Sur la sanctification

 ME 1872 page 329 - Darby J.N.

 

Cher frère,

On demande:

  1.  Si la sainteté de Christ est comptée, comme la justice?
  2.  Si, lorsque les chrétiens sont appelés «saints», dans l'Ecriture, celle-ci a en vue une sainteté de relation ou une sainteté pratique.

 

I.  La première question n'est pas exactement définie, car on y parle de la sainteté de Christ, puis de la justice, sans dire de Christ, en sorte qu'on ne sait trop si on veut simplement parler de justice, ou de la justice de Christ. La parole dit toujours simplement, ou: «la justice est comptée», ou: «la foi est comptée à justice»; elle ne dit pas: «la justice de Christ». Mais je répondrai à la substance de la question et non à la forme.

La sainteté de Christ n'est pas imputée. Un seul passage, savoir 1 Corinthiens 1: 30, pourrait à première vue prêter à cette pensée; mais le passage ne parle pas d'imputation, — car il n'est pas possible d'imputer la rédemption, dont il est pourtant question dans ce verset. La sainteté de Christ ne nous est donc pas imputée. C'est en Christ et par Christ que ces choses se trouvent, selon la volonté de Dieu; comment? — cela n'est pas dit. Mais, «nous sommes de Dieu», notre nouvel homme vient de Dieu, en Christ; — puis, «Christ nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption…». Nous ne pouvons pas trouver ces choses ailleurs; le vrai caractère de notre sagesse, de notre justice, de notre sainteté chrétienne, de notre rédemption, ne se trouve qu'en Christ et en Christ seul. Quand je possède Christ, je possède en Lui la sagesse de Dieu et tout le reste; et je ne cherche pas ailleurs toutes ces choses: Lui est «ma justice devant Dieu:» je suis considéré comme juste selon la justice de Dieu par la foi en Christ. Si je cherche la vérité, la somme et le divin caractère de la sainteté, je ne les trouverai qu'en Christ. Cette sainteté m'est présentée de la part de Dieu en Christ. En Christ seul enfin est aussi «la rédemption», la rédemption finale pour entrer dans la gloire.

Ici, avant d'aller plus loin, il est nécessaire de faire remarquer la différence qu'il y a entre les divers mots employés dans le Nouveau Testament pour sainteté ou sanctification. Ag±osunj (haghiosunê) est la chose elle-même, l'habitude (Romains 1: 4; 2 Corinthiens 7: 1; 1 Thessaloniciens 3: 13); ƒg±otjz (haghiotès) Hébreux 12: 10, est la sainteté en Dieu lui-même; ƒgismov (haghiasmos) que nous avons 1 Corinthiens 1: 30, est le résultat opéré, la somme de ce qui est produit en nous par l'Esprit saint. Or, Christ en est la forme, la mesure, la perfection. Et, en tant que nous possédons Christ comme vie, nous possédons cette sainteté: la vie que nous possédons est une vie parfaitement sainte; et, en tant que nous sommes en Christ, Dieu ne voit pas le péché en nous. Mais Christ lui-même, comme nous l'avons déjà dit, est l'expression parfaite du caractère, de la somme de sainteté dans l'homme. Mais bien que la vie qui est en nous soit sainte, le résultat en nous dans les pensées, les actes, les paroles, et dans toutes les relations, n'est pas produit dans sa perfection. Or nous ne voulons pas réduire la mesure, mais chercher à l'atteindre. Cette perfection est nôtre en Christ, mais elle ne l'est point encore dans la pratique et dans l'état de la personne. L'homme nouveau est saint, et il désire que tout, dans toute sa manière d'être, réponde au modèle qu'il connaît en Christ. Dans la vie d'ici-bas le résultat n'est pas obtenu; mais le chrétien n'a pas d'autre modèle et d'autre réalité de la sanctification ou de la sainteté pour son âme, que Christ lui-même. Christ est pour lui de la part de Dieu la réalité de ce qu'il désire; car Christ, qui est son modèle, est déjà sa vie.

 

II.  La réponse à la première question fournit la réponse à la seconde. Il est vrai que Dieu nous voit en Christ; et il n'aperçoit que le nouvel homme, quand il s'agit de notre acceptation: «Il n'a pas aperçu d'iniquité en Jacob, ni vu de perversité en Israël» (Nombres 23: 21). Mais l'Ecriture ne parle pas de notre sainteté en Christ. La vie que nous avons reçu est parfaitement sainte, et ce n'est pas moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi. Mais ici nous rencontrons deux vérités qui ont besoin d'être mises en lumière.

