Votre péché vous trouvera certainement

Nombres 32: 23 – ME 1872 page 412

 

La force d'une chaîne, ou le degré de confiance qu'on peut avoir en elle, dépend du plus faible de ses chaînons. S'il y a un seul chaînon faible, alors même que tous les autres seraient forts et en parfait état, quand le choc vient, le chaînon faible est la mesure de la force de la chaîne toute entière. Chaque homme aussi a quelque côté particulièrement faible, et dans lequel la force ou la volonté propre de sa nature se trahit. Plusieurs ne savent pas quel est en eux ce côté faible, et en général sans en avoir l'intention positive, on le tient systématiquement caché. La naïveté de l'enfance le laisse percer; mais arrivés à un âge plus mûr, peu d'hommes reconnaissent candidement leur passion dominante, qui est toujours, je n'ai pas besoin de le dire, l'égoïsme sous une forme ou sous une autre. Dans cette passion dominante gisent tout particulièrement la volonté propre et la force de la nature de chacun; et ainsi, tandis que c'est là qu'il est le plus nécessaire de «souffrir en la chair», c'est là que se portent au contraire tous les efforts de la nature, pour éloigner la souffrance. Ainsi, il y a d'un côté le dessein de Dieu par la grâce, de mortifier la passion dominante, et de l'autre, toute l'énergie de la chair qui veut l'épargner: on tentera même souvent, ou même on souffrira tout, afin de cacher ou d'excuser cette idole, car c'est une idole, comme tout ce qui gouverne le coeur et la vie plutôt que Dieu.

Chacun a, naturellement, son idole, quelque chose qui lui est aussi cher que sa propre vie: pour l'un c'est sa réputation; pour un autre, sa position, sa fortune, quelque goût particulier; — et tous les efforts sont employés pour s'en assurer la possession.

Or la discipline à laquelle chaque chrétien qui marche avec le Seigneur est soumis, est le meilleur moyen de lui apprendre qu'elle est sa passion dominante ou son idole, car c'est sur ce point particulier que le Seigneur amène toujours la mort d'une manière ou d'une autre. D'un côté, il y a l'énergie de la chair, qui cherche à sauver, pour ainsi dire, son souverain; de l'autre, il y a le Seigneur agissant d'une manière ou d'une autre, afin de tenir en échec, de miner et de détruire ce lieu fort de la chair. Bien des gens, peut-être, pensent qu'ils n'ont pas de volonté propre particulière, et leurs caractères et leurs habitudes ne vous laissent rien apercevoir qui les trahisse à cet égard; mais si nous observons la nature et le caractère des voies de Dieu envers nous, nous découvrirons certainement ce à quoi Dieu en veut en nous; et si nous nous soumettions vraiment à la correction et à l'effet qu'elle a en vue, nous aurions un sentiment joyeux de délivrance, ou tout au moins une ferme conviction quant au motif pour lequel elle nous est dispensée, et nous nous tiendrions par conséquent, en garde contre ce côté faible. S'il y a dans quelque recoin de mon coeur quelque désir que je n'ai pas osé m'avouer à moi-même, plus je serai près du Seigneur, et plutôt je le découvrirai; mais, comme nous le voyons chez Paul, quand il est revenu du troisième ciel où il avait été ravi, il ne connaît pas le désir caché ou la tendance qui existait en lui, c'est-à-dire dans sa chair, jusqu'à ce qu'il ait été amené à s'adresser au Seigneur à cause de «l'écharde en la chair». La passion dominante, quoique souvent supprimée ou presque mortifiée dans un ordre de circonstances, se ranime dans un autre ordre, qui en quelque manière favorise son retour; de sorte qu'il faut que, dans chaque ordre de circonstances, il y ait mortification, pour qu'on soit préservé de perte et de dommage. C'est là où la chair est la plus active, qu'il est plus nécessaire que la mort intervienne premièrement, et les voies de Dieu à notre égard sont toujours dirigées vers ce but. Mais si nous résistons à la discipline de Dieu, et que pendant des années même nos goûts naturels et notre volonté se soient peut-être déguisés néanmoins, n'ayant pas été mortifiés, ils trouveront l'occasion de se montrer, et le péché de cet homme le trouve, comme Moise en avertit les deux tribus et demie, Nombres 32: 23.

