Le salut et l'Eglise

Darby J.N. - ME 1872 page 191

 

Aucun chrétien ne doute un instant que les pécheurs, dans tous les temps depuis la chute, ne soient sauvés de la même manière. Mais le salut n'est pas l'église, comme l'église n'est pas le salut. Si vous me demandez: «Faut-il maintenant appartenir à l'église de Dieu pour être sauvé?» je répondrais: «Sûrement», car si quelqu'un est sauvé, il appartient à l'église, parce que c'est là l'ordre voulu de Dieu; mais ce qui le sauve, c'est Christ, non l'église. C'est Christ aussi qui sauvait le Juif destiné, au salut; mais celui-ci appartenait à Israël, selon l'ordre établi de Dieu pour le temps d'alors, et non à l'église. L'église juive, dont on entend parler trop souvent, est une chose complètement étrangère à la Parole de Dieu. Ainsi pour autant qu'un homme était sauvé, il l'était en tous temps par Christ; mais ceci ne constituait pas l'assemblée.

Il y avait une nation juive, et à cette nation l'homme sauvé par la grâce appartenait comme Juif par droit de naissance, et était tenu d'adhérer, tandis qu'il ne l'est plus maintenant, parce que, dans l'église, il n'y a ni Juif, ni Grec (Galates 3: 28; Ephésiens 2: 14 et suivants; Colossiens 3: 11). Le Juif était Juif par sa naissance, et un Juif régulièrement associé quand il était circoncis. L'église, même dans sa profession extérieure, est basée sur la foi; elle n'est jamais composée de branches naturelles. Les Juifs étaient des branches naturelles. Ce n'était pas par la foi qu'ils occupaient leur place assignée de Dieu, comme Juifs. L'idée d'une église juive est donc une fausseté antiscripturaire. Christ s'est livré pour la nation juive, et non seulement pour cette nation, mais pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés (Jean 11: 51, 52). C'est là ce qui forme l'église. «L'église» ou «l'assemblée» est le rassemblement en un de «ceux qui devaient être sauvés» (Actes des Apôtres 2: 47), et cela n'a jamais existé dans le judaïsme. L'unité y était une unité nationale; rien de plus. Ils étaient un PEUPLE saint, par leur appel. Mais quand le christianisme fut fondé, le Seigneur ajoutait à l'église ceux qui devaient être sauvés. Il n'avait jamais fait cela auparavant. Ainsi Il constitua l'église: l'assemblée de Dieu dans le monde. Auparavant, si un Juif venait à croire, il n'était ajouté à rien; il était un Juif pieux, au lieu d'être un Juif impie, mais il appartenait à ce à quoi il avait appartenu avant de croire. Il n'y avait rien à quoi il pouvait être ajouté.

«Nous avons tous été baptisés d'un seul esprit pour être un même corps» (1 Corinthiens 12: 13). Mais l'Ecriture nous affirme positivement que le baptême du Saint Esprit a eu lieu après l'ascension de Christ, en un mot le jour de la Pentecôte (Actes des Apôtres 1: 4-8; 2: 33). L'idée de l'église soi-disant invisible n'est ni juste ni scripturaire. C'est une invention, particulière surtout à Saint Augustin, pour concilier l'effrayante iniquité de l'église professante avec la vérité et la piété nécessaires au vrai chrétien. «Une ville située sur une montagne ne peut être cachée». «Vous êtes la lumière du monde». Or quelle est la valeur d'une lumière invisible, et d'une église sous le boisseau? Il n'y a point de communauté dans une église invisible. J'admets pleinement que l'église est devenue invisible, mais je l'admets comme fruit du péché de l'homme.

Tout ceci ne s'applique nullement au judaïsme. La nation, — les enfants de Jacob, — étaient le corps public visible, et voulu de Dieu ainsi. Les saints parmi eux ne furent jamais rassemblés autrement, tandis que dans le christianisme ils le furent. Christ se livra lui-même pour rassembler en un les enfants de Dieu qui étaient dispersés. S'ils avaient été auparavant rassemblés comme une église, — une assemblée, — comment le Seigneur pouvait-il rassembler ce qui était dispersé? Christ s'est livré pour rassembler en un les enfants de Dieu qui étaient dispersés. Ils étaient les enfants de Dieu, mais ils ne formaient pas une église, une assemblée. Ils étaient dispersés, et Christ vint pour introduire un nouvel état de choses. S'ils eussent été auparavant une église déjà rassemblée, comment Christ serait-il venu pour rassembler ce qui était dispersé? Si, comme on le prétend, le passage dont nous parlons veut dire que Christ devait sauver, en un corps, à la fin des temps, tous les rachetés, — ils n'ont alors jamais été dispersés. Non, il n'en est pas ainsi; mais la nation d'Israël est mise en contraste avec les enfants de Dieu dispersés, et Christ vint pour changer cet état de choses, pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés, c'est-à-dire pour fonder l'église ou l'assemblée. Voilà pourquoi Il dit: «Sur ce rocher», — (la confession qu'Il était le Fils du Dieu vivant), — «je bâtirai mon église» (Matthieu 16: 18). Aurait-il pu la bâtir auparavant, alors qu'on n'avait ni ne pouvait pas encore confesser Jésus comme le Fils du Dieu vivant? Christ et ses apôtres parlent tous de l'église et du rassemblement des enfants de Dieu comme d'une chose distincte et nouvellement introduite.