1°  Si Christ est notre vie, nous pouvons être considérés comme étant consacrés a Dieu, mis à part pour Lui, selon le droit qu'il possède par l'oeuvre de la rédemption et la grâce qui nous a acquis pour Lui, personnellement, entièrement consacrés à Lui. Ainsi nous sommes personnellement sanctifiés, mis à part pour Dieu; mais, en fait, toutes nos pensées, toutes nos intentions n'ont pas Christ pour objet; et ainsi de fait, nous ne sommes pas parfaits dans la sanctification. Dans la sanctification personnelle, il n'y a pas progrès; nous sommes entièrement à Christ selon la valeur de son oeuvre et le droit qu'il a sur nous et selon la vie sainte qui est le vrai moi du coeur. Mais Christ étant la parfaite expression de cette vie dans l'homme, il nous manque beaucoup en nous quant à cette perfection, et par l'opération de l'Esprit saint, nous devenons, ou du moins nous devrions devenir, regardant à Christ glorifié, toujours plus semblables à Lui, plus saints, quant à la sainteté pratique. Nous possédons donc la «haghiosuné», par notre vie en Christ, mais non pas le «hafjhiasmos», c'est-à-dire le résultat pratique, tel qu'il a été manifesté en Christ. Ce résultat se développe journellement par la communion avec Christ.

2°  Le second principe qu'il est nécessaire de faire remarquer est celui-ci: ce n'est pas toute la vérité, que nous ayons reçu une nouvelle vie en recevant Christ. Le Christ que nous recevons a été crucifié; il est mort; il est ressuscité. Ainsi je me tiens pour mort, et je tiens le vieil homme pour crucifié, pour non existant, bien qu'il existe encore toujours. La doctrine sur ce point nous est donnée, selon l'autorité et le vérité de Dieu, dans Colossiens 3: 3: «Vous êtes morts»; l'estimation de la foi dans Romains 6: 11: «Tenez-vous vous-mêmes pour morts;…» la réalisation dans 2 Corinthiens 4: 10: «Portant toujours, partout, dans le corps la mort de Jésus». Comparez Galates 2: 20; Romains 6: 6; 7: 6; Galates 2: 19 («par la loi, je suis mort à la loi») et 6: 14. Ainsi nous sommes morts au péché, à la loi, au monde, crucifiés avec Christ, tenus pour morts selon la parole de Dieu, et nous tenant pareillement pour morts. Notre devoir est de réaliser cette vérité, afin que rien, si ce n'est la vie de Christ, ne soit manifesté dans nos corps, notre chair mortelle, — que notre vie tout entière soit la manifestation de la vie de Christ en nous, et de rien d'autre. On comprend aisément le rapport qu'il y a entre cette vérité, et la sainteté dans notre relation avec Dieu, et dans la pratique.

La troisième question se présente ainsi déjà devant nous.

 

III.  Le chrétien est appelé saint, par ce qu'il est mis absolument, à part pour Dieu, et cela selon le droit, acquis sur lui par Christ, par sa mort, et réalisé quand un homme est né de nouveau et ainsi mis à part dans la réalité de la chose, — et plus parfaitement et avec plus d'intelligence, quand il est scellé du Saint Esprit en tant que purifié de ses péchés par le sang de Christ. Alors il est sanctifié dans sa relation avec Dieu, et, de fait, quant à l'homme nouveau; et comme nous l'avons vu, le vieil homme est tenu pour mort. Ainsi, quand les chrétiens sont appelés «saints», ce mot «saint» est bien l'expression d'une relation avec Dieu; mais cette relation est formée par le don de la vie, et fondée sur l'acquisition que Christ a faite d'eux par sa mort. Mais il n'y a pas d'autre relation; et quand un homme se dit chrétien, il se dit saint, consacré à Dieu, mis à part du monde pour Dieu. C'est Dieu aussi qui a voulu qu'une Eglise se formât sur la terre; et tous ceux qui sont admis dans l'Eglise selon les ordonnances de Dieu, sont appelés «saints». Ils se trompent eux-mêmes horriblement, s'ils n'ont pas la vie; mais d'après leur propre profession, ils sont «saints:» telle est leur relation avec Dieu quant à leur position. Mais quand la parole de Dieu dit «Saints», elle suppose bien qu'ils sont réellement nés de nouveau et sanctifiés par le Saint Esprit, sauf la possibilité d'une fausse profession. Le mot «saint» est donc le nom d'une relation, c'est-à-dire qu'un homme est mis à part pour Dieu; mais cette relation, si elle est vraie, se forme par la puissance du Saint Esprit et par la Parole, selon l'ordre voulu de Dieu pour la manifestation extérieure de cette relation dans le monde.