Les âmes n'ont pas généralement un sentiment de la justice présente de Dieu, et du fait que Dieu pèse les actions; elles s'imaginent trop facilement que si elles échappent pour le moment, elle sont définitivement délivrées. Mais si nous observons notre propre histoire, ou que nous connaissions bien celle d'autres personnes, nous reconnaîtrons que maintenant Dieu juge selon l'oeuvre de chacun. Si j'épargne ma chair, et que je rejette la discipline du Seigneur, je succomberai tout à coup, sans qu'il y ait plus de remède.

La première chose qu'un saint apprend, quoiqu'il ne puisse pas toujours s'en rendre compte c'est qu'il y a en lui ce qui convoite contre l'Esprit (Galates 5: 17). Il peut ne pas savoir discerner la forme particulière de la convoitise de sa chair, mais, dès qu'il a en quelque mesure le sentiment de la nouvelle nature qu'il possède, il sent aussi qu'il n'a point de puissance en lui-même pour agir selon les instincts de cette nature; ses bons désirs restent sans effets; ils ne peuvent pas soumettre la chair, ni la forcer à leur céder. L'Esprit de Dieu est la seule puissance qui soit capable de rendre efficaces les saints désirs de la nouvelle nature. «L'Esprit est prompt, mais la chair est faible». La résistance ou l'incapacité que le saint rencontre en lui-même, lorsqu'il veut agir selon les désirs de la nouvelle nature, lui fait sentir la puissance de la chair, — de son idole, ou de sa passion dominante. L'idole n'aime pas à se voir jetée dehors, et elle cherche à résister et à suivre son propre chemin. La plaie de notre coeur est celle dont il est le plus difficile d'être délivré, et elle est la première à faire valoir ses droits. Je ne pense pas, je le répète, qu'un saint puisse toujours dire dès l'abord en quoi elle consiste, mais il a le sentiment pénible qu'il y a en lui quelque chose qui résiste et que si cette convoitise ou cette idolâtrie qui se fait sentir était mortifiée, il se trouverait soulagé, — non qu'il arrive immédiatement à cette conclusion, mais quand il y arrive, il éprouve du soulagement.

Ayant donc en moi le sentiment d'une résistance intérieure, bien que je ne puisse pas toujours définir quelle forme particulière d'égoïsme elle revêt, je trouve que Dieu dans ses voies et dans sa discipline envers moi, m'arrête toujours de nouveau, et me tient en échec d'une manière que je sens très vivement. Je sens le plus vivement, cela va sans dire, là où la chair est la plus vivante.

Il y a deux choses qui indiquent quelle est notre passion dominante: l'une la résistance intérieure à la grâce de Dieu, l'autre, la souffrance que j'endure par la discipline par laquelle Dieu me fait passer. Or l'esprit de Dieu est toujours là, prêt à montrer sa puissance, et à m'apprendre comment je dois marcher en présence des deux choses dont je viens de parler. Il convoite contre la chair (Galates 5: 17); il ne veut rien tolérer de sa part. Sa volonté à lui est en opposition directe avec elle et voudrait faire servir la discipline à mortifier la chair, afin que sa victoire fut complète.

Un chrétien qui marcherait par l'Esprit s'appliquerait donc à résister à ce qui satisfait sa chair. Le fait seul que celle-ci est satisfaite par une chose, serait suffisant pour la lui faire refuser; car cette satisfaction lui dit assez quelle est la nature de cette chose, et le danger qu'elle lui fait courir. Il sentirait combien il a besoin de veiller en tout temps sur lui-même et de recevoir l'instruction du Seigneur dans sa discipline. Or s'il marche par l'Esprit il sera maintenu dans cet utile et saint exercice. Si au contraire, comme Pierre, il rejette le conseil de la Parole, il se trouvera un jour ou l'autre au milieu de circonstances aux difficultés desquelles il ne sera pas préparé; et alors quand il sera assis se chauffant au feu (Marc 14: 54, 57), son péché le trouvera. Pierre aimait à diriger, et il y était appelé; mais il faut que sa chair soit brisée d'abord, avant qu'il puisse être un vaisseau de Christ.

C'est seulement lorsque nous marchons par l'Esprit que nous n'accomplissons pas la convoitise de la chair (Galates 5: 16). L'Esprit est la seule puissance qui puisse nous, garantir des invasions de la chair. Chaque jour a ses difficultés et ses tentations particulières; et si nous ne marchons pas par l'Esprit, et qu'avec le sentiment de notre faiblesse nous ne demeurions pas dans la dépendance de Dieu, notre péché nous trouvera. Abraham n'a pas de foi pour demeurer dans le pays quand la famine le visite; mais son coeur est enseigné sous la main de Dieu, et dans sa faiblesse il apprend à dépendre de Dieu; et quand il revient dans le pays, ainsi relevé, il laisse à Lot le choix du pays, et lui demeure en Canaan (Genèse 13). Lot, au contraire, ne s'est pas jugé lui-même et n'a pas appris sa faiblesse; c'est pourquoi il cherche ce qui lui plaît, la belle plaine arrosée du Jourdain, et en dépit du châtiment et de l'affliction qu'il attire sur lui, là où il s'est établi, il ne s'humilie pas sous la discipline, mais raidit son cou; — et à la fin son péché le trouve.

