, y auraient-ils été insensibles? Se seraient-ils tenus pour satisfaits si les coupables avaient dédié à Joseph une maison et y avaient placé un siège vide? Assurément non! — De même, aujourd'hui, le fidèle dont le coeur est lié à Christ, répudie l'acte du grand nombre; il abandonne sa place et sa position dans le monde, qui a renversé le droit et rejeté tout ce qui était bon en crucifiant le Fils de Dieu. De ses plaisirs, de ses honneurs et de son pouvoir, il n'en veut pas. Le monde s'est dégradé, s'est montré inimitié contre Dieu, et dans ce monde, la part du fidèle est la souffrance; — mais l'opprobre du Christ lui vaut mieux que les richesses de l'Egypte. Son coeur, par le Saint Esprit, est uni à l'Homme rejeté: il ne peut pas être à la fois à Lui et au monde qui le rejeta. Sans doute, il est dans le monde, mais il n'est pas du monde et il renonce à y avoir place comme homme du monde. Il est à Jésus le rejeté, et sa bourgeoisie est du ciel d'où il attend Jésus comme Sauveur (Philippiens 3: 17-21). Il sait à quel monde il a à faire, quel est «ce présent siècle mauvais» où il n'y a ni droit, ni justice, ni vérité, jusqu'à ce qu'un autre jour paraisse après que Dieu, comme au temps de Noé, sera intervenu en jugement pour ôter tout le mal. Il sait par la parole de Dieu que jusque-là le monde ira son train (Matthieu 24: 35 et suivants), et il ne s'associe pas à lui ni aux vains efforts de ceux qui pensent à l'améliorer ou qui affaiblissent son crime et attachent leur nom à des nations et à des systèmes. Non, il marche dans un autre sentier, plus sûr et béni, que le Maître a tracé pour lui: déjà l'Etoile brillante du matin s'est levée dans son coeur pour sa joie et sa consolation; il attend Christ à qui il est uni dans le ciel, il l'attend du ciel comme Sauveur et, par l'Esprit, avec le coeur de l'Epouse il dit, «Seigneur Jésus, viens!».