Il vaut la peine de remarquer encore, en traitant ce sujet, que la sanctification est attribuée aux trois personnes de la Trinité. «Sanctifiés en Dieu le Père» (Jude 1: 1; Hébreux 10: 10); — Sanctifiés par l'offrande du corps de Jésus Christ; «afin qu'il sanctifiât le peuple par son propre sang» (Hébreux 10: 10, 29; 13: 12); — «dans la sanctification de l'Esprit» (2 Thessaloniciens 2: 13; 1 Pierre 1: 2).

La sanctification est ainsi envisagée sous divers aspects: elle est selon les conseils et la volonté de Dieu le Père, par l'offrande de Christ pour acquérir les âmes, par la puissance du Saint Esprit qui les met à part de fait, et, nous pouvons ajouter, par la Parole comme moyen employé par le Saint Esprit.

Il est important aussi d'attirer l'attention du lecteur sur l'emploi du mot «sanctification» ou «sainteté» dans l'épître aux Hébreux. Cette épître ne parle jamais de la sanctification par le Saint Esprit, mais de la volonté de Dieu, dans le sacrifice de Christ et par son sang, parce que Christ est mort pour la nation (Jean 11: 51), et tous ceux qui faisaient profession de recevoir Jésus pour le Christ, étaient regardés comme étant partie du peuple qui appartenait à Dieu par l'offrande de Christ, non qu'il ne s'agisse pas ici de la véritable valeur de l'offrande pour ceux qui croyaient, mais le peuple sanctifié par le sang de l'alliance est toujours en vue, et non l'opération du Saint Esprit dans l'individu.

Les saints donc, dans le Nouveau Testament, sont considérés comme étant entrés dans une nouvelle relation avec Dieu, et cela par le sang de Christ, — mis à part pour Dieu selon l'ordre de Dieu; mais la Parole suppose toujours que cette relation est fondée sur la réalité, sauf à démontrer sa fausseté. Seulement, quand la Parole parle de la sanctification par le sang de Christ, elle donne à cette expression un sens plus général, plus extérieur, la chose toutefois étant tenue pour vraie, si le contraire n'est pas démontré. Les chrétiens sont appelés «saints», Romains 1: 7; 1 Corinthiens 1: 2; mais dans le chapitre 10 de cette même épître aux Corinthiens, il est supposé qu'une ou plusieurs personnes aient pu être admises dans la relation, sans la possession de la vie.

Puisqu'il existe quelque confusion dans la pensée de plusieurs relativement au progrès dans la sanctification, j'ajouterai que, dans la mise à part pour Dieu par le sang et par la nouvelle naissance, à l'entrée dans la relation, — autrement dit, dans la sanctification de la personne, — il n'y a pas progrès; mais dans le développement de la vie par la connaissance de Christ et dans la conformité au modèle révélé en Christ, la Parole parle clairement de progrès: «Poursuivez», dit-elle, «la sainteté» (Hébreux 12: 14). «Nous sommes transformés dans la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit» (2 Corinthiens 3: 18). «Or le Dieu de paix lui-même vous sanctifie entièrement» (1 Thessaloniciens 5: 23).

Le Nouveau Testament donc, parle de la sanctification de ces deux manières, et quand il parle de la sanctification et de la justification ensemble, la sanctification est placée la première et employée, non dans le sens de la sanctification progressive, mais dans celui de la mise à part pour Dieu.

J'ai parlé à un point de vue tout à fait pratique, sans toucher à la responsabilité pratique de ceux qui se trouvent dans la profession chrétienne sans réflexion. Tous les baptisés, quant à leur position, sont responsables et devraient être réellement saints; ils sont extérieurement mis à part pour Dieu. Mais je ne m'occupe pas maintenant de l'état de l'église; je m'occupe simplement de ce qu'est la sanctification ou la sainteté selon l'Ecriture. Les enfants d'un chrétien ou d'une chrétienne sont appelés «saints», en contraste avec les enfants d'un Juif, qui, si la mère était gentile, étaient rejetés comme impurs et comme indignes des privilèges juifs: mais, je le répète, ce n'est pas le sujet qui m'occupe ici.