Nous avons peu d'idée combien nous méprisons la discipline du Seigneur, combien nous avons de peine à abandonner l'idole qui est établie dans notre coeur. Ce n'est souvent qu'après de longues années que tout est mis à découvert, et que le coeur repentant est forcé de se dire: j'ai été averti de ce mal; j'ai été repris et châtié à son sujet, il y a déjà bien longtemps. L'homme, toujours comme au premier jour d'Eden, abandonne la parole pour satisfaire son moi; et s'il a fait ainsi dans l'état d'innocence, combien plus le fera-t-il une fois qu'une volonté propre et un mauvais esprit le poussent à persévérer dans un chemin de péché. Pierre ne tint pas compte de la parole du Seigneur, — non pas qu'il le fit avec intention; mais il ne fit pas attention à la parole de Jésus. Lot était peu soucieux de son appel; son coeur et ses pensées étaient tournés d'un autre côté: il recherchait son avantage présent.

Il y a trois classes de chrétiens. L'une qui n'a jamais tenté d'abandonner le monde, ni n'en a eu l'intention; ceux qui font ainsi tombent dans le désert. L'autre qui, comme Abraham, quoique bronchant, a poursuivi avec persévérance et fidélité, un sentier de séparation, et une marche céleste. La troisième enfin, qui a bien commencé, mais qui, comme Lot, s'est égarée par l'appât des choses présentes. C'est cette dernière classe que j'ai plus particulièrement en vue dans ces lignes. La première se montre ce qu'elle est dans toutes ses voies; — elle veut conserver ce que le monde offre d'agréments, les raffinements de la civilisation, les arts, la toilette: et son péché la trouve; celui qui est ainsi, n'a pas de foi pour entrer dans le pays, pour marcher comme un homme céleste. Ceux qui forment la seconde classe sont gardés par la puissance de Dieu. — Enfin ceux qui appartiennent à la troisième, quelque beaux et pleins de promesses que soient leurs premiers pas, comme un lièvre chassé, retournent au champ dont ont les avait fait sortir; ils retournent à la vanité, aux plaisirs, à la toilette et à tout ce que recherche le monde, leur coeur n'ayant jamais jugé ces choses qui y ont toujours conservé une place; — et leur péché les trouve. C'est ainsi que s'expliquent des mariages mal assortis, des liaisons fâcheuses et autres choses du même genre. La tendance de la nature est nourrie et encouragée; le lien est formé par ce qui satisfait l'égoïsme, et non par ce qui serait vraiment un secours pour nous. On se trouve engagé ainsi dans des liaisons et des circonstances qu'à une certaine époque on avait fortement blâmés. La plus complète connaissance de notre position, et les plus profonds exercices d'âme à son égard, ne peuvent nous garantir si nous négligeons la parole de notre appel. Jacob est retourné dans le pays, il est à sa place; il a passé par la nuit de lutte et a reçu le nom d'Israël, et cependant parce qu'il n'a pas jugé sa passion dominante, qui est de faire des plans et de chercher son avantage contrairement à son appel, il s'établit à Succoth, et le chagrin et la violence l'y atteignent (Genèse 33).

La vraie mesure de la force d'un homme, c'est-à-dire de sa dépendance de Dieu, se manifeste un jour ou l'autre; et il arrive souvent, quelque triste que ce soit, que la chose n'a lieu qu'au lit de mort, et qu'alors, l'âme doit passer par la lutte avant que la lumière sans nuages de la présence du Seigneur la remplisse et la réjouisse.

Que le Seigneur nous enseigne à veiller pour prier, en nous attendant paisiblement à lui, assurés dans nos coeurs que ses yeux voient, et que ses paupières sondent les fils des hommes, et qu'au temps propre nous moissonnerons, si nous ne défaillons pas. D'un autre côté, il deviendra manifeste partout, et à l'égard de chacun, que «celui qui sème pour la chair moissonnera de la chair la corruption» (lisez Galates 6: 7 et suivants).