Tous les raisonnements qu'on avance pour soutenir l'idée d'une église juive, viennent de la judaïsation de la chrétienté ou de ce qu'on s'appuie sur l'idée tout à fait trompeuse que les hommes, étant sauvés de la même manière, forment, par cela même, une communauté visible et la même communauté. Mais pourquoi en serait-il ainsi? Pourquoi les hommes ne pourraient-ils pas être sauvés sans former une communauté? L'individualité est aussi importante que la communauté; — elle l'est même davantage dans les choses de Dieu. La conscience et la foi sont l'une et l'autre individuelles; l'adoption l'est également. Les Juifs étaient une communauté, non de personnes sauvées, mais une communauté nationale des fils de Jacob. L'église aussi est une communauté, mais d'une tout autre espèce, que ce soit profession ou réalité; elle existe sur le principe de la foi. — Le salut individuel ne suppose pas nécessairement l'existence d'une communauté; il peut aussi y avoir une communauté religieuse qui n'implique pas le salut. Telle était la nation juive. Toute la théorie, sur laquelle se base l'idée d'une église existant dans tous les âges et dans toutes les économies, est donc complètement fausse.

Les faits à l'appui de cette opinion manquent aussi totalement. Jusqu'aux temps du peuple juif, il n'avait existé aucune communauté de personnes faisant la même profession de foi. Abel offre son sacrifice par la foi, mais ni là, ni dans le temps d'Enoch, ni dans celui de Noé, il n'y a aucune communauté de gens qui professent une même croyance. L'idée d'une communauté visible avant le déluge n'est qu'un rêve. Si je considère les siècles qui ont suivi, l'Ecriture me montre Job seul, et aucune communauté visible quelconque; et d'Abraham, il est dit expressément: «J'ai appelé Abraham seul, et je l'ai béni» (Esaïe 51: 2), le point qui est mis en relief dans ce passage étant celui-ci qu'Abraham était seul et que le nombre n'était pas une condition de la bénédiction. Quand j'arrive à la première communauté religieuse, je trouve qu'elle est fondée sur un principe tout différent que celui d'une profession de foi. L'individu était membre de cette communauté par naissance, avant de pouvoir faire aucune profession de foi. Il en était par le fait même, et ne pouvait être autre chose; seulement ses parents étaient obligés de le circoncire le huitième jour. Le principe sur lequel est établie l'église visible est celui de la foi (Romains 11), tandis que le principe du judaïsme est le droit de naissance, de telle manière cependant que les droits souverains de Dieu n'en sont pas annulés.

Si l'Ecriture est vraie, quoique le salut ait toujours été le même, l'église (ou la communauté ou l'unité du corps des croyants) n'a jamais existé jusqu'à la Pentecôte (Actes des Apôtres 2); Celui qui en est la Tête, l'Homme exalté, qui a accompli la rédemption, n'avait pas pris place non plus comme Tête du corps avant ce moment-là. Lorsqu'Il eut été exalté, Dieu le donna comme Tête au-dessus de toutes choses à l'église qui est son corps, la plénitude de Celui qui remplit tout en tous (Ephésiens 1: 20-23). Des deux (Juifs et Grecs) il a fait un seul homme nouveau pour être une habitation de Dieu par l'Esprit (Ephésiens 2: 14-22). Dieu habitait jadis au milieu d'Israël, dans le temple de Jérusalem. Par l'Esprit, il demeure maintenant dans une habitation formée, comme un homme nouveau, de Juifs et de gentils, par la foi. Ceci seul est l'église: un mystère qui, depuis le commencement du monde, avait été caché en Dieu, afin que maintenant la sagesse variée de Dieu fût donnée à connaître aux principautés et aux puissances dans les lieux célestes, par l'église (Ephésiens 3). Les puissances célestes, en tout cas, ne pouvaient le voir (visible ou invisible). Le mystère avait été tenu secret (Romains 16: 25-27) depuis le commencement du monde, et n'avait été ni donné à connaître, ni révélé aux fils des hommes, auparavant. Jamais des hommes n'avaient été édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu par l'Esprit. L'église était un mystère caché dès les siècles et les générations; elle n'existait pas de fait. Elle fut fondée sur la rupture de la paroi mitoyenne, Dieu créant un nouvel homme. Le vieux système, au contraire, était fondé sur le strict maintien de la paroi de séparation entre Juif et gentil, et n'avait que le vieil homme. Si les paroles de l'Ecriture ont quelque sens, l'église n'a existé que depuis la Pentecôte, lorsque Christ, exalté comme Tête sur toutes choses, à la droite de Dieu, eut envoyé le Saint Esprit pour rassembler les siens en un seul corps, sur le principe de la foi. Tous les hommes, je le répète, ont été sauvés par le même moyen; mais tous ne sont pas assemblés de même; or le mot église signifie assemblée.

Que le lecteur prenne en considération le double caractère de l'église; d'un côté, elle est le corps de Christ; de l'autre, elle est l'habitation de Dieu. La confusion entre ces deux choses a donné naissance au papisme et au puseyisme qui attribuent les privilèges de la première de ces choses à ceux qui ont part à la seconde.